Texte intégral
Olivier MAZEROLLE : Bonsoir Monsieur Hollande.
François HOLLANDE : Bonsoir.
Olivier MAZEROLLE : Après beaucoup d'hésitations, vous avez finalement décidé de conduire la liste socialiste aux élections européennes. L'idée d'avoir à siéger au Parlement de Strasbourg ne semblait pas vous réjouir mais maintenant vous vous êtes fait à cette idée.
Alors les socialistes sont au pouvoir dans 11 pays sur les 15 nations de l'Union Européenne, ceci devrait conférer une importance particulière au manifeste européen qu'ils vont adopter demain à Milan en présence des chefs de gouvernement sociaux-démocrates à commencer par Lionel Jospin et Gerhardt Schroeder. Mais à l'inverse, la crise survenue cette semaine sur les moyens financiers de l'Europe semble montrer que l'appartenance au camp de la gauche ne suffit pas à gommer les divergences entre les nations.
En tant que premier secrétaire du parti socialiste, vous avez certainement accueilli avec satisfaction les chiffres de l'INSEE qui montrent que l'année 98 a été celle des records pour la France, faible inflation, forte consommation, création de 400 000 emplois mais nous verrons comment vous envisagez d'influencer les mesures gouvernementales à venir, réforme des retraites, réforme de la fiscalité, deuxième loi sur les 35 heures.
Patrick Jarreau, Anita Hausser participent à ce Grand Jury retransmis en direct à la radio sur RTL, à la télévision sur LCI et Le Monde de demain publiera l'essentiel de vos déclarations.
Alors Monsieur Hollande, parlons tout d'abord de l'Europe, on a beaucoup évoqué les questions de politique agricole cette semaine à Bruxelles, il a été question entre chefs d'Etats et de gouvernements de financement de l'Europe. Les divergences entre la France et l'Allemagne vous paraissent-elles annoncer une crise grave européenne ?
François HOLLANDE : Vous savez on parle de crise pour l'Europe chaque fois qu'il est question d'intérêts financiers des uns et des autres, c'est à dire en l'occurrence des pays qui constituent l'union. On vit une de ces périodes là, ce n'est pas la première et il y en aura d'autres. Ce qu'il faut c'est surmonter cet exercice de façon positive pour l'Europe, au-delà même des intérêts particuliers parce que c'est un exercice nécessaire ce qui se fait en ce moment. Il s'agit de maîtriser la dépense de l'Europe pour qu'elle soit à la fois plus efficace et qu'en même temps, elle prépare l'avenir et l'avenir c'est l'élargissement et c'est aussi l'emploi, donc c'est un exercice nécessaire, il faut que ce soit un exercice européen, c'est à dire qu'il faut qu'on discute de tout. Ce que les français ont appelé l'accord global, à la fois sur la politique agricole commune, sur ce qu'on appelle les fonds structurels et puis sur tout ce qui est dépenses pour l'avenir.
Alors nous avons souhaité qu'il y ait un accord global, ce qui veut dire que chacun doit faire une part de l'effort collectif. Les français disent on est prêt à regarder les questions liées à la politique agricole commune mais il faut aussi que les anglais regardent peut être leur chèque qui leur a été accordé en 1984 et qui n'a pas valeur éternelle, il faut aussi que les allemands comprennent que, c'est vrai qu'ils sont une contribution nette, c'est à dire qu'ils payent plus que les autres au budget communautaire mais en même temps qu'ils ne peuvent pas faire des économies sur l'ensemble.
Il faut que chacun comprenne quel est le sens de la démarche engagée. Et puis troisièmement, il faut que ce soit un exercice qui soit conforme à l'avenir européen, et l'avenir européen, on y reviendra, ça passe par le maintien d'une politique agricole commune car on ne comprendrait pas que l'Europe avance en abandonnant ce qui a fait finalement son acquis c'est à dire la gestion d'un secteur important de l'économie qui s'appelle l'agriculture.
Olivier MAZEROLLE : Mais parlons tout de même de la crise avec l'Allemagne, je sais bien que Lionel Jospin et Jacques Chirac ont montré vendredi que peut être c'était moins grave qu'on ne l'avait cru. Mais pourtant ce matin encore dans "Ouest France", Jean Glavani, le ministre de l'agriculture dit « mais moi j'ai été vraiment surpris de l'attitude allemande, je ne pensais pas que les allemands iraient si loin dans la volonté d'isoler la France » ?
François HOLLANDE : Vous savez Jean Glavani, il a participé pendant 3 ou 4 jours à ce qu'on appelle un marathon, c'est long un marathon et il y a souvent des concurrents qui ne sont pas toujours d'une loyauté parfaite parce que il faut courir et longtemps. Et je pense que Jean Glavani a eu le sentiment que la présidence allemande puisqu'il se trouvait que les allemands, qui sont les principaux intéressés à la discussion puisqu'ils cherchent à payer moins, étaient à la présidence de l'Europe et donc que le ministre allemand, le ministre de l'agriculture allemand avait peut-être une vision un peu partiale ou partielle de ce qu'il convenait de faire en tant que responsable de la négociation. Alors c'est pour ça d'ailleurs qu'elle n'a pas abouti et c'est pour cela que Jean Glavani a eu raison de préciser qu'elle ne pouvait pas aboutir si elle n'était pas globalisée c'est à dire avec les autres dossiers européens, que ce soit l'agenda 2000, les fonds structurels etc.
Anita HAUSSER : On a l'impression quand même qu'à Paris, on est tombé de haut devant l'attitude allemande parce que quand Gerhardt Schroeder a été élu, ce n'était que cris de triomphe, l'entente franco-allemande va être formidable et finalement cette entente franco-allemande, elle est un peu en train de se déliter.
François HOLLANDE : Mais moi j'ai toujours dit, même le soir de la victoire de Gerhardt Schroeder que c'était un socialiste et que j'étais très heureux qu'il y ait plus de socialistes. Il y en a 11 sur 15 à la tête des gouvernements mais que Gerhardt Schroeder était allemand et qu'il est resté allemand et que donc en tant que chancelier de l'Allemagne, il essaye de poursuivre la recherche de ses propres intérêts. Sauf que en l'occurrence ils ont la présidence de l'union européenne, ce qui doit les amener, c'était le sens de l'observation de Glavani ou ce qu'a pu penser aussi Lionel Jospin et il en a discuté très ouvertement avec Gerhardt Schroeder, il y avait là une nécessité pour l'Allemagne de faire prévaloir aussi les intérêts européens et donc de ne pas mettre sur la table ce qui pouvait, non pas fâcher, çà c'est normal, mais qui pouvait bloquer le processus de compromis et notamment la renationalisation de la politique agricole commune n'était pas acceptable, n'est toujours pas acceptable par la France.
Alors il y a eu quand même depuis cette petite convulsion, des progrès importants, not8mment au conseil de Petersberg et là, il y a eu de la part de l'Allemagne une réappréciation de la situation et une ouverture d'un compromis qui pourra peut-être débouché dans les prochaines semaines, c'est à eux de le préparer puisqu'ils ont cette responsabilité mais ils ont compris que la renationalisation de la politique agricole commune n'était pas acceptable.
Patrick JARREAU : On l'a bien compris Monsieur Hollande, le problème du coût global de cette politique agricole commune et puis du coût pour l'Allemagne qui est contributeur nette c'est à dire qu'elle paye plus qu'elle ne reçoit. Mais il y a aussi la conception même de cette politique agricole commune et on a l'impression que du fait de ce qui s'est passé la semaine dernière, et bien la remise en question de certains aspects des aides notamment qui dans le système actuel au fond favorise un peu systématiquement les gros producteurs au détriment des petits, et bien que cet aspect-là est oublié finalement.
François HOLLANDE : Il ne doit pas l'être. Alors d'abord, je voudrais dire qu'il ne s'agit pas ici de laisser penser qu'il y aurait des communiqués de victoire française contre des communiqués d'abandons des positions allemandes et que nous, nous serions ici ce soir, et encore dans les prochains jours, à faire des cocoricos de victoire. Ce n'est pas comme ça qu'on fait la construction européenne. En tout cas, ce n'est pas notre conception nous en tant que socialistes français, de la bonne démarche à avoir, il faut que tout le monde fasse des sacrifices, mais pas des sacrifices pour des sacrifices, des sacrifices pour avoir une meilleure politique agricole commune et çà a été quand même un pas très important pour les français, en tout cas je l'ai vécu comme cela, de dire nous sommes conscients que nous sommes les principaux bénéficiaires de la politique agricole commune, puisque un quart, à peu près, des dépenses communautaires, des dépenses européennes, vont vers l'agriculture française, on est obligé de le reconnaître et c'est plutôt une bonne nouvelle pour la France et une bonne nouvelle pour l'Europe parce que ça permet à l'Europe d'être la première puissance agricole.
