Déclarations de M. Alain Richard, ministre de la défense, sur les grandes orientations du budget de la défense pour 1999, et réponses à des questions des députés, à l'Assemblée nationale le 6 novembre 1998 et au Sénat le 2 décembre.

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Circonstance : Discussion du projet de loi de finances 1999 (budget de la défense) à l'Assemblée nationale le 6 novembre 1998 et au Sénat le 2 décembre

Texte intégral

6 novembre 1998, Assemblée nationale

INTERVENTION DU MINISTRE DE LA DEFENSE LORS DE LA DISCUSSION DU PROJET DE LOI DE FINANCES 1999

Mes premiers mots seront pour saluer la qualité des contributions du président Quilès, du rapporteur spécial, des rapporteurs pour avis et des députés qui ont pris part à  la préparation du budget de la défense pour 1999. De nombreuses questions et observations très pertinentes ont été formulées à  cette occasion, dans un esprit que je qualifierai de positif et partenarial. C'est le type échange qu'il convient de souhaiter, dans un pays ayant de fortes responsabilités internationales, lorsqu'on parle de la défense. J'ai pu apercevoir, ici ou là , quelques figures imposées de formations politiques qui cherchent leur positionnement dans un esprit qui est parfois celui de la confrontation avec leurs voisins. Mais, quand on a un peu d'expérience parlementaire, on sait que cela fait partie des variations saisonnières dans une assemblée. Je vous suis reconnaissant d'avoir accepté de fusionner la discussion budgétaire et celle concernant l'exécution de la loi de programmation. Cela nous permet d'avoir un débat large et de faire un tour d'horizon ne laissant de coté aucune question de défense ou de sécurité.

Beaucoup ont apprécié les efforts de présentation et de ponctualité le gouvernement pour la préparation de ce budget. Nombre de commentaires fait à  cette occasion, notamment les réflexions de la commission, ont démontré le même état d'esprit responsable, et je veux m'en réjouir. D'ailleurs, ce n'est pas un secret, il n'a pas été nécessaire cette année de recourir à  l'arbitrage du Premier ministre pour arrêter ce projet de budget au sein du gouvernement. Notre travail commun avec le ministère des finances s'est fait dans un climat de confiance renouvelé. Ce projet est équilibré et réaliste. Il s'inscrit dans la continuité des réflexions et des décisions de 1994 ainsi que dans celle de la loi de programmation militaire. Il est vrai que, au cours de cette période, la plupart des familles de pensée de notre pays ont évolué en ce qui concerne leur conception de la défense, de même que la situation générale avait évolué. C'est le contraire qui aurait été inquiétant.

Rapport sur l'exécution de la loi de programmation

Le 20 octobre dernier, j'ai remis au Parlement un rapport sur l'exécution de la loi de programmation, conformément aux engagements que nous avions pris. Ce rapport montre, et j'y reviendrai, qu'au terme de sa deuxième année, aussi bien pour les hommes que pour les équipements, les axes qui présidaient à  cet engagement stratégique sont respectés, conformément au choix affirmé par le Premier ministre dès l'entrée en fonction du gouvernement, il y a un an et demi.

Revue des programmes

L'ajustement nécessaire qu'à  représenté la revue de programmes n'a pas constitué une rupture, mais simplement une adaptation à  des évolutions stratégiques sur lesquelles je reviendrai, et à  des contraintes budgétaires qui s'imposent à  notre pays comme le savent ceux, assez nombreux encore parmi vous, qui exercent une responsabilité locale.

Contexte international

L'évolution politique internationale dans laquelle nous sommes entrés en 1989 est incertaine et plus complexe qu'auparavant : les situation géopolitiques régionales évoluent en permanence et il n'est au pouvoir de personne d'arrêter le cours de cette évolution. La première chose à  faire est de bien l'analyser. Le défi est d'y adapter sans relche notre outil de défense. C'est ce que nous avons fait, en prenant en compte dans la revue de programmes l'évolution constatée dans les faits depuis la loi de programmation militaire. Et depuis, comme l'a fait observer le président Quilès, d'autres mutations du paysage stratégique sont intervenues. Certaines tendances se sont affirmées et d'autres au contraire, ce sont estompées. C'est sur ce cadre général que je voudrais revenir un instant. Il serait cependant bien ambitieux de prétendre évoquer l'ensemble des situations régionales susceptibles d'affecter nos intérêts. Je voudrais décrire devant vous, ce soir, le premier cadre qui est le nôtre, c'est-à -dire le cadre européen, notamment dans son évolution institutionnelle, et évoquer trois autres points : la situation dans l'ensemble de l'ex-Yougoslavie, la préparation du sommet de Washington de l'Alliance atlantique et la rénovation de nos liens avec les pays africains.

Europe de la défense en construction (utilisation des dispositions du traité de Maastricht, d'Amsterdam et de l'OTAN)

Le cadre le plus important pour nous et celui de la construction européenne. Après l'euro, l'étape essentielle - c'est le sentiment du gouvernement et cet avis est largement partagé -, c'est l'Europe de la défense, l'Europe de la sécurité commune.

Comment se construit-elle aujourd'hui ? Vous savez que l'Union européenne dispose dès à  présent, avec l'article J 4-2 du traité de Maastricht de la possibilité de recourir aux capacités autonomes qui existent actuellement au sein de l'UEO. S'agissant des capacité d'analyse et de planification qui manquent à  l'Union européenne, car un consensus n'a pu être dégagé, le traité d'Amsterdam autorise une pleine utilisation des ressources à  la disposition de l'Union de l'Europe occidentale : ses moyens propres d'évaluation militaire, ses capacités de planification, ses moyens de renseignement. Les Européens ne font que faiblement appel à  ces capacités. Comme je l'ai dit à  mes collègues ministres de l'Union européenne lorsque nous nous sommes rencontrés à  Vienne, il faudra examiner sans détour les facteurs, pour l'essentiel politique, qui expliquent cette hésitation ou cette réticence à  employer les moyens proprement européens de l'UEO.

En tout cas, l'expérience récente des crises où nous agissons montre l'intérêt majeur du rassemblement, et de l'analyse de la situation, qui permettent d'exercer une influence positive dès le moment où la crise se prépare et prend force. La dimension préventive est une des voies de progrès que nous pouvons aborder le plus facilement entre Européens. Sans qu'on puisse se satisfaire de la situation actuelle, il est clair que le temps de réaction collectif des Européens à  la crise du Kosovo représente, même s'il est encore trop long, un progrès frappant pour tous ceux qui ont vécu les deux ou trois années de tiraillements qui ont empoché L'Europe de jouer un rôle efficace lors de la crise bosniaque.

Les contributions nationales à  une gestion de crise commune devraient également permettre, et c'est un des enjeux des discussions européennes qui sont engagées aujourd'hui, un certain apport d'expertise militaire au sein des structures européennes. L'interaction entre les données militaires d'une situation et ses données politiques est aussi un enseignement central de nos expériences récentes dans les crises européennes. Le pilotage diplomatique d'une crise, qui est une capacité à  propos de laquelle l'Union européenne a déjà  bien avancé - on l'a vu avec le fonctionnement du groupe de contact sur la crise du Kosovo -, n'atteint sa pleine efficacité que si les diplomates peuvent user de pressions militaires crédibles, donc bien étudiées, pour soutenir leurs propositions de règlement. Il nous faut donc définir pragmatiquement les moyens qui vont permettre cette expertise militaire commune.

Les ministère de la défense des pays de l'Union européenne ont, me semble-t-il, une responsabilité particulière dans la mise en oeuvre imaginative de ces dispositions qui figurent déjà  dans nos traités et nous permettent de prendre nos responsabilités ensemble. Je rappelle par ailleurs que le traité d'Amsterdam prévoit la définition progressive d'une politique de défense commune donnant une cohérence à  ces interventions et à  ces actions sur les crises. Il est naturel que la France prenne une part active dans ce processus, et c'est bien ce que nous entendons faire au cours des mois qui viennent. Je crois que les prises de position du Président de la République, lors de son discours devant les ambassadeurs, à  la fin du mois d'août, et du Premier ministre, quelques jours après, devant l'IHEDN, montrent bien que notre pays s'est mis en mouvement aujourd'hui pour participer à  un débat constructif quant aux capacités de défense commune de l'Europe.

Je rappelle - et je souligne la convergence avec la problématique présentée tout à  l'heure par le président Quilès - que nous avons, avec les décisions de Berlin, des possibilités nouvelles qu'il ne tiendra qu'à  nous d'utiliser, une fois finalisés les accords, aujourd'hui en cours de discussion, entre l'UEO et l'OTAN : un mécanisme de consultation pour l'analyse des situations et la préparation de décisions touchant les deux organisations internationales : un accord-cadre qui, je crois, est en bonne voie pour le transfert de moyens de l'Alliance, favorisant la conclusion, ensuite, d'accords spécifiques entre l'UEO et l'Alliance, adaptés à  chaque crise ; l'utilisation, enfin, de noyaux de quartiers généraux et de groupes de forces, auxquels, comme vous le savez, la France a, depuis l'année dernière, décidé de s'associer pour préparer le travail d'une éventuelle chaîne de commandement européenne. J'ai entendu avec beaucoup d'intérêt les recommandations de M. Jean-Bernard Raimond, au nom de la commission des affaires étrangères, sur cette approche de la relation entre l'UEO et les moyens militaires de l'Alliance, et je crois que les indications que je donne répondent en grande partie à  son interrogation. Il serait d'ailleurs très utile - et je pense que l'Assemblée partagera ce sentiment du gouvernement - que les discussions en cours sur ces sujets entre l'UEO et l'OTAN aboutissent avant le sommet de Washington, dont je reparlerai tout à  l'heure.

Forces multinationales européennes

Nous avons aussi, depuis plusieurs années, des forces multinationales européennes de nature et de format différents, susceptibles d'intervenir dans plusieurs cadres, soit en coalition - cela a été le cas pour l'opération dirigée par nos amis italiens en Albanie l'année dernière -, soit dans le cadre de l'UEO ou dans le cadre de l'Alliance. Ces formations multinationales n'ont pas encore été engagées dans des situations opérationnelles, encore qu'une partie de l'état-major du corps européen soit incorporée dans l'état-major de la SFOR depuis que celle-ci a été réorganisée au mois de juillet dernier. Notre objectif est de conforter, en mettant l'accent sur leurs atouts propres, la flexibilité et la souplesse d'emploi de ces forces européennes. J'attache à  cet égard la plus grande importance au corps européen, qu'il doit devenir plus adaptable pour pouvoir non pas rester dans la forme rigide d'un corps d'armée, qui ne correspond pas à  toutes les situations de crise imaginables, mais s'intégrer à  des forces européennes plus larges ou euro-atlantiques, afin de contribuer directement au maintien de la paix sur notre continent. Il est certain - et je reviendrai aussi sur ce point - que la consolidation de notre industrie de défense, support essentiel de nos capacités d'action militaire, est une étape clé de la construction de l'Europe de la défense, et il nous faudra en parler en évoquant les principaux choix d'équipements communs.

Kosovo (position européenne)

Ce constat de notre volonté et de la nécessité de construire l'Europe de la défense, partagée par la plupart de nos partenaires de l'Union, même si les problématiques sont encore distinctes, ressortent plus encore lorsqu'on aborde la situation en ex-Yougoslavie, et plus précisément au Kosovo, puisque c'est cette zone de crise qui se trouve aujourd'hui au centre de l'actualité. Même si l'on peut toujours se plaindre qu'on ne réagisse pas assez vite, cette crise a montré que, depuis le début, c'est à  dire depuis février-mars, et Monsieur Hubert Védrine l'a rappelé hier encore, quand la crise s'est formée, les partenaires européens n'avaient pas de divergences quant aux objectifs à  atteindre : l'établissement d'une autonomie respectant les droits collectifs des Kosovars ; le refus, en revanche, d'une indépendance déstabilisatrice pour toute la région ; l'ouverture d'une négociation véritable pour déboucher sur un processus démocratique, assurant une paix durable au Kosovo, et, bien entendu, conséquences de ces progrès, le retour des réfugiés et des personnes déplacées.

Quelles que soient les critiques qui ont pu être formulées ici ou là , il me semble que les Européens ont retenu et exploité la leçon de la Bosnie-Herzégovine. L'opération menée actuellement a pour cadre une résolution des Nations unies, adoptée sur proposition de deux pays européens, qui a permis de fixer un objectif de règlement de cette crise auquel se sont associés les Etats-Unis et qu'à  accepté la Russie. Un ou deux mois auparavant, peu de gens auraient parié qu'on puisse parvenir à  une telle convergence. Aujourd'hui, nous discutons au sein de l'Alliance, mais sur initiative européenne, afin de construire, à  côté de la mission des vérificateurs de l'OSCE, une force d'intervention et de réaction qui sera une autre composante des moyens de force nécessaires pour que la résolution politique de cette crise atteigne le plein succès. Cette crise a, je crois, montré le rôle croissant de l'Europe dans sa propre sécurité, même si elle s'appuie, pour l'emploi éventuel de la force, sur les structures collectives de l'OTAN.

Alliance atlantique (négociation d'un nouveau concept stratégique entre Européens et Américains)

Le développement de la dimension de sécurité et de défense de l'Union européenne n'est, en effet, pas contradictoire avec un renforcement de la contribution des Européens, mais d'Européens solidaires et exprimant une volonté politique comme au sein de l'Alliance atlantique. C'est ce dont nous avons discuté lors de la rencontre informelle des ministres de la défense qui s'est tenue à  Vienne avant hier. C'est ce que la France entend exprimer dans la négociation du nouveau concept stratégique de l'Alliance, menée, bien sûr, sous la responsabilité du ministère des affaires étrangères. L'objectif est d'inclure dans le nouveau concept stratégique les évolutions intervenues dans l'environnement international au cours des dernières années, et de mettre en cohérence un ensemble de décisions d'adaptation prises depuis 1991.

Pour nous, concrètement, ces objectifs se ramènent à  quatre priorités :

- préserver la spécificité de l'OTAN comme alliance à  la fois politique et militaire, centrée sur la défense collective, n'étendant pas son ambition à  des missions que personne ne lui a confiées ;
- réaffirmer que cette organisation assure la sécurité de la zone euro-atlantique, en coopération avec d'autres organismes régionaux, en particulier l'Union de l'Europe occidentale et l'OSCE, organisation régionale des Nations unies, et ce dans le respect des prérogatives du conseil de sécurité ;
- préserver les acquis du développement d'une Europe de la sécurité et de la défense dans l'Alliance, mais aussi hors de l'Alliance ;
- enfin, préserver les intérêts légitimes des industries européennes de défense, qui pourraient être contestés au travers des débats sur l'interopérabilité des matériels, la contre prolifération ou la coopération industrielle.

Je répondrai à  la remarque faite à -propos de l'augmentation de notre participation à  l'Alliance. Il est clair, en effet, que le développement du partenariat pour la paix avec les pays non-membres de l'Alliance mais qui représentent un élément de stabilité pour l'Europe de l'Est, et notamment pour ceux des pays de l'Europe centrale et orientale qui n'ont pas vocation à  entrer dans l'Alliance, ou qui ne le souhaitent pas, au cours des prochaines années, a représenté un engagement que la France a pleinement soutenu. C'est une évolution positive de l'Alliance vers la contribution à  un système de sécurité collective européenne. Cela entraîne quelques charges supplémentaires, que nous avons acceptées.

Alliance atlantique (élargissement)

De même, l'élargissement de l'Alliance, que nous avons non seulement accepté, mais soutenu, avec la première vague d'entrée de la Pologne, de la République tchèque et de la Hongrie, représente pour la France, c'est vrai, une augmentation de l'ordre d'une quarantaine de millions de francs de sa contribution à  l'Alliance. Mais, au regard du gain de sécurité et du gain de stabilité en Europe que cela représente, il me semble que nous n'avons pas à  regretter cet alourdissement financier.

A propos de la suite de l'élargissement, qui reste une question importante, la position de la France est de reconnaître que les pays retenus lors du sommet de Madrid, l'année dernière - la Roumanie et la Slovénie, notamment -, sont en bonne voie, eu égard à  leurs efforts d'adaptation et de modernisation, et que, par conséquent, ils ont bien vocation à  rejoindre l'Alliance, à  terme maintenant rapproché. Notre position est aussi d'envisager un élargissement futur qui répondent à  des demandes venues d'autres Etats souverains et de prendre en compte les problèmes de sécurité immédiats de l'Europe, en particulier le besoin prioritaire de stabilité de l'Europe du Sud-Est, de la zone balkanique, qui est aujourd'hui la plus troublée. La crise au Kosovo a démontré que l'intégration à  l'Alliance des Etats périphériques à  la Yougoslavie serait un élément clé pour assurer les fonctions de dissuasion contre toute menace à  la stabilité de l'Europe.

Je souhaite donc très vivement le succès du sommet de Washington. Il peut être une manière d'avancer des objectifs internationaux majeurs de notre pays en jouant tout notre rôle dans l'Alliance, mais en permettant à  l'Europe d'y développer son identité et sa volonté politique collective.

Politique de la France en Afrique

Je ne voudrais pas achever ce tour d'horizon international sans évoquer la politique du ministère de la défense à  l'égard de l'Afrique, et notamment notre attitude durant les événements intervenus au cours de ces dernières années aussi bien en Guinée-Bissau qu'en République démocratique du Congo, sans oublier l'année dernière au Congo Brazzaville. Ces expériences ont montré la fermeté avec laquelle nous défendions nos engagements de fidélité, d'ouverture, de non ingérence sans désengagement, et de restructuration du dispositif de coopération.

Nous considérons que les Africains doivent de plus en plus assurer par eux-mêmes leur sécurité, même si nos partenaires africains peuvent compter sur des aides spécifiques, bien choisies dans la durée, pour former les hommes est concevoir les outils de cette stabilité régionale. Cela nous a conduit à  poursuivre la réorganisation de notre dispositif de forces prépositionnées en Afrique, dont l'utilité a une nouvelle fois été démontrée lorsqu'il a fallu assurer la sécurité de nos concitoyens menacés durant le mois d'août par les événements de Kinshasa. Ce dispositif prépositionné mobilisera, à  l'issue de la réforme en cours, 5 300 hommes, 15 unités de combat, 13 avions d'arme, répartis sur 5 bases : Djibouti, Dakar, N'Djamena, Libreville et Abidjan, soir une réduction de 25 % à  l'horizon 2002. Notre capacité d'action correspondant aux responsabilités que nous souhaitons garder pour la stabilité du continent africain est cependant maintenue.

L'orientation générale reste celle de la préparation matérielle et humaine des armées africaines au maintien de la sécurité sur leur continent. C'est dans cette perspective que s'inscrit notre action en faveur du renforcement des capacités africaines de maintien de la paix, l'acronyme est RECAMP, qui commence à  être bien compris et accepté par nos partenaires africains.

Notre dispositif de coopération a été réorienté dans ses objectifs vers cet accroissement des capacités des armées africaines au maintien de la paix. Quant à  la méthode, notre action doit désormais porter sur des projets concrets, établissant un partenariat plus équilibré avec les forces africaines à  partir du projet d'organisation de leur défense, librement décidé par chaque pays partenaire, et faisant une plus large part à  la formation sur place.

Crise du désarmement en Irak

Un mot concernant les développements récents de l'affaire irakienne. La prolifération des armes de destruction massive constitue - plusieurs orateurs l'ont à  juste titre souligné - une lourde menace. Après les rivalités intra-étatiques en ex-Yougoslavie, les essais nucléaires indiens et pakistanais du premier semestre ont constitué un des changements géopolitiques de cette année et nous rappellent la prééminence de ce risque. En Irak, la menace de prolifération des armes de destruction massive justifie que nous maintenions notre participation à  la zone d'exclusion aérienne sur le sud du pays avec des moyens stationnés en permanence en Arabie Saoudite. Elle justifie aussi le renforcement, par des Mirages IV, des moyens d'observation de la mission des Nations unies, de l'UNSCOM, et les toutes dernières décisions irakiennes que la France a clairement désapprouvées, n'incitent en rien, nous le savons tous, au relâchement de cette vigilance.

Projet de budget de la défense 1999 (progression des dépenses)

C'est pour faire face a l'ensemble de ces évolutions, des menaces actuels et des risques futurs, que nous voulons adapter notre système de défense, et cela concerne les hommes autant que les équipements et les structures. Les dépenses de défense pour l'année 1999 progressent globalement de 2,9 %, contrastant, avec une croissance assez faible, 0,3 %, des dépenses de fonctionnement du titre III, et une remontée plus significatives du titre V, qui correspond à  l'engagement pris par le gouvernement devant l'Assemblée l'année dernière de réduire les déficits.

Je voudrais compléter les propos qui ont été tenus par plusieurs orateurs sur la relation entre l'effort de défense et de développement économique. Les comparaisons internationales à  cet égard sont difficiles. Mais la France prend ses responsabilités. Notre effort de défense reste un des plus élevés parmi les pays de l'Union européenne, et non nous efforçons de montrer les avantages qu'auraient une convergence des taux d'effort de défense des principaux pays européens pour asseoir la crédibilité collective de l'Europe. J'ai constaté, à  l'occasion de nombreux contacts internationaux, en étudiant les dossiers des pays partenaires avant de m'y rendre ou de les recevoir, une très forte corrélation entre le niveau de dynamisme économique, la capacité de surmonter les problèmes de structurels et la vitalité en matière de défense. Les pays les plus militarisés, qui connaissent les plus dures situations de conflit avec leur environnement, ne parviennent pas à  maintenir la crédibilité de leurs armées s'ils sont en situation d'échec économique. En revanche, les pays qui obtiennent des résultats économiques intéressants sur la durée augmentent leurs capacités de défense, même s'ils sont situés dans une zone peu conflictuelle, et deviennent, en particulier sur des marchés qui nous intéressent, des partenaires ambitieux. Si la croissance économique que nous prévoyons est réellement atteinte, le budget pour 1999 sera conforme aux souhaits du gouvernement.

J'ai bien compris que certains orateurs de l'opposition pensaient que notre prévision de croissance était un pari. Le gouvernement et le Parlement se retrouveront l'année prochaine pour apprécier si, comme en 1997, les mesures de politique économique le réglage conjoncturel choisi par ce gouvernement ont permis d'attendre de bons résultats. Si tel est le cas, le budget de la défense s'exécutera dans des conditions satisfaisantes. En revanche, quelle que soit l'organisation constitutionnelle, les pays où la croissance fait défaut sont presque toujours obligés de revenir sur la régularité de l'exécution des budgets de défense, et la France ne fait pas exception.

Ressources humaines (période de transition entre deux formats d'effectifs)

J'en viens donc à  la politique des hommes. Le défi principal de la programmation dans laquelle nous sommes engagés est le passage à  une armée de professionnels, mieux à  même de répondre aux missions qui lui sont et lui seront assignées. Il s'agit d'une mutation très profonde. On peut même se demander si beaucoup d'organismes, publics ou privés, seraient capables de mener une telle réforme dans un délai aussi bref. J'apprécie combien l'institution militaire, que des analyses superficielles qualifient de rétive au changement, a su prendre son parti des adaptations qui lui étaient demandées. Nous devons donc être particulièrement attentifs à  la constitution de ce que j'avais appelé l'an passé un « système d'hommes ». Les arbitrages budgétaires décidés dans le projet de loi de finances pour 1998 avaient conduit, avec votre approbation, à  garantir à  très court terme les crédits du titre III pour ne faire porter les économies consenties que sur les équipements.

Je souhaiterais insister sur deux grands axes qui gouvernent aujourd'hui notre démarche pour la professionnalisation des armées : la création d'emplois et la formation.

La réussite de la réforme repose sur la maîtrise de la transition entre deux systèmes de satisfaction des besoins en hommes. A partir d'une armée de conscription, forte de plus de 570 000 hommes et femmes, si j'y inclus la gendarmerie, il faut, en maintenant les capacités opérationnelles des forces, et en les augmentant là  où c'est nécessaire, parvenir à  un format effectifs en diminution de 25 %, dans lequel les professionnels de la défense civils et militaires, représenteront plus de 95 % des effectifs.

Appelés (diminution des incorporés)

Le succès de cette transition, engagée en 1997, est largement conditionné par la réalisation des effectifs d'appelés incorporés, en diminution progressive jusqu'en 2002, date à  laquelle s'accomplira la suspension de l'appel sous les drapeaux. Les appelés, je veux le souligner, font preuve d'un grand sens du service et de l'intérêt général, qui permet le passage harmonieux de nos unités opérationnelles vers la professionnalisation. Leur présence reste indispensable à  la réalisation au quotidien des missions des forces armées. Comme exemples frappants, je citerai  l'application du plan Vigipirate, ou la mise en service du Charles-de-Gaulle dont l'équipage est composé à  plus de 10 % d'appelés.

Appel de préparation à  la défense (premières journées)

Ce sens civique, tout à  l'honneur des jeunes, est partagé par les jeunes, nés après le 1er janvier 1980, qui ont participé aux journées d'appel de préparation à  la défense. La réussite de ces journées est certes due au travail remarquable d'organisation de la direction centrale du service national (DCSN), à  l'engagement de l'ensemble des personnels militaires qui s'y sont consacrés, à  la participation de nombreux élus et parlementaires, que je souhaite remercier, mais elle n'aurait pas pu atteindre le niveau que nous avons constaté sans l'adhésion des jeunes, qui se montrent majoritairement satisfaits du déroulement et du contenu de cette journée. Les jeunes ont compris, approuvent et soutiennent la réforme.

Encore faut-il que les moyens, et en particulier les moyens financiers, soient à  la hauteur de cette adhésion. Les orientations budgétaires traduisent cette priorité. Elles ont permis une évolution des effectifs conformes à  la programmation, notamment en renforçant les mesures d'accompagnement social et matériel. Il convenait en effet de créer un double flux de recrutements et de départs, permettant sans heurt de rallier progressivement le format en effectifs prévu à  l'horizon 2002.

Rémunérations et charges sociales (augmentation de 2,9 %)

Permettez-moi, à  cet égard, de revenir sur plusieurs observations qui ont été faites à  propos de l'augmentation des rémunérations et charges sociales (RCS) dans ce budget. Sans doute sera-t-il utile, un jour, de mettre à  l'épreuve par une analyse rétrospective, la validité des prévisions chiffrées sur les coûts de la professionnalisation. Pour l'instant, je suis dans l'action, je m'efforce de faire fonctionner les armées efficacement et je ne peux pas considérer comme une mauvaise nouvelle que les rémunérations et charges sociales soient en augmentation de 2,9 %. Selon un principe que personne, je crois, n'envisage de remettre en question, les rémunérations des armées sont rigoureusement indexées sur les rémunérations de l'ensemble des fonctionnaires et des agents de l'Etat. Le statut général des militaires ne donne pas à  la communauté militaire les mêmes moyens de défense professionnelle qu'aux fonctionnaires civils. Ils ont en revanche cette garantie législative fondamentale que, en toutes circonstances, les rémunérations de la communauté militaire évoluent comme celles des fonctionnaires civils. Personne ne peut envisager de remettre en cause cet effort, nécessaire à  la fois pour maintenir la condition sociale des militaires et pour donner à  la carrière militaire une attractivité suffisante pour les jeunes qui doivent aujourd'hui choisir. M. Charles Cova notamment l'a bien compris. Il ne faut pas considérer l'augmentation des RCS comme une mauvaise chose. Elle est un des éléments, et je serais ravi que nous soyons tous cet avis, du succès de la professionnalisation.

