Déclaration de M. Lionel Jospin, premier secrétaire du PS, sur la rénovation du PS, le bilan tiré par le PS sur la politique gouvernementale, la stratégie politique du PS et ses positions notamment vis-à-vis de la réforme de l'armée et du service national, Paris le 11 mai 1996.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Réunion du Conseil national du PS à Paris le 11 mai 1996

Texte intégral


Nous avons tous été frappés dans nos vies personnelles, dans notre action militante, dans notre réalité collective, dans nos souvenirs aussi, par le fait que ce mois de mai prenait forme pour nous d'une gerbe de commémorations et de souvenirs.

Le 1er mai, c'était la fête du travail, née d'une conquête des travailleurs contre la répression de ces mêmes travailleurs. C'était aussi la mort de Pierre BÉRÉGOVOY que nous avons commémorée.

Le 3 mai c'était le 60e anniversaire du Front populaire qui reste pour nous une référence historique forte.

Le 7 mai c'était le 10e anniversaire de la mort de Gaston DEFFERRE, et nous nous sommes retrouvés, plusieurs responsables nationaux, notamment le président du groupe à l'Assemblée, et moi-même, à Marseille ce soir-là. Le 8 mai, anniversaire de la capitulation de l'Allemagne nazie et de l'ouverture des camps de la mort.

Le 10 mai c'était le souvenir du 10 mai 1981, de la victoire, mais aussi le souvenir de François MITTERRAND. Nous avons senti à quel point des itinéraires individuels proches de nous se mêlaient à l'histoire sociale et politique de notre pays.

J'ai commencé à entendre ou à lire que nous, socialistes, vivrions dans la commémoration. Ce qui fonde notre engagement et ce qui motive le travail que nous accomplissons, notamment encore aujourd'hui, c'est la préoccupation du présent, de l'avenir ; c'est naturellement vers nos concitoyens, vers les hommes et les femmes vivants que nous nous tournons, et non simplement vers le passé et nos morts.

Au moment où certains veulent commémorer avec grand faste l'anniversaire du baptême de Clovis et faire comme si cela devait être à nouveau le baptême de la France, on nous pardonnera quand même d'avoir, sans honte, commémoré le 1er mai 1886 ou le 60e anniversaire du Front populaire, voire parler de François MITTERRAND.

Nous sommes à la fin de la première année du septennat de Jacques CHIRAC.

Les thèmes des défenseurs du pouvoir ou du pouvoir lui-même, visant à justifier cette année, sont de dire que, dans le retournement (on peut dire dans la tête à queue) de politique économique et sociale opéré sans vergogne, au lendemain même de l'élection, il n'y a que l'inévitable ralliement au réalisme. Les mêmes tentent de vanter l'audace dont, paraît-il, fait preuve le néo-gaulliste, Jacques CHIRAC, en politique extérieure.

Certains vantent la capacité réformatrice qu'aurait ce gouvernement en s'attelant aux problèmes de la protection sociale (nous les avions pourtant abordés avant) ou même en posant la question de la réforme de l'armée.

Enfin, les gazettes toujours indiscrètes, ravies de pénétrer dans les palais nationaux, nous vantent la simplicité émouvante du comportement présidentiel.

Notre analyse, notre argumentation, un an après, est sensiblement différente. Nous voyons, dans la campagne de Jacques CHIRAC, la négation électoraliste et systématique de la réalité, d'une réalité qui change. Il n'est pas juste de dire que Jacques CHIRAC ne pratique pas une autre politique, puisqu'il pratique en fait la politique de M. BALLADUR.

Nous voyons l'abandon de toute audace, de toute volonté en matière de lutte pour l'emploi ; un contresens économique qui l'entraîne à favoriser l'offre et les entreprises au moment où il faudrait favoriser la demande, demande que l'on va d'ailleurs affaiblir davantage par une nouvelle ponction annoncée sur les dépenses publiques ; certes, un ralliement, tardif, au thème de la maîtrise des dépenses de santé, mais avec des fautes majeures dans l'ordre de l'organisation de la sécurité sociale, notamment par la mise en cause d'éléments fondamentaux de la démocratie sociale, dans un pays où elle est si faible.

