Textes de la FEN et de l'UNSA, parus dans "FEN Hebdo" du 20 décembre 1995, sur les positions et revendications de la FEN et de l'UNSA face aux propositions de François Bayrou pour l'enseignement supérieur et la recherche.

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Média : FEN Hebdo

Texte intégral

L'Enseignement supérieur doit encore progresser

Quand nous l'avons rencontré le 1er décembre, le ministre a répété « toute mesure d'urgence doit s'inscrire dans la perspective d'une réforme qui traitera les problèmes de fond ». D'accord sur cette approche, nous avons souligné toutefois que le crédit des discussions de fond était gagé sur des mesures d'urgence clairement chiffrées, datées et situées à la hauteur des difficultés que connaissent les établissements d'enseignement supérieur.

Des mesures d'urgence

Sur ce point, il nous a répondu le 3 décembre (voir ci-contre). Deux milliards d'autorisations de programme pour l'aménagement et la mise en sécurité des locaux, 369 millions de crédits de fonctionnement ; c'est bien ; c'est moins que la demande de l'intersyndicale (voir ci-contre)

Pour ce qui concerne les créations de postes, l'effort est réel. Les propositions triplent celles qui étaient inscrites dans la loi de finances. Elles ne suffiront pourtant pas à rattraper les retards accumulés sur la croissance des effectifs d'étudiants qui se sont aggravés pendant les années d'étiage de 1994 et 1995. Des interrogations importantes existent encore quant à la ventilation de ces postes. Les précisions relatives aux postes d'enseignants sont alarmantes : les enseignants-chercheurs sont la portion congrue.

Du flou sur le fond

Sur les problèmes de fond, la réponse du ministre est plus floue et plus ambiguë. Il nous refait le coup du « nouveau contrat pour l'école » dont chacun a pu mesurer l'écart immense entre l'ampleur grandiose des effets d'annonces et l'exiguïté des dispositions réellement prises, sans compter l'inanité du financement de la plupart. Instruits d'expérience, nous redoublerons de vigilance, même si, cette fois encore, nous répondrons à l'offre de discussions qui nous est faite. De là à accepter d'être coresponsables de l'organisation « d'États Généraux » dont le ministre tirera toutes les ficelles… nous n'aurons pas cette naïveté.

D'ailleurs celui-ci est resté totalement muet sur le sens qu'il donne à ces « États généraux » et à la loi de programmation qui devrait en découler. S'agit-il, comme nous le demandons, de définir les objectifs de l'enseignement supérieur maintenant qu'il est devenu un enseignement de masse, et d'en tirer toutes les conséquences : contenus, structures, financement, politique sociale… ? Le silence ministériel sur les contrats quadriennaux entre l'État et les établissements en cours de renouvellement et sur une politique de l'emploi universitaire – n'inclinent pas à l'optimisme – Craignons que le ministre qui privilégie toujours les contacts informels sur la consultation des institutions représentatives, une fois encore, ne brasse beaucoup d'air.

Les propositions de François Bayrou

1 – Crédits de fonctionnement (36.11) Un supplément de 369 millions de F (au lieu des 200 millions prévus précédemment) fera l'objet d'un amendement à la loi de finances, notamment pour compenser les exonérations de droits d'inscription des boursiers. Le ministre a rappelé que la loi de finances avait déjà prévu d'abonder le 36.11 de 170 millions de F (total : 5 milliards 377 millions environ).

2 – Aménagement et mise en sécurité des locaux. Plan sur deux rentrées à partir de 1996 à hauteur de 2 milliards de F (autorisation de programmes). Dès janvier 96, 500 millions de F disponibles en crédits de paiement, pour travaux d'urgence.

3 – Postes d'enseignants-chercheurs et d'enseignants – 1 262 créations de postes viennent s'ajouter aux 738 déjà prévues par la L.F., soit au total 2 000.

Nature des postes : au moins 262 de ces postes seront des postes de MC qui viennent s'ajouter aux 450 déjà prévus par la L.F., soit au total 712, 132 PAST + 1 150 PRAG. Certaines universités, pour lesquelles un certain nombre de PRAG sont prévus, pourront indiquer au ministère qu'elles préfèrent des créations de MC.

NB : 1 000 postes correspondent à une conversion d'HC, mais les universités, selon le ministre, pourront compenser en utilisant les crédits de fonctionnement (plan d'urgence qui leur serait propre). Avant la rentrée prochaine, le ministre prend l'engagement de faire évoluer le statut et les obligations de service des PRAG pour leur permettre d'entreprendre ou de poursuivre des travaux de recherche.

