Texte intégral
L'Humanité : 3 mai 1996
Déclaration commune
Le PCF et les Verts se sont rencontrés mardi
Deux délégations du Parti communiste français et des Vers se sont rencontrées, le mardi 30 avril 1996, au siège du PCF. Elles étaient conduites respectivement par Robert Hue et Dominique Voynet et composées de Jean-Claude Gayssot, Marie-Georges Buffet et Sylvie Mayer pour le PCF ; de Jean-Luc Bennahmias et Alain Uguen pour les Verts. Nous publions ci-dessous le texte de la déclaration commune communiquée à l'issue de la réunion.
« Les deux délégations ont procédé à un large échange de vues. Comme elles l'ont fait à l'occasion d'initiatives prises dans la dernière période par différentes formations de gauche ou écologistes, chacune des deux organisations, à partir de ses propres approches, a mis en accusation la politique gouvernementale qui aggrave la situation au plan économique, social, environnemental et sur le terrain des droits des êtres humains.
« Elles ont exprimé la nécessité d'un large rassemblement pour mettre en échec les logiques économiques et financières au nom desquelles le présent et les générations futures sont impitoyablement sacrifiées. Les Verts et la Parti communiste français soulignent combien la défense et la valorisation de l'environnement sont partie intégrante de la lutte pour le progrès humain. L'humanité ne pourra assurer un développement durable, voire sa survie, qu'n se préoccupant de ces questions en permanence, et cela dans toutes ses activités, de la production à la consommation.
« Les deux délégations sont convenues d'intensifier leur intervention pour des réformes progressistes profondes d'appuyant sur un essor de la démocratie et de la citoyenneté à tous les niveaux de la vie sociale et des institutions. Elles estiment, en effet, qu'il est temps de faire du neuf, de créer les condition d'une participation effective des citoyennes et des citoyens, d'assurer la transparence de la vie publique et une réelle décentralisation. Le PCF et les Verts réaffirment leur attachement à la représentation proportionnelle intégrale, à tous les types d'élection, seul mode de scrutin permettant à la fois une représentation fidèle et juste de la volonté populaire et l'expression du pluralisme.
« Si, dans tous ces domaines, les deux délégations ont tenu à relever leurs convergences, dans l'autre, des points de vue différents s'expriment. Il en est notamment ainsi sur les questions de la construction européenne – les Verts étant pour une Europe fédérale et le Parti communiste français pour une communauté européenne de peuples et de nations souverains -, sur les modalités de la réduction de la durée du travail, sur la politique industrielle et énergétique – ce qui implique d'approfondir la discussion sur le nouveau type de développement que préconisent les uns et les autres.
« Les Verts et le PCF considèrent le pluralisme des forces politiques de gauche, de progrès et écologistes, non seulement comme une réalité incontournable, mais aussi comme un atout. S'opposant à toute tentative hégémonique et respectueux de l'identité de chacune des formations, ils conviennent d'agir pour le rassemblement le plus large qui ne reproduise pas les erreurs passées et permettre un vrai changement dans notre pays. Et cela, non pour mettre le peuple à la remorque des formations politiques, mais au contraire pour que ces dernières soient au diapason des aspirations humaines, populaires, progressistes. L'expérience des mouvements de la fin de l'année écoulée et de ceux en cours souligne la profondeur des exigences de changement. Une réelle alternative, et non une simple alternance, ne sera possible qu'en s'appuyant sur la mobilisation de la société.
Les deux délégations se félicitent du caractère franc cet chaleureux de la rencontre et entendent, dans cet esprit, poursuivre leurs relations. »
RTL : jeudi 2 mai 1996
RTL : Le défilé du 1er mai s'est déroulé en ordre dispersé » à Paris ; pourtant, L'Humanité de ce matin exprime sa satisfaction devant la mobilisation des salariés à Paris et en province. C'est de la méthode Coué ?
R. Hue : Non, je ne crois pas. On aurait tort de ne pas voir, quelle que soit l'ampleur des manifestations, ce qu'elles représentent de poursuite de l'inquiétude des salariés. Une mobilisation unitaire dans beaucoup de villes de province qui s'est exprimée, des défilés importants. Je crois que la détermination des salariés est intacte. Il y a naturellement, et je crois que c'est tout à fait dans le prolongement du mouvement social de novembre-décembre, une grande volonté du « tous ensemble », de l'unité. C'est vrai que cela se manifestait hier, dans différents défilés, qu'ils soient unitaires, et quand ils ne l'étaient pas, c'était remarqué.
RTL : Lorsqu'A. Deleu dit qu'il n'y a pas matière à des aspirations unitaires puisque les grandes confédérations poursuivre des orientations différentes, que répondez-vous ?
R. Hue : Je crois qu'il faut bien entendre ce que disent les salariés dans les entreprises, dans les rencontres que nous avons avec eux, sur la façon dont un dirigeant syndical peut apprécier les choses mais il reste que moi, j'entends une grande volonté affirmée de s'engager, de donner un prolongement au mouvement social de novembre-décembre, dans des conditions naturellement différentes mais les problèmes restent posés. Il est clair que pour les salariés, pour les citoyens, c'est dans l'union, dans la force du rassemblement que l'on pourra faire reculer ce pouvoir.