Nous constatons la paralysie, l'engourdissement de l'action gouvernementale dans des secteurs décisifs pour l'avenir du pays, en particulier, dans l'éducation et la recherche.

Et puis, au bout d'un an, nous pouvons surtout constater à quel point la manipulation de l'opinion publique opérée dans la campagne présidentielle et le retournement brutal, dont je viens de parler ont laissé des traces profondes : c'est le scepticisme, la désillusion, la tentation des extrêmes.

Notre analyse, semble-t-il, même si elle ne structure pas la pensée de nos concitoyens à l'identique, est relativement partagée par l'opinion fort sévère pour le pouvoir en place : réprobation précoce et sans précédent du Président de la République et du pouvoir, jugement négatif porte sur les principaux items de l'action du gouvernement.

Plus d'indulgence sans doute pour le Président de la République que pour le Premier ministre, tout simplement parce qu'une majorité de Français vient de l'élire (on ne se contredit pas si rapidement) et peut-être aussi parce que le Président de la République a finalement pris un parti de politique économique – que nous condamnons – mais par-là même, entraîne une certaine stabilisation, comme si l'incohérence, pendant quelques semaines, entre le discours de la campagne et la pratique gouvernementale avait créé plus d'incertitude.

Le nouveau tour de vis budgétaire qu'on nous annonce, et dont nous devrons examiner de près les modalités, doit être sévèrement critiqué par nous, surtout s'il frappe, comme on le dit, les dépenses sur l'emploi et sur le logement.

À l'occasion de ce premier anniversaire, de cette première année du septennat de Jacques CHIRAC, le Parti, ses responsables, se sont exprimés fortement. Une conférence de presse a été tenue au siège du Parti socialiste. Un bilan écrit a été élaboré et proposé aux journalistes.

Je me suis exprimé notamment dans une interview dans Libération. Ce contrepoint qui a été entendu était nécessaire.

De notre côté, nous poursuivons ce que j'ai appelé notre maturation. Une organisation meilleure du siège central du Parti socialiste est à trouver (un travail est en cours, conduit par Daniel VAILLANT, Alain CLAEYS, Jean-Pierre BEL, Henri PRADEAUX, et d'autres secrétaires nationaux) pour améliorer encore, compte tenu de la faiblesse de nos moyens notamment son personnel.

Le moment venu, sans doute avant l'été, nous ferons des propositions précises à la direction du Parti, au Bureau national.

Les relations entre la direction nationale et les fédérations se sont améliorées dans les deux sens, avec des mouvements physiques : venue de bureaux fédéraux au siège du Parti, tenue d'une première journée du secrétariat national en région, dans les Alpes-Maritimes.

Le siège central est au travail. Une multiplication de réflexions est engagée. Il faudra naturellement que tout cela débouche sur des propositions innovantes et applicables.

Nous gagnons des élections partielles, et je veux saluer celle de Michel BÉRÉGOVOY, dans un des cantons de Rouen.

Notre expression politique est en général cohérente et harmonieuse. Et je trouve que c'est un grand progrès que spontanément la plupart de nos responsables politiques s'expriment ainsi, d'autant que cela n'est nullement imposé. C'est le résultat, je pense, d'une volonté et peut-être d'un accord sur un certain nombre de points.

Il faut sans doute accroître notre capacité à proposer des matériels politiques, tracts quatre pages relativement simples, tournés vers l'argumentation, la conviction et le combat, pour permettre à nos militants d'être présents à l'extérieur, sur le terrain et pas simplement par l'utilisation des médias. Je demanderai au secrétariat national d'y travailler.