Création de 16 000 postes

Car, si la professionnalisation se déroule conformément aux prévisions en quantité, elle le fait aussi, je crois, en qualité. Le niveau et la motivation des jeunes candidats au recrutement autorisent une sélection qui offre aux forces armées une ressource humaine particulièrement choisie. L'intensification des recrutements qui est prévue en 1999, 8 389 militaires du rang et 4 725 volontaires, ne se fera pas au détriment de cette exigence de qualité.

Cela dit, la valeur des recrutements n'est qu'une des conditions, nécessaire mais pas suffisante. Il faut aussi réussir l'adaptation des effectifs de cadres, officiers et sous-officiers. Les efforts importants réalisés tant sur le plan budgétaire que dans l'organisation ont permis de gérer de façon suivie et cohérente, comme l'a relevé M. Huwart dans son intervention, les départs induits par le resserrement du dispositif. C'est notamment le cas avec les mesures prises en faveur de la reconversion et les moyens financiers alloués au fonds d'accompagnement de la professionnalisation. J'ai moi-même constaté, lors de mes déplacements, le très grand professionnalisme et la motivation avec lesquels les services compétents des armés assurent cet effort de reconversion qui est un véritable défi pour la réussite de la professionnalisation.

L'évolution positive des effectifs des professionnels dans le projet de budget pour 1999, 5 847 postes en plus, est due à  la forte augmentation du nombre de militaires du rang. Mais le nombre des sous-officiers connaît une forte déflation, 2 690 postes en moins en 1999, qui vient après une diminution de 1 837 postes en 1998. Cette évolution maîtrisée s'est effectuée notamment grâce au pécule. Sur les trois premières années de mise en place de la professionnalisation, plus de deux milliards de francs auront été consacrés à  l'attribution de ces primes au départ. La dotation de 1999, de 844 millions de francs, permettra, à  elle seule, d'assurer les départs aidés de 900 officiers et de 2 000 sous-officiers. Elle est en baisse par rapport à  celle de 1998, ce qui démontre la bonne maîtrise, par les responsables des personnels des armées, du mécanisme de rajeunissement volontaire de nos cadres militaires.

Droit d'expression devant la commission de la défense de l'Assemblée nationale

Plusieurs intervenants sont revenus sur les prises de position des chefs d'état-major, du secrétaire général pour l'administration, du délégué général pour l'armement devant la commission de la défense. Ces déclarations étaient empreintes de franchise, comme je le souhaite lorsque la commission de la défense entend les cadres dirigeants du ministère placés sous mon autorité. Je ne dis pas que tout va bien et qu'une réforme de cette ampleur se déroule sans aucun imprévu, sans aucune attitude, sans aucune tension. Je me suis toujours efforcé de faire preuve d'un minimum de crédibilité dans mon action politique. Il est normal que se manifestent des divergences, des contestations et des inquiétudes. Ceux qui ont un peu d'ancienneté dans cette maison savent bien que, si d'autres ministères se livraient au même exercice, c'est-à-dire faire recevoir par l'une des commissions spécialisées des dirigeants administratifs et professionnels de leur ministère, hors la présence du ministre, il y aurait sans doute une certaine diversité dans la présentation de la situation.

Vous pouvez choisir - cela peut être une tentation en fonction des bancs sur lesquels on siège - d'en faire une utilisation critique ou inquiétante. Si les cadres dirigeants du ministère de la défense utilisaient la langue de bois, ce serait dommage pour la qualité du travail de la commission et ce serait inutile. Cela n'empêche pas que ces cadres dirigeants, dont la plupart ont contribué à  la conception de la réforme, oeuvrent quotidiennement avec leurs collaborateurs pour sa réussite, je le dis, au cas où cela aurait échappé à  quelques-uns. C'est la réalité que je vis tous les jours et dont nous verrons ensemble les résultats dans quelques années.

Le ministère de la défense ouvrira au recrutement environ 16 000 postes nouveaux en 1999, 8 800 militaires professionnels, 4 800 volontaires et 2 400 postes d'agents civils.

Gendarmerie nationale (accroissement de ses effectifs)

La gendarmerie nationale accroît de son côté sensiblement ses moyens humains avec 3 000 gendarmes adjoints recrutés en 1999 sur les 4 751 postes de volontaires ouverts au ministère. Ces 3 000 embauches à  venir doivent être comprises, le Premier ministre l'a rappelé lors de sa visite à  la gendarmerie à  Melun la semaine dernière, comme un supplément aux embauches ouvertes fin 1998, 800 jeunes adjoints déjà  recrutés au cours de ce dernier trimestre. L'arrivée de ces gendarmes adjoints, qui auront, après un an d'expérience, la qualité d'agent de police judiciaire adjoint, contribuera à  consolider l'implantation de la gendarmerie sur l'ensemble du territoire.

J'ai bien entendu les observations de M. Georges Lemoine, le tonique rapporteur de la gendarmerie, à  propos des préoccupations professionnelles à  l'entrée dans la carrière de ces jeunes volontaires. La formule de volontariat que le gouvernement a choisi - nous avons en effet changé très substantiellement la conception de volontaire par rapport à  la loi de programmation -, peut offrir un premier emploi dans l'ensemble des armées à  des jeunes qui n'ont pas forcément eu, dans leur parcours de formation initiale, la chance de passer des concours administratifs ou de profiter des recrutements statutaires des armées.

Une perspective de développement professionnel intéressante s'offre ainsi à  eux. Ils peuvent s'engager ensuite dans la gendarmerie, s'ils passent, avec succès cette fois-ci, les épreuves de sélection, mais il faudra, c'est logique, qu'ils patientent et qu'ils démontrent auparavant leur aptitude dans leur expérience de volontaire pendant une durée que nous n'avons pas encore fixée, mais qui sera forcément de plus d'une année. Sinon, l'expérience n'aurait pas de valeur. Ceux d'entre eux qui, après cette première expérience professionnelle, se réorienteront vers les carrières civiles retireront de la capacité de formation que chacun reconnaît aux armées, en particulier pour les jeunes à  faible qualification, un label en quelque sorte, une reconnaissance de l'acquisition d'un savoir-agir et d'un savoir-être qui leur sera extrêmement utile pour se placer, cette fois-ci avec beaucoup plus de chances de succès, sur le marché du travail.

Personnel civil (maintien des recrutement)

De nombreux orateurs se sont intéressés, à  juste titre, aux personnels civils, dont le rôle croissant est un des éléments importants de la professionnalisation. J'apporterai quelques indications à  l'Assemblée sur ce sujet. Les recrutements ont été, en 1998, d'un niveau très nettement supérieur à  celui de 1997 : 159 fonctionnaires avaient été recrutés en 1996 ; 384 l'an dernier, 2 177 l'auront été en 1998 ; leur nombre sera sensiblement équivalent en 1999. La vérité oblige à  dire que quelques centaines de recrutement, au titre de 1997, se sont portés sur l'année 1998 et que les chiffres sont plutôt de l'ordre de 700 recrutements en 1997 et de 1 800 en 1998. Nous serons certainement au-dessus de 2 000 en 1999. Concernant les postes d'ouvriers d'Etat, les recrutements, qui avaient été de 129 en 1996, on été portés à  294 au cours de l'année 1997 et ils auront été de 638 cette année. Je me fixe l'objectif d'un niveau au moins égal pour l'année prochaine. Ainsi, on a procédé en 1998 à  2 000 recrutements supplémentaires par rapport à  1997. Si, du fait, notamment, des procédures de concours qui prennent du temps, les personnels concernés n'ont pas nécessairement rejoint les unités, il, l'auront fait d'ici la fin de l'année.

Personnel de la DGA et du service de santé (mutation des sureffectifs)

Par ailleurs et contrairement à  ce qui s'est dit ou écrit parfois, des mouvements importants de mutation de personnels ont lieu entre la DGA - et plus particulièrement la DCN - et les armées, visant à  réduire les sureffectifs existants pour les réaffecter vers les établissements, unités ou sites en sous effectifs. Plus de 1 000 personnes ont ainsi été mutées en 1997 et d'ores et déjà  800 l'ont fait au titre de l'année 1998.

Bien entendu, la lenteur et l'effort de conciliation entre les intérêts individuels des agents et les besoins des services aboutissent à  un nombre important d'emplois non pourvus. Mais franchement - et c'est pourquoi j'ai réagi avec une certaine animosité aux propos, que j'ai trouvé peu compréhensibles, de M. Carré - quel contribuable pourrait comprendre que des établissements industriels de l'Etat, des entreprises publiques ayant du personnel sous
 statut d'ouvriers de l'Etat, se trouvant en sureffectifs, organisent la reconversion de leurs agents et y engagent des crédits très importants - avec l'argent des contribuables -, alors que des postes nouveaux, destinés à  pourvoir des emplois de service ou des emplois de soutien logistique dans les armées sont vacants, sans que l'Etat fasse l'effort d'organiser la transition des uns avec les autres ? Cela se traduit par des retards et les militaires savent bien qu'en plus des autres efforts de la réforme, ils devront assumer la charge d'accueillir, pour des fonctions nouvelles, dans des structures en voie de création, des agents reconvertis et non pas, pour l'essentiel, des recrutements de personnes que l'on forme directement sur ces postes de travail. Je suis surpris de devoir l'expliquer à  des gens qui font foi de vouloir baisser les dépenses publiques, cela me paraît être une épreuve de gestion publique élémentaire, à  laquelle tout gouvernement à  le devoir de se soumettre, même si c'est difficile.

La durée de six années fixées par la loi de programmation pour passer d'une armée de conscription à  une armée professionnelle a pu paraître bien long à  certains. Mais elle est incompressible. Car il faudra organiser cette mutation des personnels. Je remercie M. Meylan et M. Carré d'avoir mentionné que c'est le service de santé des armées qui rencontrera le plus de difficultés en la matière. Il n'est évidemment pas le plus important en nombre, mais il est vital pour une armée qui doit être prêt à  s'engager et à  assumer des risques dans des théâtres d'opérations très variés, et parfois très éloignés. Le service de santé des armées contribue certainement de manière déterminante à  asseoir la crédibilité et la capacité d'action de nos armées. L'année dernière, en compagnie du Premier ministre, j'ai assisté au retour de grands blessés revenant de l'opération d'extraction de Brazzaville. J'ai la certitude qu'ils ne seraient pas revenus sans la présence d'éléments du service de santé des armées, qui se trouvaient sur le théâtre des opérations et qui ont médicalisé leur retour. Compte tenu de la place très importante que les appelés, notamment les jeunes médecins appelés, auxquels il faut rendre hommage, occupent dans la structure de ce service, la durée de six ans fixée pour assurer sa mutation est incompressible. Celui-ci devra donc faire l'objet de toute notre attention.

Professionnalisation des armées (motivation du personnel - évaluation en 1999)

Je ne peux pas terminer sur ce chapitre, qui porte sur ce qui est à  mon avis l'essentiel, à  savoir la communauté humaine de la défense, sans dire, comme l'ont fait plusieurs orateurs, à  quel point les personnels, militaires et civils, engagés dans cette réforme - qu'il s'agisse des cadres, des officiers généraux, bien sûr, mais aussi de tout un chacun - sont motivés. Conscients de leurs responsabilités, ils font des efforts pour bien gérer les moyens publics. La qualité de ce débat et l'optimisme qui s'en dégage, car chacun voit les points forts de la réforme en cours, sont un soutien moral dont ils ont besoin.

Pour cela, je remercie l'ensemble des parlementaires qui se sont exprimés. Je voudrais rendre hommage à  la clairvoyance dont ont fait preuve sur ce point le président de votre commission, M. Quilès et M. Arthur Paecht, que je m'excuse de citer alors qu'il préside nos travaux. Il est important qu'au cours de l'année 1999, nous élaborions ensemble une méthode pour évaluer à  mi-parcours la professionnalisation. Je ne reviens pas sur les échanges qui ont eu lieu concernant la pertinence du cadrage financier initial de la professionnalisation. Plusieurs orateurs ont avancé un montant d'un milliard de francs, à  propos des dépenses de fonctionnement évoquées par le général Kelche, qui, je vous le rappelle, pilote la partie moyens de cette réforme depuis plusieurs années et la connaît donc particulièrement bien. Si la marge de dépassement n'est que d'un milliard de francs sur un budget total de 190 milliards, nous n'avons pas à  nous répandre en lamentations sur les difficultés de réalisation financière de la professionnalisation.

Quoi qu'il en soit, il est tout à  fait logique que nous fassions un point à  mi-chemin, au cours de l'année 1999, afin d'orienter au mieux nos choix budgétaires entre 2000 et 2002. De même, il est important de commencer à  réfléchir, et c'est au gouvernement de créer les cadres d'échange, à  une analyse des perspectives stratégiques. M. Paul Quilès visait juste en soulignant que le monde ne s'était pas arrêté de tourner depuis le Livre blanc de 1994. Nous ne pourrons pas continuer à  vivre avec un Livre blanc tous les vingt-deux ans, dans la mobilité stratégique que nous connaissons aujourd'hui.

Je l'ai dit, et peut-être certains ont-ils trouvé mon propos ambigu, la prochaine loi de programmation militaire viendra à  son heure, pour remplacer celle qui s'achèvera en 2002. Mais si nous voulons travailler logiquement, efficacement, il faudra que le débat sur la future loi de programmation intervienne dès l'année 2001. Nous le savons bien pour avoir rencontré des difficultés à  plusieurs reprises : pour préparer le dernier budget d'une loi de programmation, il faut connaître les objectifs de la loi de programmation suivante. L'idéal serait de soumettre la loi de programmation au Parlement avant la fin de 2001 ou du moins au premier semestre de 2002. Et en tout état de cause, les objectifs doivent d'être débattus auparavant. Cela signifie que, d'ici à  deux ans, nous devons effectuer le travail d'évaluation et d'analyse stratégique, qui constituera le soubassement ou le fond du décor de la prochaine loi de programmation. Cela fera alors sept à  huit ans que le Livre blanc actuel aura été élaboré. Cela correspond à  un rythme de renouvellement, en tout cas de révision de notre perspective stratégique, qui est plus réaliste que le rythme actuel de nos livres blancs.

Réserves (dépôt du projet de loi)

Avant de passer aux équipements, je m'arrêterai sur les réserves qu'ont évoquées plusieurs parlementaires, M. Teissier en particulier. La réforme des réserves est maintenant une des priorités d'application de la réorganisation des armées. Le calendrier chargé du Parlement, ainsi que la nécessité d'approfondir la concertation sur ce sujet, qui rassemble de nombreux interlocuteurs autour d'intérêts variés, conduiront le gouvernement à  déposer un texte de loi devant votre assemblée au début de 1999. Notre objectif est de soumettre le projet de loi au conseil des ministres avant la fin de cette année 1998.

Le dossier des réserves nous rassemble dans ces objectifs. Cette composante de l'armée professionnelle apportera aux forces et à  la gendarmerie le complément opérationnel et la contribution civique qui leur est indispensable. Elle se sera un facteur efficace de renouvellement du lien entre l'armée et la nation. Le projet de loi qui vous sera présenté résulte de discussions approfondies entre le ministère de la défense et ses partenaires civils, publics et privés. Il fait l'objet, à  l'heure actuelle, d'une concertation méthodique avec les associations de réservistes. Tous ceux d'entre vous qui travaillent à  son contact, et vous êtes nombreux, le savent. Nous nous réunissons régulièrement au conseil supérieur d'études des réserves, et avant de déposer le projet de loi au Parlement, je ferai l'effort, comme je l'avais fait l'année dernière sur le projet de loi modifiant le service national, de rencontrer les représentants des groupes parlementaires.

Formation militaire

Parmi les dossiers conditionnant la réussite de la professionnalisation des forces armées, il y a celui de la formation des cadres. Le ministère de la défense est sans doute l'un des rares ministères où la formation continue des personnels soit aussi pleinement assurée. C'est l'un des atouts de la réussite de la reconversion des militaires en fin de carrière. Il en est de même de la formation initiale des cadres, car il est important également de former des officiers et sous-officiers capables de remplir leurs missions dès leur sortie de l'école d'application. En même temps, nous voulons leur donner les atouts culturels qui permettront de dégager progressivement une élite parfaitement intégrée à  la République et constituée à  son image. A cet effet, j'entends m'assurer que le niveau d'enseignement et de recherche des écoles d'officiers reste équivalent à  celui des meilleurs grandes écoles. Cela nécessite un bon recrutement, varié et diversifié. Les écoles militaires doivent être ouvertes sur l'extérieur. Des universitaires réputés doivent, comme c'est déjà  souvent le cas aujourd'hui, pouvoir assurer leur enseignement et leur recherche à  Coëtquidan, à  Brest ou à  Salon-de-Provence.

Crédits d'entretien (inscrits au titre V)

D'un point de vue plus technique maintenant, je me dois de signaler que si la programmation des crédits d'équipement est un outil qui s'améliore au fur et à  mesure des exercices, la programmation du titre III était un exercice nouveau et difficile. A plusieurs reprises, notamment M. Voisin, M. Fromion et M. le rapporteur François Huwart, ont évoqué les budget de fonctionnement, y compris le titre III, hors RCS. J'ai mentionné qu'il pouvait y avoir, en effet, une dérive conduisant à  s'interroger sur certains budgets de fonctionnement. Ne confondez pas les budgets de fonctionnement et l'entretien, puisque l'évolution budgétaire à  laquelle nous avons assisté ces dernières années aboutit à  ce que l'essentiel des crédits d'entretien soit maintenant classé au titre V. Je pense que si certains ont exprimé leurs craintes à  propos des capacités d'entretien de la marine, c'est parce que l'essentiel des crédits correspondants est passé au titre V - même s'il est vrai que nous avons dû faire des ajustements budgétaires en cours d'année. On peut regretter que des crédits, qui étaient des crédits d'entretien, inscrits au titre III, soient passés au titre V. Mais, par définition, les besoins seront couverts et il faudra tenir compte de ce transfert lorsqu'on voudra apprécier les crédits du titre III, d'une année sur l'autre. Ma conviction est que les crédits de fonctionnement qui sont inscrits pour 1999 seront suffisants pour assurer l'activité des forces.

J'ai bien pris note des demandes de la commission exprimées par M. Jean-Claude Sandrier et des observations justifiées de M. Cova à  profond de la marine sur les report des crédits de fonctionnement non consommés en fin de 1998. Ce report constitue aussi une des priorités du gouvernement ; j'espère pouvoir l'annoncer à  l'Assemblée nationale, au moment de la présentation du prochain collectif.

Venons-en aux crédits de fonctionnement de la gendarmerie. Comme le soulignait M. Georges Lemoine dans la conclusion de son rapport, le projet de loi de finances pour 1999 permettra à  la gendarmerie de poursuivre les réformes qu'elle a engagées pour s'adapter tant au niveau système de défense qu'aux évolution de la société. Ses moyens sont préservés. Sur cinq ans et en francs constants, la progression des crédits de fonctionnement courant, hors alimentation, de la gendarmerie, reste plus rapide que celle des effectifs. La dotation de maintien de l'ordre, qui connaîtras un accroissement de 70 millions de francs pour l'année 1999, permettra d'éviter à  la gendarmerie, comme cela a été le cas toutes ces années, de prélever sur ses moyens propres pour remplir des missions de maintien de l'ordre, parfois très loin, avec des coûts de transports importants. L'évolution à  la baisse du prix du pétrole permettra aussi une baisse des crédits de carburant pour la gendarmerie.

Des réorganisations en cours : allégement des tâches administratives ; emploi de réserves dès le temps normal notamment - vous le constatez, les uns et les autres, dans les départements - lors des surcharges saisonnières ; renforcement de la qualification judiciaire des gendarmes adjoints ; rationalisation du soutien - sortie des militaires de gendarmes sous-officiers et des fonctions de soutien qui seront réservées a des personnels spécialisés. Elles permettront que les moyens de fonctionnement de la gendarmerie soient à  la hauteur des responsabilités de ce corps. Le recrutement des volontaires lui donnera enfin une capacité d'action supplémentaire sur le terrain.

Projet de budget 1999 de la défense (principaux équipements)

Je résumerai brièvement, en liaison avec les équipements, autre grand pilier de notre budget, les principaux choix de la revue de programmes. Je tiens d'abord à  souligner l'ampleur de la tâche accomplie pendant six mois par les services, avec la contribution dynamique de tous les états-majors et de la DGA. Ils m'ont permis de formuler des propositions susceptibles à  la fois de garantir le respect des priorités et des besoins de programmation de l'ensemble des équipements prévus dans la loi de programmation et de réaliser 20 milliards de francs d'économie réelle - avec des charges en moins - sur la période 1999-2002. J'ai pu éviter de recourir à  la solution simpliste, mais coûteuse, consistant à  repousser les activités correspondantes au-delà  de la période examinée. On n'a pas suffisamment relevé qu'en plus des 20 milliards d'économies qui correspondent à  des dépenses programmées entre 1999 et 2002, les mesures que nous avons prises - notamment dans le domaine nucléaire, évoqué par plusieurs orateurs, dont M. le rapporteur M. Galy-Dejean - rapporteront beaucoup plus après 2002 qu'avant.

Ainsi, les essais de la revue de programmes sont non seulement d'ajuster ce qu'on achète avec des disponibles pendant la période 1999-2002, mais aussi de réduire l'effet dit de « bosse » qui consiste à  renvoyer les objectifs de dépenses au-delà  de la période de 2002 pour 20 autres milliards de francs.

Sur la base des propositions que nous avons ainsi établies, le gouvernement avec l'assentiment du Président de la République, a arrêté les orientations de notre politique d'équipement militaire, dans le budget 1999 est la première traduction concrète. Ce budget représente bien la volonté politique de poursuivre la programmation de nos équipements de défense sur la base de 85 milliards de francs annuels - en francs constants 1998 -, ce qui correspond cette année à  86 milliards. Il rétablit une certaine continuité et une certaine visibilité de la politique d'équipement militaire, qui est indispensable à  tous les partenaires.

Dans cet état d'esprit, bien résumé par M. Gérard Charasse dans son intervention, toutes les grandes composantes de notre politique de défense aboutissent à  des mesures d'économie qui ont été calculées de façon exacte.

SNLE - M 51

Cela est vrai pour le nucléaire, avec la convergence, en 2008, du calendrier du dernier sous-marin de nouvelle génération et du missile M 51. M. Galy-Dejean a rappelé tout à  l'heure que cela permettrait, pour des prestations comparables, de faire 6 milliards de francs d'économie.

Porte-avions Charles-de-Gaulle (entrée en service en 1999)

Dans le domaine de la projection, les grands programmes sont maintenus, mais connaissent des aménagements. L'entrée en service du Charles de Gaulle interviendra comme prévu à  la fin de 1999. Ce bâtiment assumera alors l'ensemble des missions dévolues au groupe aéronaval. A cette date, le Foch sera retiré du service.

Groupe aéronaval (coopération franco-britannique)

La disponibilité du groupe aéronaval n'est pas totale. C'est une situation que nous connaissons déjà . Je voudrais prendre l'exemple de la crise du Kosovo. Le groupe aéronaval participera à  d'éventuelles frappes militaires sur le Kosovo et sur le Sud de la Serbie au cas où les objectifs de la paix au Kosovo ne seraient pas atteints. En relation avec nos alliés, nous avons choisi de déployer une force aérienne à  partir du groupe aéronaval, alors que les autres alliés le font partir des forces aériennes stationnées en Italie pour pouvoir agir sur le territoire du Kosovo. Si une crise comme celle-ci éclatait à  un moment d'indisponibilité du porte-avions, nous aurions à  nous situer, comme le font nos autres alliés - qui ne sont pourtant pas dépourvus de moyens de projection de force aérienne -, avec les moyens de ravitaillement correspondants, sur une base terrestre.

Cela dit, nos amis britanniques prévoient de se doter d'un groupe aéronaval ayant le même type de spécifications que celles du Charles de Gaulle. On peut donc espérer dans un horizon éloigné - mais maintenant programmable - qu'il y aura une certaine complémentarité entre les éléments des groupes aéronavals européens. La capacité opérationnelle dont disposent les Européens aujourd'hui en serait augmentée.

Je reviens à  la programmation. Dans le but d'accroître notre capacité amphibie, la déclaration du Premier ministre à  Saint-Mandrier, au mois d'avril, à  bien prévu que les transports de chalands de débarquement d'un type nouveau seront réalisés au cours de la loi de programmation actuelle, selon des modalités permettant d'en réduire les coûts.

Armes antichars (réduction)

Les programmes majeurs de l'armée de terre sont, de leur côté, poursuivis, qu'il s'agisse du Leclerc, du futur véhicule blindé de combat d'infanterie ou des hélicoptères Tigre et NH-90, ce dernier intéressant également la marine. En revanche, la gamme des armes antichars sera réduite et simplifiée pour tenir compte des de redondance que nous avons pu constater dans notre trame anti-blindée.

Programme Rafale

Le calendrier de réalisation des Rafale qui équiperont l'armée de l'air a été aménagé. Une évolution plus rapide que prévue du format de l'armée de l'air, part le retrait anticipé de deux escadrons de Jaguar, avions de toute façon en fin de vie, est par ailleurs décidée.
Avion de transport futur

Le gouvernement confirme en outre la nécessité de doter nos forces d'un avion de transport futur. J'ai bien entendu les interrogations de M. Bernard Charles et de M. Jean-Louis Bernard à  ce sujet. J'indique jeu M. Bernard que le Transall n'est en rien un avion dont les capacités seraient désormais en dessous des besoins opérationnels. On le verra, hélas, aujourd'hui et demain en Amérique centrale, au Nicaragua et au Honduras. A l'heure actuelle, le Transall est pratiquement le seul avion à  pouvoir se rendre sur certains terrains compte tenu de ses performances en distance d'atterrissage et de décollage. Et je suis convaincu que nous pourrons mener des interventions particulièrement variées et exigeantes avec les Transall, dont certains ont été modernisés, au cours des prochaines années.

Cela dit, la France a en effet conclu un accord de spécifications commune avec sept autres pays, qui représentent, disons, la force d'achat de toute l'Europe. Mais soyons clairs, ces huit pays se sont mis d'accord sur un objectif de mise en concurrence. Les parlementaires que vous êtes souhaitent, bien entendu, que la formule Airbus en sorte gagnante et j'ai la conviction que le groupement Airbus m'abusera tous ses efforts et toutes ses capacités pour présenter une proposition de haut niveau. Mais il faudra que les huit pays se mettent d'accord, et peut-être sera-t-il malaisé qu'ils le fassent sur un ensemble de critères aboutissant à  ce que le choix Airbus s'impose. Il ne faut pas penser trop vite que les autres éléments du choix sont d'ores et déjà  exclus. En tout cas, il y a, parmi les Etats acheteurs, d'autres partenaires, qui considèrent que les deux autres possibilités pour l'avion de transport futur sont également à  explorer. Ils feront entendre leur voix.