Mais nous, nous disons c'est vrai qu'il faut maîtriser la dépense agricole, que c'est pas normal que ce soit la moitié de la dépense européenne l'agriculture. Il faut qu'on maîtrise cette dépense et le gouvernement a publié d'ailleurs par le président de la république a dît clairement qu'il fallait faire un processus de dégressivité des aides, c'est à dire de diminution progressive des aides dans le temps. Et nous avons dit, parce que nous y sommes très attachés, alors peut être aussi en tant que socialistes, qu'il n'était pas acceptable que les plus grosses exploitations, celles qui sont dans les grandes cultures, touchent le plus de la part du budget européen et qu'il fallait reconcentrer les aides vers les exploitations qui ont une pratique de production extensive, respectueuse de l'environnement, soucieuse de l'aménagement du territoire, soucieuse de la qualité et de la sécurité alimentaire donc nous sommes tout à fait conscients de l'effort qu'il faut faire, la maîtrise de la dépense mais nous sommes tout à fait désireux de réorienter la politique agricole commune vers ce qui est quand même l'essentiel c'est à dire l'aménagement du territoire et une production de qualité.
Olivier MAZEROLLE : Alors pour en revenir à, d'une manière plus générale à l'Europe et à son financement, puisqu'il n'y a pas que la politique agricole commune, comment expliquez-vous le fait que alors encore une fois que 11 gouvernements sur 15 sont dirigés par des sociaux-démocrates, et que dans deux autres en plus on trouve encore des ministres sociaux-démocrates donc il y a vraiment une forte présence sociale-démocrate, comment expliquez-vous que l'Europe semble être en proie à une convulsion vraiment très forte, très importante, n'arrive pas à régler ses problèmes financiers qui sont effectivement pour chaque pays, pris séparément extrêmement importants et chacun met sur la tables ses intérêts nationaux, l'appartenance à la gauche semble disparaître dans cette mêlée.
François HOLLANDE : Vous savez dans un parti national, le parti socialiste en France, il y a aussi des sensibilités qui recouvrent quelquefois aussi des intérêts régionaux, ça peut arriver. Quand je parle des départements ou des régions selon que l'on ait dans certains départements ou dans certaines régions, on est plus attachés à telle ou telle politique d'aménagement du territoire ou de politique agricole. Donc on a aussi ces difficultés dans le cadre national, dans le cadre européen, ça a les mêmes conséquences, c'est à dire que nous pouvons être socialistes, avoir les mêmes objectifs mais nous sommes porteurs d'intérêts qui sont les intérêts de chacune de nos nations.
Par exemple les portugais qui sont souvent sur des positions très proches des nôtres sur bien des domaines, notamment la croissance et l'emploi. Et bien eux, ils sont très attentifs, on peut les comprendre, à garder le bénéfice des fonds européens qui sont affectés aux pays de la Méditerranée pour assurer leur cohésion, de même que les italiens, avec lesquels nous avons de très bons rapports sur bien des sujets, y compris la politique agricole, ils sont très attentifs eux à garder tout ce qui est calcul de la contribution italienne en fonction de la TVA. Avec les allemands nous avons de très bons rapports mais il y a là...
Olivier MAZEROLLE : Mais alors quel est le plus que tout le monde soit de gauche ? Enfin tout le monde, que la majorité soit de gauche ?
François HOLLANDE : Oui, ça va venir pour le reste, vous avez raison de nous laisser quelques espoirs, il y a encore l'Espagne, l'Irlande, etc. Mais ce que je veux ici signaler, c'est que nous allons avoir au congrès de Milan justement une rencontre entre tous les socialistes européens. Ce sera l'occasion aussi de nous parler encore plus directement, avant chaque conseil européen, il y a toujours une rencontre entre leaders socialistes, ce qui est très important, parce que ça permet justement d'harmoniser les points de vue. Et si ça c'est plutôt pas mal passé au conseil européen de Petersberg vendredi, c'est parce que Gerhardt Schroeder et Lionel Jospin ont trouvé les moyens de cheminer vers ce compromis.
Patrick JARREAU : Ce que vous êtes en train de nous dire c'est qu'ils les auraient trouvé même si l'un avait été centriste et l'autre socialiste.
Anita HAUSSER : Si Elmut Köhl avait été là, cela aurait été pareil !
François HOLLANDE : C'était pareil quand Elmut Köhl rencontrait Jacques Chirac et qu'ils avaient sur bien des points des convergences et des divergences sur un certain nombre d'intérêts.
Anita HAUSSER : Mais on arrivait aussi à un accord finalement !
François HOLLANDE: Prenons l'exemple de l'agriculture, parce que en Allemagne, le poids de l'agriculture est très différent d'en France, en plus c'est une agriculture plutôt céréalière et pas une agriculture d'élevage sauf dans certaines régions allemandes. Donc, ils ont fondamentalement des positions différentes des nôtres, ils ont beau être socialistes, ils ont des positions différentes des nôtres parce que leur géographie, leur économie...
Olivier MAZEROLLE : Alors encore une fois quel est le plus de la gauche ?
François HOLLANDE : Le plus de la gauche c'est que pour les raisons budgétaires, écoutez, il faut discuter, il faut faire les compromis nécessaires mais pour l'avenir, pour l'emploi, pour la croissance, pour la gestion de l'élargissement nous avons des positions communes et nous les ferons prévaloir dans les prochains mois et dans les prochaines années. Nous l'avons commencé déjà, sur l'emploi depuis deux ans, ce n'est pas la même politique qui s'applique en Europe et heureusement et ça donne d'ailleurs des résultats.
Patrick JARREAU : Et comme il va y avoir des élections européennes, on va en reparler dans 4 mois, on peut se poser la question au fond, est ce que la gauche ou les gauches en Europe sont plus européennes que la droite ou est-ce qu'au fond c'est pareil ?
François HOLLANDE : .Je pense que, on verra selon le compromis qui sera trouvé puisqu'il n'est pas encore trouvé, on verra si il est trouvé au mois de mars ou si il est trouvé au mois de juin mais vous constaterez à ce moment-là, bilan fait que la gauche européenne a été capable ou pas, non pas simplement de trouver un compromis, on trouve toujours un compromis, en Europe il en a été signé de nombreux mais a été capable de faire une compromis qui prépare mieux l'avenir, qui maîtrise mieux la dépense et qui la réoriente vers ce qui est essentiel. Ce qui est important c'est de savoir quelle politique agricole on va faire dans les prochaines années, quel élargissement on va accepter, quelle politique de l'emploi on va mener. Et donc ce que j'espère c'est pas qu'il y ait un compromis, je suis convaincu qu'il y aura un compromis, c'est que le compromis soit bon pour l'Europe, d'abord pour l'Europe, au-delà même des intérêts nationaux, et soit bon pour les peuples d'Europe et en l'occurrence soit sur l'avenir autant que sur le passé ou le présent.
Anita HAUSSER : Monsieur Hollande vous parlez d'agriculture et d'emploi mais il semblerait que les socialistes préconisent l'instauration d'un revenu minimum européen.
François HOLLANDE : D'un salaire minimum européen !
Anita HAUSSER : D'un salaire minimum européen pardon. Est-ce qu'il ne faudrait pas commencer par harmoniser les politiques fiscales ?
François HOLLANDE : Il faut faire les deux. Salaire minimum européen pourquoi ? Parce que d'abord les anglais pour la première fois, depuis que Tony Blair est premier ministre, ont accepté l'idée même d'un salaire minimum, avant ça n'existait même plus en Grande-Bretagne donc il y a partout en Europe des salaires qui sont très différents les uns des autres. Notre souhait, c'est qu'à mesure qu'on va faire le marché unique, à mesure que l'on va avoir une convergence économique, ce que l'on fait à travers l'union économique et monétaire et la monnaie unique, il n'est pas anormal du tout qu'il y ait aussi des conditions sociales qui convergent également et donc nous proposons pas simplement un salaire minimums d'ailleurs, des standards minimums, des normes minimums. En terme de protection sociale, en terme de droit du travail...
Anita HAUSSER : Mais pour ça il faut plus que des souhaits, il faut une vraie volonté !
François HOLLANDE : Il faut une vraie volonté et c'est pourquoi nous voulons signer, dans les prochains mois, dans les prochaines années, un traité social, de la même manière qu'on a été capable de faire l'union économique et monétaire, d'abord le grand marché puis la monnaie unique, est ce que les européens ne seraient pas capables pour les prochaines années de faire justement un espace social commun, ce serait d'ailleurs nécessaires, on ne peut pas...
Olivier MAZEROLLE : Et c'est ça l'objet de Milan, de la rencontre de Milan ?
