Texte intégral
J'en viens au devoir de mémoire et à l'Education nationale Chacun est conscient du rôle considérable que doit jouer l'Education nationale en matière d'information citoyenne, d'instruction civique, de morale civique et de mémoire. Le monde combattant doit participer à ce dispositif, avec humilité et modestie, mais en s'efforçant de prendre des initiatives, car il a des choses à dire. Ce sera une des grandes préoccupations pour l'année 1999.
S'agissant enfin de la réforme des structures de mon département ministériel, elle se fait dans la concertation. Les négociations avec le monde combattant, qui ont duré pendant près de six mois, ont abouti le 31 octobre. Le secrétariat d'Etat va s'intégrer dans le ministère de la Défense nationale sur la base des engagements qui ont été souscrits. Il y aura toujours un membre du gouvernement - secrétaire d'Etat ou ministre - chargé des dossiers concernant les anciens combattants, mais le rôle du secrétariat d'Etat ira au-delà du seul versement des pensions. Il participera aux actions relatives à la mémoire et à la citoyenneté, aux journées d'appel de préparation à la défense, afin de jouer un rôle dans le lien « armée-nation », car l'exemplarité du monde combattant doit être utilisée.
Le droit à réparation sera maintenu et le budget demeurera un budget spécifique du secrétariat d'Etat. Il sera présenté l'an prochain par un membre du gouvernement. Une structure de cabinet, le maintien de l'Office national des anciens combattants (ONAC) et de l'Institution nationale des invalides, tels sont mes engagements. Je n'assumerai aucune réforme qui ne soit pas celle-ci, qui ne corresponde aux conditions que j'ai contractualisées avec le monde combattant. Il faut que ce soit clair ! Le gouvernement, enfin, va présenter un amendement visant à majorer de 2 millions les crédits consacrés à la mémoire afin que des actions de mémoire citoyenne puissent être menées dans chaque département.
Sous le bénéfice de ces explications, des amendements que j'ai déposés et des engagements que j'ai pris, je souhaite, mesdames, messieurs les députés, que vous votiez ce budget, au qu'au moins vous fassiez le choix d'une abstention positive.
Q : (Mme Annette Peulvast-Bergeal) Vous venez de confirmer brillamment des avancées certaines qui nous vont droit au coeur et qui, sans faire l 'unanimité, donneront pour le moins largement satisfaction à nombre d'entre nous. Je pense plus particulièrement au renforcement de l'ONAC par les fameux emplois « mémoire ». Au moment où nous allons commémorer le quatre-vingtième anniversaire de la dernière année de la Grande Guerre, je crois qu'il est bon de prendre ce type d'initiative. C'est de la sorte que nous pourrons asseoir le socle de la citoyenneté de nos jeunes générations, qui seront ainsi mieux à même de construire leur avenir. Chacun sait qu'on construit mieux l'avenir quand on maîtrise son passé.
Cependant, j'aimerais avoir des précisions sur la mise en oeuvre de ces mesures. Notamment, est-il possible, peut-être par conventionnement, de resserrer les liens entre l'Education nationale et le monde combattant ? La présence des jeunes aux côtés des anciens combattants, tant lors des grands rendez-vous commémoratifs que dans la vie quotidienne, serait une excellente chose et, pour nos anciens combattants, un geste symbolique fort auquel ils seraient particulièrement sensibles.
R : Le devoir de mémoire est essentiel et nous allons nous y engager complètement en 1999, par des initiatives que j'ai décrites tout à l'heure. Je lance un appel à tous, parce que je crois qu'il faut associer les collectivités territoriales, les grandes communes qui le souhaiteraient, les départements, les régions. Ce fut le cas à Montauban, à Orthez, et ce sera le cas à Notre-Dame de Lorette, dimanche prochain. Nous devons, en la matière, rechercher un véritable partenariat. Le rapprochement de mon département ministériel avec la Défense nationale devrait nous permettre de mieux travailler avec l'Education nationale. Entre l'Education nationale et la Défense nationale, une série de contacts ont déjà été passés. Et depuis la suspension du service national obligatoire, l'Education nationale a été chargée de l'éducation « défense ».