Nous sommes maintenant pleinement engagés dans le deuxième débat dont nous avions décidé la tenue, celui sur « les acteurs de la démocratie ».

Jack LANG qui en a la responsabilité vous a fait le point ce matin. Il travaille une première synthèse des textes qui émanent des quatre groupes de travail de la commission nationale d'élaboration.

La semaine prochaine, je mettrai en place avec lui la commission nationale d'élaboration qui coiffera les quatre groupes de travail.

Dans ce domaine aussi, celui des « acteurs de la démocratie », et sans doute avec plus d'aisance que sur le thème de la mondialisation qui se prêtait peut-être moins à des propositions concrètes, je souhaite que nous fassions des propositions fortes, des propositions que nous appliquerons si nous sommes au pouvoir.

Le 8 juin, dans un mois, nous aurons un nouveau Conseil national qui nous permettra d'intégrer les remontées des débats au sein du Parti des échanges qui auront eu lieu dans les « Assises départementales de la citoyenneté » qui doivent se tenir partout le 1er juin, et dont Jean-Christophe CAMBADELIS a le souci de l'orchestration.

Je vous demande donc à tous, premiers secrétaires fédéraux, membres du Conseil national, de faire en sorte que ces assises départementales se tiennent bien partout et qu'elles soient une réussite.

Ce Conseil national adoptera les textes qui seront soumis ensuite au débat et au vote des militants.

Je n'aborderai pas aujourd'hui le fond du problème, même si Jean-Luc MÉLENCHON a choisi d'anticiper en présentant un document lors de l'ouverture de la discussion générale.

J'évoquerai cependant une question parce que je l'ai déjà entendue dans sa bouche et qu'il vient de la reformuler comme une proposition c'est l'idée que nous devrions nous battre sur le thème d'une cohabitation de combat. Moi, je vous le dis très clairement, je n'ai pas l'intention de reprendre cette formule à mon compte.

Je ne suis pas prêt a priori – mais ce débat peut avoir lieu entre nous, et peut-être plus utilement, d'ailleurs, dans des échanges presque individualisés en quelque sorte – à théoriser sur l'idée d'une cohabitation qui durerait quatre ans, au bout de trois ans, plutôt qu'une cohabitation qui durerait deux ans après une législature, encore que je vois bien les différences qui existent. Les théoriser trop rapidement sans un échange entre nous ne serait pas utile à mon sens.

Surtout je ne vois pas l'intérêt pour nous, dans notre langage collectif, face au Président de la République, de dire que nous nous préparerions à une cohabitation de combat, parce que les circonstances seraient différentes et que la théorie même de la cohabitation devrait être changée.

Si nous gagnons les élections législatives, ce qui n'est pas encore fait aujourd'hui, je compte simplement sur la cohérence de nos propositions, la cohésion de la majorité ainsi constituée, la qualité du rapport que nous serons capables d'entretenir à ce moment-là avec le peuple pour constituer une force telle que le Président de la République hésitera à engager avec elle le fer ou peut-être perdra la bataille s'il l'engage.

Mais, honnêtement, un an à peine après l'élection présidentielle, face à un Président de la République qui, naturellement, et malgré une certaine déception, à la légitimité issue des urnes, je ne suggère vraiment pas, à nos responsables nationaux, de choisir et d'utiliser l'expression : « nous allons engager une cohabitation de combat ».

Il est un point que je voudrais aborder dès maintenant, car il a trait à la démocratie, c'est celui de notre représentation féminine à l'issue des prochaines élections.

Si je le fais aujourd'hui, c'est que je veux vous sensibiliser dès maintenant, vous responsables fédéraux, mais aussi élus, ou personnalités du Parti, je le fais dans tous les déplacements que je fais dans les départements actuellement, dans tous mes déplacements comme dans ma propre fédération. Nous ne pourrons pas aborder l'élection législative avec l'idée qu'on retrouvera l'Assemblée nationale au titre des femmes, à peu près le score habituel des socialistes, c'est-à-dire 5 à 6 %.