François HOLLANDE : Oui. Il y a deux enjeux de Milan, il y a un enjeu de croissance et d'emploi, il faut que des initiatives de croissance soient prises dans les prochains mois. On a eu une croissance relativement forte ces derniers mois, on y reviendra pour la France mais on sent bien qu'il y a des risques encore faibles, des menaces encore virtuelles de ralentissement de cette croissance et de tassement de la baisse du chômage, donc il faut que les européens eux-mêmes fassent quoi ? Une meilleure coordination des politiques économiques, ils ont commencé à le faire, il faut continuer, une harmonisation fiscale, vous en parliez, oui il faut le faire pour éviter les distorsions. Troisièmement, ils vont adopter, et c'est un rendez-vous très important, j'allais dire même encore plus important que le compromis qu'on va trouver sur la politique agricole commune. Ils vont adopter au mois de juin, au sommet de Cologne un pacte européen pour l'emploi, c'est à dire chaque pays va s'engager sur des objectifs en terme d'emploi des jeunes, en terme de lutte contre le chômage de longue durée, lutte contre l'exclusion, formations. Des programmes qui vont les engager et qui…
Patrick JARREAU : Oui mais individuellement, je veux dire, chaque gouvernement et ce sera purement déclaratif !
François HOLLANDE : Non non, ce ne sera pas déclaratif, ce sera d'abord individuel et collectif, c'est à dire dans le cadre d'un programme européen qui lui-même fixe les objectifs et on aura des vérifications annuelles et nous, nous proposons même qu'à terme il puisse y avoir des sanctions de la même manière que l'on a des sanctions si on ne respecte pas les objectifs budgétaires, il faut avoir des sanctions, des pénalités si on ne respecte pas les objectifs sociaux ou les objectifs d'emploi. Ça c'est un élément très important pour Milan, et enfin il y a la question des grands travaux qui n'est pas encore tout à fait arbitrée puisque certains comme les français, les portugais, sont favorables à un programme de grands travaux, d'autres le sont moins, notamment les anglais qui craignent une dérive de la dépense budgétaire européenne ou nationale. Les allemands sont hésitants, ils ont plus la volonté de faire baisser les taux d'intérêts et nous aussi mais on pense que cela ne suffit pas. Donc ce sera une des discussions du sommet…
Patrick JARREAU : Les verts sont en avance sur vous là puisque eux ils ont reprise à leur compte au fond le programme de grands travaux qui avait été proposé en son temps par votre ami Jacques Delors !
François HOLLANDE : Qui sera d'ailleurs présent à Milan et donc nous sommes toujours favorables à cette idée, elle va être proposée, ce qu'il faut c'est y mettre les moyen. Ce qui est différent, si vous voulez, d'avec les verts, c'est que nous, si nous le disons, nous le faisons, nous le ferons.
Anita HAUSSER : Mais comment est-ce que vous conciliez grands travaux avec réduction des dépenses ?
François HOLLANDE : Alors ce que nous proposons pour les grands travaux, c'est des emprunts, ce qu'on appelle les Euro bons, c'est à dire que l'union européenne emprunte sur le marché financier pour financer ces grands travaux. Qu'est-ce que ça peut être ces grands travaux ? Travaux de communication et surtout les nouvelles technologies. On se rend compte qu'aux Etats-Unis, il y a eu une croissance tirée par les nouvelles technologies, que l'Europe n'en a pas forcément tirée tout le bénéfice et donc c'est aux européens aussi de lancer ces grands travaux pour les nouvelles technologies.
Olivier MAZEROLLE Précisément puisque vous évoquiez le cas des Etats-Unis, ils sont en période de croissance continue depuis maintenant…
François HOLLANDE : Une dizaine d'années…
Olivier MAZEROLLE : Une bonne dizaine d'années pour ne pas dire quinze ans. Pendant ce temps-là, l'Europe a beaucoup patiné, alors pourquoi enfin quel enseignement tirez-vous de ça, est ce que vous essayez de dégager un modèle européen qui pourrait être aussi compétitif que celui des Etats-Unis sans être la réplique exacte de celui des américains ou bien est ce que finalement vous n'êtes pas en train d'essayer de trouver la bonne solution alors qu'elle est là, de l'autre côté de l'Atlantique ?
François HOLLANDE : Essayons de comprendre ce qui se passe aux Etats-Unis. Qu'est-ce qui fait qu'ils ont une croissance forte depuis 10 ans ? D'abord ils ont une économie de service et on s'aperçoit que c'est dans les services qu'on crée le plus d'emplois. Bon, nous aussi en France on a une économie de service, ce qui nous permet aujourd'hui d'avoir un certain volume d'emplois supérieur à celui des allemands notamment.
Deuxième intérêt du modèle américain si tant est qu'on puisse le caractériser comme tel, c'est qu'ils ont mis l'accent, y compris par des programmes publics, pas simplement libéralistes, les Etats-Unis c'est aussi des programmes de recherche financés par le budget fédéral sur les nouvelles technologies et c'est pourquoi nous, nous proposons et notamment à nos amis socialistes européens ce programme de grands travaux sur les nouvelles technologies. Et puis troisièmement et là il ne faut pas être dupe du modèle américain. Au-delà de la flexibilité etc. C'est qu'ils ont un déficit commercial considérable c'est à dire qu'ils consomment beaucoup plus qu'ils n'épargnent, ils n'épargnent même plus les Etats-Unis, ils consomment. Ce qui n'est pas forcément mauvais, çà tire la croissance. Sauf, qui leur donne l'argent pour tirer leurs investissements, ce sont les européens, grand paradoxe quand même ! C'est à dire que les américains ont un déficit commercial très important, déficit de la balance des paiements, ont un dollar qui fluctue selon leurs intérêts et puis les européens jusqu'à ces derniers mois faisaient l'apport de l'épargne nécessaire au financement des investissements américains et avaient une stratégie monétaire nulle puisqu'ils n'avaient pas de monnaie unique. Ces événements ont changé puisque maintenant nous avons la monnaie unique et nous voulons que l'épargne européenne serve à financer les investissements européens, c'est à dire qu'il ne faut pas que les Etats-Unis imposent leurs règles…
Olivier MAZEROLLE : Alors comment on va faire ?
François HOLLANDE : Comment on va faire ? La monnaie unique va changer déjà la donne et deuxièmement, il faut qu'on mobilise l'épargne des européens puisque on a un excédent de notre commerce extérieur, on vend plus au reste du monde qu'on ne lui achète, et bien il faut qu'on mobilise.
Olivier MAZEROLLE : Mais on mobilise par des mesures, pas seulement par l'incantation !
François HOLLANDE : Justement il faut essayer que le marché, les marchés financiers européens servent à financer d'abord les investissements européens et pas simplement les investissements des américains.
Patrick JARREAU: Alors pour revenir à la réunion de Milan de demain où on va retrouver les principaux dirigeants socialistes européens.
Est-ce que vous en attendez un calendrier ou seulement des déclarations d'intention comme celle que vous avez évoquez tout à l'heure mais sans engagements précis dans le temps ?
François HOLLANDE : Ah non, il y a des actes qui vont être pris au congrès de Milan lundi et mardi, c'est pour ça que c'est un congrès très important pour les européens, pas simplement pour les socialistes, ce qui va se dire à Milan c'est ce qui va se faire, compte tenu de ce que vous indiquiez Monsieur Mazerolle c'est à dire le fait que aujourd'hui il y a 11 gouvernements sur 15 qui sont dirigés par des socialistes donc ce que vont dire les socialistes dans ce congrès, ils doivent être en capacité de traduire dans les faits. Alors j'y reviens.
Deux textes vont être adoptés, le premier, c'est le manifeste des socialistes européens pour les élections européennes, nous avons des élections partout en Europe puisque c'est les élections pour le parlement européen. Le texte que nous allons adopter, qui précise tout ce que nous voulons faire en terme de croissance, d'emploi, d'Europe sociale, c'est la première fois qu'on se met d'accord sur un programme commun, je reprends cette expression à ? ? ?, tous les socialistes en Europe sont d'accords sur les mêmes objectifs et les mêmes propositions.
Alors ce texte va nous engager, les futurs parlementaires européens certes, le parlement européen mais aussi les gouvernements européens et j'allais dire si les socialistes sont le premier groupe au parlement européen, le président de la commission européenne sera aussi socialiste ou proche des socialistes, ce qui veut dire que toutes les institutions européennes et aussi tous les gouvernements vont travailler dans le même sens, mettre l'Europe sur le chemin de la croissance de l'emploi, lui donner un contenu social et l'affirmer en tant que Europe politique. Texte donc très important.