Bien entendu, les évolutions économiques récentes en Russie et en Ukraine ne rendent pas plus facile ou plus vraisemblable la mise en concurrence à  égalité de chances d'un avion sur base Antonov par rapport aux deux autres possibilités, européenne et américaine. Mais j'insiste sur le fait que la force sur les spécifications entre les huit pays européens suppose qu'ensuite on laisse jouer librement la concurrence.

Coopération européenne en matière de fabrication armements

Les programmes en coopération, structurants pour l'Europe de la défense, sont pour l'essentiel confirmés. Compte tenu de la place importante qu'ils occupent désormais au sein du budget d'équipement, ils ne pouvaient pourtant pas rester à  l'écart de l'effort économique. Nous avons donc procédé à  des ajustements limités. Nos partenaires en sont pleinement informés.

Matériel spatial

Il me paraît enfin utile de revenir sur les difficultés que présente la mise en place d'une coopération européenne d'espace militaire, bien décrite par M. Bernard Grasset dans sa présentation. Cela nous oblige en effet à  retarder le lancement de certains projets. C'est le cas dans les télécommunications avec le programme successeur de Syracuse II. Le choix des Britanniques de ne pas participer à  ce nouveau programme annoncé annoncé au mois d'août nous amène à  le revoir très substantiellement avec nos partenaires allemands. Le partenariat bilatéral franco-allemand reste en effet solide.

Concernant l'observation militaire, la France, qui devrait bientôt être rejointe par l'Espagne, a lancé de manière irréversible la réalisation de Helios 2, seule solution technologique acceptable pour prendre la relève de Helios 1 à  partir de 2004. En revanche, le non lancement de la coopération franco-allemande en matière d'observation, si elle n'arrête pas Helios 2, nous a poussés à  arrêter le programme de satellite-radar Horus. Une expertise des nouvelles technologies et du potentiel technique, déjà  financée auprès des industriels, nous permet d'envisager à  terme des solution plus économiques à  base de petits satellites-radars. C'est dans ce cadre que nous voulons relancer les discussions avec nos partenaires européens, au premier rang desquels l'Italie, l'Allemagne et le Royaume-Uni, qui, à  des degrés divers d'avancement, étudient aussi des projets de satellites-radars à  usage civil ou militaire.

L'année 1999 nous permettra aussi de finaliser la nouvelle édition du plan spatial pluriannuel de défense, dont les travaux de mise à  jour en été lancés dès le lendemain de la revue de programmes. Cette nouvelle version prenant en compte l'impact des nouvelles technologies pour la conception des futurs systèmes servira également de base de travail pour les coopérations avec nos partenaires européens. Pour conclure sur l'activité du secteur spatial, je soulignerai que je partage tout à  fait l'avis des rapporteurs qui se sont exprimés sur les crédits consacrés aux recherches duales.

Crédits de recherche et de développement

La contribution du ministère de la défense au budget civil de recherche et développement n'a pas vocation à  être un transfert pur et simple et ne trouve sa cohérence que si les programmes civils en question présentent un intérêt pour la défense. Je veux souligner que l'état d'esprit du ministre de la recherche, Claude Allègre, est bien que nous travaillions ensemble sur des programmes de recherche civile - l'essentiel porte en effet sur le spatial - ayant des retombées directes pour les recherches de défense. Les études de recherche font parties des dépenses du ministère, puisqu'elles ont pour finalité la préparation des forces armées. La réduction, de l'ordre de 40 %, de ces crédits, survenue entre une 1990 et une 1998, rend indispensable une meilleure sélectivité de leur emploi. C'est pourquoi le critère principal qui caractérise l'effort de recherche est sa destination, c'est-à -dire la préparation des futurs programmes d'investissement.

Pour autant, l'utilisation de ces crédits ne répond pas à  des critères simplistes comme la distinction entre recherche appliquée et recherche fondamentale, efforts de long terme et travaux de court terme. Le plan de simulation des armes nucléaires illustre, par exemple, les efforts de long terme consentis par le ministère de la défense dans des sciences fondamentales, dès lors que les objectifs sont parfaitement identifiés, finalités sur des programmes futurs et orientés selon des critères coût-efficacité et non pas simplement vers la quête de la connaissance scientifique.

A l'inverse, la finalité des systèmes de défense oblige à  maîtriser la réalisation de sous-ensembles développés avec des technologies civiles, mais organisés selon une architecture complexe. Dans de tels cas, si l'essentiel de la technologie se trouve sur étagère, c'est l'effort complémentaire de recherche et développement qui fera l'efficacité militaire finale du système, ce qui montre bien que l'analyse brute, l'analyse rudimentaire sur la simple base du montant des crédits de recherche ne peut pas rendre compte, dans un système où l'on évolue vers une plus grande efficacité, de l'effort réel d'impulsion de la recherche engagée par ces crédits. Je souligne que notre effort de recherche et développement place encore la France dans le peloton de tête des nations occidentales. Je n'ai évidemment pas l'intention de le comparer à  celui des Etats-Unis, car que sont nos 21 milliards de francs au regard du budget de recherche et développement du Pentagone, qui approche 250 milliards de francs et représente 55 % des crédits publics en faveur de la recherche ? Cet effort est sans commune mesure dans le monde occidental et fait partie des piliers de la politique à  la fois militaire et scientifique des Etats-Unis.

Les comparaisons avec nos principaux partenaires européens me paraissent plus pertinentes. La France partage avec le Royaume-Uni la première place pour les crédits de recherche et développement dont le montant atteint, dans les deux pays, environ 21 milliards de francs. L'Allemagne, quant à  elle, fournit un effort de quelque 10 milliards de francs, et les 12 autres pays de l'Union de 10 milliards de francs à  eux tous. Les Etats-Unis consacrent 0,60 % de leur PIB à  la recherche et au développement, la Grande-Bretagne et la France 0,25 %, l'Allemagne fédérale 0,10 %, tous les autres pays européens 0,03 %, c'est-à -dire huit fois moins que nous, 20 fois moins que les Etats-Unis.

Autrement dit, si les pays européens, dans leur ensemble, fournissaient le même effort, en matière de recherche de défense, que la France et la Grande-Bretagne, nous serions collectivement à  la moitié de l'effort des Etats-Unis, ce qui établit un certain rapport de forces, alors que sommes aujourd'hui au quart des Etats-Unis. C'est, me semble-t-il, une vision dont il est important de convaincre nos partenaires et amis européens.

Industrie européenne de défense

La poursuite de l'ensemble de ces actions dans les conditions prévues doit s'accompagner de nouveaux moyens au sens le plus large. La construction d'une industrie européenne de défense, forte et compétitive, est une priorité du gouvernement. Elle doit permettre à  l'Europe de maîtriser les technologies clés et aux armées de bénéficier des meilleurs matériels au meilleur coût. La cohérence politique de cette démarche a été définie dans la déclaration du 9 décembre 1997, signée conjointement avec les gouvernements britannique et allemand. Sur ces sujets industriels, le gouvernement donne la priorité à  la stratégie technologique et industrielle et non aux considérations financières à  court terme, a fortiori aux prises de position idéologique. Il opère des regroupements rationnels d'actifs industriels et exclut toute idée de vente aux enchères d'entreprises publiques. La problématique de cette stratégie a été bien posée par M. Guy-Michel Chauveau. Notre objectif fondamental est de construire alliance d'envergure au niveau européen, pour équilibrer les fortes concentrations réalisées par l'industrie de défense américaine. Cet objectif se traduit par la constitution d'un pôle d'électronique professionnelle et de défense autour de Thomson-CSF, Alcatel et Dassault Electronique, et d'un pôle aéronautique et spatial autour d'Aérospatiale-Matra, qui coopérera avec Dassault, ces deux ensemble étant déjà  bien engagés dans des accords européens significatifs.

Nous attachons une grande importance à  la méthode selon laquelle les opérations de restructuration sont conduites. Cette méthode privilégie le dialogue authentique : aucun grand industriel ni aucun responsable syndical n'a été tenu à  l'écart de la réflexion, ce qui fait qu'aucune contestation de fond ne s'est exprimé à  l'encontre de nos choix de la part des acteurs concernés. Cette concertation a eu lieu en profondeur, sans effet d'annonce. Cela nous permet, 13 mois après la prise de fonction de ce gouvernement, d'estimer avoir conclu les deux dossiers majeurs de regroupement des forces françaises en matière d'industrie militaire de pointe. J'ajoute que ce travail a été largement servis par l'apport des réflexions de la commission de la défense, présentées il y a quelques mois, sur les potentialités de l'industrie française de défense en Europe.

Nous avons en même temps clarifier la position française vis-à -vis de nos interlocuteurs européens. La lettre d'intention que j'ai signé le 6 juillet dernier à  Londres avec mes cinq collègues européens concrétise un important travail réalisé dans ce sens. Cette démarche substantielle des six européens engagés dans l'industrie de défense est portée pas un soutien politique constant. Des groupes de travail internationaux se réunissent très fréquemment pour préparer les accords de mise en oeuvre de la lettre d'intention. Ils seront indispensables pour permettre des synergies entre Etats acheteurs européens. Celles-ci vont par ailleurs se développer grâce à  la création maintenant conclue de l'organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR), qui conduira les programmes en coopération au nom des quatre principaux Etats membres : l'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Italie et la France.

Commandes pluriannuelles d'équipement

Enfin, dernier outil que je voudrais citer ce soir, les commandes pluriannuelles, qui ont beaucoup intéressé l'Assemblée l'année dernière, sont en effet un mode d'acquisition rénové, rendant plus efficace la dépense d'investissements en matériel de défense. Les commandes pluriannuelles permettent aux industriels d'avoir une visibilité de leur plan de charge et de profiter à  plein des économies de l'effet de série. Cinq commandes pluriannuelles ont été passées par la défense en 1997 : le statoréacteur VESTA préfigurant les futurs missiles ASMPA et ANF, et l'acquisition de missiles MICA, Scalp et Apache antipiste, ainsi que les torpilles MU 90. Six autres commandes pluriannuelles ont déjà  été passées depuis le début de 1998 : la modernisation des moyens de transmission des bases aériennes, ainsi que des garnisons terrestres, les dépanneurs, puis le char Leclerc, le développement du missile PAAMS pour la frégate Horizon, enfin pour l'instant, deux années de développement du missile M 51.

L'extension de ce dispositif de commandes globales à  des programmes majeurs, que j'avais annoncé à  l'Assemblée, et je pense plus particulièrement au M 51 et au Leclerc, renforce l'assise et la pérennité de ces programmes, en garantissant aux industriels concernés, au premier chef Aérospatial et GIAT, une cohérence dans la conduite de ces programmes qui, nous le savons tous, étaient indispensables. Nous allons poursuivre dans cette voie.

Programme Rafale (commande début 1999)

Anticipant la question qui pourrait m'être posée à  ce sujet, je signale que la commande groupée d'avions Rafale fait actuellement l'objet de travaux approfondis entre mes services, le ministère de l'économie et des finances et les industriels concernés. Je suis confiant sur notre capacité à  notifier cette commande début 1999.

Restructurations (mesures d'accompagnement)

J'évoquerai, avant de conclure, les mesures d'accompagnement de toutes ces réformes et de la modernisation de nos industries. J'avais annoncé l'année dernière dans cette enceinte M. Birsinger l'a rappelé, la redynamisation de la délégation interministérielle aux restructurations de défense et la mise à  sa disposition de 500 millions de francs pour mener à  bien la diversification des bassins d'emploi et la conversion des entreprises concernées. Un nouveau délégué ministériel, M. Pierre Pouessel, a été nommé au début de cette année. Il a effectué plus de 30 déplacements pour mettre en place les comités de site, que j'avais également annoncé, associant les élus, les acteurs économiques et les organisations représentatives du personnel pour mûrir localement les projets de conversion économique et pour exprimer les besoins d'accompagnement. Tout ceux, parmi vous, qui ont participé aux travaux de ces comités de site, ou s'en sont infirmés, savent que du bon travail y a été fait.

A ce jour, la consommation du Fonds de restructuration de la défense (FRED), qui avait été de 75 millions de francs seulement en 1997, s'élève à  175 millions de francs. Le nombre de créations d'emplois aidés dans les sites en conversion est passé de 670 l'année dernière à  plus de 1 400 cette année. Toujours en 1998, ont été engagés, pour l'accompagnement économique des restructurations de défense, 60 millions de francs du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire - la demande de réelle interministérialité de cette action, souvent réitérée par les parlementaires, a donc bien été satisfaite -, 125 millions de francs du Fonds européen KONVER et 100 millions de francs de crédits FEDER et Fonds social européen objectif II. Au total donc, sur le droit de tirage de 500 millions de francs mis à  la disposition des délégué interministériel, 460 millions de francs ont été engagés au moment où je parle.

Pour 1999, les crédits du FRED sont en légère augmentation et s'établissent à  202 millions de francs. Sont également disponibles 250 millions de francs de crédit européens d'un programme pluri régionale dédié à  l'accompagnement des restructurations de défense. Par ailleurs, des droits de tirage sur le FNADT et le FEDER seront disponibles dans des proportions équivalentes à  cette année. Le délégué disposera donc en 1999 d'au moins 700 millions de francs pour son action et cette somme constitue un plancher, car je m'engage à  redéployer les moyens nécessaires sur mon budget, s'il y avait des opérations encore plus nombreuses justifiant des injections de crédits de reconversion.

Au-delà  de ce dispositif général, qui bénéficie à  l'ensemble du territoire, le gouvernement souhaite apporter une attention plus particulière aux bassins d'emploi les plus affectés, ceux dans lesquels existe traditionnellement une mono-industrie de défense. C'est particulièrement le cas des bassins dans lesquels sont implantés les établissements de la DCN et de GIAT Industries. Un premier comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) a eu lieu le 15 décembre 1997 et a pris des mesures en faveur de Brest, Cherbourg, Lorient, Saint-Etienne et Roanne. Un comité interministériel aux restructurations de défense s'est tenu le 6 juillet dernier, avant l'annonce des restructurations militaires de deuxième phase, et a défini les grands axes de la politique gouvernementale en ce domaine : le renforcement des moyens dédiés à  la conversion par le recours aux sociétés spécialisées comme SOFRED et SODIE ; la prise en compte des effets de restructuration de défense dans la politique d'aménagement du territoire, notamment pour la préparation des contrats de plan Etat-région ; la réforme des fonds structurels européens dans laquelle cette question sera également une priorité ; enfin, le dispositif d'accompagnement social, auquel le gouvernement a montré tout son attachement.

C'est dans ce cadre que, d'ici à  la fin de l'année, se réunira un nouveau CIADT, qui s'attachera de nouveau à  la situation des principaux bassins concernés par les restructurations, en particulier ceux de Bourges et de Tarbes. Dans le secteur des industries de défense, la diminution des effectifs engagée depuis le début de la décennie sera ralentit. Alors que les suppressions d'emplois étaient chiffrées entre 10 000 et 12 000 depuis plusieurs années, cette diminution a été ramenée à  6 000 en 1997, et il est vraisemblable que le chiffre de 1998 sera de nouveau rassurant. Encore faut-il noter que les diminutions qui touchent GIAT, la DCN et en général la DGA s'effectuent sans aucun licenciement.

GIAT Industries (plan stratégique, économique et social)

Vous savez que la direction du groupe GIAT Industries, après avoir cédé sa filiale Herstal en début d'année et réalisé ainsi une opération allégeant ses charges, a proposé au gouvernement l'adoption d'un plan stratégique, économique et social prévoyant de nouvelles mesures d'adaptation. Ce plan vient d'être adopté par le troisième comité central d'entreprise, le 22 octobre dernier, après une négociation sociale réelle et sincère. Il entrera en application dès le début de l'année prochaine. Ce plan est difficile pour les bassins d'emplois concernés. Il prévoit plusieurs fermetures de sites et des diminutions d'effectifs importantes, plus du tiers de ceux existant actuellement. Ce plan n'a de sens, et le gouvernement n'y a donné son aval, que parce que, parallèlement à  un plan social, il comprend des réorganisations industrielles fortes.

La concentration des activités et la réorganisation de la production étaient devenues indispensables pour cette entreprise sur le marché où elle opère. L'absence de réorganisation obérait la capacité du groupe à  nouer des stratégies avec nos partenaires, alors que la qualité technique de GIAT a déjà  conduit à  des rapprochements et à  des négociations avec d'autres professionnels de l'armement terrestre européen. Ce plan était indispensable. Il sera mis en oeuvre en préservant la situation du personnel. Je précise à  M. Outin, qui m'a interrogé sur ce point, que l'objectif d'éviter tout licenciement sera scrupuleusement respecté. Son hésitation sur ce point est probablement due au décalage entre la fermeture de certains ateliers de Saint-Etienne et la mise en place de l'atelier graphique de l'armée de terre. Une période de latence est en effet nécessaire pour permettre aux personnels volontaires de suivre une formation, laquelle s'étale sur plusieurs mois. J'ai eu l'occasion de visiter, en compagnie de certains de vos collègues, un atelier graphique de la gendarmerie qui avait été transplanté dans les mêmes conditions à  Limoges. Il commençait son activité lorsque je m'y suis rendu. Je peux vous dire que les personnels qui y travaillaient étaient devenus de véritables professionnels alors que leurs spécialités antérieures étaient toutes autres. Ainsi, la discontinuité qu'il a cru percevoir s'explique par le temps de formation attribué aux personnels concernés.

DCN (projet de plan d'entreprise)

Quand à  la DCN, elle travaille sur le projet de plan d'entreprise que je lui ai demandé et qui sera conclu dans les tout prochains mois trois. Ce plan donnera une vision d'ensemble aux différents acteurs. M. Jean-Yves Le Drian en a fort justement souligné la nécessité. Le plan vise à  la fois les personnels, l'encadrement et les partenaires industriels, qui s'intéressent de plus en plus à  l'évolution de la DCN, pour que la modernisation de celle-ci, dont chacun reconnaît la nécessité, s'inscrit dans une stratégie claire. J'ai indiqué que l'intention du gouvernement n'est pas de changer le statut de la DCN ni celui de son personnel. Mais ce statut comporte des capacités d'adaptation qui doivent être utilisées pleinement pour favoriser l'évolution de la DCN et là  mettre en situation d'affronter la concurrence et de nouer des partenariats stratégiques avec les grands industriels du secteur. La mission Moynot permet, par un effort de dialogue renforcé avec tous les personnels, de faire passer l'information et de rendre lisible cette perspective indispensable. Chacun sait en effet que les besoins de la Marine nationale, qu'il s'agisse de constructions neuves ou d'entretien, ne peuvent constituer à  terme un plan de charge que de la moitié environ des capacités industrielles existantes. Seul une véritable compétitivité, permettant à  la DCN d'être dans la course pour les contrats à  l'exportation et pour la poursuite, dans des conditions économiques acceptables, de la diversification voulue par le gouvernement, permettra le maintien d'un outil industriel supérieur aux stricts besoins de la marine. Il n'est pas dans mes intentions que le plan d'entreprise soit annoncé comme un ensemble détaillé et intangible de décisions imposées par Paris. Au contraire. Articulé autour d'objectifs fondamentaux à  moyen terme, qui donneront aux évolutions actuelles leur cohérence, ce plan sera soumis à  l'encadrement de la DCN et à  ses salariés. Il sera nourri de discussions internes sur les conditions de sa mise en oeuvre. Il sera un guide pour l'action qui, comme dans toutes les entreprises modernes sera régulièrement révisée en fonction des évolutions du marché et de la situation des établissements.

Mon ministère a engagé depuis 16 mois bien d'autres réformes que je ne mentionnerai pas pour ne pas allonger trop mon propos. Peut-être certaines seront-elles évoquées lors des questions. Mais je tiens à  vous dire que ce qui me tient le plus à  coeur est la clarification the la gestion financière de mon ministère, l'amélioration du classement comptable de ses opérations et la conduite rigoureuse des programmes. Des progrès importants ont été réalisés, plusieurs orateurs l'on relevé, mais il en reste encore à  faire. En tout cas, le contrôle du Parlement et la possibilité de situer les opérations dans la durée - ce sera vrai aussi pour les Opex, sur lesquelles je viendrais donner des explications au Parlement lors du collectif - nous permettront de faire du bon travail et faciliteront le dialogue sur les engagements financiers de la défense puisque nous en aurons une vision plus claire.

Amérique centrale (aide d'urgence)

Je voudrais, avant de conclure, mentionner ce qui va être fait par le gouvernement, avec les moyens des armées, en Amérique latine, où la situation est dramatique. Des démineurs seront envoyés au Nicaragua, où 75 000 mines ont été découvertes après le passage du cyclone. Un Transall sera stationné à  Managua pour distribuer l'aide d'urgence dans l'ensemble de la zone. Vous savez que la plupart des zones sinistrées sont difficiles d'accès. J'ai décidé aujourd'hui de dérouter vers l'Amérique latine le porte-hélicoptères Jeanne d'Arc, qui venait de partir avec les midships pour Baltimore afin de mettre à  disposition ses hélicoptères et ses médecins stagiaires pour faire face aux graves problèmes de santé qui se posent dans ces pays.

Le Président de la République, lorsqu'il se rendra dans cette zone la semaine prochaine, pourra féliciter directement les médecins qui seront au travail là -bas. Nous acheminerons un deuxième Transall dans les 48 heures. Nous envoyons également un élément de la bioforce pour lutter contre les épidémies, et nous verrons avec les autorités des deux pays les plus touchés ce que peut faire le génie pour déblayer les zones les plus sinistrées, pour faciliter l'acheminement des secours et permettre peut-être le retour des habitants sur leur lieu de résidence.

Mesdames, Messieurs les députés, la France a aujourd'hui la chance de vivre en paix et nos concitoyens sont bien plus intéressés par la violence urbaine et le chômage. Pourtant, il est de notre devoir de profiter de ce moment pour réformer l'outil de défense de la France et l'adapter aux exigences des temps futurs, dont personne ne sait s'ils seront aussi paisibles que nous le souhaitons.

La politique de défense - je vous en donne l'assurance et vous avez pu le constater en étudiant les rapports - y est élaborée dans de bonnes conditions, en relation permanente avec l'ensemble des autorités, à  commencer par le chef de l'Etat et le Parlement. Elle s'inscrit dans la longue durée et la cohérence. Le mouvement de réforme engagé est vaste et profond. Il prend en compte nos intérêts nationaux à  long terme et suit les grandes lignes de la politique du gouvernement énoncée par le Premier ministre : emploi Europe, sécurité, préparation de l'avenir. Il aboutira, parce qu'il est fondé, à  chacune de ses étapes, sur le dialogue, la transparence et la rigueur. Ce mouvement ira à  son terme, parce qu'il est réaliste et correspond à  une volonté collective, que le gouvernement, vous demande ce soir, de soutenir par votre vote.

Tout en m'en remettant avec confiance au jugement responsable que vous porterez sur ce projet de loi de finances, je vous remercie de la tenue et de l'ambition de ce qui, en surplomb de la discussion proprement budgétaire, a été un véritable débat général sur la politique de défense et de sécurité de notre pays. Vous pouvez être collectivement satisfaits de sa qualité. Même si nous ne sommes pas d'accord sur toute ses conclusions, il mérite le respect de la communauté de défense qui, vous le savez, s'y intéresse de près.

Quoi qu'il en soit, Mesdames, Messieurs les députés, permettez à  l'un de vos anciens collègues, qui reste profondément attaché à  cette institution, pilier de notre République, de vous dire que, loin des épisodes superficiels parfois exploités pour abaisser, son image devant nos concitoyens, le travail scrupuleux et la vision d'avenir que vous avez su montrer ensemble dans cette longue séance représentent la réalité d'un Parlement à  la hauteur de ses responsabilités dans un domaine majeur de l'intérêt national.


Réponses du ministre de la défense aux questions des députés

Bataillon des marins-pompiers de Marseille (professionnalisation)

(M. Yves Nicolin) Guy Teissier, député de Marseille, m'a demandé de vous interroger à  propos des marins-pompiers de Marseille. Le bataillon des marins-pompiers Marseille est présent chaque année sur plus de 100 000 interventions, aussi bien sur le front des incendies que pour le transport des blessés, ou encore le sauvetage en mer. 1 750 hommes composent le bataillon, dont 500 appelés. Avec la fin de la conscription, le bataillon va devoir remplacer ses appelés par des volontaires. Cette réorganisation devra être supportée par la ville de Marseille, et coûtera aux contribuables marseillais 21 millions de francs par an. Marseille est, avec Paris, la seule ville française dont la sécurité est assurée par un corps militaire, à  la nuance près que l'Etat finance à  hauteur de 25 % les pompiers parisiens, alors que Marseille rembourse la Marine nationale.

Ma question est simple. Afin de permettre à  Marseille de préserver un corps d'élite donc chacun, vous comme moi, reconnaît l'efficacité et le grand professionnalisme, et dans un souci de stricte équité, je vous demande très officiellement d'étudier et d'acter la possibilité pour l'Etat de prendre en charge, a l'instar de ce qu'il fait pour les sapeurs-pompiers de Paris, une partie du budget des marins-pompiers de Marseille.

R. - Je suis d'accord avec vous sur le rôle éminent des marins-pompiers. Il existe depuis 1939 un consensus entre les autorités municipales de Marseille et l'Etat pour fonder la sécurité-incendie et la sécurité de la ville de Marseille sur cette unité de la Marine nationale qui est entièrement détachée auprès d'elle. Il a toujours été entendu que le financement était assuré par la ville de Marseille, qui, à  cet égard, se trouve dans la même situation que toutes les collectivités locales, qui, partout ailleurs financent intégralement leurs charges de sécurité-incendie.

Un fait nouveau est introduit par le remplacement de 450 appelés, qui représentent environ le quart des capacités humaines de l'unité. Comme dans toutes les unités militaires qui emploient du personnel de contingent, il faut étudier les solutions de remplacement : personnel civil, personnel militaire engagé, volontaires. Le conseil municipale de Marseille a adapté en 1997 un plan baptisé « BMP 2000 » qui prend en compte cette évolution, c'est-à -dire
 que la ville de Marseille a, sur le principe, accepté de faire face à  la responsabilité globale qui lui incombe en vertu des anciens accords. La disparition des appelés affectera, c'est vrai, la charge financière globale, comme une quantité d'autres évolutions survenues depuis 1939 ont également eu des incidences financières que la ville de Marseille a toujours assumées.

Vous faites état de la particularité de la situation de Paris. C'est la ville capitale. Et l'Etat a besoin également en fonction de ses responsabilités centrales, de la brigade de Paris. Ce n'est pas applicable à  Marseille. Nous devrons travailler étroitement avec la ville de Marseille pour organiser la transition entre la situation avec les appelés et la situation avec une armée entièrement professionnalisée. Mais je ne peux pas créer un précédent. Si l'Etat prenait en charge 25 % des marins-pompiers de Marseille, vous seriez tout à  fait fondé à  me demander la même chose pour le service de sécurité et d'incendie de la Loire, et j' aurais beaucoup de mal à  vous dire non.


GIAT Industries (production en coopération de matériel d'armement)

(M. Yves Nicolin) Je souhaiterais évoquer avec vous deux problèmes et je vous poserai une triple question. On a donné aux futurs programmes d'armement et aux restructurations une dimension européenne. Si ce choix recueille notre approbation, il n'en demeure pas moins qu'il risque de poser certains problèmes à  nos industries nationales de défense. Même si son budget militaire est en diminution, la France a, en effet, le devoir de conserver une industrie performante et compétitive.

