Texte intégral
Q. Il y a eu un conseil restreint sur le Zaïre après le conseil des ministres : des décisions ont-elles été prises ?
R. En premier lieu, ce Conseil restreint a marqué l’émotion de la France en ce qui concerne l’assassinat de deux de nos ressortissants. Nous avons demandé aux autorités nouvelles de prendre toutes les dispositions pour assurer la sécurité des populations étrangères au Zaïre, en particulier françaises. Nous sommes prêts à assurer l’évacuation des ressortissants français et des autres communautés étrangères qui le souhaiteraient.
Deuxième point, nous souhaitons que les nouvelles autorités se conforment aux règles démocratiques, et que des élections puissent être organisées le plus rapidement possible.
Q. Combien de ressortissants français reste-t-il au Zaïre ?
R. 800 Français sont actuellement au Zaïre.
Troisième point, nous avons marqué notre inquiétude la plus vive pour les réfugiés et nous demandons aux autorités en place de nous faire un compte-rendu de ce qui se passe. Nous demandons également qu’un émissaire de l’ONU puisse éventuellement y être envoyé.
Quatrième point, nous avons marqué notre grande préoccupation vis-à-vis de la stabilité régionale et du respect des frontières.
Q. Est-ce que vous avez pu établir un contact avec les nouvelles autorités ?
R. Nous demandons à notre ambassadeur de transmettre aux nouvelles autorités, dès qu’il en aura la possibilité, ce message en quatre points.
Q. Et de combien de militaires dispose la France actuellement à Brazzaville, pour conduire ces opérations ?
R. Plusieurs centaines, qui restent en place. Il n’y a pas d’opération en cours. Ils sont là à titre de précaution.
Q. En tant que l’un des responsables de la politique française en Afrique, pensez-vous qu’il peut y avoir un risque, un effet domino, avec le Zaïre ?
R. C’est pour éviter cela que nous insistons sur l’intangibilité des frontières, sur l’aspect régional, et que nous appelons à la reprise du processus démocratique.
Q. Mais est-ce qu’il y a des risques ?
R. Il serait navrant que d’autres voies soient montrées en exemple en Afrique.
C’est un des grands succès de la politique africaine de la France que d’avoir contribué à l’établissement de la démocratie dans cette zone.
Q. Puisque la démocratie est déjà là, que faire pour décourager les mouvements de rébellion ?
R. Demander à ceux qui ont le pouvoir au Zaïre de rétablir le processus démocratique.
Q. Et est-ce que vous demandez aussi le retrait des forces étrangères du Zaïre, parce qu’on dit qu’il y a des unités de l’armée rwandaise... ?
R. Nous ne commentons pas.
Q. N’est-ce pas un échec de la Francophonie ?
R. Je rappelle qu’un immense pays anglophone africain, le Nigeria, nous demande de bien vouloir l’aider à instaurer le français comme deuxième langue.
Q. Pour des raisons politiques et économiques ?
R. Pour des raisons culturelles et linguistiques.
Q. Est-ce que vous avez des nouvelles du président Mobutu ? A-t-il demandé à venir en France ?
R. Aucune demande n’a été faite.
Q. Est-ce qu’il peut venir ?
R. Puisqu’aucune demande n’est faite, la question ne se pose pas.
Q. Mais, est-ce que par principe, vous dites qu’il ne peut pas venir ? La Suisse a déjà dit qu’il ne pouvait pas venir, le Liechtenstein aussi...
R. Il est malade et il doit être soigné, point.
Q. Dernière question, vous ne pensez pas que la France fasse partie des perdants au Zaïre, avec l’Afrique du Sud, les États-Unis ?
R. Les perdants, au Zaïre, ce sont les réfugiés, ce sont eux qui ont perdu. La France a été la première et la seule à s’en préoccuper. Nous rendons particulièrement hommage à Mme Bonino. Quelquefois, la morale en politique à un visage, c’est celui de la France. Aujourd’hui, j’ai le regret de dire que la France a été le seul pays à avoir mis l’accent sur le problème très grave des réfugiés.
Q. Mais est-ce qu’on n’a pas tout de même l’impression que la France, depuis la crise dans la région des Grands lacs, est un peu sur la défensive et n’arrive plus à faire passer ses messages ? On a vu des opérations militaro-humanitaires dans les années précédentes, qui se sont déroulées sans trop de problèmes ?
R. Quand on apprend que des centaines de milliers de gens sont susceptibles d’avoir été tués, ceux qui doivent se sentir les plus coupables aujourd’hui sont ceux qui n’ont rien fait, ni rien dit, plutôt que ceux qui ont été les premiers à dénoncer ce qui se préparait.