Et deuxièmement nous avons dit, ça ne suffit pas, il faut aussi qu'il y ait des résolutions qui soient prises en terme de soutien de la croissance et de l'emploi et il y a un groupe de travail qui avait donc constitué autour du premier ministre portugais socialiste Soutirez et il va proposer notamment cette coordination des politiques économiques et cette stratégie de croissance, ce pacte européen de l'emploi et, je l'espère, ces nouvelles technologies qui pourraient être financées sur des fonds européens afin de doter l'Europe des moyens de son avenir et donc de sa croissance.
Olivier MAZEROLLE : Alors comment va se dérouler la campagne européenne en France parce que tout de même il y a quelque chose de très caractéristique cette année c'est que les chefs de partis vont tous diriger une liste. Vous, vous dirigez les socialistes...
François HOLLANDE : C'est pas nouveau comme situation...
Olivier MAZEROLLE : Robert Hue... Ah quand même si, à droite Philippe Seguin va diriger une liste, François Bayrou va en diriger une.
Bon donc il y a les chefs de partis, donc il y a une compétition là qui va s'instaurer, il y a une sorte de hiérarchie politique qui va sortir des urnes le 13 juin prochain !
François HOLLANDE : Alors on peut avoir plusieurs interprétations sur cette configuration que vous jugez exceptionnelle, qui est plus banale que cela parce que le mode de scrutin et c'est la première explication, le mode de scrutin que nous voulions changer, car un mode de scrutin proportionnel, national pousse à l'évidence à ce que chaque formation politique veuille exister dans ce scrutin puisque c'est l'occasion de tester son influence, ce qui explique la prolifération des listes, ce qui à mon avis est mauvais pour la démocratie parce que l'on va s'y perdre, il y aura une dispersion, il y aura de l'abstention sans doute, je la redoute en tout cas, et ça va être difficile pour la droite, j'ai l'impression qu'ils ont connu l'inflation, l'inflation à plusieurs chiffres bientôt donc pour la gauche, il y a aussi la pluralité qui s'exprime donc on a l'explication par le mode de scrutin. Nous, nous avions proposé un scrutin régionalisé, ce qui aurait fait que les députés européens auraient été en phase, en lien avec un territoire. La droite n'a pas voulue et j'allais dire...
Anita HAUSSER : Le parti communiste non plus !
François HOLLANDE : Et j'allais dire, j'allais y venir, et nos alliés non plus et je crois qu'ils ont commis tous, la droite et nos alliés, une erreur. Et vous allez voir le lendemain du scrutin, les mêmes qui l'ont refusé ce changement de mode de scrutin, vont tous dire « ah, on aurait dû ! », un peu comme çà c'est passé pour les régionales.
Deuxième explication, la droite c'est comme ça, elle est divisée, très divisée mais en même temps elle voudrait que ces élections européennes ce soit un peu la revanche des élections législatives, que ce soit une occasion d'une politisation nationale. Ils ont fixé un défi en disant il faut que la liste Seguin/Madelin, on y reviendra, arrive en tête ! Ecoutez on verra, il y a une liste socialiste, je la conduis et je veillerai à ce que nous arrivions nous en tête, il y a cette compétition qui est posée et je ne la refuse pas parce que je pense qu'effectivement, comme dans toute élection, il y a une dimension européenne qui est quand même la plus importante, qu'est-ce qu'on fait de l'Europe ? Quel contenu on lui donne? Qu'est-ce que on marque comme évolution pour l'Europe et notamment de croissance et d'emploi et puis il y a, parce que c'est une élection nationale, il y a un enjeu qui sera de politique intérieure.
Anita HAUSSER : Est-ce que ce n'est finalement l'enjeu national qui va prendre le dessus ?
François HOLLANDE : Il ne faudrait pas !
Anita HAUSSER : Il ne faudrait pas mais enfin la France parle d'une seule voie au moment des sommets donc c'est un peu difficile de voir l'enjeu, les différents enjeux !
François HOLLANDE : Ah si, il y a des enjeux. Moi je crois qu'il y a deux enjeux européens, après on verra sur les enjeux nationaux. Mais il y a deux enjeux européens, est ce qu'on veut plus ou moins d'Europe ? Nous, nous voulons plus d'Europe tout en gardant le cadre national, c'est ce que nous appelons la fédération d'Etat nation.
A droite, là la graduation de toutes les couleurs, ceux qui veulent pas du tout d'Europe, Villiers, Pasqua, ceux qui en veulent énormément, François Bayrou, et puis ceux qui savent pas très bien ce qu'ils veulent, Madelin et Seguin. Mais il y a un deuxième débat...
Olivier MAZEROLLE : Ça c'est votre appréciation hein quand même !
François HOLLANDE : Qu'ils ne savent pas ce qu'ils veulent, non c'est une réalité çà ! Mais enfin vous leur demanderez ce qu'ils veulent et comme ils sont deux, vous aurez deux réponses. Donc vous ne serez pas forcément éclairé !
Mais il y a un deuxième débat qui est un débat à mon avis encore plus fondamental, parce que ce qui intéresse nos concitoyens ce n'est pas simplement, et même les européens, c'est pas tellement des débats institutionnels, c'est qu'est ce qu'on fait de l'Europe ? Est ce qu'on fait une Europe libérale ? Ça c'est la position j'allais dire de toute la droite, de François Bayrou à Charles Pasqua, ils sont au moins d'accords sur l'Europe libérale et puis Philippe Seguin qui était peut-être le plus sceptique, maintenant il est accolé à Alain Madelin, si vous voulez Philippe Seguin est la tête de liste et Alain Madelin c'est le cerveau de la liste, donc à eux deux...
Patrick JARREAU : Quand même, vous ne pouvez pas dire que Charles Pasqua est pour l'Europe libérale, juste une rectification de faîte mais...
François HOLLANDE : Il a été quand même ministre d'Edouard Balladur qui, à ma connaissance, n'était pas un collectiviste dangereux ni un soviétique !
Patrick JARREAU : Non non, je vois très bien mais sa position aujourd'hui n'est pas celle-là, c1est tout ce que je veux dire !
François HOLLANDE : Ah sa position aujourd'hui, alors il nous la confiera peut être mais en tout cas, le vrai sujet de débat, et de débat démocratique, c'est de savoir si on veut une Europe libérale, un grand marché ou un petit marché, je veux dire Charles Pasqua, il est pour le petit marché et les autres ils sont pour le grand marché, bon mais en même temps c'est le marché, quelle que soit la taille et la nature du propriétaire.
Patrick JARREAU : Vous aussi vous êtes pour le marché !
François HOLLANDE : Nous, nous sommes pour un marché régulé, ce qui est quand même très différent ! Et c'est pour cela que je crois que le vrai débat, il est entre l'Europe libérale et l'Europe sociale, l'Europe maîtrisée, l'Europe régulée.
Et nous, nous pensons que nous n'avons pas fait l'Europe pour simplement un marché. Le marché, il est utile, il est nécessaire et c'est vrai que c'est un élément de la croissance.
Nous n'avons pas fait l'Europe pour la monnaie. La monnaie c'est un instrument. Nous, nous avons fait l'Europe pour qu'elle ait à la fois des retombées en terme d'emplois et en terme de croissance et pour qu'elle ait un contenu politique, pour que l'Europe puisse peser, qu'elle soit une puissance notamment par rapport aux Etats-Unis, pour qu'elle puisse même changer l'orientation du monde donc ce n'est pas simplement un débat frileux d'européens qui veulent se protéger, non c'est une Europe qui doit être généreuse avec le reste du monde notamment le tiers monde et qui doit être aussi exigeante à l'égard de la première puissance américaine.
Olivier MAZEROLLE : Il y a aussi la compétition au plan national. Alors bon, il semble bien que pour vous la clause soit entendue, enfin vous devrez être premier, en tout cas Jack Lang lui, il est convaincu que vous allez être premier puisqu'il a expliqué cette semaine que finalement s'il n'avait pas été désigné comme tête de liste, c'est sans doute parce que ses amis avaient bien compris qu'il n'aimait pas les campagnes gagnées d'avance !
François HOLLANDE : Mais j'espère que celle-là est gagnée d'avance mais je n'en ai pas le sentiment parce que c'est la pire des élections, les élections européennes avec ce mode de scrutin, on le sait bien, il y aura une vingtaine de listes.
Et si moi j'ai été candidat au bout du compte, après une certaine réflexion j'en conviens, c'est parce que j'ai considéré que c'était une élection extrêmement dangereuse, périlleuse même pour les grands partis et pour le mien en particulier puisque l'on pouvait penser qu'il n'y avait pas d'enjeu alors que, à mes yeux, et je viens de l'expliquer, il y a des enjeux déterminants au mois de juin.
Quelle Europe veut-on et quelle place pour le pôle de stabilité de cette majorité plurielle en France derrière le gouvernement de Lionel Jospin.