Ainsi, GIAT Industries, est actuellement en relation avec ses partenaires allemands et britanniques pour la production et le développement du véhicule blindé de combat d'infanterie (VBCI) dans le cadre d'un programme de coopération. Cependant, nous ne savons pas quelle sera la part de production réservée à  GIAT Industries. Cet engin de transport de troupes n'est toutefois pas un blindé et ne peut, vu le nombre de commandes potentielles, même européennes, s'inscrire pour l'entreprise GIAT comme une perspective crédible de « l'après Leclerc ». Ce sentiment est renforcé par le fait que les partenaires allemands de GIAT Industries semblent reconsidérer à  la baisse leurs besoins en ce qui concerne la production du VBCI.

Il nous faut donc nous interroger sur le programme Vextra, compte tenu de la difficile situation financière de GIAT Industries, alors même qu'il s'agit d'un engin blindé dont les militaires expriment de plus en plus le besoin : on parle de 1 100 exemplaires nécessaires pour l'armée française, sans parler de dérivés civils potentiels. Doit-on dès lors poursuivre dans la voie d'un VBCI dont le coût de production avoisine les 11 millions de francs l'unité, avec des débouchés qui se réduisent, ou doit-on s'orienter vers un Vextra dont le coût de production s'équilibrerait à  8 millions ?


Bassin d'emploi de Roanne

J'évoquerai enfin le niveau effectif des mesures d'accompagnement des restructurations militaires et industrielles dans le cadre de la loi de programmation militaire 1997-2002. Dans votre rapport au Parlement sur l'exécution de cette loi, vous indiquez que le niveau des mesures d'accompagnement des restructurations a été soutenu en 1998 et continuera à  l'être en 1999. Le gouvernement s'est donc engagé à  déployer de gros moyens financiers, notamment ceux du Fonds de restructuration de la défense, plus de 200 millions de francs. Les crédits du Fonds national d'aménagement du territoire devraient également, nous dit-on, être mis à  contribution.

Or je déplore que le site de GIAT Industries de Roanne-Mably semble totalement écarté de ce programme alors que plus de 600 emplois vont disparaître dans le nouveau plan social. Pourtant, d'importances initiatives locales mériteraient l'attention et le soutien des fonds publics tant de l'Etat que de l'Union européenne. L'exemple que vous connaissez du projet initié par la chambre de commerce et d'industrie de Roanne d'une entreprise industrielle spécialiste dans la dépollution et le recyclage de matériels issus des travaux publics, de la protection civile, des forces militaires et des transports ferroviaires s'inscrit parfaitement dans cette démarche. Il s'agit d'ailleurs là  du seul projet industriel d'envergure qui engendrerait plusieurs centaines de création d'emplois et redonnerait l'espoir à  toute une région. Ma question est donc le triple :

Comptez-vous, parallèlement au programme VBCI soutenir GIAT Industries pour qu'il poursuivre le programme Vextra, avec quels moyens et dans quels délais ?

Comment envisagez-vous le rapprochement du groupe GIAT Industries avec ses partenaires européens, et quelle place sera réservée aux groupes français dans la coopération que vous appelez de vos voeux ?

Enfin, le gouvernement entend-il soutenir le projet de la CCI de Roanne de création d'une entreprise de dépollution et de recyclage de matériels civils et militaires de matériel roulants lourds ?

R. - Je discerne quelques incertitudes dans votre question. Vous expliquer qu'il faut se donner une perspective européenne. Mais, en matière de véhicules blindés, il y en a une depuis plusieurs années. Notamment à  l'époque où les gouvernements que vous souteniez prenaient des décisions industrielles, la France s'est engagée dans un programme en coopération pour un véhicule blindé d'infanterie avec la Grande-Bretagne et l'Allemagne. Ce programme progresse. Il est tout à  fait vrai qu'il y a à  Evry des discussions assez délicates pour apprécier la convergence des besoins opérationnels des trois armées. Cela dit, si, comme nous le pensons, l'industrie française peut acquérir 30 % de la charge d'activité d'un programme qui correspond aux demandes des trois principaux pays acheteurs d'Europe et qui, par conséquent, aura inévitablement une crédibilité accrue vis-à -vis des autres pays européens, vaut-il mieux perdre ces 30 % ou envisager de développer et de mettre en production, avec une part de travail, certes, de 100 %, un véhicule spécifiquement calé sur les besoins de l'armée française - encore que cela ne soit pas totalement établi - et qui, pour instant, n'a aucun client potentiel à  l'exportation ?

Le gouvernement pense qu'il ne faut pas se dédire, qu'il faut poursuivre dans le sens de l'engagement qui a déjà  été pris vis-à -vis des deux partenaires majeurs de l'industrie européenne, et donc poursuivre le programme VBCI dans des conditions harmonisées entre les trois principaux pays acheteurs. Le Vextra est partiellement développé, et sa mise en production peut-être décidée ultérieurement si un pays partenaires se dégage.

En ce qui concerne les moyens d'accompagnement du nouveau développement industriel des sites touchés, j'ai évoqué tout à  l'heure les chiffres : 500 millions disponibles et 460 millions dépensés au titre de 1998, 700 millions disponibles au titre de 1999. Aucun projet présentant un début de faisabilité n'est exclu. Le projet de dépollution soutenu par la chambre de commerce de votre département peut tout à  fait faire l'objet d'une étude de faisabilité sur les fonds de structuration.


GIAT Industries (plan de restructuration - sites de Saint-Chamond/Saint-Etienne/Loire-Sud)

(M. François Rochebloine) Au début de l'été nous a été présenté un nouveau plan de restructuration du groupe GIA Industries, le plan stratégique économique et social, plus communément appelé le PSES. Au moment où nous examinons les crédits de votre ministère, il me semble important de souligner que l'Etat a le devoir de réaffirmer son soutien à  GIAT Industries, le groupe connaissant, en effet, une situation extrêmement délicate. Certes, les difficultés ne datent pas d'aujourd'hui : cinq plans sociaux en 10 ans, et la disparition, sur la même période, de la moitié des emplois. C'est d'ailleurs pourquoi des milliards ont été injectés dans le groupe depuis des années sans pour autant que l'on soit parvenu à  enrayer son déclin.

Aux difficultés économiques et financières, s'ajoutent, au plan humain, je suis en mesure d'en témoigner, une situation terriblement mal vécue : fortes incertitudes quant à  l'avenir, dans un contexte permanent de réduction des effectifs, diversité des statuts des personnels, pyramide des âges vieillissante, etc. Bref, la démobilisation des salariés du groupe est grande. Ainsi, sur le site de Saint-Chamond, les salariés sous convention collective, qui se trouvent pratiquement exclus des mesures d’âge, ont de vives inquiétudes. Je voudrais parler également des incertitudes liées à  l'absence de décisions qui permettraient de pérenniser les sites de Loire-Sud, Saint-Chamond et Saint-Etienne : programme de reconstruction de matériels, plus communément appelé NTI 3, niveau technique d'intervention 3 ; soutien à  la diversification, pour compenser les pertes d'armement ; enfin, affirmation et renforcement des vocations respectives des sites de Loire-Sud, le petit calibre, le blindé léger, le VAB, le VBCI et, bien sûr, le Vextra, comme l'a rappelé mon collègue Yves Nicolin.

Nous attendons de l'Etat qu'ils prennent des engagements fermes, en premier lieu dans le cadre budgétaire, et qu'il les respecte enfin. C'est à  cette seule condition que l'on parviendra à  maintenir un groupe industriel suffisamment compétitif pour affronter les concurrences européennes et internationales. Ma question est simple : quelles assurance pouvez-vous nous donner aujourd'hui ?

R. - Merci de votre question, Monsieur Rochebloine, qui montre que vous êtes toujours très attentif à  la situation de GIAT Industries. Vous avez attiré mon attention sur la diversité des statuts des personnels, qui, au moment des plans sociaux, sont, en effet, traités suivant des règles différentes, nous avons fréquemment dialogué sur cette question importante. J'ai montré concrètement l'intérêt du gouvernement pour cette question l'an dernier en instaurant pour la première fois un plan social pour les salariés de la sous-traitance de la DCN. C'est pour la même raison que le gouvernement a décidé cette année d'ouvrir le recrutement en cours de 500 ouvriers d'Etat aux personnels sous convention collective de GIAT Industries, qui sont nombreux à  Saint-Chamond : 115 personnes concernées se sont portées candidates. La procédure de recrutement est en cours et les nominations interviendront avant la fin de l'année.

Vous souhaitez, par ailleurs, des engagements de l'Etat pour soutenir le GIAT. Le gouvernement, je le rappelle, à  montré sa détermination à  deux reprises en finançant des recapitalisations de près de 8 milliards de francs en faveur de GIAT Industries au cours de la dernière année. Et des discussions se poursuivent pour un nouvel engagement de l'Etat assurant pour l'avenir la solidité financière de GIAT Industries et de ses filiales. Les commandes suivent leurs cours - j'aurais l'occasion de le préciser en réponse à  d'autres questions. Il faut toutefois rester réaliste, comme je viens de l'indiquer à  M. Nicolin à  propos du programme Vextra. Mais que la fiabilité, la crédibilité industrielle de GIAT Industries nous donnent la garantie que, grce aux mesures de réorganisation industrielle qui sont le pendant du programme social et économique à  moyen terme, l'entreprise se redressera et, avec des effectifs certes réduits, assurera en effet la vie économique du sud de la Loire dans des conditions restaurées.


Bassin d'emploi de Lorient

(M. Jacques Le Nay) Au rythme des restructurations militaires successives, le profil militaire et maritime du bassin d'emploi lorientais, sur la façade Atlantique de l'hexagone, s'est profondément transformé en l'espace d'une décennie. A la veille de l'exercice budgétaire pour 1999, un certain nombre d'interrogations subsistent sur l'avenir de ce site portuaire et militaire :
tout d'abord, quelles sont, Monsieur le ministre, les mesures prévues pour soutenir le plan de charge de la DCN ?
pouvez-vous nous confirmer la vocation de Lorient d'être non seulement un port constructeur de bâtiments de petits et moyens tonnages mais également d'entretien ?
envisagez-vous la délocalisation sur ce site des services de maîtrise d'oeuvre des systèmes de combat afin de renforcer la mission de conception et d'intégration et d'en faire une spécialité à  Lorient ?

Par ailleurs, je ne vous cache pas mes craintes de voir la déflation les effectifs comporter un risque de perte de compétences, qui remettrait en cause le savoir-faire acquis depuis de nombreuses années par le site lorientais.

Pouvez-vous préciser le calendrier des redéploiements, c'est-à -dire les transferts de postes et des retraites anticipées ? Dans quelle mesure envisagez-vous un repyramidage de l'ensemble des carrières des employés civils ? La diversification de l'industrie d'armement, c'est à  dire l'accroissement de sa capacité d'exportation, peut-elle suffire au moment où les commandes extérieurs risquent d'être obérées par la crise financière mondiale ? Dans la négative, comment ces restructurations peuvent-elles être menées à  bien sans que ce soient développées en parallèle les commandes d'Etat ?

Par ailleurs, pouvez-vous, Monsieur le ministre, lever les attitudes concernant le programme Horizon, notamment l'avenir de la coopération européenne dont ce programme fait l'objet ?

Enfin, pouvez-vous rassurer les personnel de la marine, qui s'interrogent sur leur avenir et souhaitent que soient menées à  bien les négociations sur les sites d'industrie d'armement ?

R. - La vocation principale de l'établissement de la DCN de Lorient est, évidemment, la construction de bateaux de petits et moyens tonnages. Depuis de nombreuses années, ce site voit son activité liée pour une grande part à  des commandes à  l'exportation. La réussite à  la fois technologique et financière de plusieurs de ses programmes à  montrer, par anticipation sur l'ensemble des établissements, la capacité de la DCN à  entrer de façon réaliste dans la compétition lorsqu'elle mobilise son savoir-faire et qu'elle modernise ses méthodes.

Vous avez évoqué les commandes de la Marine nationale. Je vous rappelle qu'aux termes de la revue de programmes, aucune des commandes de la marine n'est annulée et qu'une seule est légèrement retardée, concernant le quatrième sous-marin nucléaire, afin de faciliter son armement par le nouveau missile. Le plan de charge de la DCN résultant des commandes de la marine est donc celui prévu par la loi de programmation.

Le renforcement de l'établissement de Lorient ne viendra toutefois pas d'une garantie de plan de charge uniquement nationale ; il se conquiert jour après jour par les efforts de modernisation et de compétitivité consentis. En revanche, je peux vous confirmer que, conformément aux décisions du CIADT de décembre dernier, le pôle ingénierie Bretagne, créé à  Lorient cet été, sera fortement renforcé par la déconcentration, en provenance de Paris, des moyens d'ingénierie communs à  la conception de l'ensemble des bâtiments de la DCN. Cela correspondait à  une volonté d'asseoir les capacités technologiques déjà  organisées sur Lorient, que j'ai eu grand intérêt à  visiter il y a quelques semaines.


Programme Horizon

R - Vous avez évoqué - et c'est tout à  fait judicieux - le programme Horizon. Lancé en décembre 1992, ce programme termine sa phase de définition commencée en mars 1996. Nous pensons qu'il passera, au début de l'année 1999, en phase de développement et de production initiale des premiers bâtiments de série. Les principaux débats sur les spécifications détaillées avec le principal partenaire, qui est, évidemment, la marine britannique, sont en train de se conclure de façon positive. Le besoin affiché par notre Marine nationale et de quatre unités, et les deux premiers bâtiments de la série Horizon sont inscrits dans la loi de programmation pour remplacer les frégates Suffren et Duquesne. Le futur maître d'oeuvre industriel, qui est une joint venture, a proposé cet été aux trois nations une première ébauche de la frégate qui en définit les principales caractéristiques. Il présentera dans les semaines à  venir une solution complète, avec le choix de tous les équipements de systèmes de combat et de propulsion.

Vous avez évoqué également les plates-formes. A la suite du rapport Vincent, dont le gouvernement termine l'étude et sur lequel la DCN prendra parti prochainement pour indiquer les garanties qu'elle donne afin d'éviter de nouvelles conclusions de contrat à  perte, le gouvernement a l'intention de donner son appui à  la poursuite d'une contribution de la DCN au marché des plates-formes, ce qui représente un facteur favorable au plan de charge de Lorient.


Redéploiement des forces de police et de gendarmerie nationale (département de l'Yonne)

(M. Philippe Auberger) Vous avez engagé un vaste plan de redéploiement de la gendarmerie nationale pour tenir compte à  la fois de l'évolution de la population et du niveau de la délinquance. Nous ne contestons pas le principe de ce plan. Mais il faut être attentif aux modalités de son application. En ce qui concerne le département de l'Yonne, lors de la concertation à  laquelle nous a invité le préfet, une seule véritable hypothèse nous a été présentée. L'autre, un temps évoqué, a été jugé par le préfet comme hautement improbable. Dans ces conditions, où est la concertation ?

L'hypothèse retenue prévoit la fermeture à  la fois du commandement de la compagnie et de la brigade de gendarmerie de Joigny. L'effort demandé au département de l'Yonne incomberait donc, pour les deux tiers, au seul canton de Joigny, qui comprend dix communes et 15 000 habitants, alors que, par ailleurs, ce canton connaît une progression démographique de plus de 10 % depuis le dernier recensement, ainsi, malheureusement, qu'une recrudescence de la délinquance. Joigny deviendrait ainsi le seul canton rural de l'Yonne sans brigade de gendarmerie. Pourquoi donc une telle discrimination ? Pouvez-vous vous engager Monsieur le ministre, à  maintenir les brigades de gendarmerie dans les cantons dont la population progresse ?

Par ailleurs, ce projet conduirait à  fermer une caserne de 16 logements, datant de 20 ans, parfaitement entretenue, et qui a été construite par le département. Il obligerait en outre à  construire trois logements supplémentaires dans des brigades voisines plus petites. Comment peut-on justifier devant les contribuables une telle gabegie de l'argent public ?

R. - Vous apportez une illustration parfaite de la méthode qui consiste, dans la première partie de la loi de finance, à  réclamer de façon particulièrement éloquente des économies et des réformes et à  être rien moins qu'inactif quand il s'agit d'opposer des obstacles concrets aux changements. Une réforme, quelle qu'elle soit, ne peut jamais se faire sans rien déranger. Quand vous étiez dans la majorité, Monsieur Auberger vos propos étaient beaucoup plus pondérés. Le terme de « gabegie » vous a échappé, Monsieur Auberger. Vous avez oublié de mentionner que la commune de Joigny est située dans une zone où - et celui qui est depuis fort longtemps l'élu de Joigny le sait parfaitement - la sécurité publique est de la responsabilité de la police nationale. Il n'est pas proposé que cela change. L'élu de Joigny sait pertinemment - et l'ancien rapporteur général du. Budget sait que cela coûte - qu'il y a superposition entre la présence de la gendarmerie nationale et celle de la police nationale sur de tels territoires.

Le gouvernement a décidé d'élargir la concertation. Il faut comprendre les résistances, les interrogations, les remises en question de ce plan de redéploiement, pour élever le débat et pour rechercher une complémentarité aussi rationnelle que possible entre police et gendarmerie. Car, que je sache, personne ne propose de remettre en cause cette solide tradition républicaine de dualité entre la police nationale et la gendarmerie. Tout le monde est d'accord sur le fait qu'il faut employer la gendarmerie nationale sur les territoires où ses méthodes d'action sont les plus adaptées et la police nationale dans les zones urbaines où le groupement de population facilite l'application de ses propres méthodes. Cela peut donner lieu à  une concertation supplémentaire.

Monsieur Auberger, vous avez le sens de l'Etat. Vous ne préconiserez pas qu'il appartienne aux élus locaux de décider du dispositif de sécurité publique de l'Etat. Vous n'êtes pas fédéraliste. Donc, la concertation doit être plus ouverte. Le gouvernement reçoit les remarques et les critiques légitimes qui ont été faites par un certain nombre d'élus responsables et très attachés à  l'idée de cette réforme, pour que rien ne soit imposé sans explication ni concertation réciproque. Mais admettez tout de même que le gouvernement prenne la responsabilité de ne pas s'en tenir à  une carte de la sécurité publique datant de 1941 ! Et que ceux qui ne cessent, à  cette tribune ou dans la presse, de dénoncer la timidité des gouvernements, acceptent de temps en temps que les réformes aillent à  leur terme.


GIAT Industries (Salbris-Romorantin)

(M. Patrice Martin-Lalande) Le plan social qui a été annoncé à  GIAT Industries pour la période 1999-2002 prévoit, hélas, la fermeture de deux sites - Salbris et Le Mans - et le regroupement de deux autres en un seul - Saint-Etienne et Saint-Chamond. Vous avez annoncé que vous attendiez un traitement exemplaire de ce dossier sur le plan social. Je rencontre régulièrement les personnels du site de Salbris. Je peux mesurer tout à  la fois leur réalisme - le fait que cela soit sans doute malheureusement inéluctable - et leur détresse. Il est indispensable que les salariés et leur famille du temps et, le cas échéant, de revoir de quelques mois les dates de fermetures. Pouvez-vous nous rassurer en ce qui concerne le calendrier minimum pour le site de Salbris : les 60 000 obus de 120 à  uranium seront-ils fabriqués dans ce site contrairement à  certaines informations alarmistes, et assureront-ils bien une activité jusqu'en juin 2000 ? La commande de 88 chars Leclerc par l'Etat, qui a été annoncée aujourd'hui, pourra-t-elle renforcer ce plan de charge et prolonger l'emploi sur le site de Salbris ?

Il faut aussi un recensement des postes « Défense » sur le bassin d'emplois en faisant le maximum pour préserver la notion de proximité. Je pense tout particulièrement à  l'ETAMAT de Salbris et à  la base aérienne de Romorantin. Je vous demande donc si tout a bien été mis en oeuvre pour réserver les emplois qui vont se libérer. Quand le classement en restructuration du bassin de Salbris-Romorantin sera-t-il officiellement décidé ? Il est en effet indispensable pour assurer la disponibilité de 30 postes à  l'ETAMAT (établissement du matériel de l'armée de terre) de Salbris hors retour de 10 personnes de l'ETAMAT de Gien - et de 26 postes à  la base aérienne de Romorantin grâce au dégagement de cadres et aux mutations.

Il faut aussi, me semble-t-il, un recensement de postes en interministériel. On l'a vu lors du précédent plan social puisque, malheureusement, il y a une expérience dans ce domaine là . Aussi, A travail commun entre la délégation interministérielle aux restructurations, l'entreprise et les autorités locales, le préfet, nous paraît indispensable. Il est également indispensable que toutes les mesures d'âge soient mises en oeuvre, ce qui, si j'ai bien compris mes interlocuteurs syndicaux, nécessite la parution et le renouvellement de textes afin d'assurer les départs à  52 ans jusqu'à  2002 ou à  55 ans.

Par ailleurs, si l'entrepôt de l'armée de l'air de Romorantin ne semble pas menacé, les informations que j'ai font craindre la fermeture en 2002 de la base aérienne installée sur le même site, notamment en raison des grandes incertitudes sur l'évolution des effectifs. Cela serait contraire à  l'engagement de l'Etat de ne pas fermer deux sites dans le même bassin d'emplois, GIAT Industries et la base aérienne. Une délocalisation est attendue pour compenser, comme dans l'autre bassin d'emplois, les effets de la crise de l'armement avec GIAT Industries et les sous-traitants qui ont durement été touchés. Enfin, le classement européen en zone 2, qui n'avait pas pu être obtenu lors du dernier classement au niveau national, parce que les effets de la crise n'étaient pas encore enregistrés dans les statistiques prises en compte au niveau européen, pourra-t-il être obtenu cette année ?

R. - Monsieur Martin-Lalande, à  l'issue de la procédure imposée par le code du travail, donc après la tenue du troisième comité central d'entreprise le 22 octobre dernier la fermeture de l'établissement de Salbris a été programmée en même temps que la fin de la production de la commande de 60 000 obus de 120 avec composant uranium. Cette fermeture industrielle est rendue inéluctable par l'évolution, très négative, des marchés mondiaux de munitions. Comme vous le souhaitez, à  juste titre, le replacement local des personnels concernés sera privilégié et il fera appel principalement aux postes ouverts à  l'occasion du renforcement des effectifs de l'établissement du matériel de l'armée de terre, situé à  proximité, pour 30 postes et de la base aérienne de Romorantin, également pour 30 postes. Une réunion sur place, le 16 novembre, associant à  la fois les responsables de l'établissement GIAT Industries et ceux des établissements militaires voisins va engager concrètement ce travail de reclassement au niveau de chaque individu. Les textes permettant, par des mesures d'âge, de faciliter les reclassements dans les établissements d'accueil vont intervenir avant la fin de l'année. Un recensement des postes disponibles dans les administrations civiles de l'Etat est engagé par le préfet, mais il s'adressera aux collectivités locales pour rechercher une base plus large de reclassement. Le plan social de l'entreprise prévoit des mesures d'âge tout à  fait exceptionnelles et des reclassements internes au groupe. La prolongation aux années 2001 et 2002 des mesure d'âge a fait l'objet d'une décision de principe du gouvernement et le décret qui va régir cette mesure d'âge prolongée est en préparation. Il sera vraisemblablement adopté dans les derniers jours de l'année.

Vous avez évoqué enfin les mesures d'accompagnement dont devrait bénéficier le bassin d'emplois de Salbris. Je précise, puisque vous semblez préoccupé par ce point, que la base aérienne de Romorantin n'est en aucune façon mise en cause. Les décisions de restructuration que le gouvernement a adoptées et que j'ai annoncé en juillet dernier représentent la totalité des mesures affectant l'ensemble des armées jusqu'à  la fin de la loi de programmation ; la préservation de la base aérienne de Romorantin est donc certaine.

S'agissant des mesures d'accompagnement, comme dans l'ensemble des sites affectés par les restructurations, - et est il est vrai que celui-ci l'est sérieusement - les moyens du ministère, et notamment le Fonds de restructuration de la défense, sont disponible pour soutenir les projets locaux. De même, à  la suite du rapport confié à  M. Auroux par le dernier CIADT, le gouvernement est particulièrement attentif, dans la discussion sur la réforme des fonds structurels européen, à  ce que les objectifs et les zonages intègrent de façon résolue les préoccupations liées aux restructurations de défense. Je voudrais enfin ajouter, puisque ce problème du bassin d'emplois de Salbris-Romorantin est important, que j'ai noté l'engagement du conseil régional du Centre à  un partenariat déterminé avec l'Etat pour rechercher des solutions de reconversion. Nous allons nous mettre au travail avec le président Sapin pour que la région et le ministère de la défense montent ensemble une cellule d'aide à  la reconversion dans cette région.


Aérospatiale

(M. Yves Fromion) Ma question touche à  la situation de l'entreprise Aérospatiale. Elle comporte deux volets. S'agissant tout d'abord des productions militaires de cette entreprise, pouvez-vous nous confirmer l'engagement ferme du gouvernement quant à  la mise en oeuvre du protocole d'accord avec l'Allemagne concernant l'hélicoptère Tigre ? Les inquiétudes liées au changement politique dans ce pays amènent certains à  s'interroger sur la suite qui peut être donnée au protocole qui a déjà  été signé. Cet engagement, est indispensable à  l'entreprise pour favoriser les ventes à  l'exportation qui seront naturellement nécessaires.

Je voudrais, en outre, savoir si le gouvernement peut nous apporter un engagement ferme dans le financement du missile tactique ANF, engagement qui doit se traduire en 1999, comme vous nous l'avez indiqué, par la signature d'un contrat global de développement de production, dont on peut penser qu'il impliquera un important apport d'autorisations de programme, nécessairement supérieur aux 292 millions de francs prévus au budget 1999.

Enfin, pouvez-vous nous confirmer l'intérêt qui peut être porté au regroupement sur le site de Saint-Médarden-Jalles, des installations des futurs étages propulsifs du programme M 51. Cette solution, outre qu'elle présente la vertu d'être, semble-t-il, la plus économique parmi celles qui sont envisagées, permettrait le regroupement judicieux d'activités industrielles répondant aux mêmes contraintes - de même nature, en quelque sorte, notamment en termes de sécurité -, le maintien des activités « étages » auprès du centre technique d'Aérospatiale et sans doute à  terme, si les choses se font, la réalisation dans de meilleures conditions du troisième étage propulsif du futur petit lanceur européen.

Enfin, s'agissant des restructurations européennes, auxquelles Aérospatiale est liée, bien que vous ayez d'ailleurs évoqué, en partie, cette question tout à  l'heure dans votre intervention, pouvez-vous nous indiquer l'état des négociations engagées avec BAe et Dasa pour créer un grand ensemble européen. Compte tenu du fait que le capital d'Aérospatiale est encore largement étatisé, dans quelles conditions peut-on imaginer une éventuelle intégration d'Aérospatiale dans cet ensemble européen ?