Il nous faudra faire un grand pas en avant dans le nombre de nos femmes élues, notamment parlementaires en 1998.

Je ne sais pas encore quand nous désignerons nos candidats.

À l'automne de cette année, nous aurons vraisemblablement arrêté notre calendrier pour 1997 le Congrès, l'adoption du programme, la désignation de nos candidats,

Mais je veux dès maintenant attirer votre attention sur la nécessité de prévoir des candidates femmes dans chacune de nos fédérations, et, en particulier, dans celles ou le nombre des circonscriptions est le plus important, et plus encore dans celles où le nombre des sièges gagnables, où le nombre des candidats éligibles est le plus important, afin d'avoir des élues plus nombreuses.

En accord avec Daniel VAILLANT, secrétaire national aux élections et Sylvie GUILLAUME, secrétaire nationale aux droits des femmes, et après en avoir naturellement parlé avec la direction du Parti, je vous saisirai bientôt en Conseil national ou en Convention afin d'arrêter une méthode et de prendre des décisions sur la façon d'y parvenir.

D'ores et déjà, je vous demande d'y réfléchir et de vous y préparer.

Le dernier point sur lequel je voudrais intervenir aujourd'hui concerne la défense dont nous avions prévu de parler dans ce Conseil national.

Paul QUILES a introduit cette question de la façon la plus claire et en tenant compte des discussions qui ont déjà eu lieu. Ces discussions, en particulier au Bureau national, ont montré une grande convergence d'analyses et de points de vue sur des points essentiels, de la critique à formuler en réaction aux orientations exposées par le Président de la République.

Ces critiques, nous les avons exposés publiquement, notamment Paul QUILES, moi-même, dans une conférence de presse commune. En effet, des orientations évoquées par Jacques CHIRAC dans son intervention télévisée, nous avons tiré les critiques essentielles suivantes :

1°) Il n'y avait pas, d'analyse véritable des menaces en fonction desquelles sont fixés les missions, les moyens et l'organisation de nos armées.

2°) Comme plusieurs l'ont dit déjà aujourd'hui, a aucun moment il n'a formulé sa conception, sa définition de l'organisation de nos armées en termes de défense nationale, en termes de sécurité du territoire, ce qui est pour nous un élément essentiel.

3°) L'organisation prévue pour nos armées paraissait, au contraire, destinée exclusivement a « projeter à l'extérieur des forces suffisantes », projection à l'extérieur dont il nous semblait qu'elle risquait de se faire dans la logique d'un « corps expéditionnaire ».

Aucune vision d'une défense européenne. Or nous savons tous que si la France n'avance pas dans ce domaine, personne ne le fera à sa place dans l'Union. Je suis convaincu qu'un certain nombre de pays (ceux qui sont traditionnellement dans cette Union, des pays aussi qui viennent de la tradition neutraliste comme par exemple la Suède ou l'Autriche) pourraient être intéressés par une perspective de défense européenne, par une « autonomie de défense » européenne comme perspective que la France poserait, y compris dans le dialogue avec l'OTAN.

Au contraire, c'est cette réintégration dans l'OTAN par laquelle nous bradons sans contrepartie le capital que représente depuis De Gaulle notre « autonomie de décision », sans en faire un levier pour l'affirmation d'une défense européenne, qui est en train de se réaliser sous l'égide de Jacques CHIRAC.

Nous avons aussi critiqué et nous devons continuer à critiquer les décisions annoncées en matière d'industrie d'armement : notre hostilité à la privatisation de Thomson, notre crainte d'un rapprochement Aérospatiale-Dassault (auquel nous ne nous opposons pas en principe pour constituer un pôle d'avionneurs unique) mais si ce rapprochement devait signifier une privatisation.

Nous voulons une industrie d'armement qui reste contrôlée par l'État. Naturellement, nous avons la crainte des suppressions d'emploi entraînées par les restructurations dans l'industrie d'armement, et nous voulons rechercher la constitution progressive d'une industrie européenne d'armement.