RTL : Quelle est votre réaction quand vous entendez J.-M. Le Pen demander l'augmentation du SMIC ?
R. Hue : Ce milliardaire qui ose parler social ! Moi, cela me donne la nausée ! C'est clair, il tente d'utiliser l'angoisse, la souffrance d'un certain nombre de gens face à la politique de ce pouvoir pour récupérer les choses. Le Pen parle social le 1er mai alors qu'il a traîné dans la boue les grévistes et les non-grévistes en novembre-décembre ! Il n'est pas appelé à parler en quoi que ce soit de social. Ce milliardaire n'a pas voix au chapitre en la matière.
RTL : Mais lorsque Libération écrit qu'il essaye de racoler l'ouvrier, est-ce votre sentiment ?
R. Hue : C'est vrai.
RTL : Est-ce que cela risque de porter atteinte au Parti communiste ?
R. Hue : Cela n'est pas en ces termes que cela se pose. Le Parti communiste a dit combien il était dommageable que dans un certain nombre de quartiers populaires ou dans un certain nombre de secteurs où les salariés, les ouvriers sont représentatifs, il y ait une poussée de Le Pen. Donc, dans un certain nombre de domaines, il y a une récupération par Le Pen de la souffrance, des problèmes des gens. Les communistes entendent bien, et ils le font, relever ce défi. On ne va pas laisser Le Pen sur ce terrain-là, c'est évident.
RTL : Sentez-vous une partie de votre électorat sensible au charme de J.-M. Le Pen ?
R. Hue : Je ne pense pas que cela soit en termes d'électorat que le problème se pose. Mais qui peut nier qu'il y a, dans la situation de crise que nous connaissons, avec la politique du pouvoir actuel, lorsque la souffrance des gens n'est pas suffisamment bien prise en compte, que Le Pen a là un terrain tout à fait favorable ?
RTL : Est-il vrai qu'une frange d'anciens « Stal », comme dit la presse, de la fédération du Pas-de-Calais, a signé un appel pour le renouveau dans le Parti communiste – un texte un peu hostile, à votre égard ?
R. Hue : L'immense majorité des communistes se retrouve bien dans la politique de développe la direction du Parti communiste aujourd'hui. Une politique de rénovation forte, de mutation, d'ouverture, bref celle de son congrès. Il y a des camarades, effectivement, qui posent les questions que vous indiquez. D'abord je crois que chacun peut s'exprimer dans le Parti communiste, il reste que je vois deux comportements : il y a d'une part, pour certains, un malentendu sur ce qu'est notre politique, et pour d'autre, il y a des désaccords.
RTL : Est-qu'il y a encore des communistes qui pensent que le pire ennemi ce sont les socialistes ?
R. Hue : Peut-être y en a-t-il qui le pensent mais je crois qu'en tous le cas, les désaccords que vous évoquez, le fait que l'on veuille revenir aux pratiques d'antan, eh bien tout cela n'est plus possible. D'ailleurs, et je le répète, l'immense majorité des communistes souhaite que l'on poursuivre dans la démarche stratégique d'aujourd'hui. Les communistes n'ont pas envie de revenir en arrière.
RTL : Quel rôle joue G. Marchais ?
R. Hue : G. Marchais joue un rôle important, celui que joue la direction du parti à savoir défendre la politique du Congrès. Je pense qu'il n'y a pas d'ambiguïtés.
RTL : N'est-il pas le porte-parole de cette tendance ?
R. Hue : Je ne dis pas cela. Je suis allé plusieurs fois dans le Val-de-Marne et j'ai aussi entendu un immense soutien à la politique du Parti communiste à sa direction.
RTL : J.-C. Trichet vient de recommander une nouvelle baisse des dépenses publiques, A. Lamassoure aussi, le président du Sénat, le président de la République : est-ce que c'est un diagnostic que vous contestez ?
R. C'est terrible ce qui se passe et je crois que dans le jugement très sévère que portent les Français à la politique de J. Chirac et du Gouvernement Juppé, il y a ce sentiment terrible d'avoir été bluffé sur les questions du social. On avait promis de réduire la fracture sociale, de s'attaquer au chômage. Tout cela est râpé. En fait, on voit bien qu'ils ont cédé totalement aux marchés financiers et la preuve est une nouvelle fois faite que quand on manque de courage politique pour s'attaquer aux donnés de l'argent, on retourne à cette politique de pensée unique. C'est ce qu'ils veulent continuer de faire. Cela sera suivi par une situation terrible pour les Françaises et les Français et ils n'accepteront pas. Ils peuvent compter sur les communistes pour organiser les actions nécessaires pour riposter à cette démarche.
RTL : Le candidat communiste favori aux élections russes selon certains sondages. Les communistes de retour à Moscou, y pensez-vous parfois ?
R. Hue : Je vois les manifestations en Russie ; ce que je vois surtout, c'est que la politique d'Eltsine est condamnée et que les Russes ne veulent pas retourner au passé. De ce point de vue, cela me semble intéressant. Cela dit le Parti communiste français n'apporte son soutien à aucun candidat en Russie.