R. - La question de M. Fromion sur le groupe Aérospatiale est très complète et j'ai bien du mal à  choisir, parce que chacun des thèmes qu'il avance est très intéressant ; il me pardonnera d'être nécessairement synthétique. S'agissant des commandes de l'Etat pour le versant militaire, je rappelle l'importance pour nos forces terrestres de la commande groupée de 160 hélicoptères de combat Tigre, qui fait l'objet de l'accord entre la France et l'Allemagne. L'état d'avancement des négociations entre nos deux pays permet d'être optimiste et d'envisager, avant la fin de cette année, la notification du marché, par le BVB allemand, agence exécutive. Vous n'ignorez pas qu'avant la mise en place de l'OCCAR, nous nous partageons les situations de chef de file. Cette fois-ci, c'est le tour de l'Allemagne. Cela a fait parti, évidemment, des sujets que j'ai abordé en priorité lors de mes premières rencontres avec M. Rudolf Scharping, et je peux vous confirmer - nous en parlions encore au téléphone ce matin - que notre partenaire allemand, en l'occurrence le nouveau gouvernement, est tout aussi motivé que nous-mêmes par la réussite de ce programme.


Missiles ANF (anti-navire futur) en 1999

En ce qui concerne le contrat de l'anti-navire futur, vous avez rappelé que le ministère de la défense prévoit le lancement du développement du missile ANF en 1999. Je confirme cette intention. Il est exact que notre niveau d'autorisations de programme sur ce programme ne permettrait pas de notifier la commande globale si nous nous mettions d'accord au sein du gouvernement pour que celle-ci soit notifiée en 1999 ce qui est possible. Si c'était le cas, nous procéderions à  un transfert d'autorisations de programme pour permettre le financement du développement et de la fabrication de l'ANF, qui est un projet qui avance bien.

J'en viens à  l'organisation industrielle destinée à  poursuivre le programme M 51, sur lequel nous avons maintenu une vision à  long terme. Cela résulte des travaux conduits durant la revue de programmes, qui ont permis de faire une économie de près de 6 milliards et, en même temps, de définir une continuité dans le développement et la production du M 51. Il reviendra au groupe Aérospatiale, et cela est évidemment en relation avec sa fusion avec Matra, de définir la géographie future du dispositif industriel du M 51. La décision sera forcément prise dans les prochains mois, puisque, comme l'un de vos collègues l'a dit tout à  l'heure, c'est très vraisemblablement au cours du premier trimestre 1999 que la mise en place de l'ensemble du dispositif Aérospatiale-Matra sera achevée.


Fusion Aérospatiale - Matra - Dasa - British Aerospace

S'agissant des restructurations européennes, il me faudrait beaucoup plus de temps pour répondre en profondeur à  votre question. Nous serons d'accord pour reconnaître que l'histoire industrielle de l'aéronautique des 15 ou 20 dernières années ne plaide pas pour une marginalisation de l'actionnaire public français. En effet, si on compare la performance financière et technologique de cet actionnaire public avec celle des actionnaires privés qui, aujourd'hui, par l'intermédiaire de certains de leurs représentants, expriment un fort sentiment de supériorité, la réalité industrielle ne plaide pas en faveur de ces derniers. Toutefois, nous avons confiance dans le bon sens des trois entreprises - Aérospatiale-Matra, Dasa, British Aerospace - pour se rendre compte qu'un regroupement partiel réduirait les chances compétitives de l'Europe. Nous avons affaire à  des partenaires pragmatiques, qui savent très bien que la véritable synergie européenne, la véritable force de frappe technologique et financière permettant de btir un vrai groupe européen doit se faire à  trois. Les Français ont démontré leur disponibilité par la fusion entre Aérospatiale et Matra, par de multiples initiatives, de multiples contacts, et par des propositions d'organisation de sociétés permettant à  chacun d'être en sécurité et de parvenir à  un équilibre entre les trois composantes.

Il ne faut pas se laisser entraîner à  des discussions de pur principe sur l'actionnariat des uns et des autres, car l'actionnariat très groupé au sein de Dasa pourrait poser des problèmes à  l'actionnariat très dilué de British Aerospace. Il faudra trouver un compromis, associé à  une volonté d'aller de l'avant. Je crois que seul le regroupement des forces des trois grandes entreprises permettra de construire le groupe européen compétitif contribuant à  rétablir l'équilibre avec nos partenaires américains.


DCN Brest

(M. Jean-Noël Kerdraon) Le budget que vous nous proposez contient des aspects positifs. Il suscite toutefois des interrogations dans l'agglomération brestoise, qui est très touchée par les restructuration de défense, principalement sur l'activité de la DCN et de l'industrie de la sous-traitance. Le premier NTCD - nouveau transport de chalands de débarquement - sera commandé en 1999. C'est très bien pour la marine et les armées. C'est un challenge pour la DCN en général et la DCN de Brest en particulier.

Je souhaite que vous indiquiez que c'est la DCN de Brest, dont c'est la vocation, qui en assurera la réalisation dans les conditions définies lors de la revue de programmes. Pour ce faire, il est indispensable que soit monté en 1999 le portique de 400 tonnes. C'est un des moyens pour réduire les coûts de fabrication. Vous avez joué un rôle déterminant pour que la DCN de Brest décroche la construction de deux plates-formes offshore. Ce marché et les autres mesures que vous avez prises ont évité la catastrophe annoncée de l'emploi dans la sous-traitance. Mais il est grand temps de prévoir la suite car il est important de maintenir une activité offshore à  Brest. Il y va de la diversification du tissu industriel. Comment l'Etat contribuera-t-il à  pérenniser cette activité, donc la DCN fait l'apprentissage ? Quelles suites donnerez-vous au rapport Vincent ?

Enfin, il est indispensable que soient prolongés les recrutement de personnel civil réalisés en 1998. En 1999, il est nécessaire de procéder à  des recrutements dans les établissements militaires sur les postes civils créés, mais dont certains restent vacants, en attribuant une part de ces postes aux salariés de la sous-traitance. Il est nécessaire aussi de procéder à  des recrutements à  la DCN pour maintenir les compétences et rajeunir la pyramide des âges. Cela est particulièrement urgent pour certaines professions et en particulier pour l'électronique. Il ne faut pas que la réduction du format de la DCN mette en péril le savoir-faire de l'établissement de Brest. Merci, Monsieur le ministre, d'apporter des réponses afin de dégager l'horizon de la DCN de Brest et de redonner l'espoir au bassin d'emploi. Pour mobiliser les énergies, il faut tracer des perspectives. Dans ce domaine, nous attendons beaucoup du plan d'entreprise actuellement élaboré en concertation avec les organisations syndicales et avec le concours de la mission Moynot.

R. - La revue de programmes a conclu à  l'absolue nécessité opérationnelle, pour les besoins de la marine, de maintenir le programme prévu de construction de deux nouveaux transports de chalands de débarquement dans le calendrier prévu. Plusieurs situations de crises auxquelles nous avons dû faire face ont démontré l'utilité et la capacité d'intervention de ces bateaux. Mais le réalisme économique et la nécessité d'avoir ces bâtiments dans les délais prévus exigent que ces constructions s'effectuent au meilleur prix pour la Marine nationale. Une comparaison des coûts et une affectation du marché global dans les meilleurs conditions auront donc lieu avant de décider du processus industriel retenu. La DCN, et tout particulièrement l'établissement de Brest, sera au coeur de cette procédure et elle bénéficiera nécessairement d'une part substantielle dans ces constructions. Ce sera évidemment l'occasion d'utiliser l'ensemble de ses atouts et de ses moyens industriels. Le portique de 400 tonnes en fait évidemment partie et il sera donc monter dans ce but durant la deuxième moitié de l'année 1999.

Les commandes de la Marine nationale et l'entretien de la force océanique stratégique ne suffisent toutefois pas à  utiliser pleinement l'appareil industriel disponible dans l'établissement et dans le bassin de Brest. Nous en avons parlé souvent, nous savons bien qu'il faut diversifier la diversification dans l'activité offshore est donc un moyen important pour maintenir un haut niveau de capacité industrielle et humaine, à  Brest comme à  Lorient. Le rapport commandé à  la suite du CIADT de décembre dernier à  l'ingénieur Henri Vincent a été remis aux ministres concernés et son exploitation est actuellement en cours. Sous réserve qu'elle soit économiquement supportable, la diversification offshore, dans laquelle Brest montre son savoir-faire technique, est une voie prometteuse. J'espère que de nouveaux développements dans ce domaine surviendront dans les mois à  venir.

S'agissant des recrutements, vous avez eu connaissance des efforts importants déployés par le gouvernement, puisque 638 recrutements d'ouvriers d'Etat ont été ouverts en 1998, contre 294 l'an passé ; 188 de ces recrutements ont bénéficié à  la DCN. Il faut concilier l'apport de compétences nouvelles par des recrutements extérieurs, tout en ayant une vision réaliste du format à  moyen terme de la DCN. Mais il faut aussi mesurer la richesse de la DCN, laquelle est constituée de ses salariés actuels, et obtenir la plus grande polyvalence des fonctions de ces derniers et la mise à  jour de leurs compétences, ce qui implique la formation à  des techniques de gestion, de management et aussi de fabrications nouvelles. C'est un élément essentiel du plan entreprise auquel nous travaillons et qui, en effet, contribuera à  consolider, au coeur du bassin d'emploi de Brest - même si, par ailleurs, celui-ci poursuit sa réflexion sur la diversification - un pôle industriel de première valeur fermer permettant d'assurer la pérennité de la DCN à  Brest.


Réserves

(Madame Nicole Feidt) Je souhaiterais savoir comment le projet de budget de la défense pour 1999 traduit la priorité qu'accorde le ministère de la défense à  la constitution de la nouvelle réserve. En effet, la professionnalisation des armées et la réforme du service national ont pour corollaire une rénovation profonde de la réserve. Celle-ci doit fournir à  l'armée professionnelle et à  la gendarmerie nationale un complément indispensable à  l'exécution de leurs missions. (...)

Monsieur le ministre, vous avez créé le conseil supérieur d'étude des réserves, qui réunit les plus hautes autorités de votre ministère et les représentants des 12 associations de réservistes les plus représentatives au niveau national. Ce conseil me semble bien traduire la priorité que vous accordez à  ce dossier. Vous y avez ouvert une phrase active de concertation et donné une réelle impulsion à  la mise en place des futures réserves.

Quelles dispositions entendez vous retenir afin de permettre aux réserves d'assumer pleinement leur rôle nouveau ? Pouvez-vous également nous décrire les garanties dont disposeront les réservistes,, en particulier vis-à -vis de leur employeur, ainsi que le statut dont bénéficieront les associations de réservistes ? Enfin, pouvez-vous nous rappeler le calendrier des actions que vous entendez mener, en particulier celui du projet de loi que le gouvernement élabore ?

R. - La réforme de la réserve est l'une des priorités du ministère   vous avez bien fait de le rappeler, Madame la députée. En la matière, nous devons poursuivre deux objectifs majeurs : d'une part, susciter l'adhésion volontaire, en nombre et en qualifications suffisantes pour disposer des effectifs nécessaires et assurer le lien armée-nation ; d'autre part, offrir de réels garanties tant aux réserviste qu'à  son employeur.

En ce qui concerne le problème du recrutement des réservistes, nous devons veiller à  garantir les intérêts de toutes les parties prenantes. Les garanties offertes aux réserviste d'abord. Le réserviste doit être un militaire à  part entière et percevoir, durant les périodes d'activité, une solde et des indemnités. Il bénéficie, à  ce titre, des dispositions du code des pensions militaires et d'invalidité. Il bénéficie aussi de la garantie de réintégration dans l'emploi civil à  l'issue de la période d'activité et du maintien dans son régime de protection sociale habituel. Cela entraînera des conséquences quant à  la durée maximale de ces périodes. Il est ensuite indispensable d'offrir des garanties aux employeurs parce que, s'agissant de concilier une autre position avec celle de salarié, il faut trouver un équilibre permettant d'éviter toute réaction de rejet de leur part. Hors appel ou convocation, les activités des réservistes sont planifiées et il employeur pourra généralement bénéficier d'un préavis d'au moins un mois, qui est suffisant pour s'organiser. Des accords particuliers seront systématiquement recherchés avec les employeur privés ou publics, par des conventions réglant les modalités de partenariat. Nous essayons, le président Seillière et moi-même, de concilier nos emplois du temps pour nous rencontrer parce que je souhaite beaucoup avoir une discussion confiante avec la représentation institutionnelle des entreprises. Il est, en effet, nécessaire de bien clarifier les choses afin que le projet de loi puisse ensuite être adopté dans le consensus.

Nous comptons également sur les dispositions du nouveau parcours de citoyenneté du service national, en particulier sur les préparations militaires. En effet, l'intérêt qu'expriment les jeunes à  l'endroit de ces préparations lors des journées d'appel de préparation à  la défense est encourageant. Par ailleurs, la disponibilité des anciens militaires permettra de soutenir l'organisation de ces préparations militaires. Compte tenu de l'intérêt manifesté par les parlementaires pour les débuts de l'appel de préparation à  la défense, je leur proposerai de nouveau de venir au contact des jeunes suivant dès lorsque, dans trois ou quatre mois entamés.

Le rôle des associations de réserviste a été pleinement reconnu dans ce processus d'élaboration. Ainsi les douze plus représentatives au nouveau national font partie du conseil supérieur d'études des réserves. Les crédits budgétaires affectés aux réserves dans le budget pour 1999 font l'objet d'un effort significatif. Ils bénéficient d'un accroissement de 40 millions de francs qui s'ajoute aux 20 millions supplémentaires inscrits en 1997 et en 1998. Le total des dotations affectées sera de 308 millions de francs. Pour ce qui est du calendrier législatif, le gouvernement devrait pouvoir saisir l'Assemblée d'un projet de loi dans les tous premiers jours de 1999. Je remettrai à  la conférence des présidents et au savoir-faire de mon collègue et ami Daniel Vaillant pour inscrire ce projet de loi supplémentaire, dont chacun reconnaît la nécessité, dans un programme législatif que nous savons tous chargé.


Ecole des fourriers de Rochefort (transfert, remplacement par une école de la gendarmerie nationale)

(M. Bernard Grasset) Le projet de budget que vous présentez est sous-entendu par la décision de M. le Président de la République, qui est partagée par la grande majorité de la représentation nationale, d'assurer la transition vers une armée composée de professionnels. Comme vous l'avez indiqué, des mesures d'adaptation portant sur les forces, leurs soutiens, la formation et les structures territoriales sont nécessaires. Elles se traduisent par le départ d'unités bien intégrées dans le tissu économique et social. Il est normal que les habitants des villes concernées regrettent et parfois ne comprennent pas toujours la nécessité de tels redéploiements. Encore faut-il qu'ils ne soient pas les victimes d'une inquiétante désinformation. Il est moins normal, mais toutefois assez fréquent, que certains élus contestent sur le terrain les conséquences des lois qu'ils ont votées ou qu'ils ont approuvées quelques mois auparavant. Je suis l'élu d'une circonscription dont Rochefort, cette ville créée par Colbert pour la marine, est la ville principale. Depuis la fin du siècle dernier, la marine quitte progressivement ce qui fut un des grands ports militaires du Ponant. Récemment, de 1984 à  1996, plus de 850 militaires et civils ont silencieusement, progressivement, sans compensation et sans protestation, quitté l'agglomération. En 2002, l'école des Fourriers et un certain nombre de services quitteront Rochefort ou seront dissous. Dans le même temps, une école de gendarmerie y sera installée. Par cet exemple local, je souhaiterais que l'accompagnement économique et social ainsi que la prise en compte de l'aménagement du territoire fassent l'objet, dans le budget que vous présentez, de toute votre vigilance et de votre attention soutenue.

R. - Vous m'avez entretenu à  plusieurs reprises de ce problème, et comme vous êtes par ailleurs un partenaire très assidu de la commission de la défense, nous avons souvent eu l'occasion de parler de l'émotion légitime susciter à  Rochefort par le transfert de l'école des Fourriers et des interrogations qui peuvent subsister malgré l'annonce publique qui a été faite de la création d'une école de la gendarmerie nationale sur place. Je vous confirme que l'école de la gendarmerie comprendra une centaine de postes de personnels permanents d'encadrement donc une vingtaine seront des personnel civils. Ces postes pourront être offerts pour reclasser des agents exerçant d'ores et déjà  à  Rochefort. Plus de 2 000 officiers et sous-officiers de gendarmerie passeront annuellement dans cette école pour y suivre des formations s'échelonnant de quelques semaines à  plusieurs mois. Vous savez en effet que les besoins de formation de la gendarmerie vont considérablement s'accroître avec une relève de génération au cours des cinq prochaines années. Les capacités de ce nouveau site de formation, qui peut recevoir 450 élèves, seront donc pleinement utilisées. La création de l'école de gendarmerie n'exclut pas la mobilisation des moyens d'accompagnement dont dispose le délégué interministériel. Celui-ci est d'ailleurs venu sur votre site le 5 octobre dernier. Le départ d'autres installations militaires à  Rochefort justifie la priorité accordée dans le travail d'aménagement local pour réutiliser correctement, à  l'avantage de l'économie locale, les emprises libérées.

Par ailleurs, grâce à  la professionnalisation de la base aérienne 721, qui se trouve à  quelques kilomètres du centre de Rochefort et qui va créer de nombreux postes, le reclassement des personnels civils sera assuré localement. Le général Fournier, animateur régional du dispositif de reclassement, viendra à  Rochefort avant la fin du mois de novembre pour discuter avec les personnels concernés. Ce travail de restructuration doit s'étaler, je le rappelle, jusqu'en 2002.

Enfin, je vous recevrai lundi avec le président du conseil général et le maire de Rochefort pour traiter complètement et durablement cette question. L'heure me paraît en effet venue d'entrer dans une logique d'accompagnement de ces restructurations et de conversion du bassin d'emplois, au service de laquelle l'Etat mettra l'ensemble des moyens à  sa disposition pour aider les collectivités locales.


Montant des retraites de militaires avec le grade de sous-lieutenant ou de lieutenant

(M. Charles Cova) Ma question porte sur la situation d'une catégorie de militaires qui ont quitté le service actif, plus particulièrement sur le sort réservé à  des sous-officiers qui, à  la fin d'une brillante carrière, ont été nommés officiers au grade de sous-lieutenant au lieutenant. En effet, ce qui devait être une récompense se révèle être une injustice. Issus, pour la plupart du corps des sous-officiers, ils n'ont pu, à  l'époque, bénéficier de l'accès au grade de major qui n'existait pas, ni de l'avancement automatique au grade de lieutenant ou de capitaine institué par les textes d'application de la loi du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires. Leur promotion leur est préjudiciable dans la mesure où ils perçoivent une retraite inférieure à  celle qu'ils auraient pu percevoir s'ils étaient restés sous-officiers. Il en va de même pour les veuves de ces militaires. Lors d'une récente audition de la commission de la défense nationale, plusieurs associations de retraités militaires ont souligné cet état de fait et ont rappelé la nécessité de corriger un traitement aussi incohérent. Vous-même, Monsieur le ministre, avez reconnu, dans un courrier que vous m'avez adressé au mois d'août, que cette situation était inadmissible.

Dans ces conditions, il a été jugé nécessaire par le ministère de la défense d'accorder à  cette catégorie de militaires une revalorisation indiciaire par le biais d'un reclassement au grade supérieur. Cette suggestion, faite en 1994 et renouvelée régulièrement, a été rejetée tant par le ministère de la fonction publique, qui estimait que toute revalorisation indiciaire au profit des retraités ne pouvait découler que de la transposition de mesures prises en faveur du personnel en activité, que par l'incontournable omnipotent ministère du budget, pour des raisons que l'on imagine.

Pour ma part, je reste convaincu que la meilleure solution pour venir en aide à  ces lieutenants et sous-lieutenants consisterait à  éviter tout réajustement indiciaire ou tout reclassement au grade supérieur. Il conviendrait plutôt, à  mon sens, de les extraire de la grille indiciaire et de prévoir une mesure spécifique liée à  leur situation particulière. Ainsi, il s'agirait plus d'une réparation que d'une révision. Le dévouement et les sacrifices accomplis par ces militaires au service de notre pays méritent notre reconnaissance. Celle de l'ensemble de la commission de la défense leur est acquise. En effet, à  l'unanimité de ses membres, grâce au soutien du président Quilès, Notre commission a officiellement manifesté son souhait de voir cet injustice réparée. C'est pourquoi je souhaiterais connaître la nature des mesures financières que vous envisagez de prendre, soit en concertation avec les autres administrations concernées, soit au sein même de votre propre budget.

R. - Cette question n'est pas nouvelle et si vous êtes amené à  plaider en faveur de cette catégorie, qui mérite pleinement notre intérêt, c'est que vous l'avez déjà  fait auprès d'autres gouvernements, qui, malgré le soutien fidèle que vous leur apportiez, ne vous ont pas donné satisfaction. Le gouvernement auquel j'appartiens s'efforce pour sa part de prendre des mesures concrètes pour améliorer, même de façon progressive, la situation des veuves allocataires. Par un décret du 22 mai 1998, nous avons valorisé, à  compter du 1er janvier, les taux de leurs allocations annuelles entre 3,6, et 6 %. Désormais, les allocataires dont l'époux avait ou aurait pu obtenir une pension perçoivent chaque année une prestation d'un montant équivalent à  la pension de réversion. Nous progressons ainsi dans la lutte contre la précarité.

Il faut, dans les mêmes conditions, chercher une solution équitable au problème des militaires retraités avec le grade de sous-lieutenant. En effet, les sous-lieutenants retraités avant le 1er janvier 1976, issus pour la plupart du corps des sous-officiers, n'ont pas bénéficié à  l'époque de l'accès au grade de major qui n'avait pas encore été créé, ni de l'avancement automatique au grade de lieutenant qui avait été institué par les textes du statut général, mais qui ne sait appliquer que plus tard. Les indices de rémunération des adjudant chefs et des majors sont, pour la plupart, supérieurs à  ceux de sous-lieutenant obtenus par ces anciens sous-officiers. Cette situation est admissible pour des officiers d'activité qui poursuivent ensuite leur avancement, après un an de grade de sous-lieutenant, mais elle est très malheureux ressentie par les anciens sous-lieutenants retraités. L'amélioration de leur condition consisterait à  inclure dans le code des pensions civiles et militaires de retraite une disposition spécifique déterminant leurs pensions sur la base des émoluments du grade de major en conservant l'ancienneté de service qu'ils avaient dans leur grade. Sont concernés au maximum 1 000 sous-lieutenants ou ayants cause, pour une incidence budgétaire de l'ordre, d'après nos calculs, de 2 millions de francs. La position de la commission ne me surprend pas du tout - c'est une approche de solidarité concrète que je sais représentative de l'état d'esprit de la commission. Cela nous donne une obligation morale de trouver une solution. Je pense que ce gouvernement arrivera à  faire, dans ce domaine-là  comme dans d'autres, un tout petit peu plus que ceux qui l'ont précédé.


Service national (reports d'incorporation de jeunes titulaires d'un contrat de travail à  durée déterminée)

(M. Jean-Luc Warsmann) La réponse à  mes questions ne devrait pas vous coûter d'argent, mais elle pourrait éclairer fort utilement des dizaines de milliers de jeunes de notre pays. Elles concernent les nouvelles dispositions sur le service national. Les jeunes qui sont titulaires d'un contrat de travail à  durée indéterminée au moins trois mois avant la date théorique de leur appel peuvent bénéficier d'un report de deux ans renouvelables. Première question : dans quel cas l'existence de ce contrat de travail à  durée indéterminée va-t-elle entraîner un refus de report de deux ans ? Je peux témoigner des difficultés d'application. Les maires doivent émettre un avis, ils ont une case à  cocher chaque fois qu'un dossier est présenté dans leur commune. Il doit choisir entre le cas où ils jugent que ce contrat est une aide à  l'insertion professionnelle et le cas où ils jugent que c'est une première expérience professionnelle. Les maires sont extrêmement dubitatifs pour savoir quelle case cocher. Une réponse claire aiderait à  la fois les jeunes et les entreprises qui les emploient, et éviterait tout sentiment d'inégalité ou d'incertitude.

Deuxième question : ce report de deux ans et renouvelable. Quels seront les critères de renouvellement ? Peut-on imaginer, à  partir du moment où le contrat de travail à  durée indéterminée se poursuit, que le renouvellement de deux ans va être quasiment automatique ? Les critères doivent être les plus transparents et les plus connus possibles, d'autant qu'il s'agit là  de problèmes extrêmement importants pour la vie des jeunes concernés.

Troisième et dernière question concrète : les jeunes qui voient leur CDD transformés en CDI peuvent-ils cumuler le premier report acquis au titre du CDD et le report dû au titre du CDI ? Les textes ne sont pas encore sortis, et nous regrettons.

Les situations sont complexes. Ces jeunes peuvent souhaiter acheter une voiture, louer une maison, se marier, bref, débuter dans la vie. Le service national peut remettre en cause certains choix, et créer des problèmes dans ces entreprises. Je vous remercie par avance de la précision des réponses que vous voudrez bien me fournir.

R. - Monsieur Warsmann, vous avez voté la suspension du service national, pour les jeunes nés après 1979. Vous vous rappelez donc que la loi prévoit que les jeunes doivent faire le service militaire. Si vous avez changé d'avis sur ce sujet, il est important que vous en informiez l'Assemblée, mais il faut être conséquent dans ses choix. Donc, la règle, c'est le service national, vous en êtes d'accord, vous l'assumez comme moi. L'exception, ce sont les cas de report. Les règles, qui sont les mêmes pour tous, on était votées par cette assemblée, point sur lequel, me semble-t-il, votre groupe s'est abstenu. Les règles sont fixées par la loi qui a été votée ici même je - je suis sûr que vous étiez présent. Donc, les règles de report sont appréciées par des commissions régionales qui se prononcent au vu d'un critère : l'incorporation immédiate du demandeur est-elle de nature à  compromettre son insertion professionnelle ? Il n'y a rien d'automatique. Chacun ici, en votant le texte, l'avait parfaitement compris. Certaines commissions régionales, c'est vrai, ont cru pouvoir appliquer la règle automatiquement. Mes service ont établi des recours contre les décisions de ces commissions régionales et les tribunaux administratifs ont jugé clairement qu'il devait y avoir une appréciation cas par cas. Le code du travail protège l'emploi de chaque jeunes en contrat à  durée indéterminée. Par conséquent, les commissions de report doivent apprécier s'il y a un risque que le jeune ne retrouve pas son poste de travail après ses dix mois de service.

Mais je vous rappelle, Monsieur Warsmann, que nous sommes en train de discuter du budget de la défense et donc des besoins de la défense nationale, à  laquelle, je pense, chacun ici est sensible. Il faut trouver un équilibre entre les préoccupations individuelles de développement dans la vie du jeune, qui sont parfaitement légitimes, mais aussi des nécessités d'intérêt public. Une vie de citoyen est faite de droits et de devoirs. Donc la règle sur les CDI est claire et elle s'applique. Le décret sur les CDD, comme celui sur les CDI, sera pris en temps et en heure, et lorsqu'un CDD s'achève et est poursuivi par un CDI, c'est la règle applicable aux détenteurs de CDI qui s'applique.