Paul QUILES, Bertrand DELANOÉ, Jean GLAVANY et quelques autres se sont déjà exprimés sur ces questions sont très importantes ; elles nous offrent la possibilité d'une analyse critique de la position de Jacques CHIRAC et de la majorité dont nous ne devons pas nous priver. Donc, je ne souhaite pas, a priori (c'est en tout cas quelque chose que je suggère) que nous concentrions notre expression publique sur cette question de la professionnalisation de l'armée et du sort du service national, que je vais aborder maintenant.

Je veux vous donner, à mon tour, mon sentiment.

Stratégiquement, à dix ans, nous n'avons plus d'ennemis à nos frontières et nos alliés non plus. Nous participons à des actions de type humanitaire, de maintien de la paix, d'interposition, toujours en association avec d'autres.

L'Europe de la défense n'existe pas, du moins pour le moment.

Le service national est devenu profondément inégalitaire par la multiplication de formes civiles et attrayantes réservées surtout à certains, par la diminution du volontariat service long.

Nous constatons que nos régiments sont totalement restructurés en cas de conflit pour former des unités professionnelles qui seules sont envoyées sur le théâtre d'opérations lorsqu'il s'agit de se battre.

La professionnalisation annoncée par Jacques CHIRAC contribue à déstabiliser une institution fort critiquée par les jeunes : les services militaires.

Aujourd'hui, il semble que deux grandes thèses se confrontent : la première est de faire du service national un grand service d'utilité publique, le « civiliser » en quelque sorte ; l'avantage d'une telle solution étant l'obligation sociale qui subsiste et naturellement, le lien avec une institution héritée du passé qui est maintenu.

Les inconvénients d'une telle orientation visant à orienter le service national de plus en plus vers un service d'utilité publique seraient : comment rendre obligatoire (constitutionnellement) une mission civile ? Comment organiser les choses et qui les encadrerait. Les militaires ou bien les ministères civils ? L'autre hypothèse consiste à organiser un nouveau service militaire, sorte de noyau dur de deux, quatre ou six mois, exclusif d'autres formes, civiles, de service. L'avantage, c'est le fait que le lien armée-nation subsiste, mais au profit de qui ?

Les inconvénients, c'est, d'après ce que disent les militaires et les experts (et j'ai bien entendu qu'il ne fallait pas les entendre, bien sûr), que cela leur apparaît irréalisable parce que trop bref pour un véritable service militaire. Alors qu'elle est mon approche au stade de ce débat ?

Lorsque la question s'est posée dans la campagne présidentielle et que Jacques CHIRAC s'est prononcé pour une armée de métier, j'ai pris une position tout à fait différente, favorable à la conscription par une réforme du service national. Je souhaite, comme beaucoup d'entre vous ici, que le lien soit maintenu entre le citoyen et la défense, notamment pour que l'esprit de défense, comme nous disons, subsiste.

Pour ce qui concerne le brassage social, honnêtement, il me semble qu'il se fait pour l'essentiel aujourd'hui à l'école. Plus que l'armée, l'école doit être pour nous la référence. La défense vient au premier plan sans doute en période de conflit, mais nous ne sommes pas en période de conflit.

Il faut avoir à l'esprit que les temps ont changé, que dans la vision contemporaine du monde, les angoisses, les exigences des jeunes ne portent pas d'abord sur l'armée ou la défense, mais sur le chômage, le SIDA, l'égalité des chances, la solidarité sociale, le racisme.

En même temps, il est vrai que la paix est fragile, que le monde peut changer, et une non menace à dix ans n'est pas la garantie d'une non menace pour après ; des menaces peuvent réapparaître.

Il faut donc être capable de modifier l'organisation des armées si la menace vient à changer, afin d'encadrer des soldats appelés en beaucoup plus grand nombre.