4 – Postes d'IATOSS – 1 700 créations de postes viennent s'ajouter aux 300 déjà prévues, soit au total 2 000 (le ministre remarque que c'est la première fois que le nombre de créations d'IATOSS est égal à celui des postes d'enseignants-chercheurs et d'enseignants). Poursuite de l'effort de requalification, c'est-à-dire nombre appréciable de A et de B.

5 – Les États généraux : souhait que chacune des organisations accepte d'être coorganisatrice de ces États généraux. Lors de la « table ronde », le ministre a été fort peu explicite sur les thèmes (excepté la mention du statut social de l'étudiant). Dans son propos liminaire, il n'a même pas repris ce qu'il avait dit à la délégation de la FEN.

6 – Loi de programmation budgétaire : elle ne viendra qu'ensuite à l'issue du processus de concertation conduisant aux États généraux. Dans son propos liminaire, il a parlé un réengagement d l'État à la hauteur des besoins.

7 – Propos complémentaires : outre l'insistance sur la commission de suivi des dépenses (silence sur sa composition, mais une réponse orale de Forestier indique que nous pourrions être appelés à y participer), les Universités sont invités à mobiliser ce qui peut l'être dans leurs « réserves » et à faire appel aux collectivités locales. La déclaration écrite et lue par le ministre ne disant pas un mot de la Fac Pasqua : devant les protestations de l'assemblée, le ministre a dit que le sujet serait mis à l'étude (table ronde ou commission ?).

Ce document résulte à la fois de la déclaration écrite et lue par le ministre et des précisions techniques communiquées par l'état-major du ministre à l'issue de la table ronde, au cours d'une réunion technique que nous avons demandée.

Pour la sauvegarde et l'amélioration du Service public

Simultanément au conflit global autour de ce qu'il est convenu d'appeler le « Plan Juppé », aux résultats de l'action de la FEN et de l'UNSA, aux conséquences et prolongements à en tirer, il faut noter l'existence d'un fort mouvement concernant les universités.

Le conflit ouvert par le Premier ministre le 15 novembre a rencontré un mouvement social plus profond sur fond de crise sociale qui s'exprimait aussi dans les manifestations d'étudiants et de lycéens déclenchées à la rentrée universitaire que la FEN et ses syndicats ont appuyées et que n'ont pas apaisées les propositions, pourtant appréciables, faites par le ministre de l'Education nationale le 3 décembre.

La méthode suivie par le ministre n'a pas été la meilleure : inertie, manoeuvres de diversions, puis dans la précipitation, des propositions sans même une discussion sur la mise en oeuvre, les répartitions, sans clarté sur les financements.

Les premiers fruits des actions conduites sont toutefois une bonne base de négociation dans le domaine des crédits de fonctionnement et des autorisations de programmes pour la remise en sécurité des bâtiments et des installations et dans le domaine des postes d'IATOSS. L'absence de négociation sur le ciblage de ces postes laisse subsister beaucoup d'interrogations voire d'inquiétudes pour les établissements et les catégories les plus défavorisées tant la notion d'IATOSS est large. Pour ce qui concerne les postes d'enseignants-chercheurs, en revanche, les propositions sont inacceptables en leur état actuel, le nombre de postes créés serait insuffisant pour encadrer normalement les nouveaux étudiants attendus à la prochaine rentrée, 2 postes sur 3 ne sont pas des postes d'enseignants-chercheurs, ce qui conduit à dénaturer la mission et la spécificité de l'enseignement supérieur où, pour l'essentiel, doivent enseigner ceux qui participent à la création du savoir.

En attendant une préparation réellement concertée des contrats quadriennaux en cours de renouvellement et les adaptations propices à une meilleure réussite des étudiants, la FEN-UNSA demande au ministre de la recevoir sans tarder à propos du conflit en cours pour que le Service public de l'enseignement supérieur soit sauvegardé et donc que les moyens humains des Universités atteignent partout, dès la rentrée prochaine, les normes minimales d'encadrement prévues par la grille de répartition (« San Remo »).

Au-delà de ces mesure d'urgence absolument indispensables, les contrats quadriennaux, les contrats de plan État régions, la préparation de la loi de programmation budgétaire, mais aussi des discussions sérieuses avec les organisations syndicales doivent permettre d'avancer sur les problèmes de fond en faisant évoluer de manière positive les enseignements supérieurs pour qu'ils puissent répondre à la demande croissante des jeunes, à leurs besoins ‘(statut social) et à ses nouvelles missions.