Bassin d'emploi de Rochefort (annonce de restructurations)

(M. Didier Quentin) Je souhaiterais à  mon tour vous interroger sur l'avenir de la marine dans le pays rochefortais. Les mesures annoncées le 7 juillet dernier, confirmées par M. Pouessel le 5 octobre, concernent :

- premièrement, le transfert du centre école de l'aéronautique navale, ou plutôt ce qu'il en restera, vers la base aérienne 721 en 2002 ;
- deuxièmement, la fermeture du centre interarmes de formation de Rochefort, qui dépend de la délégation générale de l'armement, en 2001 ou 2002 ;
- troisièmement, la fermeture, effective depuis quelques semaines, de l'USC 4, qui avait été créé à  Rochefort en compensation des fermetures de plusieurs établissements de la marine en 1990 ;
- quatrièmement, la disparition de la gendarmerie maritime et de plusieurs services annexes.

Mais s'ajoute à  cette liste déjà  longue le transfert de l'école des fourriers à  Cherbourg, cela au moment même où cette école, devenue interarmes quant aux formations dispensées, connaît un développement significatif, qui va se poursuivre dans les prochaines années. Il nous est promis en compensation la création d'une école de gendarmerie. Je le dis franchement cette compensation ne semble pas à  la hauteur de l'enjeu. L'enjeu des restructurations à  Rochefort est énorme : 1 600 à  2 400 personnes, suivant le cas de figure, quitteront le pays rochefortais ; 200 emplois de personnels civils de la défense sont concernés et très inquiets quant à  leur avenir ; 15 % du territoire de la ville sera abandonnée d'ici à  2002, votre ministère, laissant aux élus locaux le soin d'engager une immense tâche de reconquête.

Le maintien de l'école des fourriers, dans un tel contexte, minimiserait quelque peu le traumatisme. C'est pourquoi je me permets de vous demander, avec le conseil général de la Charente-Maritime, qui a voté une motion à  l'unanimité en ce sens, le maintien de l'école des fourriers à  Rochefort. Je vous ai d'ailleurs adressé, le 9 octobre dernier, un courrier à  ce sujet vous faisant état d'un certain nombre de propositions du maire de Rochefort pour améliorer les conditions de fonctionnement de l'école. J'ajoute enfin que le transfert de l'école des fourriers de Rochefort à  Cherbourg, qui est le type même de l'opération où l'on déshabille Pierre pour habiller Paul, laisserait le sentiment d'un formidable gâchis, car plus de 20 millions de travaux de modernisation ont été effectués récemment et son déménagement dans un autre site nécessiterait des dizaines de millions de francs de nouveaux travaux. Je vous serai donc reconnaissant de nous préciser vos intentions pour l'école des fourriers Rochefort. Pourquoi n'enverriez-vous pas, finalement, l'école de gendarmerie dont vous nous avez parlé tout à  l'heure à  Querqueville ?

R. - Je vous confirme Monsieur Quentin, que les deux mesures évoquées, comme l'ensemble des 350 mesures qui ont été annoncées en juillet dernier par le gouvernement, seront bien mises en oeuvre d'ici à  2002. L'ensemble de ces dispositions sont liées à  l'application de la loi de programmation militaire et du principe de professionnalisation des armées. Vous avez soutenu ces mesures, Monsieur Quentin. Inévitablement, à  partir du moment où le format de nos armées passaient de 460 000 hommes à  340 000, avec des objectifs opérationnels très importants, l'ensemble des soutiens et des organisations territoriales devaient être concentrés. Il n'est pas raisonnable de garder le nombre d'établissements de formation dispersés qu'il y avait auparavant.

Mon prédécesseur avait commencé, et je poursuis ce travail, à  regrouper l'ensemble des centres de formation. Lorsque je recevrai le président du conseil général, qui est d'une tendance politique, le député de Rochefort, qui est d'une autre tendance politique, et le maire de Rochefort, l'amiral chef d'état-major de la marine leur expliquera de façon détaillée la logique de ce regroupement. Ils vous rendront compte de cette réunion. En tout état de cause, il n'est pas raisonnable de regrouper un établissement de formation de la marine avec un établissement de gendarmerie. Mais, puisque vous avez choisi de faire de la polémique locale sur ce sujet, vous êtes les seuls pour l'instant sur 350 mesures, dont beaucoup plus douloureuses que celle-ci et qui affectent des territoires très variés en France, vous êtes pour l'instant les seuls, pour une certaine tendance politique, à  avoir abordé ce dossier de façon polémique.

Au total, Monsieur Quentin, le bassin d'emploi de Saintonge Maritime - ce n'est pas moi qui ai défini l'étendue de ce bassin d'emploi - c'est l'INSEE - accusera entre 1997 et 2002 une baisse totale effectifs professionnels de 151 emplois pour une population active de 73 000. Il conservera 3 042 militaires professionnels. Connaissez-vous beaucoup de bassins d'emploi de 70 000 personnes qui ont 3 000 emplois militaires professionnels ? Il faut reprendre ce dossier avec une vision réaliste et rationnelle.

Je comprends parfaitement le choc psychologique que représente pour la communauté rochefortaise le départ de la marine. Mais que voulez-vous, nous sommes tous des modernisateurs. Il est arrivé à  de multiples endroits sur ce territoire que des vocations anciennes soient remises en cause. La société française et l'économie française vivent, des choses naissent et d'autres meurent. Je ne pense pas que ce soit le travail des parlementaires et des élus du territoire de toujours se crisper, de toujours se durcir sur la défense du passé en oubliant de regarder les constructions de l'avenir. Donc, nous vous proposons un partenariat dynamique et constructif pour faire évoluer Rochefort avec son temps, et je pense que c'est la chance de Rochefort de le saisir.


Gendarmerie nationale (activités - recrutement de volontaires)

(M. André Vauchez) Les activités de la gendarmerie, et vous les connaissez mieux que moi, sont multiples : mission de maintien de l'ordre pour la gendarmerie mobile, mission de police judiciaire et administrative pour la gendarmerie départementale. La gendarmerie prête, en outre, son concours à  la presque totalité des ministères et des grandes administrations de l'Etat. On quantifie ces missions au nombre de pièces établies : 4 617 738 pour 80 000 personnels, 1 799 civils et les 10 476 gendarmes du contingent non compris. Mais on n'évalue pas les heures passées, souvent par au moins deux militaires, les kilomètres parcourus par les véhicules et les heures d'immobilisation.

En outre, la gendarmerie a hérité d'une nouvelle activité, qui a débuté le 3 octobre 1998. En effet, 27 % des centres retenus pour assurer la journée de préparation d'appel à  la défense sont des centres de gendarmerie, et cette tâche mobilise des hommes et des véhicules. Je voudrais savoir si ces charges nouvelles incombant dorénavant à  la gendarmerie seront, dans le budget de 1999, compensées par un renforcement d'effectifs et un complément des crédits de fonctionnement afin qu'elle puisse maintenir à  un haut niveau ses missions diverses qui assurent la sécurité de nos concitoyens.

Par ailleurs, aujourd'hui, dans les zones rurales, la délinquance a évolué. Les malfaiteurs dotés de véhicules rapides jouent souvent au chat et à  la souris avec la gendarmerie se déplaçant en Estafette - même s'il n'y en a plus guère - ou en Trafic, véhicules mal adaptés et très reconnaissables pour surprendre les délinquants. Prévoyez-vous donc - et ce sera ma seconde question - l'accroissement de l'équipement automobile léger pour rendre encore plus mobiles les forces de gendarmerie, à  l'instar de celui dont dispose déjà  le peloton spécial d'intervention de la gendarmerie ? Cela aurait peut-être pour effet de permettre de procéder à  quelques aménagements de structures sur le terrain, et les populations rurales se sentiraient ainsi mieux sécurisés.

R. - Monsieur Vauchez, vous avez fait une bonne présentation des activités de la gendarmerie, qui sont en pleine évolution. L'attachement dont celle-ci bénéficie auprès de tous les élus s'explique d'ailleurs par sa polyvalence et par sa capacité de faire face à  des situations nouvelles. Au cours d'une même année ou au sein même du département, des tâches nouvelles se présentent à  elle, et elle sait s'adapter. La gendarmerie a en effet pris en charge une proportion importante des centre d'ADP, qui fonctionnent aussi bien qu'ailleurs. De fait, à  présenter la variété des métiers et des activités militaires.

La gendarmerie va connaître un accroissement d'effectifs substantiel puisque, comme vous le savez, nous avons commencé à  recruter des volontaires. A cet égard, je veux insister sur l'importance que le gouvernement attaché au développement de leur nombre. Je suis sûr que de nombreux parlementaires suivront cela de près dans leur circonscription, puisque cela va représenter un gain en effectif de 4 000 personnels : actuellement, en effet 12 000 appelés servent comme gendarmes auxiliaires, chiffre qu'il convient de rapprocher des 16 232 gendarmes adjoints ayant le nouveau statut de volontaires qui, et c'est une très grande différence avec les appelés, seront rémunérés.

M. Georges Lemoine s'était d'ailleurs interrogé sur le niveau de rémunération des volontaires par rapport à  celui des adjoints de sécurité de la police nationale. Dans le nouveau statut, un gendarme adjoint recevra une solde de 5 486 francs pas moi - dont 600 francs de prime. Mais il faut tenir compte du fait qu'ils seront logés.

Nous sommes en train d'étudier, dans l'ensemble des brigades qui vont recevoir des gendarmes adjoints, si les infrastructures permettront de les loger rapidement. Mais en tout état de cause, nous devons les loger. Un plan d'adaptation sera donc établi, enfin qu'une telle prestation leur soit assurée. Pour ces jeunes, le fait de ne pas avoir à  se loger change tout de même substantiellement les choses. Cela assurera un bon équilibre, en terme d'attractivité, entre les postes de gendarmes adjoints et ceux d'adjoints de sécurité de la police nationale.

Aujourd'hui, les véhicules des pelotons légers d'intervention, qui sont des Boxer Peugeot 9 places, sont déjà  employés dans le cadre des activités de maintien de l'ordre ; 76 véhicules ont été livrés. Remarquons malgré tout que la gendarmerie n'est pas payée pour pratiquer la course poursuite à  l'américaine, dont les risques, on le sait, sont disproportionnés par rapport à  l'enjeu. Le monde d'action de la gendarmerie, c'est la couverture du terrain par la présence. Cela dit, les deux malheureux épisodes des pirates de la route - dans la périphérie Nord de Lyon, au moins d'août, et dans la Moselle au mois d'octobre - ont mobilisé de très nombreux personnels : dans le cas de l'Ain et du Rhône, plus de 50 personnels en plus de ceux de la brigade de recherche officiellement en charge. Dans le cas de la Moselle, certaines journées, près de 200 personnels ont été mobilisés. Dans les deux cas, les malfaiteurs ont été interpellés.

Une des réformes que nous avons faites récemment, et qui demande un certain effort d'adaptation aux personnels et aux groupements départementaux, c'est la réintégration des pelotons d' autoroute dans l'organisation départementale. Une meilleure complémentarité et une meilleure entraide entre les pelotons d'autoroute et les brigades territoriales serait souhaitable. Il n'est pas du tout impossible d'envisager que les peloton d'autoroute se déplacent sur d'autres éléments de la voirie rapides, en particulier lorsqu'il s'agit de faire face à  des infractions graves au code de la route. La question d'une dotation plus large en véhicules légers assurant des interventions plus rapides reste à  étudier. Cela doit faire partie des moyens matériels polyvalents qui sont attribués à  la gendarmerie pour lui permettre de mieux faire face à  ses multiples tâches.


ETAMAT de Saint-Dizier en Dordogne (réduction du plan de charge)

(M. Michel Dasseux) Nous avons évoqué ce soir le maintien éventuel de milliers d'emplois. De mon côté, je vous parlerai d'une centaine d'emplois, seulement. Mais ceux-ci sont essentiels pour notre département de la Dordogne. Je souhaiterais donc appeler votre attention sur la situation de l'établissement du matériel de l'armée de terre (ETAMAT) de Saint-Astier, particulièrement touché par la restructuration des armées. La décision de fermer ce site me paraît peu pertinente, car il offre une capacité et des conditions de stockage du matériel exceptionnelles et unique en Europe. Ce site souterrain, de 307 000 mètres carrés et de 195 461 mètres cubes de capacité de stockage, bénéficie d'installations techniques très sophistiquées ce qui garantit une autonomie, une confidentialité et une inviolabilité uniques. Il est donc adapté au stockage et à  la maintenance des matériels pondéreux et sensibles alors que ceux-ci sont détenus actuellement par des établissements qui les entreposent dans des conditions difficiles. D'autres catégories de matériels pourraient même y être stockées.

Je pense en particulier aux rechanges optroniques ou électroniques. Compte tenu de la capacité de stockage, il faudrait envisager la possibilité d'un stockage interarmes et interarmées. Cette mesure serait emblématique de la nécessaire solidarité envers l'armée de terre. Pour ces raisons, il serait judicieux de maintenir, et même de développer ce site. Mais je pense également aux conséquences sociales et humaines de cette restructuration. Le site de Saint-Astier emploi 78 personnels civils. Dans sa mission future, en 2002, il est prévu que seulement 15 à  26 d'entre eux soient maintenus. Les personnels s'inquiètent des modalités de suppression de ces postes. Si le maintien du site ne peut être assuré, il serait d'élémentaire justice que le dispositif Proxima soit mis en place pour assurer un reclassement sur place du personnel. De plus, celui-ci devrait pouvoir bénéficier de l'application des mesures d'âge - à  52 ans comme certains personnels d'autres armes. Par ailleurs, il est indispensable que des mesures de reclassement soit effectuée à  l'école des sous-officiers de la gendarmerie, toute proche. Quelles autres mesures sociales d'accompagnement comptez-vous mettre en oeuvre ? Envisagez-vous des moyens de compensation destinés à  maintenir l'activité locale ?

R. - Monsieur Dasseux, je vous confirme que, dans cette dernière phase des restructurations de la défense, l'ETAMAT de Saint-Astier ne sera pas fermé. Sa situation géographique justifie de maintenir l'emploi de cette infrastructure importante. Par ailleurs - et j'ai souvent eu l'occasion de le dire devant la commission de la défense, aux réunions de laquelle vous êtes assidu - nous avons besoin de garder tous les grands espaces, toutes les grandes emprises. Certes, aujourd'hui, nos armées se resserrent et nécessitent moins d'infrastructures. Mais nous savons très bien que si nos successeurs ont besoin, dans quinze, vingt ans, d'établissements et de bases d'accueil plus importantes, ils risquent de ne pas pouvoir y faire face dans l'urgence. Il nous faut donc garder de la réserve.

Cela dit, la réduction du format de l'armée de terre entraînera, dans un avenir proche, une diminution du volume des matériels stockés. En conséquence, le plan de change de cette unité spécialisée dont les capacités, grâce à  des investissements récents, sont très intéressantes, va se réduire. Mais on conservera son activité pour les matériel complets des véhicules, des hélicoptères et de l'armement. Ses effectifs vont devoir s'adapter. Ils s'établiront, en fin de transition, en 2002, à  26 personnels civils. Le personnel, aujourd'hui en surnombre, bénéficiera de l'ensemble des dispositions d'accompagnement social du protocole « formation et mobilité » négocié avec les organisations syndicales. Les départs par mesure d'âge dérogatoire à  55 ans concerneront 22 personnes d'ici à  2002. Le reclassement des autres agents est à  l'étude, comme vous l'avez justement fait remarquer. Des possibilités seront offertes à  l'école supérieure des officiers de gendarmerie de Saint-Astier et, toujours dans la gendarmerie, à  Périgueux, mais aussi à  l'établissement régional du commissariat de Bergerac.

Le général Fournier, animateur du dispositif de reclassement Proxima pour l'ensemble de la région sud-ouest, va venir dans les prochaines semaines. Par ailleurs, le délégué Pierre Pouessel est à  la disposition des élus du territoire de cette zone de Dordogne pour examiner les possibilités de redéveloppement local, auxquelles, très légitimement, le canton de Saint Astier et les cantons voisins sont éligibles.


DCN (modernisation)

(M. Jean-Claude Viollet) La DCN et dotée d'un outil industriel qui a été progressivement constitué pour satisfaire les besoins de la marine nationale. Cet outil se caractérise, notamment, par les nombreux métiers, les compétences et savoir-faire variés qui ont permis à  la DCN de concevoir et de réaliser tous les navires d'une flotte de premier rang. Mais aujourd'hui, l'environnement de la DCN a fortement changé. Le budget d'équipements de la marine à  connu, depuis 1990, une baisse importante et durable. Le marché européen de l'armement s'organise et s'ouvre. Quant à  l'exportation, elle est marquée par un fort durcissement de la compétition. C'est à  partir de ces données de base que la DCN doit redéfinir sa stratégie : clarifier et consolider ses métiers stratégiques, qu'il s'agisse de l'ingénierie navale, des activités de construction et de refonte, ou encore de l'entretien et du maintien en conditions opérationnelles, externaliser plus largement les prestations, autour de partenariats véritables avec un réseau de sous-traitants de qualité, affirmer sa volonté d'ouverture à  travers des alliances avec les grandes nations maritimes européennes ; mieux concevoir et mieux produire les navires pour une meilleure compétitivité.

La DCN s'est engagée, un peu à  marche forcée, dans cette réforme de longue haleine. Cela passe, comme vous l'avez rappelé, par la définition d'un plan d'entreprise, véritable processus de réforme s'appuyant sur une discussion responsable impliquant l'ensemble des personnels. Ce plan doit notamment conforter chacun des établissements dans son domaine d'excellence, en évitant les doublons et les concurrences entre sites. Au moment où va être voté le budget de la défense pour l'année 1999, nous voulons vous dire, Monsieur le ministre qu'il y a urgence à  définir ce plan d'entreprise pour redonner perspective, espoir et confiance aux salariés de la DCN, comme aux élus des bassins industriels concernés. Pouvez-vous nous donner ce soir des assurances plus précises sur ce point, tant en termes de délai que de contenu, sans oublier la méthode ? Car la bonne gestion des aspects sociaux et humains de cette évolution sera, vous le savez, un élément déterminant de la réussite de ce processus, réussite à  laquelle nous sommes particulièrement attachés s'agissant de l'avenir même de l'établissement DCN Ruelle.

R. - Monsieur Viollet, vous le savez, beaucoup de mouvements sont actuellement en cours au sein de la DCN et de ses établissements. Ces modernisations, qui intéressent le système de gestion, les comptes, les achats, l'organisation industrielle manquent aujourd'hui de lisibilité pour l'encadrement, les personnels, les partenaires industriels de la DCN et les élus des territoires directement intéressés. Il convient donc de remettre tout cela en perspective. Le plan d'entreprise devra définir les objectifs essentiels, ambitieux mais réalistes, de la direction et ouvrir le chantier de modernisation en y associant pleinement son encadrement et ses personnels. Le travail d'élaboration de ce plan est actuellement en cours. Nous aurons l'occasion d'en reparler prochainement, puisque j'ai l'intention de rencontrer les élus des sites DCN. Aujourd'hui, M. Rodolphe Greif, le directeur, poursuit ce travail en discutant très régulièrement avec les représentants des personnels, que je vais moi-même revoir prochainement. M. Jean-Louis Moynot, dans le cadre de la mission qui lui a été confiée, contribue lui aussi à  faire remonter l'information depuis les échelons de base des différents sites.

Quelques semaines sont encore nécessaires pour finaliser les travaux qui sont menés actuellement. Je ne veux pas abréger trop abruptement les délais de concertation puisque nous avons besoin que le maximum d'intéressés adhèrent à  ce nouveau projet. Je peux vous confirmer que le statut de la DCN et celui de son personnel ne seront pas modifiés. Ce n'est pas un signe d'immobilisme car des souplesses existent juridiquement, qui permettent la modernisation du mode de fonctionnement. Ainsi, des capacités d'évolution qui existent dans le statut seront utilisées. Des règles comptables claires seront établies, qui permettront de connaître les coûts de chaque réalisation. Le fonctionnement contractuel entre l'Etat et la DCN sera systématisé. Une comparaison des coûts et des procédés industriels, une recherche de coopération avec les industries navales civiles - qui peuvent se compléter utilement avec la DCN et qui respectent son savoir-faire - et avec les partenaires européens sont à  l'étude. Une réorganisation d'ensemble des modes de conception et de construction des bâtiments sera promue en supprimant les doublons, comme vous l'avez dit, pour faire de la DCN un outil cohérent, compétitif et performant.

Je sais que c'est un chantier de grande ampleur, qui nécessite l'adhésion et la mobilisation des personnels de la DCN. Je sais l'attachement qu'ils éprouvent envers leur entreprise et leur impatience à  la défendre pour ce qu'elle est, mais aussi pour ce qu'elle peut devenir. Nous poursuivrons le dialogue avec les parlementaires et les élus, avec les personnels. Nous aboutirons à  un plan de modernisation assurant l'avenir de la DCN, dont le patrimoine technologique et le savoir-faire des personnels méritent pleinement qu'on s'attache à  les mettre en valeur et à  les pérenniser.


DCN (mutation du personnel de la DGA - transfert professionnel vers la marine)

(M. Charles Cova) Ma question porte sur le personnel de la DCN. La politique de la professionnalisation de la marine et de réduction des effectifs de la DCN a imposé un reclassement du personnel de la DCN vers la marine. Engagée depuis l'année dernière, cette reconversion a été jugée satisfaisante en 1997. Elle pourrait toutefois connaître ses limites en 1998 et 1999. Plusieurs éléments concourent à  ce ralentissement. Il apparaît tout d'abord que les qualifications du personnel de la DCN ne sont pas toutes adaptées aux besoins et aux métiers offerts par la marine. Ensuite, il se peut que les postes les plus attrayants aient déjà  été pourvus aux agents les plus dynamiques et les plus mobiles. Enfin, de nombreux ouvriers de la DCN vont vraisemblablement refuser cette opportunité, préférant bénéficier de la mesure favorisant le dégagement des cadres à  52 ans. La conjugaison de ces trois facteurs risque de poser quelques difficultés à  la DCN et de tarir la ressource en personnel civil espérée par la marine pour réaliser au mieux sa professionnalisation. Pour y remédier, j'ai suggéré récemment en commission de la défense d'octroyer au personnel civil de la DCN acceptant de servir au sein de la marine nationale une prime de mobilité et de reconversion, à  l'instar de ce qui est fait pour motiver le départ des armées des officiers et sous-officiers. Dans le cas contraire, il vous appartiendrait d'autoriser le recours au recrutement extérieur dès les premiers mois de 1999. Envisagez-vous de prendre une mesure de ce type ?

R. - Monsieur Cova, vous connaissez bien la problématique de nos ports, et vous avez fait un tableau précis des obstacles et des difficultés qui apparaissent pour assurer le reclassement vers la marine des personnels ouvriers de la DCN en sureffectif. Mais je pense que vous partagez la volonté politique, exprimée par le gouvernement comme par les gouvernements précédents, d'assurer le maximum de complémentarité entre les zones en sureffectif, entre les fonctions en sureffectif et les nouveaux recrutements. Le mouvement global de mutation des personnelles de la DGA vers les armées, qui avait dépassé l'année dernière l'objectif fixé, avec plus de 1 000 transferts, se poursuit cette année avec 800 mutations qui sont déjà  opérées à  la date où nous parlons ; d'autres auront lieu d'ici à  la fin de l'année. Et je souligne, parce qu'on n'en parle peu souvent et qu'on se fait parfois une vision un peu pessimiste de la situation, que plus du quart de ces changements de postes sont assortis de changements géographiques au-delà  même du département d'origine. Certes, les qualifications ne correspondent pas toujours mais, pour la première fois, en 1998, l'intégralité des crédits de formation pouvant bénéficier aux agents en conversion, en l'occurrence 34 millions, ont était mobilisés pour assurer les changements de métier permettant aux personnels de poursuivre leur carrière.

N'oublions pas que ces personnels bénéficient, lors de ces mutations, du maintien de leur rémunération y compris les éléments annexes, et de leurs perspectives de développement de carrière. J'ajoute que, lorsque le reclassement induit une mobilité supérieure à  20 km, elle est intégralement indemnisée. Vous qui représentez ici des salariés de conditions très variées, vous pouvez constater qu'il s'agit ici d'un dispositif assez exceptionnel. Les salariés de PME qui cessent leur activité ne peuvent pas bénéficier - et de loin - d'un dispositif équivalent.

Le volontariat ne faisant pas partie du statut - la condition d'ouvrier d'Etat, comme celle de fonctionnaire, est une situation statutaire et réglementaire -, les besoins d'adaptation du service font également partie des obligations auxquelles les agents de l'Etat sont soumis. Je pense que nous pourrons continuer, au cours des années à  venir, à  organiser des transferts professionnels importants des sites DCN en sureffectifs vers les établissements de la marine nationale.

Cela dit, des recrutements extérieurs auront également lieu comme il y en a eu cette année. Ils sont en train de se réaliser dans de bonnes conditions. Mais ils seront situés plus particulièrement en direction des sites isolés ou peu demandés, en fonction de leur situation géographique. Lorsque, pour la première fois, sur mon insistance, on a établi des mesures sociales dérogatoires en faveur des salariés de droit privé - ceux des sous-traitants de la DCN ou, maintenant, les agents sous convention collective de GIAT Industries - des postes prévus pour la reconversion des ouvriers d'Etat qui n'avaient pas trouvé preneur ont pu être occupés par ces salariés de droit privé qui, eux, ont accepté, le cas échéant, des efforts d'adaptation et de mobilité géographique plus importants. C'est encore un sujet de réflexion que nous devons tous avoir présent à  l'esprit. Lorsque je rencontre les organisations syndicales représentatives des uns et des autres, je m'efforce de leur tenir le même langage. Je sais que cela représente entre elles des débats potentiels importants.

Les recrutements auront lieu en 1999 comme en 1998. Il serait souhaitable, j'en conviens avec vous, que l'ouverture des recrutement extérieurs commence plus tôt dans l'année. Nous aurons d'ailleurs une bonne raison de le faire. Je vous rappelle en effet qu'en 1999 interviendront des fermetures très importantes d'unités stationnées en Allemagne. Or ces unités comportent plus de 3 000 agents sous statut de droit privé. Il est vrai que la grande majorité sont de nationalité allemande et chercheront très vraisemblablement à  se reconvertir sur place. Mais plus de 1 000 agents de nationalité française chercheront à  se reclasser dans le cadre des emplois ouverts aux ouvriers d'Etat ou aux fonctionnaires. Par conséquent, je pense que les recrutements extérieurs devront être ouverts plus tôt en 1999. Nous allons y travailler au sein du gouvernement.