Patrick JARREAU : Donc c'était trop risqué pour Jack Lang, c'est ça que vous êtes en train de nous dire ?
François HOLLANDE : C'est pas ça que je veux dire, c'est que on ne pouvait pas, de ma part en tout cas, dire aux socialistes, il faut vraiment vous mobiliser parce que c'est très important les élections européennes, à la fois pour les socialistes européens que pour les socialistes français, et moi dire écoutez je suis désolé, tous les chefs de partis sont sortis et moi je reste calfeutré à la maison et j'essaye de trouver une personnalité éminente et celle de Jack Lang l'était à l'évidence et elle l'est toujours.
Olivier MAZEROLLE : Bien alors comment allez-vous constituer votre liste, alors Michel Rocard se voit déjà numéro 3 !
François HOLLANDE : Oui je ne sais pas comment il l'a vu mais écoutez on verra, la liste n'étant pas constituée !
Anita HAUSSER : Et qui est numéro 2 ?
François HOLLANDE : Pour l'instant je ne connais même pas le numéro 1 puisque je ne suis que candidat à la candidature c'est vous dire que nous, nous sommes respectueux de nos procédures.
Olivier MAZEROLLE : Vous seriez surpris quand même de ne pas être désigné !
François HOLLANDE : C'est toujours un risque vous savez ! Mais enfin pour le moment je n'ai pas de contradicteur mais on ne sait jamais !
Olivier MAZEROLLE : Michel Rocard n'est pas numéro 3 alors ?
Patrick JARREAU : Est-ce que vous reconduirez la parité stricte ?
François HOLLANDE : Je reconduirai la parité
Patrick JARREAU : Stricte comme en 94 ?
François HOLLANDE : Stricte, c'est à dire, un homme une femme...
Olivier MAZEROLLE : Donc le numéro 2 sera une femme ?
François HOLLANDE : Ce sera une femme mais je ne peux pas vous dire qui puisque je vais présenter cette liste le 31 mars !
Olivier MAZEROLLE : Et le numéro 3 ?
François HOLLANDE : Le numéro 3, ce sera un homme je peux vous le dire !
Olivier MAZEROLLE : Ce sera un homme mais on ne sait pas de quel parti il sera ?
François HOLLANDE : Ah je pense qu'il sera socialiste oui !
Olivier MAZEROLLE : Ah parce que le mouvement des citoyens dit nous on ira peut être avec les socialistes mais à condition d'avoir le numéro 3 !
François HOLLANDE : Ah non j'ai trop d'estime pour le mouvement des citoyens et Jean-Pierre Chevènement en particulier pour penser qu'il n'est attaché qu'à des numéros ou à des places, nous sommes quand même les uns et les autres en recherche d'un accord politique c'est à dire quelle Europe on veut faire !
Olivier MAZEROLLE : Donc ce sera un socialiste le numéro 3, ce ne sera pas un radical non plus ?
François HOLLANDE : Ecoutez, à priori c'est un socialiste oui.
Olivier MAZEROLLE : Dites donc quand on est à la liste du PS, il faut courber l'échine !
Anita HAUSSER : Il faut mériter son alliance !
François HOLLANDE : Oui mais enfin il faut savoir aussi ce qu'on représente les uns les autres.
Donc je pense que chacun doit avoir la conscience de sa place et rien que de sa place et je pense pas que ce soit le problème principal et je souhaite vraiment qu'avec nos alliés radicaux et du mouvement des citoyens nous ayons d'abord un accord politique, il est rempli avec les radicaux, avec le mouvement des citoyens ça se discute, quand même ils ont pris des positions hier, il n'y a pas si longtemps qui étaient assez différentes des nôtres, donc il ne faut pas faire une alliance pour faire une alliance. Et en même temps, une fois qu'on aura fait cet accord politique il y aura une réflexion sur les places et les numéros et je vous rassurerai à ce moment-là.
Olivier MAZEROLLE : Et une question de Patrick JARREAU.
Patrick JARREAU : Donc la commission mise en place par le premier ministre autour du commissaire au plan Jean-Michel CHARPIN a terminé ses travaux sur les retraites, sur les perspectives des différents systèmes de retraites à l'horizon 2015 et au-delà. Est-ce que vous souhaitez que des décisions soient prises cette année face aux problèmes de financements posés par les retraites et est-ce que vous avez une préférence sur la méthode à suivre, notamment faut-il toucher ou non à l'âge du départ à la retraite ?
François HOLLANDE : Alors d'abord sur la méthode qu'a choisie le gouvernement de confier un rapport à M. CHARPIN, Commissaire au Plan, de faire des évaluations, c'est à dire quelle sera la situation en 2020 et même en 2040, pousser jusque-là l'extrapolation. Et de le faire cet exercice en concertation avec les partenaires sociaux. Tout cela me paraît une bonne démarche. On ne peut pas faire simplement des rapports et ne pas les confronter à la fois avec la réalité, ce que va produire une certaine évolution démographique et puis aussi ce que peuvent souhaiter ou redouter les partenaires sociaux. Alors ce rapport va bien bientôt être rendu public au moins dans ses parties conclusives et le débat va s'installer et sans doute pendant plusieurs semaines. Je souhaite en tout cas, que oui, à la fin de l'année, des orientations soient prises. Cela ne veut pas dire des décisions nécessairement tout de suite, mais qu'en tout cas qu'il y ait un calendrier, un échéancier de façon à ce qu'en fonction de la concertation, en fonction du constat, on puisse donner aux Français des perspectives. Parce que le pire, ça ne serait de ne rien faire. Mais je suis convaincu d'ailleurs que les Français nous en voudraient plus de ne rien faire, que de faire même des choix qui peuvent être dans certains cas difficiles.
Anita HAUSSER : Pourquoi seulement des orientations et pas des décisions, parce que finalement le problème il est sur la table maintenant et les... sont préparées je veux dire.
François HOLLANDE : Pas encore. Je crois que la concertation n'a pas encore produit tous ses effets. Mais, il ne faut pas non plus penser qu'on va régler tous les problèmes de retraite de 2020, voire de 2040 à la fin de l'an 2000. Je crois que ce qui est important c'est un processus progressif. Il va falloir prendre un certain nombre de décisions au fur et à mesure des années de façon à ce que les scénarios qui sont parfois un peu catastrophistes ne se confirment pas. Parce qu'il y a un élément très important pour l'avenir, c'est de savoir quel sera le taux de chômage. Si le taux de chômage reste ce qu'il est aujourd'hui, ce qui n'est pas notre objectif, alors ce sera encore plus difficile de régler les questions de retraite. Si, comme nous l'espérons, par la réduction du temps de travail, par les emplois jeunes, par la croissance, on y reviendra, il y a une baisse du taux de chômage, alors on s'aperçoit que les perspectives ne sont pas meilleures, mais qu'en tout cas moins difficiles. De toute façon, il faudra prendre des décisions.
Olivier MAZEROLLE : Alors, est-ce que la durée de la cotisation, l'âge de départ à la retraite avec une retraite pleine est un tabou auquel vous ne voulez absolument pas toucher, ou est-ce qu'au contraire, c'est ouvert à la discussion. Est-ce que c'est sur la table ?
François HOLLANDE : Nous, en tant que socialistes, nous sommes plutôt sur une démarche souple. Je m'explique. Il ne s'agit pas de remettre en cause la retraite à 60 ans, c'est un droit qui demeurera d'ailleurs. Toute la question est de savoir avec quelle retraite on partira à 60 ans. Et donc, nous sommes favorables à ce qu'il puisse il y avoir des périodes de retraites disons progressives, c'est à dire à un moment où l'on puisse partir dans la retraite tout en gardant une activité, c'est à dire des systèmes de mi-temps, de tiers temps ou de quart temps, qui fait que la sortie de l'activité se fasse progressivement et qu'on puisse à ce moment-là, travailler, donc cotiser et en même temps recevoir une compensation d'inactivité pour compenser sa vie quotidienne. Donc, je crois plutôt sur cette notion de retraite progressive.
Deuxièmement, nous sommes effectivement pour qu'on puisse avoir effectivement des possibilités de sortir plus tôt de cette durée d'activité nécessaire, sans être pénalisé. Aujourd'hui, quand vous prenez votre retraite avant 60 ans, vous êtes fortement pénalisé. Quand vous prenez votre retraite avant les 37 années et demie et demain les 40 ans puisque suite à la réforme Balladur il y a déjà eu, pour le privé, mais la question peut se poser pour le public. Quand on part plus tôt que prévu ou plus tôt qu'on ne pourrait le faire compte tenu des trimestres qui ont été ceux des cotisations, alors on est pénalisé. Il faudrait sans doute éviter cette pénalisation de façon à ce que certains puissent sortir plus tôt de l'activité.