Texte adopté à l'unanimité – Paris, le 11 décembre 1995


Compte rendu de l'audience du 13 Décembre 1995 avec François Bayrou sur l'enseignement

Étaient présents avec le Ministre : MM. LEGALL et HARDOUIN

Étaient présents pour la FEN : Guy LE NEOUANNIC, Jean-Claude BARBARANT, Dominique LASSARRE

Pour SUP-RECHERCHE : Jean-Pierre MAILLES

Pour le SNPTES : Gérard MARIEN

pour AGIR : Jean-Yves ROCCA


Deux points ont été évoqués : la répartition des moyens du plan d'urgence et les suites prévues à ce plan.

Pour le Ministre, l'agitation universitaire s'est terminée avec son annonce des mesures du 3.12. Il ne prévoit pas d'attribuer quelque moyen nouveau.

1) Répartition des moyens nouveaux attribués à l'enseignement supérieur

En ce qui concerne les postes IATOSS, le directeur de l'enseignement supérieur, Christian FORESTIER, a mis au point avec la Conférence des présidents d'universités, un ensemble de critères (ratios) différents de la grille SAN REMO pour sept fonctions : scolarité vie de l'étudiant, assistance à l'enseignement, assistance à la recherche, administration générale, gestion financière, gestion des ressources humaines, logistique immobilière. En tout état de cause, le ministère choisira pour chaque université le calcul le plus favorable entre ces nouveaux critères et les critères SAN REMO.

Pour les crédits de fonctionnement comme pour les postes d'enseignants, les normes SAN REMO seront appliquées afin qu'à la rentrée 1996, aucune université ne soit dotée de moins de 80 % des normes pour les crédits et de moins de 85% des normes pour les postes. Le Ministre estime que les normes SAN REMO sont trop favorables aux scientifiques, mais il ne souhaite pas les remettre en cause pour l'instant.

La FEN a réitéré ses protestations concernant l'attribution de postes de professeurs agrégés (PRAG) au détriment des enseignants chercheurs. Le Ministre a précisé que cette décision est essentiellement conjoncturelle (plus d'urgence) et que le choix de PRAG est lié aux surnombres dans l'enseignement du second degré. Le plan d'urgence ne présage pas d'une souhaitable programmation des postes pour les 5 ans à venir. Par ailleurs le Ministre s'engage à programmer des recrutements, sur plusieurs années, pour toutes les catégories de personnels. Il s'engage à faire évoluer le statut des PRAG pour intégrer la recherche dans leur temps de service et à faire évoluer le statut des enseignants-chercheurs pour permettre une meilleure prise en compte de l'enseignement et des tâches administratives dans les carrières de ceux qui souhaiteraient faire moins de recherche.

D'autre part, le Ministre confirme qu'il compte revenir à l'égalité des universités (suivant des normes SAN REMO) en 4 ans et qu'il regrette que les contrats quadriennaux n'aient pas été respectés (« il aurait, lui, tenu des engagements pris »)

2) Consultations à venir

La FEN estime que les différents acteurs du système universitaire doivent rester à leur place. Elle ne souhaite pas être co-organisatrice des « États Généraux » sur l'enseignement supérieur ainsi que le Ministre le lui avait proposé.

Ces « États généraux » se tiendront au premier trimestre 1996. Ils traiteront dans un premier temps du statut de l'étudiant non pas sous l'angle de statut social, mais sur les pouvoirs donnés aux étudiants pour qu'ils s'investissent davantage dans la gestion de leur université. Par la suite, les « États Généraux » aborderont ce que le Ministre appelle « l'architecture » de l'université : la filière technique et la professionnalisation, l'accueil et l'orientation. La FEN souhaite joindre l'éducation permanente à ce dossier et le Ministre en a convenu.

Au cours de la discussion, le Ministre a précisé que les réflexions de la Commission FAUROUX seront versées au débat et qu'elles restent indépendantes des « États Généraux ». Aucune précision n'a été donnée quant à l'articulation de la Loi de programmation avec les schémas régionaux pour l'enseignement supérieur et le schéma sectoriel d'aménagement et de développement du territoire concernant l'enseignement supérieur. Notre question semble même avoir pris le Ministre au dépourvu.

En conclusion, les éclaircissements apportés quant à la répartition des moyens d'urgence devraient être confirmés lors de la séance plénière du CNESER du 19.12.95, il conviendra de les étudier avec soin. Mais l'organisation des « États Généraux » demeure confuse. Aucune véritable réponse n'est apportée quant à l'évolution des missions et des moyens affectés à l'ensemble des enseignements supérieurs.