GIAT Industries (Saint-Etienne - reconversion industrielle)

(M. Gérard Lindeperg) Dans le cours délai qu'il m'est imparti, je ne souhaite pas rouvrir l'ensemble du dossier GIAT Industries et je me limiterai à  un aspect ponctuel concernant le site de Saint-Etienne. Vous avez accepté le dialogue avec les élus et les organisations syndicales, et vous avez été conduit à  infléchir le plan social dans un sens plus favorable aux salariés. Vous avez également modifié certains choix que nous estimions particulièrement mal venus, je pense notamment au projet de transfert de l'arme légère de Saint-Etienne à  Tulle sur lequel la direction de GIAT Industries est revenue, à  votre demande. Pour autant, les salariés stéphanois demeurent inquiets et s'interrogent sur la pérennité de la production petit calibre dans la mesure où ils ne sont pas assurés du minimum de perspectives d'activité, qui permettrait à  la fois de maintenir les savoir-faire et les moyens de recherche sans lesquels notre pays risque de perdre son indépendance en matière d'armes légères. A cet égard, des organisations syndicales souhaitent que deux décisions concrètes soient prises : d'une part, le développement de la fonction maintenance aux niveaux techniques d'intervention 2 et 3 ; d'autre part, la transformation des FAMAS F 1 en G 2, afin de procéder à  une modernisation du matériel adapté aux nouvelles cartouches.

S'agissant des mesures concernant la restructuration des sites, j'appelle votre attention sur le décalage que nous devons déplorer entre les choix que vous arrêtez et la lenteur de leur application : les décisions du CIADT du 15 décembre 1997 ne sont toujours pas mises en oeuvre. (...) Enfin, parce que vos prédécesseurs - et notamment le dernier en date, M. Charles Millon - ont fait un grand nombre de promesses sans les tenir, le scepticisme demeure quant à  vos projets de délocalisation.

C'est pourquoi je vous demande d'être attentif à  une application rapide de vos décisions par GIAT Industries et de veiller au bon fonctionnement du niveau interministériel. Le département de la Loire, avec trois sites de GIAT Industries, a le plus fort taux de dépendance vis-à -vis de l'industrie de la défense, et vous comprendrez l'inquiétude des salariés comme des élus.

R. - Monsieur Lindeperg, je vous remercie d'avoir bien voulu noter que, Malgré les difficultés importantes du groupe GIAT Industries, il a été possible, après les discussions entre la direction et les organisations syndicales, que le plan stratégique, économique et social soit conclu dans des conditions qui préservent le mieux possible les intérêts des salariés tout en permettant que soient effectuées les adaptations industrielles. Concernant la situation de l'arme de petit calibre, vous savez que j'ai décidé le principe du transfert de l'ensemble de la maintenance lourde, c'est-à -dire ce que nous appelons le niveau technique d'intervention 3, au secteur concurrentiel, donc en retirant cette charge aux unités du matériel de l'armée de terre. Dans cette perspective, j'ai demandé l'ouverture de discussions avec l'industriel constructeur pour envisager les conditions dans lesquelles il pourrait prendre en charge l'entretien des FAMAS de l'armée de terre, actuellement assuré en régie.

En ce qui concerne les mesures d'accompagnement pour Saint-Etienne je voudrais d'abord confirmer l'arrivée sur l'emprise même de GIAT Industries et dans les bâtiments où sont encore installées les activités industrielles d'un pôle logistique de l'armée de terre qui permettra le reclassement de 100 à  120 personnes sur place. Encore faut-il bien entendu, que le transfert d'activités prévus à  Saint-Chamond, à  une vingtaine de kilomètres de là , libère les bâtiments concernés. J'ai demandé en outre à  la direction de GIAT Industries de prendre toutes les mesures pour faciliter la réimplantation sur le même site du pôle optique de l'université et de toute autre activité valorisante pour la ville qui pourrait être accueillie. Comme vous le savez, en fonction des nouvelles dispositions sur la gestion du foncier qui sont annexées au plan stratégique, le problème du coût du foncier ne sera plus un obstacle à  la conversion de ce site.

En ce qui concerne le suivi des décisions du comité d'aménagement et de développement du territoire, il me revient, en effet, et plus encore au délégué interministériel, d'intervenir à  nouveau auprès des départements ministériels partenaires pour que les décisions prisent soient effectivement appliquées. Le pôle optique a bien reçu, dès le mois d'avril, les financements qui avait été prévus au titre du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire. En l'occurrence, c'est l'industriel partenaire, porteur du projet, qui a dû demander des reports, car il avait du mal à  faire face à  ses engagements.

En ce qui concerne le musée de l'arme légère, une mission de l'inspection générale du ministère de la culture se rendra le 20 novembre novembre à  Saint-Etienne pour travailler sur ce dossier avec l'ensemble des acteurs locaux, car il y a là  une réelle perspective de valorisation de l'histoire industrielle de ce bassin.

Par ailleurs, je vous confirme que l'action de conversion industrielle commence à  porter ses fruits. Vous connaissez sans doute le projet de l'entreprise GMD, qui créera dans le bassin d'emploi Saint-Etienne - Saint-Chamond une centaine d'emplois dans les trois années qui viennent, avec l'appui de nos fonds de reconversion, pour fabriquer des châssis pour micro-ordinateurs. Des exemples du même type existent sur d'autres sites. A Tarbes, des entreprises de céramiques composites et de textile sont en mesure de créer 175 emplois au total en développant divers projets concernant notamment les composants pour l'aéronautique. Au Mans, 40 emplois pourraient être créés dans la reconstruction de machines-outils. Ces exemples concrets montrent que, grâce aux efforts conjugués de l'Etat, des partenaires locaux et des sociétés de conversion mandatées, un avenir industriel est possible et réaliste lorsque la conversion des industries de défense est engagée avec volonté. Le dynamisme du bassin d'emploi de Saint-Etienne nous offre à  cet égard une base particulièrement solide.


Industrie aéronautique et spatiale

(M. Claude Lanfranca) Le gouvernement français a officiellement engagé le 9 décembre 1997, avec ses homologues britanniques et allemands, des négociations préalables au rapprochement des industries aéronautiques et spatiales, civiles et militaires des trois pays. C'est ainsi que British Aerospace, Dasa et Aérospatiale ont produit en avril un premier rapport fixant les principes généraux de ce rapprochement. Pour lui donner une portée encore européenne, les Italiens, les Espagnols et les Suédois ont rejoint « le groupe des trois », en apportant leur contribution à  ce projet. Mais depuis lors, deux faits essentiels sont intervenus en France : d'une part, l'Etat a annoncé au mois de mai le transfert, au profit d'Aérospatiale, des 47 % de capital qu'il détient dans Dassault Aviation ; d'autre part, il a autorisé, le 23 juillet dernier, la fusion de Matra Haute Technologie avec Aérospatiale en prenant également soin de l'assortir d'une ouverture du capital.

Lors d'une rencontre entre des délégations parlementaires française et anglaise, à  laquelle assistaient M. John Weston et son équipe, nous avons cru comprendre que des négociations seraient d'ores et déjà  engagées entre British Aerospace et DASA pour un futur rapprochement. Mais les partenaires considèrent que les alliances franco-françaises apparaissent encore trop marquées par la présence de l'Etat français, même s'il ne conservait qu'une « golden share ». Ils estiment qu'une industrie aéronautique européenne doit pouvoir prendre des décisions commerciales totalement transparentes, sans pression des Etats et en minimisant le rôle de la politique.

Quelle est la position du gouvernement à  ce sujet ? Envisage-t-il une nouvelle étude de son périmètre d'intervention dans le capital du nouveau groupe ?


Aérospatiale - Matra Haute Technologie (rapprochement)

R. - Comme je l'ai indiqué dans mon intervention, le rapprochement entre Aérospatiale et Matra a pour objectif de renforcer les compétences du pôle aéronautique et spatial français, et d'engager, sans délai est dans les meilleures conditions, les alliances européennes structurantes. L'ensemble Aérospatiale-Matra réalisera un chiffre d'affaires supérieur à  80 milliards de francs et sera leader européen ou mondial dans la plupart de ses activités. L'apport des titres Dassault à  Aérospatiale, décidé en principe avec l'accord du groupe Dassault au mois de mai, a de fortes chances de se concrétiser très prochainement, ce qui renforcerait la coopération organisée entre les deux grandes entreprises aéronautiques françaises. Les travaux techniques nécessaires à  la fusion entre Aérospatiale et Matra ce déroulent de façon satisfaisante. La tche est complexe, mais les deux groupes y mettent beaucoup d'énergie et de savoir-faire. Nous attachons, les uns et les autres, une grande importance à  ce que cette opération soit conclue dès les premières semaines de 1999.

S'agissant des restructurations européennes, le gouvernement souhaite que l'ensemble Aérospatiale-Matra puisse trouver les conditions d'un accord équilibré avec British Aerospace et DASA. Seul un accord entre ces trois entreprises est en effet de nature à  permettre la constitution d'une véritable entreprise européenne intégrée, en mesure de rivaliser avec les géants américains. La question essentielle est précisément celle de l'équilibre.

Le gouvernement est tout disposé à  rechercher avec ses partenaires, l'entreprise britannique et l'entreprise allemande, différents modes d'organisation de la future société unifiée, de manière que chacune des entreprises constituantes puisse raisonnablement espérer que sa contribution au management du nouveau groupe, à  sa recherche, à  sa technologie, à  sa capacité de production industrielle, se poursuive et perdure dans l'avenir. Il est évident, chacun le comprend ici, que le gouvernement français considère de son devoir, vis-à -vis de l'ensemble des investissements de la collectivité nationale dans la filière aéronautique et spatiale, de préserver la contribution française dans le nouvel ensemble. Nous n'avons jamais entendu nos partenaires allemands et britanniques remettre ce principe en cause. Non ne voyons donc pas d'obstacle à  ce que cette fusion se réalise de manière progressive est équilibrée. Mais comme je l'ai déjà  dit, l'Etat actionnaire n'a pas à  s'excuser du rôle qu'il a joué dans l'aventure aéronautique et spatiale de ces dernières années. Les résultats d'Aérospatiale, entreprise publique, se comparent très honorablement à  ceux des entreprises privées du même secteur.

 

DCN (modernisation)

(M. Robert Gaia) Les personnels, dans leur immense majorité, sont conscients de la nécessaire mutation de la DCN. Après 42 jours de conflit, les personnels de la DCN de Toulon sont toujours préoccupés ; ils ont besoin d'être rassurés afin de retrouver la confiance indispensable à  toute évolution. (...)

Mais ces engagements doivent aussi se traduire par une meilleure lisibilité. Tout le monde est conscient aujourd'hui que ni les compétences, ni les transmissions de savoir-faire ne peuvent être préservées si l'on continue à  privilégier une vision comptable de la gestion des ressources humaines. La gestion des effectifs doit reposer sur un repyramidage, donc sur le recrutement de jeunes, leur formation et leur expérience garantissant le maintien de la compétence et la mise en oeuvre de nouvelles technologies. (...)

Oui, Monsieur le ministre, compétence, qualité de gestion, changement de culture sont nécessaires, comme le souligne Jean-Michel Boucheron dans son rapport, à  propos du bilan accablant du contrat « Mouette » avec l'Arabie Saoudite. Un recrutement significatif de cadres spécialisés dans les ressources humaines, la gestion et les achats est indispensable à  la mise en place d'un nouveau projet industriel. Les personnels, les milieux socio-économiques, les élus du Var attendent du gouvernement l'affirmation d'une volonté et des signes forts pour retrouver la confiance.

R. - Monsieur Gaia, je partage l'essentiel des propos que vous venez de tenir. Comme vous, je pense que les personnels de la DCN, sont dans leur majorité, convaincus de la nécessité de moderniser cet outil pour assurer son avenir. Comme vous, j'aurais souhaité que le conflit qu'a connu l'établissement de Toulon au printemps dernier n'ait pas lieu. Mais je crois cependant qu'il a été porteur de réflexions et d'enseignements. A cet égard, les conditions dans lesquelles le pétrolier ravitailleur Le Var a été réparé par la CMR sous la maîtrise d'oeuvre de la DCN ont permis à  l'ensemble des personnels, notamment par l'intermédiaire de leurs représentants associés à  la commission de suivi des travaux, de tirer les enseignements professionnels de cette opération. J'ai dit, à  de nombreuses reprises depuis ma prise de fonction, ici même et en discutant avec les personnels et leurs représentants, ma volonté que les évolutions nécessaires de la DCN se fassent dans le cadre de son statut actuel et dans le respect de celui de ses personnels. Cette garantie, que je réaffirme, ne doit pas être comprise comme la volonté d'éviter les réformes, mais au contraire comme celle d'assurer aux agents les repères nécessaires qui permettent de s'engager résolument dans les mutations indispensables.

Vous évoquez la question du maintien du site de Toulon. Je vous confirme - je me suis encore exprimé récemment à  ce sujet dans la presse - que des fermetures de sites ne sont pas nécessaires à  la DCN, la spécialisation de Toulon dans l'entretien des bâtiments et la présence majeure de la marine nationale dans ce port garantissant à  cet établissement un plan de charge d'une certaine substance. La question n'est donc pas celle-là , mais bien plutôt celle des relations que ces établissements industriels doivent entretenir, dans un cadre contractuel, avec leurs clients, qu'il s'agisse de la marine nationale ou de donneur d'ordre extérieur, comme ceux qui ont également fait travailler l'établissement de Toulon et qui s'en sont bien trouvés.

Comme tous les autres aspects de la gestion de la DCN, celui des ressources humaines doit être modernisé. Cela nécessitera sans doute le recrutement de nouveaux cadres spécialisés dans ce domaine, mais aussi dans la gestion et les achats, qui représentent, je le rappelle, des dépenses plus importantes que celles de personnel à  la DCN. Cet apport de savoir-faire nouveaux est indispensable et la question est actuellement étudiée dans le cadre de l'élaboration du plan d'entreprise. Mais il est également clair que la DCN doit trouver en elle-même l'essentiel des moyens de sa modernisation. Les questions de formation, de polyvalence des agents, de mise à  jour et d'acquisition de nouvelles compétences techniques mais aussi managériales sont fondamentales et ont été jusqu'à  présent trop peu abordées. On évoque un peu trop souvent à  mon goût la situation des personnels qui quittent la DCN ; je souhaiterais que l'on s'attache plus fortement aux 14 000 personnes qui y travaillent quotidiennement et qui resteront la principale richesse de cette entreprise publique.


Coopération en matière spatiale

(M. Pierre Ducout) Comme vous le savez, l'espace recouvre des enjeux de souveraineté et de défense, mais aussi des enjeux culturels, économiques et sociaux. Par les moyens d'observation, d'écoute et de navigation qu'il offre, l'espace constitue une composante essentielle de notre défense. Cette réalité se double d'une dimension européenne très forte qui a conduit la France a souhaiter favoriser, autour des programmes spatiaux Syracuse et Helios ou du projet Trimilsatcom, des coopérations multilatérales utilisant les forces de l'industrie européenne. Mais aujourd'hui, au regard d'une actualité récente qui a vu chacun de ces projets être partiellement ou totalement remis en cause, on peut légitimement s'interroger non seulement sur la pérennité des choix, mais aussi sur leur pertinence. Ce sont ces interrogations des membres du groupe parlementaire sur l'espace que je veux vous livrer succinctement.

Conséquences des fluctuations dans les positions de nos partenaires en Europe, le domaine de l'espace militaire français connaît une incertitude voir une désaffection. Au moment où le gouvernement français exprime le voeu pertinent de la construction d'un grand pôle aéronautique et spatial de défense en Europe et agit pour y parvenir, quelle est la réalité de nos coopérations européennes en matière spatiale militaire, en particulier avec le Royaume-Uni qui semble manifester, aujourd'hui, un intérêt plus poussé pour cette coopération européenne ? Il a, en effet, été question de plusieurs projets, notamment de la création d'une société de recherches commune à  BAe-Dassault.

Par ailleurs, quel avenir pensez-vous donner aux programmes en cours ainsi qu'à  ceux en négociation ? Nos industrie peuvent-elles avoir des certitudes quant à  l'exploitation de leur savoir-faire et de la qualité de leurs personnels ?

La question de la navigation requiert rapidement l'élaboration d'une position française forte qui devrait permettre, en 1999, un engagement de l'Union européenne sur ce sujet. Il me semble important que la France exprime sa volonté et sa détermination en montrant les signes attendus par nos partenaires européens. Nos homologues britanniques, par exemple, nous ont exprimé leurs préoccupations devant le contrôle exclusif par les Etats-Unis du système de navigation GPS, et leur volonté d'engagement aux côtés de leurs partenaires européens dans ce domaine. Mais à  quel niveau financier se situera-t-il ?

Enfin, le ministère de la défense contribue à  hauteur de 900 millions de francs au budget civil de l'espace, ce qui devrait, en principe, favoriser les synergies entre civils et militaires. Or les débats sur la coopération entre les programmes Hélios et Spot montrent que les tentatives dans ce domaine sont encore fragiles. Le CNES et la DGA ont mis en place à  Toulouse un bureau commun d'architecture qui devrait favoriser ces rapprochements. D'autres démarches ont-elles été engagées par votre ministère pour renforcer cette coopération ?

R. - M. Ducout a posé - ce qui est logique pour le président du groupe d'études de l'espace - une batterie de questions d'une grande complexité sur ce sujet. Il me pardonnera de répondre de façon concise, d'autant qu'il sait que je porte un grand intérêt aux travaux de ce groupe.

D'abord, la réduction relative du budget sur les programmes spatiaux en 1999 ne peut se lire que comme l'effet financier des difficultés rencontrées dans la mise en place de la coopération spatiale européenne. Le budget traduit néanmoins la volonté persistante de la France de coopérer avec nos principaux partenaires et de reprendre le dossier sur de nouvelles bases lorsque ceux-ci seront disponibles. Je rappelle, en particulier, la volonté conjointe de l'Allemagne et de la France de poursuivre la coopération sur le satellite de télécommunication Trimilsarcom, malgré le retrait des Britanniques intervenu le 12 août de cette année.

Vous avez par ailleurs souligné la contribution du ministère de la défense à  hauteur de 900 millions de francs au budget civil de l'espace. Ainsi que la somme le démontre d'emblée, il s'agit d'une question importante car elle a des répercussions sur la politique de recherche duale entre le ministère de la défense et les ministères civils. Des possibilités existent pour employer utilement ces 900 millions de crédits à  la fois pour l'espace civil et pour les programmes militaires. Nous sommes en discussion avec M. Claude Allègre sur ce sujet. Je pense, par exemple, à  l'amélioration de la compétitivité de nos industries, à  la réalisation de la sonde de prise de vues HRS qui, embarquée sur le satellite Spot, permet de réaliser des modèles numérique de terrain utilises en géographie aussi bien civile que militaire.

Nous devons aussi travailler ensemble à  la participation éventuelle de la France au programme européen de navigation par satellite. La DGA se rapproche donc des services du ministère de la recherche et de la technologie pour valoriser ces efforts importants au service des applications militaires.

En outre, vous avez rappelé l'échéance de 1999 pour le programme européen de navigation par satellite. Comme le démontre la démarche des Etats-Unis, un tel projet, s'il a des implications très importantes en termes économiques, constitue aussi un enjeu clé de sécurité. Nous devons donc définir une position française concertée entre les différents ministères concernés, en particulier celui des transports et celui de la recherche. Le ministère de la défense doit contribuer à  cette politique, à  la fois comme utilisateur potentiel pour le positionnement de l'ensemble de nos véhicules, mais aussi pour que les aspects de protection du territoire européen soient pris en considération. Nous convergeons sur les objectifs à  atteindre, et, même si les étapes de la coopération européenne sont contrastées, le potentiel scientifique et industriel français, qui reste tout de même l'un des points forts de notre industrie en Europe, garantit que nous continuerons à  être au centre des initiatives sur tout ces projets.


GIAT Industries (diversification : création d'une filiale redéveloppement)

(M. Yann Galut) Je veux intervenir sur la diversification des industries d'armement, et plus spécifiquement, puisque cela concerne particulièrement Bourges, sur le groupe GIAT Industries. En novembre 1997, ici même, vous nous avez indiqué que vous vouliez soutenir la diversification des industries d'armement en précisant que vous disposiez de 500 millions de francs pour assurer ce développement. Je partage bien évidemment cette idée car la diversification est vitale dans un contexte général de diminution des commandes d'armement, tant de la part de l'Etat qu'à  l'exportation.

Malheureusement, je ne peux que constater que la direction de GIAT Industries ne semble pas avoir compris l'importance et la pertinence de votre message. Elle s'en tient toujours à  une logique de repli sur le métier de base. Compte tenu des perspectives industrielles de ce secteur, il ne faut pas s'étonner de voir se multiplier les plans sociaux, mais pour quels résultats ! Je ne peux donc me satisfaire de cette logique. Je ne peux admettre que, malgré le plan social 1999-2002, qui a été présenté à  GIAT Industries en juillet dernier, cette entreprise soit, si j'en crois les dernières information qui me sont parvenues, toujours aussi timides sur ce sujet alors que la diversification devrait être un axe fort de perspective. (...)

Il faut absolument concrétiser exiger de l'entreprise, qu'elle investisse dans des domaines précis, sur la base de ses métiers traditionnels. Il est tout aussi indispensable que l'Etat, y compris le ministère des finances, soutienne cette démarche, l'encourage, l'aide, la facilite. Telle est ma conviction et je veux croire qu'elle est également celle du gouvernement, car cette orientation est vitale non seulement pour l'entreprise, mais également pour les bassins d'emplois où se trouve implantée GIAT Industries et, plus largement, les industries d'armement. Les difficultés du secteur de l'armement, de l'armement terrestre en particulier, nécessitent un travail de redéploiement dont s'occupe actuellement le délégué interministériel, et je sais la tâche ardue. Elle exige également du travail de la part de l'entreprise elle-même, rapidement, avec des partenaires le cas échéant. Je souhaite donc une action dans ces deux directions afin que, à  la fin de l'exercice, les 500 millions de francs est effectivement pu servir à  la diversification, à  l'emploi, et que GIAT Industrie, par une action déterminée dont je n'aperçois pas l'amorce aujourd'hui, puisse en bénéficier. Comment, concrètement, souhaitez vous mobiliser GIAT Industrie et l'inviter à  présenter ces actions de diversification ?

R. - J'ai déjà  donné divers éléments d'information sur l'utilisation qui aura été faite en 1998 des 500 millions de francs mis à  la disposition du délégué des restructurations de défense sur la base de différents fonds. Plus de 90 % de ces sommes sont engagées et un travail approfondi de terrain est en voie de réalisation. Vous participez vous-même au comité de site de la région que vous représentez. Vous voyez donc les choses progresser. Il est vrai que ces crédits n'ont pas pu être utilisés pour la diversification de GIAT Industries puisque, en application des règles européennes sur le respect des conditions de concurrence, ces sommes ne peuvent pas être affectées directement à  une grande entreprise. Ce n'est pas une raison pour s'en tenir là , et la direction de GIAT Industries, avec laquelle nous nous sommes entretenus à  plusieurs reprises de ce dossier, va prochainement créer une filiale chargée spécifiquement du développement de nouvelles activités. Cette filiale, dont le nom devrait être GIAT Développement, disposera d'un capital propre se comptant en dizaines de millions de francs. Souscrits par l'Etat, il permettra d'assumer les risques financiers des choix industriels opérés, ce qui est logique s'agissant d'une entreprise qui doit s'ouvrir à  de nouveaux marchés.

Il convient, comme vous l'avez indiqué, que la diversification s'effectue à  partir des savoir-faire d'excellence de l'entreprise et qu'elle soit en permanence guidée par le souci de son développement, c'est-à -dire, concrètement, par un impératif de compétitivité et d'équilibre financier. Si l'on veut que cette diversification bénéficie de façon durable aux bassins d'emploi concernés, dont je connais les besoins, il faut que ce soit dans des conditions économiques qui ne la rendent pas précaire et qui permettent à  ces bassins d'envisager ces projets non pas comme des pis-aller ou des expédients provisoires,, mais comme des moyens durables inscrits dans une perspective de re-développement. A titre d'exemple, je vous indique qu'un premier projet de développement industriel a été décidé par GIAT Industries à  Cusset, il y a quelques semaines, dans le domaine de la serrurerie de sécurité. Près d'une cinquantaine d'emplois pourraient être concernés rapidement. C'est la mobilisation locale de l'encadrement et du personnel de cet établissement qui a permis l'ouverture de cette perspective. Cet exemple concret doit servir de modèle dans les autres établissements du groupe. La direction de GIAT Industries, dont chacun peut mesurer les efforts qu'elle consent pour me rendre à  cette entreprise des perspectives, est consciente de cet objectif et partage la volonté du gouvernement.


DCN Cherbourg (déconcentration vers Lorient - redéploiement de l'ingénierie)

(M. Bernard Cazeneuve) Vous ne serez pas étonné que j'appelle votre attention sur la situation de l'établissement de Cherbourg de la DCN, qui fait l'objet, comme les autres établissements, d'un processus lourd de restructuration. Je ne reviendrai pas sur les propos tenus par mes collègues Jean-Yves Le Drian et Robert Gala sur la nécessité de redonner des perspectives à  l'ensemble des établissements de la DCN. J'insisterai simplement sur la restructuration en cours des services d'ingénierie des bureaux d'étude, qui fait l'objet d'une réflexion très approfondie tant de la DCN que de votre ministère.

Cette restructuration repose sur plusieurs principes simples. Il est d'abord indispensable de rapprocher les missions de conception générale des bâtiments de la marine nationale des missions de conception détaillée. Il est ensuite important de rapprocher les services d'étude des centres de production. Il est enfin indispensable que le gouvernement respecte les engagements qu'il a pris au cours des dernières années, notamment celui souscrit l'an dernier, à  l'occasion du comité interministériel d'aménagement du territoire de décembre, de délocaliser une partie des services d'ingénierie à  Lorient. Je pense également à  la décision qu'il a prise, il y a trois ans de délocaliser à  Cherbourg tous les services de DCN Ingénierie relatifs à  la construction de sous-marins.

J'en viens au site de Cherbourg, qui, comme les autres sites de la DCN, ne pourra évoluer que si on lui ouvre des perspectives et des horizons. Il est indispensable que l'ensemble des compétences sous-marines des services de DCN Ingénierie, notamment les services communs, puisse être délocalisé très rapidement à  Cherbourg. Pour l'heure, 19 emplois seulement l'ont été au cours des trois dernières années. L'examen de l'organigramme de DCN Ingénierie Paris, située boulevard Victor, montre que certains services pourraient être utilement délocalisés sur le site de Cherbourg, qui, depuis de nombreuses années, subit des restructurations très lourdes.

Enfin, notre désir de voir ces services d'étude et d'ingénierie délocalisés à  Cherbourg repose aussi sur le fait que ce bassin d'emploi est totalement mono-industriel nucléaire, militaire et civil. Nous ne pourrons donc réussir, à  marche forcée, l'entreprise de diversification de ce bassin d'emploi que vous appelez de vos voeux que si nous parvenons à  réaliser la concentration du maximum de matière grise sur ce bassin d'emploi, dont vous savez qu'il souffre. Vous en êtes bien conscient.