Anita HAUSSER - Est-ce que cette retraite progressive serait aussi valable pour le public ?
François HOLLANDE : Alors, ce que j'ai dit vaut pour le public, comme pour le privé. C'est un système qui permet, à mon avis, une sortie plus douce d'abord de l'activité, c'est pas toujours facile de cesser toute activité et deuxièmement, permettre d'avoir un maintien de son revenu d'activité et d'avoir aussi...
Anita HAUSSER : Il y a aussi un problème de financement des retraites.
François HOLLANDE : Ce système permet d'ailleurs d'avoir plus de cotisations, puisqu'on a une partie d'activités et une partie de retraite.
Anita HAUSSER : Mais enfin pour l'instant le secteur public reste tabou.
François HOLLANDE : Alors, pour le secteur public, écoutez les concertations vont s'engager. Les questions vont être posées puisque les prévisions qui sont faites par M. CHARPIN valent aussi pour le secteur public et on s'aperçoit qu'il y a une charge très lourde pour les années futures, donc de toute façon, il va y avoir avec les partenaires sociaux, avec les syndicats de la fonction publique, une discussion là-dessus. Personne ne peut être aveugle. Le pire aveuglement ça serait de dire : « nous ne faisons rien ». Certains nous poussent beaucoup à le faire. Ne rien faire, c'est tuer le système par répartition.
Olivier MAZEROLLE : Est-ce que le public et le privé doivent être alignés sur les mêmes normes en ce qui concerne la durée de la cotisation ?
François HOLLANDE : Je pense qu'il faut trouver, dans le public, des formes particulières, parce que le statut est lui-même particulier. Et s'ils arrivent…
Patrick JARREAU : ça veut dire que les régimes spéciaux seraient maintenus dans votre esprit ?
François HOLLANDE : Les régimes spéciaux seraient maintenus et en même temps, il faut qu'ils règlent les questions d'équilibres financiers. Le fait d'être dans un régime spécial, ne doit pas exonérer ceux qui y sont des efforts qu'ils doivent accomplir pour payer la retraite de ceux qui seront demain dans cette situation.
Patrick JARREAU : L'Etat n'assurera pas forcément le...
François HOLLANDE : L'Etat le fait déjà. L'Etat doit continuer à le faire. Mais il faut aussi que les acteurs de ces régimes prennent conscience des déséquilibres qui vont arriver dans les années qui viennent.
Patrick JARREAU : Leur taux de cotisations pourrait évoluer par exemple.
François HOLLANDE : Tout ça doit se discuter. Je pense que si on a voulu cet exercice, c'est pour qu'aucune question ne soit taboue. C'est pour qu'on n'ait pas cette stratégie de dire : « écoutez, nous, c'est trop simple, on n'est pas obligé de le prendre, puisque que ce sont des problèmes qui vont se poser en 2020, puisque cette affaire de report de cotisations que propose le commissariat au Plan, c'est pour 2019 ». Donc, on est aujourd'hui en 2000. On pourrait dire on est le gouvernement de l'an 2000, on ne va pas se préoccuper des situations de 2020.
Je ne pense pas que ce sera Lionel JOSPIN encore le Premier ministre de 2020. Il n'a pas forcément cette possibilité. Donc, il faut qu'on règle aujourd'hui les problèmes, mais on n'a pas non plus à les régler tous, mais il faut aussi avoir cette conscience que les problèmes de 2020 peuvent être pour partie régler aujourd'hui ou demain.
Olivier MAZEROLLE : On parlait au début de l'émission, donc des chiffres de l'INSEE qui confirment que l'année 98 a été une année record pour la France en termes de croissance, en termes de faible inflation, en termes de créations d'emplois, en termes de consommation également. Néanmoins, la fin de l'année 98 a été moins bonne que le début 98 et le début de 99 est un peu vacillant. Dominique STRAUSS KAHN, lui, est convaincu qu'au 2e semestre, ça va repartir. Partagez-vous cet optimisme ?
François HOLLANDE : D'abord, restons sur les bonnes nouvelles, après on verra pour les nuages. Les bonnes nouvelles c'est quand même qu'on a eu en 1998 la plus forte croissance de ces 12 dernières années. C'est à dire qu'on a été capable en 1998 de faire plus de 3 % de croissance, 3,2 exactement, plus même que ce qu'avait prévu le ministère des finances dans son propre budget. A l'époque, il y avait l'opposition, elle est toujours là d'ailleurs. Alain MADELIN disait : « vous ne ferez jamais 3 %, donc vous mentez sur vos estimations ». On a fait 3,2 %. Bon. C'était possible grâce à quoi ? Grâce à la consommation qui a progressé de plus de 3 %. Parce que le pouvoir d'achat des Français a lui-même augmenté de plus de 3 %, aussi grâce à l'investissement qui a augmenté de 6 %. Donc, ce que je veux dire ici, c'est que les conditions de la croissance française, sont des conditions fondées sur la bonne tenue de la consommation elle-même provoquée par le bon niveau du pouvoir d'achat. Et pourtant, on a pas dégradé nos comptes extérieurs, on a eu un excédent du commerce extérieur de 160 milliards de francs, et on a même amélioré nos comptes publics, puisque le déficit de l'Etat comme le déficit de la sécurité sociale, se sont tassés au-dessous de 3 %. Alors, ce sont ces conditions macro-économiques qu'il faut prolonger dans l'année 99 et même pour l'année 2000 et c'est à ce moment-là qu'on peut parler des éventuels nuages.
Il y a encore quelques mois, on nous disait: « il y a une crise asiatique, vous ne réussirez jamais à maintenir la croissance ». La crise asiatique elle n'a sans doute pas disparue, mais elle s'est quand même un peu émoussée. On a dit après : « vous verrez vous n'arriverez pas, parce que l'Europe, notamment les Allemands, connaissent un essoufflement ». Nous savons effectivement cette constatation aussi, mais nous disons, en tout cas les socialistes : « si nous voulons garder un bon niveau de croissance en 99, il faut garder les ressorts de la croissance de 98, c'est à dire la consommation et le pouvoir d'achat des ménages ».
Patrick JARREAU : Est-ce qu'il n'y a pas quand même - alors je ne sais pas si ça fait partie des nuages, mais en tout cas une ombre au tableau de 98, année exceptionnelle au point de vue de la croissance dites-vous,
François HOLLANDE : année exceptionnelle qui peut se prolonger...
Patrick JARREAU : qui peut se prolonger, année exceptionnelle jusqu'à maintenant. En tout cas, 400 000 emplois créés et une régression du chômage, en revanche, assez faible. Il régresse certes, mais pas aussi fort.
François HOLLANDE : D'abord le chômage régresse. Il régresse, c'est très important de le dire, parce qu'il a régressé de 200 000 depuis que nous sommes aux responsabilités. Mais, vous avez raison, nous avons créé 400 000 emplois. Ce sont créés 400.000 emplois. Alors souvent, nous sommes interrogés. Mais on nous dit comment se fait-il qu'il y a 400.000 emplois créés et 200.000 chômeurs simplement en moins. Tout simplement parce que nous avons une progression démographique des jeunes qui sont nombreux à se compter en plus, chaque année, sur le marché du travail. Et puis deuxièmement, quand l'économie va mieux, un certain nombre de personnes qui s'étaient mis en retrait de l'activité, avaient renoncé à rechercher un emploi, reviennent sur le marché du travail et pointent à l'ANPE, où trouvent un emploi qu'ils n'espéraient plus. Donc c'est ce qui explique cet écart. Mais ce qui est important c'est qu'il y ait eu 400 000 emplois créés. Ces 400 000 personnes de plus dans l'emploi, ils ont favorisé la croissance. On dit souvent, à juste raison : la croissance fait l'emploi. Plus il y a de croissance, plus il y a d'emplois. Tout à fait exact. Et c'est pas l'Etat qui fait la croissance, c'est un ensemble de facteurs, même si on peut se dire que le gouvernement doit y être un peu pour quelque chose, soyons modestes, mais au moins un peu. La preuve, c'est que si on avait fait mal, on aurait dit qu'on y est vraiment pour quelque chose. Donc, je ne voudrais pas quand ça va bien, on dise : c'est le gouvernement et quand ça va mal, c'est le gouvernement.
Ça vaut quand on est dans l'opposition, mais pas quand on est dans la majorité. Alors, en tout cas, il y a plus de personnes dans l'emploi et ça va aussi favoriser la croissance. La croissance créé l'emploi et l'emploi créé la croissance.
Et quand on nous reproche les emplois jeunes, ou même la réduction du temps de travail, en disant : « mais combien ça a créé d'emplois, et est-ce que ce sont des vrais emplois ? » Les personnes qui sont dans l'emploi, ces jeunes, grâce aux emplois jeunes, ou ceux qui vont trouver un emploi grâce à la réduction du temps de travail, ils vont enrichir la croissance, c'est à dire qu'ils vont eux-mêmes toucher un salaire, consommer et produire de la croissance.