Je tiens compte enfin, dans la définition de ma position, de ce qui est en train de se dessiner sous l'égide du gouvernement actuel.

Certes, si nous étions aujourd'hui aux responsabilités, nous ne proposerions pas l'évolution qui est en train de s'esquisser. Nous aurions proposé une autre réforme, mais ce n'est pas la situation à laquelle nous sommes confrontés, et ce n'est pas non plus l'état des choses dans le domaine de la défense et de l'organisation du service national, de son évolution ou de sa disparition à laquelle nous serions confrontés si nous devions revenir aux responsabilités.

Je ne souhaite pas adopter une position que nous arrêtions une position que nous ne pourrions pas ou nous ne voudrions pas mettre en œuvre si nous revenions aux responsabilités en 1998 ou plus encore en 2002. S'il y a risque d'irréversibilité, c'est ce que j'ai entendu dire par Jean-Michel BOUCHERON ce matin, alors, il nous faut l'admettre. Reviendrons-nous en arrière si ce processus était véritablement engagé ? Je vous le dis, je ne le crois pas. Et de ce point de vue, je ne partage pas la position qui a été développée par Marie-Noëlle LIENEMANN sur ce point. Je ne propose pas que nous définissions, sur le terrain des principes, notre position et que nous disions, dès maintenant, solennellement, quelle que soit la situation dans deux ans ou dans cinq ans, nous déciderons de revenir sur la situation que nous devons définir immédiatement.

Je ne propose pas cette démarche.

Dans cet esprit, je pense que nous devons accepter que se poursuive le processus de professionnalisation de l'armée engagé d'ailleurs par nous, tout en veillant naturellement à ce que l'armée ne se coupe ni de la jeunesse, ni de la Nation.

Je ne crois pas que nous puissions conserver le service national tel qu'il est. Nous devons conserver la conscription, c'est-à-dire le recensement de l'ensemble des jeunes susceptibles de porter les armes, définir une approche, pour rassembler à ces jeunes gens, les faire accueillir par l'armée afin de leur présenter la défense, ses différentes armes, ses moyens, ses missions, son coût ; des informations seraient données sur le recrutement, l'incorporation, les formes de service de carrière courte, de volontariat service long, une initiation aux armes serait faite... Au fond, cela se rapproche de ce que Paul QUILES appelait tout à l'heure, si je l'ai bien compris, le service d'éducation de la défense.

Cette conscription devrait être à mon sens modulable en fonction des circonstances stratégiques, de la nature de la menace, de la période historique dans laquelle nous sommes, de façon que cette armée professionnalisée puisse encadrer selon les moments, selon les besoins, des masses plus larges d'appelés susceptibles de participer à la défense du territoire.

Voilà mon approche.

Le débat s'est poursuivi ici, dans ce Conseil national, Nous n'avons pas souhaité, c'est vrai (mais cela a été le souhait du Bureau national assez largement majoritaire, m'a-t-il semblé) conclure dès aujourd'hui ce débat, car il ne nous semblait pas sage d'arrêter notre position avant même que le Président de la République et le Gouvernement ne nous aient fait connaître la leur. Nous aurons donc à trancher plus tard, sans doute en Bureau national, et nous verrons comment.

En tant que Premier secrétaire, je crois nécessaire de vous dire à nouveau qu'il ne nous faut pas proposer une solution qui ne serait pas réalisable techniquement et que nous ne mettons pas en œuvre si nous revenions au pouvoir. C'est pour moi une question de cohérence.

Mes chers camarades, je voudrais conclure, d'abord en remerciant Daniel VAILLANT, Jack LANG et Paul QUILES qui, par leurs rapports introductifs, ont contribué à la qualité des débats de notre Conseil national, ensuite en vous félicitant vous-mêmes, si je peux me le permettre, de l'intérêt de vos interventions (en tout cas, moi, j'y ai pris un vif intérêt), et je vous donne rendez-vous au Conseil national du 8 juin.