Nous pourrons ainsi combiner nos apports respectifs - mémoire combattante, Défense nationale - et jouer un rôle utile à l'intérieur de l'Education nationale pour contribuer, modestement et sans doute humblement, à la constitution de la citoyenneté des jeunes générations. Nous travaillerons largement sur ce thème en 1999. (...)
Q : (Mme Nicole Ameline) Vous avez évoqué à juste titre le devoir de mémoire et j'ai noté avec satisfaction les propositions que vous nous faites. Nous avons, vis-à -vis des anciens combattants d'Algérie, du Maroc et de la Tunisie, ceux de la FNACA, un devoir particulier de justice, car ils ont connu un double drame : celui de leurs vingt ans confrontés à la guerre, celui des trente années qui ont suivi et qui ont été pour beaucoup synonyme de chômage, de souffrance et trop souvent d'exclusion. (...)
Ma question porte sur un autre point, en l'occurrence le devoir de pédagogie et d'éducation, auquel visiblement vous êtes également très sensible. Nous célébrerons en 1999 le 55e anniversaire du débarquement. Je voudrais savoir si, à l'occasion de cet hommage exceptionnel rendu à l'ensemble des vétérans français et alliés en cette dernière année d'un siècle marqué par la barbarie, vous avez l'intention de prendre une initiative particulière pour que cet événement puisse lier le souvenir d'un sacrifice collectif et l'avenir qui nous donne un double rendez-vous, avec le temps : un nouveau siècle et l'espace européen. Cette dimension européenne, je ne l'ai pas retrouvée dans votre intervention. Je pense néanmoins qu'elle est essentielle, car si nous connaissons depuis cinquante-cinq ans la plus longue période de paix, nous le devons à l'Europe. Je vous suggère donc, en complément du remarquable travail que réalise le comité du débarquement, de rendre un hommage exceptionnel aux vétérans à l'intention du monde combattant, mais aussi à celle des jeunes générations. Cet hommage s'inscrirait, je le demande avec force, dans le nouveau cadre européen. Je n'oublie pas que l'alliance européenne est née - il y manquait, certes, l'Allemagne - sur les plages de Normandie.
R : Il va de soi que nous accomplirons notre devoir de mémoire à l'occasion du cinquante-cinquième anniversaire non seulement du débarquement de Normandie, mais aussi du débarquement de Provence et plus généralement de la libération de la France, notamment par les forces françaises libres et les réseaux de résistance intérieure. En cette dernière année du siècle, il y aura là , pour les jeunes générations, un support pédagogique remarquable et il est clair que nous valoriserons l'épopée de la Libération pour commémorer les événements et aussi pour illustrer l'exemplarité du monde combattant, pour montrer comment ces hommes et ces femmes ont su prendre leurs responsabilités et accepter que leur destin individuel s'efface devant le destin collectif de la France. Ainsi, les jeunes pourront aborder le nouveau siècle en ayant à l'esprit la plus belle des références aux valeurs de la République. Nous avons tous à travailler dans ce sens.
Je me suis rendu à Caen, il y a une quinzaine de jours, pour commencer à réfléchir à un témoignage de reconnaissance aux soldats américains du débarquement, projet auquel s'associera probablement le conseil régional de Basse-Normandie. L'Etat s'est aussi engagé pour l'extension du Mémorial de Caen, qui est également un instrument de pédagogie pour l'avenir.
Les commémorations de 1999 contribueront à l'exercice du devoir de mémoire en illustrant les valeurs qui ont permis à la France de vaincre la barbarie nazie, de rétablir la dignité de l'homme, de retrouver sa place dans le concert des nations et de porter à nouveau le message universel qu'exprime la devise de la République française : « Liberté, égalité, fraternité ».