Texte intégral
Horizons politiques : Pensez-vous qu’après avoir longtemps été considérée comme un « mal italien », la corruption soit devenue un « mal français » ?
Philippe de Villiers : Le mal français est hélas plus grave que celui qu’ont connu les Italiens. La corruption est installée dans notre vie politique non comme une maladie extérieure propagée par une organisation criminelle, mais bien comme une perversion venue des hommes politiques eux-mêmes, destinée à faciliter leur maintien au pouvoir et bien souvent, à leur procurer des avantages personnels. Les lois de décentralisation de 1982 n’ont pas créé le phénomène mais l’ont accentué en mettant à la disposition de l’homme politique à la moralité incertaine des sommes d’argent considérables. Malheureusement, nous répondons à ce mal nouveau par des solutions anciennes et inadaptées auxquelles s’ajoutent chroniquement de scandaleuses amnisties. Pour éradiquer le mal, il faut notamment dire que les hommes politiques condamnés pour corruption seront inéligibles à vie ; décider que les délits politiques les plus graves relèveront de la Cour d’Assises pour que le peuple souverain puisse juger ses élus et enfin les procureurs spéciaux, indépendants de la hiérarchie du parquet, et désignés pour une seule et unique affaire pour être insensibles à toute pression.
Horizons politiques : Êtes-vous favorable à la construction d’une « Europe de la justice » ?
Philippe de Villiers : Il faut construire l’Europe de la justice pour répondre à l’Europe de la délinquance. La complexité des circuits financiers internationaux, le pouvoir et l’imagination de délinquants économiques qui appartiennent hélas, bien souvent, aux classes dirigeantes, justifient que les juges d’instruction nationaux bénéficient sur tout le territoire de l’Union européenne d’un système d’entraide souple et rapide et qui surtout ne dépende pas de l’accord des pouvoirs locaux.
Horizons politiques : Le projet de loi sur la réforme du code des marchés publics n’a pas abouti. Croyez-vous que la majorité, qui sortira des urnes le 1er juin, devrait se pencher prioritairement sur ce dossier ?
Philippe de Villiers : La majorité qui sortira des urnes le 1er juin devrait prioritairement prendre les moyens d’imposer la politique de l’honnêteté. S’il peut être souhaitable de modifier certaines procédures qui pourraient n’apparaître que comme des contraintes administratives, cela ne pourrait en aucun cas se faire au détriment de la transparence et de la sécurité des appels d’offres. Il faut que les Français soient bien convaincus que la complexité des lois et des réglementations n’empêchera jamais totalement à un homme politique corrompu d’arriver à ses fins. Ce n’est donc pas la loi qu’il faut changer, ce sont les mentalités et les hommes qui incarnent aujourd’hui cette époque du laisser-aller des trafics d’influence et de la corruption. Cette génération politique doit laisser sa place à une génération nouvelle, une génération morale. Les 520 candidats de la Droite indépendante qui seront avec moi candidats à cette élection législative, seront les meilleurs représentants de cette politique de l’honnêteté que nous voulons pour la France.