Olivier MAZEROLLE : Mais quand vous disiez tout à l'heure qu'il faut garder les ingrédients qui ont fait la réussite de 98, c'est à dire la consommation et la croissance du pouvoir d'achat des ménages, quelles sont les mesures que vous préconisez pour y parvenir ?
François HOLLANDE : Nous, nous avons préconisé, ça s'applique pour 99, peut-être pas suffisamment, la baisse de la TVA sur un certain nombre de produits et nous continuerons à le faire, puisque maintenant l'Europe nous y autorise pour les prochains mois.
Olivier MAZEROLLE : Donc, est-ce que ça oblige le gouvernement à le faire, le fait que maintenant l'Europe l'autorise ?
François HOLLANDE : Ecoutez, c'est le gouvernement de Lionel JOSPIN qui a souhaité qu'il y ait, c'était au sommet de Luxembourg, sur l'emploi en novembre 97, qu'il y ait ces baisses ciblées du taux de TVA sur tout ce qui est travaux liés au bâtiment, déménagement, logements, etc. Et puis tout ce qui est activité de proximité. Donc, nous avons proposé une baisse de taux de TVA de 20,6 à 5,5 et il fallait avoir l'agrément, l'accord de l'Europe parce que ce n'était pas aujourd'hui possible. L'Europe nous répond : « puisque vous avez fait cette proposition, puisque ça peut être favorable à l'emploi, soit, vous pouvez le faire ». Alors, ce serait quand même un paradoxe, c'est pour ça que je ne m'y résignerai pas, ce serait un paradoxe que l'ayant demandé, nous le fassions pas. Donc oui, il faudra le faire et j'espère, dès le prochain budget de l'an 2000.
Anita HAUSSER : Comment espérez-vous convaincre le ministre de l'économie ?
François HOLLANDE : Je pense qu'il est lui-même convaincu, donc je n'aurai pas besoin de le convaincre.
Anita HAUSSER : Quand il nous explique qu'un point de TVA, c'est 30 milliards de francs.
François HOLLANDE : Et bien il a raison. Il a parfaitement raison. Si on baissait la TVA sur tous les produits, ça nous coûterait cher et n'aurait pas d'effets. Donc, il faut faire des baisses ciblées. Je reviens sur le pouvoir d'achat des ménages. Je pense que c'est très important aussi qu'il y ait des négociations dans les entreprises et grâce à la faible inflation, l'inflation elle a disparu dans ce pays. Il n'y a plus d'inflation. C'est même d'ailleurs pour certains une inquiétude. Il n'y a plus de hausses des prix. Donc, toute augmentation, même faible des salaires, c'est une augmentation du pouvoir d'achat. Et d'ailleurs, quand on a signé l'accord sur la fonction publique, on nous a dit : « c'est peut-être pas suffisant, etc. ». L'accord sur la fonction publique va donner aux fonctionnaires et ça doit être, à mon avis, un exemple pour le secteur privé, va donner 2,5 à 3 % de pouvoir d'achat en plus, grâce à la faible inflation.
Olivier MAZEROLLE : Alors, M. STRAUSS-KAHN, lui, il a une autre idée pour pouvoir créer du pouvoir d'achat. C'est une diminution de l'impôt sur le revenu. Et vous, vous montez au rideau.
François HOLLANDE : Non, je n'ai pas de rideau ici. Donc, je ne vais aller jusque-là. Mais ce que je dis, c'est qu'il faut d'abord baisser la TVA sur ces produits qui ont un fort contenu d'emplois. Une fois qu'on a fait ça, puisque ça, ça va avoir un effet sur l'emploi et ça va bénéficier à tous ceux qui consomment, tous ceux qui utilisent ces travaux-là. Je ne suis pas du tout défavorable à ce qu'il y ait aussi des baisses d'impôts sur le revenu. Je ne veux pas ici laisser penser que les socialistes voudraient uniquement faire de la baisse de TVA. Si on fait de la baisse de TVA et qu'on a des marges qui nous permettent de faire aussi de la baisse intelligente, c'est à dire, juste, et bien moi j'y suis favorable.
Patrick JARREAU : est-ce qu'on touche au taux marginal, ou pas par exemple ?
François HOLLANDE : Ecoutez, si c'est pour faire une baisse de l'impôt sur le revenu qui profite qu'à une centaine de milliers de Français, ça peut avoir des effets qu'on peut analyser, d'éviter que certains quittent le territoire français puisqu'on nous met en face, souvent, cette menace, j'y reviendrai. Mais ça ne produit rien en termes de consommation. Ce sont des catégories qui généralement sont très favorisées, puisqu'ils sont dans cette tranche là et qui épargnent puisqu'ils ne consomment.
Anita HAUSSER : ça rapporte des impôts ?
François HOLLANDE : ça dépend. Ça dépend, si ceux qui sont partis, reviennent. Je voudrais dire juste un mot sur ceux qui, éventuellement, partent. Parce que on nous dit souvent: « il y a des gens qui payent tellement d'impôts sur le revenus, qu'ils quittent le territoire ».
Olivier MAZEROLLE : Et même à gauche, des gens le disent.
François HOLLANDE : ça peut arriver. C'est vrai pour des jeunes célibataires qui gagnent très bien leur vie, dans le secteur financier, qui peuvent partir à Londres. Mais quand on a fait la comparaison et je l'ai faite, entre l'impôt sur le revenu en Grande-Bretagne et l'impôt sur le revenu en France, dès que vous fondez une famille et que vous avez des enfants, l'impôt sur le revenu en France est moins élevé qu'en Grande-Bretagne.
Et cela, généralement, reviennent, ce qui n'est quand même pas plus mal.
Patrick JARREAU : Il y a une autre, puisqu'on est sur la fiscalité, une autre mesure fiscale que les socialistes ont longtemps réclamé, et puis maintenant, vous avez l'air de dire, on verra ça plus tard, le plus tard possible. C'est de tenir compte du revenu dans le calcul des impôts locaux.
François HOLLANDE : Nous l'avons réclamé. Beaucoup étudié surtout. Et à chaque fois, on a cette difficulté, c'est que si on lie la taxe d'habitation aux revenus, nous ne sommes pas sûrs que ça avantage ceux qui devraient pourtant en bénéficier, c'est à dire les ménages modestes et on n'est pas sûrs que ceux qui en bénéficieraient, ne seraient pas les ménages les plus favorisés. Donc, c'est en plus très compliqué à faire. C'est pourquoi nous avons préféré pour le temps qui nous reste, c'est à dire les deux ans d'ici les élections municipales, nous avons préféré plutôt changer, ce qui est un peu compliqué, c'est à dire les bases locatives. Ça se fera dès l'an 2000, au moins dans une première phase. Donc, nous voulons qu'il y ait une meilleure évaluation des biens, ce qui parait la moindre des choses, puisque la taxe d'habitation est fondée sur la valeur locative.
Patrick JARREAU : Les bases locatives seront réformées en l'an 2000 ?
François HOLLANDE : Révisées...
Patrick JARREAU : Révisées pardon, en l'an 2000.
Anita HAUSSER : M. HOLLANDE, je voudrais vous questionner sur les 35 heures. Leur application donne-t-elle entière satisfaction ? L'autre jour, on a entendu M. ALLEGRE reconnaître que la suppression des heures supplémentaires ne créait pas d'emplois. Il semblerait que beaucoup de patrons soient dans le même état d'esprit que lui.
François HOLLANDE : Alors, puisque vous me parlez de Claude ALLEGRE et des heures supplémentaires de l'éducation nationale, je pense qu'il aurait mieux valu ne pas remettre en cause le régime des heures supplémentaires dans l'éducation nationale. Ça aurait permis peut être l'acceptation des réformes par ailleurs nécessaires. Donc, je crois qu'il faut...
Olivier MAZEROLLE : Vous condamnez Claude ALLEGRE alors ?
François HOLLANDE : Non, ce n'est pas ça que j'ai dit.
Olivier MAZEROLLE : Si, puisque vous critiquez ouvertement une mesure qu'il a prise.
François HOLLANDE : Non, lui-même l'a reconnu.
Olivier MAZEROLLE : Il l'a reconnu ici même.
François HOLLANDE : Il l'a reconnu en disant que c'était une erreur.
Anita HAUSSER : Il a aussi ajouté que ça ne crée pas d'emplois.
François HOLLANDE: Maintenant, je viens sur les créations d'emplois. Nous nous avons voulu faire les 35 heures pour créer des emplois. Nous avons eu une démarche en deux temps. Une démarche fondée sur le volontariat, c'est celle qui existe aujourd'hui. Et puis à partir de l'an 2000, une démarche qui sera celle de la loi, puisqu'à partir de l'an 2000, dans les entreprises de plus de 20 salariés, ça sera l'heure légale : 35 heures. Donc, jusqu'à l'an 2000, nous sommes uniquement dans une phase où les entreprises négocient avec leurs partenaires sociaux et en fonction des incitations qui leur sont accordées, car il y a des aides qui sont prévues pour justement faciliter ce passage aux 35 heures, il y a des accords signés et donc des créations d'emplois. Aujourd'hui, alors que la loi n'a été votée qu'il y a peine 9 mois, il y a déjà 2 400 accords, 37 000 emplois créés ou maintenus. Moi, je considère que sur la démarche du volontariat, c'est déjà un résultat acceptable.
Olivier MAZEROLLE : Vous savez que ce chiffre de 37 000 est très discuté. Parce qu'on vous dit, beaucoup d'entreprises de toute façon allaient créer des emplois.
François HOLLANDE: Mais ça, c'est vrai pour toute mesure emploi. C'est à dire vous baissez les cotisations sociales, puisque c'est une demande qui avait été faite. Vous dites ça va créer tant d'emplois...
Olivier MAZEROLLE : Quel est le cadrage que vous souhaitez pour la deuxième loi. C'est ça en fait la question d'Anita HAUSSER. Parce que Claude ALLEGRE dit ceci. Il a constaté, Claude ALLEGRE, une chose très simple. C'est que pour les Français qui font des heures supplémentaires, c'est devenu un élément constitutif de leur salaire, donc ils ne veulent pas y renoncer.
François HOLLANDE : Ça c'est très vrai. C'est à dire que les entreprises, plutôt que de créer des emplois, on peut le constater, ont recouru abusivement à nos yeux, mais ont recouru à des heures supplémentaires. Et ceux qui les font, qui ont souvent des salaires assez modestes, grâce aux majorations sur les heures supplémentaires, se font un supplément de revenus et donc de pouvoir d'achat, et notamment dans les périodes de croissance comme aujourd'hui, beaucoup d'entreprises utilisent les heures supplémentaires. C'est pourquoi il y aura toujours un volume d'heures supplémentaires, même avec les 35 heures et qu'il n'est pas question pour nous de revenir sur cette souplesse pour les entreprises et cette nécessité en termes de pouvoir d'achat. Faut-il néanmoins fixer une limite, parce que s'il n'y a pas un seuil, vous voyez que l'abus peut être très commode pour les entreprises et les salariés tentés de privilégier leur propre emploi sur l'emploi des autres. Donc il faudra discuter lors de la deuxième raison, car vous avez raison, ça sera un élément important. A la fois quel sera le volume des heures supplémentaires accordé et quelle sera la majoration qui sera acceptée.
Olivier MAZEROLLE : Mais tout de même, au parti socialiste, vous avez bien une idée sur le volume des heures supplémentaires qu'il ne faudrait pas dépasser ?
François HOLLANDE : Je crois qu'il faut garder avec les 35 heures à peu près la même proportion qu'aujourd'hui avec les 39 heures, c'est à dire qu'il faut avoir un volume comme c'est signé dans beaucoup d'accords, d'une (...) qui paraissent comme le seuil légitime pour les heures supplémentaires. Là, c'est une opinion personnelle puisque nous n'en avons pas discuté ni au parti socialiste.
Patrick JARREAU : Vous conveniez tout à l'heure du constat, selon lequel beaucoup d'emplois créés, mais un chômage qui recule lentement, pas aussi vite qu'on pourrait le souhaiter en tout cas. Est-ce que vous avez le sentiment que le gouvernement est toujours, au fond, aussi décidé quand il s'agit de mesures pour l'emploi. Il semble, par exemple, avoir renoncé à taxer les entreprises qui recourent à la précarité, il semble avoir renoncé aux emplois jeunes dans le privé que je crois les socialistes réclament toujours et quant à accroître le contrôle des licenciements, il semble également y avoir renoncé.
François HOLLANDE : Alors, revenons sur ces 3 points.
Olivier MAZEROLLE : Il nous reste 3 minutes.
François HOLLANDE : alors, une minute par point. D'abord le gouvernement a obtenu des résultats sur l'emploi. Donc, il ne faut pas que des annonces trop précipitées finissent par atteindre les objectifs qu'il s'est lui-même donné et notamment pour les 35 heures et pour les emplois jeunes dans le secteur public local. En revanche, nous nous tenons à ce qu'il y ait la pénalisation des abus d'intérim ou des contrats à durée déterminée ; Le gouvernement nous répond et je crois que c'est une réponse qui mérite attention. Nous allons provoquer une négociation, la négociation va s'engager avec les partenaires sociaux. Et nous, nous disons, si cette négociation aboutit, tant mieux, ça éviter de passer par la loi, si elle n'aboutit pas, alors il faudra aller vers la loi.
Deuxièmement, sur les emplois jeunes dans le secteur privé, des formules existent, grâce à Martine AUBRY, mais il faudra les compléter et nous restons favorables à ce qu'il y ait encore une inflexion là-dessus, notamment pour les jeunes qui sont les moins qualifiés, quitte à donner une allocation de formation pour ces jeunes dans l'entreprise.
Troisièmement, pour la prévention des licenciements, l'Europe, j'y reviens, va peut-être nous aider à trouver une solution, c'est à dire qu'il y ait une directive européenne qui permette justement d'avoir des préventions sur les licenciements, et donc d'éviter des abus à l'échelle de l'Europe, ce qui évitera sans doute un certain nombre de difficultés qu'on a connues il n'y a pas si longtemps en Belgique.
Olivier MAZEROLLE : Tout à fait autre chose, il nous reste une minute trente. La parité, c'est quelque chose qui va finir par passer ?
François HOLLANDI : Oui, je pense qu'il ne faut pas jouer avec ce sujet-là.
Olivier MAZEROLLE: Monsieur BADINTER qui est socialiste, lui n'est pas favorable à la formule présentée par le Gouvernement.
François HOLLANDE : Je pense qu'il faut qu'il y ait un compromis là-dessus. Il faut que le Sénat comprenne que la parité doit s'inscrire dans la constitution.
Olivier MAZEROLLE : Mais compromis, ça veut dire qu'il faut un geste gouvernemental.
François HOLLANDE : Qu'on revienne au texte du gouvernement. Que ce soit sur l'article 3 ou l'article 4, qu'importe. Ce sera normalement sur l'article 3 ou sur un article spécifique, mais qu'on trouve la solution pour en sortir.
Olivier MAZEROLLE : Mais attendez, le sénat, sur l'article 4, il est d'accord.
François HOLLANDE : Oui, c'est pour ça qu'il faudrait que l'article 4 ce soit la pénalisation pour les partis politiques. L'article 3, c'est l'inscription dans la constitution. Nous nous disons : il faut l'inscrire d'abord dans la constitution, le principe de parité, permettant aux lois ordinaires d'utiliser la constitution pour faire justement place aux femmes dans toutes les élections à la proportionnelle, et deuxièmement, puisque le sénat le propose, pourquoi pas, qu'il y ait une pénalisation des partis pour les élections au scrutin uninominale ou scrutin majoritaire comme aux élections législatives, élections cantonales. Il faut qu'il y ait l'un et l'autre. Ça peut être l'occasion d'un compromis. Vous voyez qu'on peut faire mieux encore que certains n'avaient imaginé sur la parité.
Olivier MAZEROLLE : Et sur le cumul des mandats ?
François HOLLANDE : Et sur le cumul des mandats, le texte va revenir à l'assemblée nationale.
Olivier MAZEROLLE : Vous, ça vous arrange plutôt que ça ne passe pas. Comme ça vous pourrez continuer à siéger à Thule et à Strasbourg.
François HOLLANDE: Malgré cela, il faut que les textes soient votés et ils peuvent l'être, puisque nous avons en deuxième lecture, ces textes qui vont revenir à l'Assemblée nationale et qu'ensuite il y aura la navette avec le sénat. Si le sénat veut simplement empêcher les réformes, il peut y parvenir sur certains points, puisqu'il en a la prérogative constitutionnelle. Je crois que ce sera le pire service qu'il pourra rendre au pays, à la modernisation de la vie politique, à Jacques CHIRAC en particulier, je pense à la majorité sénatoriale et au sénat surtout. Alors qu'il réfléchisse peut être avant de faire les blocages qui ne sont plus utiles aujourd'hui.
Olivier MAZEROLLE : Merci M. HOLLANDE. C'était votre grand jury. La semaine prochaine recevrons le secrétaire national du communiste, Robert HUE. Bonne soirée à tous.