R. - Le processus de conception, puis de production des navires, souffre aujourd'hui de discontinuité, ce qui entraîne des coûts et des délais supplémentaires. Pour gommer ces charges indues, la DCN prévoit une réorganisation induisant un redéploiement géographique de son ingénierie de constructions neuves et de systèmes de combat. Elle va donc déconcentrer les moyens spécifiques aux sous-marins vers Cherbourg au sein de DCN Ingénierie Normandie, et les moyens spécifiques aux bâtiments de surface vers Lorient. Or, les moyens communs aux bâtiments de surface et aux sous-marins sont beaucoup plus importants que ceux spécifiques à  l'un ou l'autre type de navire en raison de la communauté de plus en plus forte de compétences et d'outils requis. Il doit y être conservé ensemble sous peine de perdre des compétences. Ils seront donc, conformément aux décisions du CIADT, implantés à  Lorient, car cela permet de profiter pleinement du rapprochement des bureaux d'études sur les bâtiments de surface de Brest et de Lorient, et de la synergie avec ceux des entreprises privées de ce port.

S'agissant de Cherbourg, les moyens spécifiques sous-marins de la DCN Ingénierie Paris iront renforcer le centre Normandie dans la ville que vous représentez où l'activité de la sous-direction études et essais de l'établissement sera maintenue. L'adaptation de l'outil industriel, la DCN, à  ses perspectives d'activité et à  ses objectifs de compétitivité est indispensable pour assurer l'avenir de l'entreprise. Elle passe par le redéploiement de son ingénierie ainsi que par la spécialisation des établissements par fonctions, que vous avez bien décrite dans votre question. Les orientations de la spécialisation seront précisées dans le plan d'entreprise. La démarche de spécialisation permettra de passer d'une situation héritée du passé où les établissements sont très autonomes et parfois concurrents, à  une DCN véritablement intégrée dans laquelle les établissements complémentaires seront compétitifs. Les travaux futurs de conception des sous-marins seront donc effectués au sein d'équipes intégrées impliquant l'ensemble des acteurs de ce processus, qu'ils soient à  Cherbourg, à  Lorient ou à  Brest. Les travaux spécifiques aux sous-marins seront cependant concentrés à  Cherbourg.

La prise en compte de l'aménagement du territoire est l'un de mes soucis constants et, sur ce plan, l'équilibre des orientations qui seront décidées ne peut être mesuré qu'au vu de l'ensemble des dispositions prises et non pas point par point. En tout état de cause, la vocation du site de Cherbourg pour la conception et la réalisation de sous-marins est assurée pour le long terme. Elle est fondée à  la fois pour le savoir-faire de tous les salariés de l'établissement et sur la volonté du gouvernement. (...)


2 décembre 1998,Sénat

DISCOURS DU MINISTRE DE LA DEFENSE LORS DE LA DISCUSSION DU PROJET DE LOI DE FINANCES 1999

Je tiens tout d'abord à  saluer la qualité des contributions très diverses du président de la commission des affaires étrangères, du rapporteur spécial de la commission des finances, des différents rapporteur pour avis et de l'ensemble des intervenants qui ont pris part à  cette discussion. De nombreuses questions et observations très pertinentes ont été formulées, la plupart - pas toutes, bien sûr - dans un esprit constructif. Je crois que c'est un type d'échanges qui satisfait les besoins démocratiques de notre pays, surtout quand on pense aux fortes responsabilités internationales qui sont les siennes. Quelques-uns d'entre vous ont bien voulu noter les efforts de présentation et de ponctualité du gouvernement dans la préparation de ce projet de budget pour l'information des deux chambres du Parlement. Je leur sais gré de ces indications positives.

Contexte international (Europe de la défense)

J'indiquerai tout d'abord brièvement le contexte international dans lequel s'inscrit notre pays pour mieux faire comprendre, je l'espère, les missions assignées à  notre outil de défense et pour expliquer nos choix quant aux équipements qui doivent y concourir. L'évolution politique internationale dans laquelle nous sommes entrés 1989 est incertaine et plus complexe qu'auparavant. Les situations géopolitiques régionales évoluent en permanence et il n'est du pouvoir de personne d'arrêter le cours de cette évolution. La première chose à  faire est de bien l'analyser, le défi est d'y adapter sans relâche notre outil de défense.

Le cadre le plus important pour nous est celui de la construction européenne. Après l'euro, étape essentielle - c'est le sentiment du gouvernement depuis son entrée en fonction et cet avis et maintenant très largement partagé - se présente maintenant à  nous l'étape de l'Europe de la sécurité commune. Pourquoi sommes-nous nombreux à  le souhaiter ? Parce que nous estimons que l'équilibre mondial et le progrès d'un certain nombre de valeurs auxquelles nous croyons dans l'ordre international postulent une multipolarité, un équilibre : nous ne croyons pas qu'il soit avantageux pour la paix du monde, pour la coopération et pour le progrès qu'une seule surpuissance soit en charge des principales responsabilités de régulation. Nous pensons que l'ensemble des capacités qu'apporte l'Europe au monde mérite une influence réelle sur les grands choix.

Comment se construit aujourd'hui cette Europe de la défense ? Vous savez que l'Union européenne dispose dès à  présent, avec l'article J4-2 du traité de Maastricht, de la possibilité de recourir à  des capacités autonomes européennes, lesquelles existent actuellement au sein de l'UEO. Certes, les Européens n'y font que faiblement appel. Comme je l' ai dit à  mes collègues ministres de la défense de l'Union européenne, à  Vienne puis à  Rome, dans le cadre de l'UEO, il est temps d'examiner sans détour les raisons - pour l'essentiel politiques - qui expliquent cette hésitation ou cette réticence à  employer des moyens proprement européens, y compris lorsque l'opportunité pratique s'en est présentée. Je crois que cela est à  mettre en relation avec une diversité d'approche qui subsiste aux Européens quant aux ambitions collectives que nous pouvons avoir. M. le président de Villepin et M. Delanoë ont souligné cette diversité et je voudrais souligner mon intérêt pour la proposition esquissée par M. Delanoë d'un Livre blanc européen qui permettrait un débat sur les objectifs de défense. Nous saurions alors quels sont les points, déjà  nombreux, sur lesquels les Européens ont la même volonté et quels sont les sujets sur lesquels il nous faut encore convaincre.

Quoi qu'il en soit, notre objectif est d'utiliser davantage ces moyens communs, qui sont déjà  constitués, au service des intérêts collectifs européens et pour l'influence de l'Europe, dans le sens d'un meilleur équilibre. L'une des voix qu'il serait intéressant d' explorer est la mise de ces moyens au service de l'Union européenne. C'est l'idée que suggérait le Président de la République, il y a quelques semaines, lorsqu'il parlait de la constitution d'une agence au service de l'Union européenne. L'expérience récente des crises dans lesquelles nous avons fait le choix d'intervenir montre l'intérêt majeur de la coordination et de l'analyse des situations, qui permettent aux Européens d'exercer une influence positive, dès le moment où la crise se prépare. La dimension préventive est l'une des voies de progrès que nous pouvons aborder le plus facilement entre Européens.

Sans qu'on puisse se satisfaire de la situation actuelle, il est clair que le temps de réaction collectif des Européens à  la crise du Kosovo représente, même si nous le trouvons encore trop long, un progrès frappant pour tous ceux qui ont vécu les deux ou trois années de tiraillements, souvent tragiques, qui ont empêché l'Europe de jouer un rôle efficace lors du déclenchement de la crise bosniaque. Le pilotage diplomatique d'une crise - on l'a vu avec le fonctionnement du groupe de contact sur la crise du Kosovo - n'atteint sa pleine efficacité que si les diplomates peuvent user de pressions militaires crédibles pour soutenir leurs propositions. Il nous faut donc définir pragmatiquement - tel est l'objet des débats qui se sont ouverts ces temps derniers - les moyens qui permettront cette expertise, puis cette capacité d'action militaire commune.

Les prises de position du Président de la République, lors de son discours devant les ambassadeurs, à  la fin du mois d'août, et du Premier ministre, quelques jours après, devant l'IHEDN, montrent que notre pays s'est mis en mouvement aujourd'hui pour participer au débat constructif quant aux capacités de défenses commune de l'Europe. Ce débat s'est débloqué récemment avec les positions nouvelles de la Grande-Bretagne sur le sujet, qui changent utilement les données du problème, et ce mouvement est appelé à  prendre de l'ampleur.

Je veux simplement souligner que seront au coeur des propositions du gouvernement, des propositions de la France, au travers de l'ensemble de ses autorités, le fait que les options de défense, au sein de l'Union européenne, relèvent de tâches intergouvernementales, que chaque pays doit garder la maîtrise de son outil militaire, mais aussi que nous voulons pouvoir décider en temps réel, avec une articulation suffisante entre les moyens diplomatiques et les moyens de pression militaire.

Relations UEO/OTAN

Je rappelle par ailleurs que nous avons déjà  à  notre disposition, avec les décisions prises à  Berlin voilà  deux ans, des possibilités nouvelles utilisables une fois qu'auront abouti les accords entre l'UEO et l'OTAN : un mécanisme de consultation pour l'analyse des situations et la préparation de décisions touchant les deux organisations ; un accord-cadre, est en bonne voie, pour le transfert des moyens de l'Alliance, favorisant la conclusion d'accords spécifiques entre l'Union de l'Europe et l'Alliance, adaptés à  chaque crise. Il serait d'ailleurs très utile que les discussions en cours sur ces sujets entre l'UEO et l'OTAN aboutissent avec le prochain sommet de Washington.

Forces multinationales européennes

Je veux montrer, à  travers ces quelques exemples, que l'on ne peut pas se contenter de grandes proclamations sans suite et que l'attitude de la France consiste, au contraire, à  mener un travail concret et constructif partout où existe une démarche d'évolution positive au sein des institutions existantes. Nous avons aussi, depuis plusieurs années, des forces multinationales européennes de nature et de format différents, susceptibles d'intervenir comme le fait le corps européen, dont une partie de l'état-major travail au sein de la SFOR en Bosnie-Herzégovine. Notre objectif est, bien sûr, de conforter, en mettant l'accent sur leurs atouts propres, la flexibilité et la souplesse d'emploi de ces forces proprement européennes.

Kosovo (objectifs communs européens)

Ce constat de la nécessité de construire l'Europe de la défense, fait par la plupart de nos partenaires, même si les problématiques sont encore distinctes, ressort plus clairement encore lorsqu'on aborde la situation en ex-Yougoslavie, et plus précisément au Kosovo, puisque c'est cette zone de crise qui se trouve aujourd'hui au centre de l'actualité. Les partenaires européens ont su définir ensemble les objectifs à  atteindre :

- l'établissement d'une autonomie respectant les droits collectifs des Kosovars ;
- Le refus d'une indépendance déstabilisatrice pour la région ;
- l'ouverture d'une négociation véritable pour déboucher sur un processus démocratique assurant une paix durable dans cette province ;
- le retour des réfugiés et des personnes déplacées.

Les Européens ont montré qu'ils avaient retenu et exploiter la leçon de la Bosnie Herzégovine. L'opération menée actuellement a pour cadre une résolution des Nations unies qui fixe l'ensemble des impératifs politiques. Cette résolution a été adoptée sur proposition de deux pays européens : la Grande-Bretagne et la France. Elle a fixé un objectif de règlement de cette crise auquel se sont associés les Etats-Unis et qu'a accepté la Russie. Un mois ou deux auparavant, peu de gens auraient parié qu'on puisse parvenir à  une telle convergence et que se seraient les Européens qui l'auraient permise ! Nous participons aujourd'hui activement à  l'opération de surveillance aérienne et nos observateurs, tout comme leurs homologues d'autres pays, sont en phase de déploiement sur le terrain pour constituer la mission de vérification sous l'égide de l'OSCE.

Macédoine (force d'extraction)

Mais nous sommes allés plus loin encore dans la concrétisation de notre ambition européenne. Nous avons en effet bâti au sein de l'Alliance, mais sur une initiative européenne suggérée par la France, une force de sécurisation. Stationnée en Macédoine, dès que l'accord de principe, déjà  donné, aura été formellement confirmé, cette force, placée sous le commandement du général Valentin, aura pour mission d'assurer la sécurité de tous les vérificateurs de l'OSCE envoyés sur le terrain au Kosovo. C'est une occasion concrète, opérationnelle, de montrer que l'Europe est capable de résoudre les problèmes qui se posent chez elle.

Cette crise a montré le rôle croissant de l'Europe dans sa propre sécurité, même si elle s'appuie, pour l'emploi éventuel de la force, sur les structures collectives de l'Alliance atlantique. Mais dans le cadre de cette force de sécurisation, se sont des moyens européens - français pour une grande part - qui seront engagés.

Nouveau concept stratégique de l'Alliance

Le développement de la dimension de sécurité et de défense de l'Union européenne n'est en effet pas contradictoire avec un renforcement de la contribution les Européens, mais d'Européens solidaires, autour d'une volonté politique commune au sein de l'Alliance atlantique. C'est ce que la France entend exprimer dans la négociation du nouveau concept stratégique de l'Alliance, menée sous la responsabilité de mon collègue Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Je souhaite toutefois en dire un mot pour répondre, en particulier, aux observations tout à  fait judicieuses de M. Delanoë. L'objectif est d'inclure dans le nouveau concept stratégique les évolutions intervenues dans l'environnement international au cours des dernières années et de mettre en cohérence des décisions d'adaptation prises les unes après les autres depuis 1991. Pour nous, concrètement, ces objectifs se résument à  quatre priorités :

- premièrement, préserver la spécificité de l'OTAN comme alliance à  la fois politique et militaire, centrée sur la défense collective, n'étendant pas son ambition à  des missions qui ne relèvent pas réellement de sa responsabilité ;
- deuxièmement, réaffirmer que cette organisation assure la sécurité de la zone euro-atlantique, en coopération avec d'autres organismes régionaux, en particulier l'Union de l'Europe occidentale et l'OSCE, et ce, dans le respect des prérogatives du conseil de sécurité des Nations unies ;
- troisièmement, préserver les acquis du développement d'une Europe de la sécurité et de la défense dans l'Alliance mais aussi sur ses propres moyens ;
- quatrièmement, enfin, préserver les intérêts légitimes des industries européenne de défense, qui pourraient être discutés, au travers des débats sur l'interopérabilité des matériels ou de la coopération industrielle.

Il est clair que le développement du partenariat pour la paix avec les pays qui ne sont pas membres de l'Alliance, mais qui contribuent à  la stabilité de l'Europe de l'Est, a représenté un engagement positif que la France a pleinement soutenu. Cela entraîne d'ailleurs quelques charges supplémentaires que nous avons acceptées et qui trouvent leur contrepartie dans des crédits inscrits dans la présente loi de finances.

De même, l'élargissement de l'Alliance, que nous avons soutenu, avec la première vague d'entrées de la Pologne, de la République tchèque et de la Hongrie, représente pour nous une augmentation de l'ordre d'une quarantaine de millions de francs de notre contribution à  l'Alliance. Cette augmentation, nous la supportons de bon gré, car - le Sénat l'a confirmé en ratifiant à  une très large majorité l'adhésion de ces trois pays -  il s'agit là  d'un bien de sécurité et de stabilité pour l'Europe toute entière.

La crise au Kosovo a démontré que l'intégration à  l'Alliance des Etats périphériques à  l'ex-Yougoslavie était un élément clé pour assurer une fonction de dissuasion contre toute menace pour la stabilité de l'Europe. Le sommet de Washington devra prendre en compte ce besoin d'élargissement, qui doit se poursuivre. En tout cas, ce sommet peut-être une occasion pour avancer des objectifs internationaux majeurs de la France, à  savoir jouer tout notre rôle dans l'Alliance, mais en permettant à  l'Europe d'y développer son identité et sa volonté politique collective.

Désarmement nucléaire

Je ne voudrais pas quitter les questions de stratégie et de relations internationales sans noter l'intérêt des réflexions balancées et tout à  fait responsables de M. Bécart sur l'élargissement du désarmement. M. Bécart a rappelé, à  juste titre, que notre pays avait joué un rôle actif et préservé l'équilibre des forces dans plusieurs négociations ayant abouti au cours des derniers mois. Je veux simplement confirmer, à  cette occasion, faisant suite également aux propos de l'amiral De Gaulle que la dissuasion nationale crédible est, à  nos yeux, un facteur de stabilisation, que les objectifs de désarmement qui ont été fixés dans les traités ne pourront s'appliquer à  notre pays que lorsque les pays détenteurs des arsenaux les plus massifs auront accompli une part suffisante de l'effort qui leur incombe et que, dans l'intervalle, cette dissuasion constitue un élément clé de notre sécurité nationale. Les derniers mouvements qui se sont produits dans différentes zones du globe nous conduisent d'ailleurs à  nous renforcer dans cette conviction.

Equipement (politique arrêtée à  la suite de la revue des programmes)

J'en viens à  la politique d'équipement. Je tiens d'abord à  souligner, à  propos de la revue de programmes, qu'une tâche importante a été accomplie pendant plusieurs mois par les services du ministère, avec la contribution dynamique de tous les états-majors et de la délégation générale pour l'armement. Ces travaux ont permis de formuler des propositions susceptibles à  la fois de garantir le respect des priorités et des besoins de l'ensemble des équipements prévus dans la loi de programmation, et de réaliser 20 milliards de francs d'économies réelles, c'est-à -dire assorties de choix consistant à  supprimer des charges pour la période 1999. Le gouvernement a tenu, en effet, à  ne pas recourir à  la solution, simpliste mais coûteuse, qui était devenue une tradition, et consistant à  repousser les objectifs correspondants au-delà  de la période examinée.

Je relève, en outre, - j'ai souvent besoin de rappeler ! - qu'en plus des 20 milliards d'économies réelles, correspondant à  des recadrages d'objectifs de dépenses que nous avons retenus pour les dépenses programmées entre 1999 et 2002, les mesures adoptées par le gouvernement, rapporteront encore environ 20 milliards d'économies supplémentaires au-delà  de 2002, en réduisant, par conséquent, la surcharge envoyée sur la loi de programmation militaire ultérieure - c'était, vous le savez, l'un des inconvénients des multiples ajustements qui étaient intervenu antérieurement. Sur la base des propositions que nous avons ainsi établies, le gouvernement, avec l'assentiment du Président de la République, a arrêté les choix de notre politique d'équipements militaires, dont le budget 1999 - plusieurs orateurs ont bien voulu le souligner - est la première traduction concrète.

Equipement (poursuite de l'exécution de la loi de programmation)

Je tiens à  rappeler qu'ils respectent les grandes orientations de la loi de programmation militaire. C'est la raison pour laquelle le gouvernement a choisi de ne pas considérer cet exercice comme une nouvelle loi de programmation militaire. Tel a été également le sentiment du chef de l'Etat. Tout en reconnaissant que le choix qui ont été faits peuvent prêter à  discussion (c'est bien naturel !) - je tiens à  faire observer que, dans la durée - compte tenu de l'engagement du gouvernement de maintenir les crédits au niveau que je vais évoquer ensuite - l'exécution de la loi de programmation militaire adoptée en 1996, et qui se sera déroulée sous deux législatures correspondant à  deux majorités différentes, a toutes les chances de bien supporter la comparaison avec le niveau d'exécution de précédentes lois de programmation militaire en matière d'équipement. Ce budget, en effet, représente bien la volonté politique de poursuivre la programmation de nos équipements de défense sur la base de 85 milliards de francs annuels, en francs constants 1998, ce qui donne, pour cette année, 86 milliards de francs. Ainsi, pour la première fois depuis 1990, les crédits d'équipement du ministère de la défense augmentent en francs constants d'une loi de finances initiale à  l'autre. La progression est de 6,2 % en francs courants. Les crédits pour 1999 vont donc garantir la cohérence souhaitée dans la modernisation des équipements.

Cela rétablit une continuité et une visibilité de la politique d'équipement militaire, qui est indispensable à  tous les partenaires et qui garantit la crédibilité de notre effort de défense. Je veux, à  cet égard, revenant un instant sur la situation européenne, souligner que nous sommes actuellement, avec la Grande-Bretagne, le pays de l'Union européenne qui fait l'effort d'équipement de défense de loin le plus important ; même si les situations et les engagement politiques sont différents au sein de l'Union européenne, nous ne pouvons espérer jouer un rôle international à  la hauteur de nos ambitions et de la crédibilité politique qu'a atteint l'Europe dans d'autres domaines - je pense au domaine monétaire - que s'il s'établit une certaine convergence des efforts de défense des autres pays et si, par exemple, des pays presque aussi importants que la France en termes de richesse économique consacrent un niveau de ressources à  leurs équipements de défense supérieur à  la moitié ou au tiers de ce que fait la France aujourd'hui - et c'est le cas d'un certain nombre de nos partenaires.

Cette volonté de continuité et de consolidation des programmes est visible pour le nucléaire, avec la convergence, en 2008, du calendrier du dernier sous-marin de nouvelle génération et du missile M 51, qui permettra, pour des prestations améliorées - le système M 51 sera disponible deux ans plus tôt que ce que prévoyait la loi de programmation militaire - te faire environ 6 milliards de francs d'économies. Dans le domaine de la projection, les grands programmes sont maintenus, tout en reconnaissant des aménagements. Le porte-avions Charles-de-Gaulle effectuera, en 1999, ses essais à  la mer en vue de sa mise en service opérationnelle. Ce bâtiment assumera, ensuite, l'ensemble des missions dévolues au groupe aéronaval. Je voudrais apporter ici une précision à  la suite des indications ou des questions qui ont été formulées dans le débat d'aujourd'hui, aussi bien par M. De Gaulle que par M. André Boyer, sur la disponibilité du groupe aéronaval. Celle-ci ne sera pas totale. Mais c'est une situation que nous connaissons déjà .

Je prendrais l'exemple de la crise du Kosovo. Aux côtés de nos forces aériennes stationnées en Italie, le groupe aérien du Foch a été mis en mouvement pour participer à  d'éventuelles frappes militaires sur le Kosovo et sur le Sud de la Serbie, pour le cas où le règlement exigé des autorités yougoslaves n'auraient pas été atteint. Lors de cette opération, en relation avec nos alliés, nous avons choisi de déployer une force aérienne à  partir du groupe aéronaval, alors que les autres alliés le font à  partir des forces aériennes stationnées en Italie. Si une crise comme celle-ci éclatait à  un moment d'indisponibilité du porte-avions, nous aurions à  nous situer, comme le font nos autres alliés, avec les moyens de ravitaillement correspondants, sur une base terrestre.

Cela dit, nos amis britanniques étudient la possibilité de se doter d'un groupe aéronaval ayant le même type de spécifications que celles du Charles-de-Gaulle. On peut donc réfléchir, à  terme, à  une certaine complémentarité entre les éléments des grands groupes aéronavals européens. Je veux noter ici l'ouverture de nos partenaires britanniques sur une réflexion sur ce sujet. Les programmes majeurs de l'armée de terre sont, de leur côté, poursuivis, qu'il s'agisse du Leclerc, du futur véhicule blindé de combat d'infanterie ou des hélicoptères Tigre et NH 90, ce dernier hélicoptère intéressant également la marine.

Le calendrier de réalisation des Rafale qui équiperont l'armée de l'air a été aménagé pour des raisons d'économie ; le retrait anticipé de deux escadrons Jaguar, avions en fin de vie, et ce dès 2001, a été décidé. L'armée de l'air rejoindra ainsi son format d'avions de combat prévu pour 2015 de façon anticipée, mais sans perdre de capacités militaires. En effet, et je tiens à  rassurer sur ce point M. Jean-Claude Gaudin, dans le rapport était empreint d'un esprit constructif, les Mirage 2000 D et F1 CR pourront réaliser les missions aujourd'hui assignées aux Jaguar.

S'agissant de la disponibilité des avions de combat, Monsieur le président de la commission et plusieurs rapporteurs ont évoqué les difficultés dans ce domaine. Elles s'expliquent, pour une part, par le changement de responsabilité entre les structures et les services de maintenance de l'armée de l'air. Le choix, qui paraissait judicieux pour l'avenir, avait été fait depuis plusieurs années de confier une part substantielle de la maintenance principale et des grosses réparations aux constructeurs, et il a été difficile de s'ajuster avec eux. Je voudrais cependant souligner que, ces derniers mois, la tendance est globalement à  l'amélioration. Au cours du premier semestre de l'année 1999, sera mise en place une structure intégrée DGA-armées destinée à  rénover notre système de suivi et d'approvisionnement et à  fournir à  nos armées la réactivité logistique nécessaire à  une gestion moderne des aéronefs.

Activité des forces armées

Puisque nous parlons d'indicateurs d'activité, je voudrais rappeler, concernant l'armée de terre, que le chiffre de 70 jours d'activité pour 1999 cité à  deux reprises ne prend pas en compte les opérations extérieures, dans lesquels sont engagées, pour une part croissante, nos forces armées. Puisque M. Machet, parmi d'autres orateurs, a soulevé le problème, je crois pouvoir indiquer que la rotation régulière de nombreuses unités professionnelles dans les opérations extérieures contribue à  l'élévation du niveau de capacité de nos forces et sert aussi le moral de nos militaires. Quant au nombre mensuel moyen d'heures de
 vol des pilote d'hélicoptère de l'ALAT pour 1999, il reste constant par rapport à  1998 et il est très supérieur aux indicateurs d'activité aérienne des armées de terre étrangères comparables.

Avion de transport futur

Le gouvernement confirme, en outre, la nécessité de doter nos forces d'un avion de transport futur, lequel, je le rappelle au passage, n'a été ni inscrit, ni financé dans la loi de programmation militaire. Nous devons cependant nous mettre en position de préparer cet achat. Le Transall, je veux le souligner, est un bon avion tactique, mais ses performances sont limitées, en particulier en termes de distances franchissables, son problème principal étend son autonomie. En revanche, c'est à  l'heure actuelle pratiquement le seul avion à  pouvoir se rendre sur certains théâtres d'opérations compte tenu de ses performances, qui restent étonnantes, en distance d'atterrissage et de décollage. Nous pourrons donc, dans le cadre des responsabilités qui sont les nôtres dans le domaine de la défense, mener des interventions particulièrement exigeantes avec ces appareils - dont certains ont été modernisés - au cours des prochaines années. Cela dit, nous avons en effet conclu un accord de spécification commune avec sept autres pays, et nous nous sommes mis d'accord sur un objectif de mise en concurrence pour obtenir la meilleure réponse possible en matière de spécification.

Airbus Industrie

Les parlementaires français, ici comme à  l'Assemblée nationale, souhaitent bien entendu que la formule Airbus Industrie sorte gagnante de cette compétition. Je suis en effet convaincu que le groupement Airbus mobilisera toutes ses capacités pour présenter une proposition de haut niveau. Mais il faudra que les huit pays débattent et se mettent d'accord. Sans doute sera-t-il difficile qu'ils le fassent sur un ensemble de critères aboutissant d'emblée à  ce que le choix d'Airbus s'impose. Il ne nous faut donc pas penser trop vite que les autres éléments du choix sont exclus. Il y a parmi les Etats acheteurs d'autres partenaires, qui considèrent que les deux autres possibilités pour l'avion de transport futur sont également à  explorer, et nous aurons à  débattre avec eux.

Coopération européenne en matière de fabrication d'armements

Les programmes de coopération dont plusieurs orateurs ont parlé, et qui sont en effet restructurants pour l'Europe de la défense, ont été, pour l'essentiel, confirmés par la revue de programmes. Compte tenu de la place importante qu'ils occupent désormais au sein de notre budget d'équipement, ils ne pouvaient certes pas rester totalement à  l'écart de l'effort d'économie. Nous avons donc procédé à  quelques ajustements limités et nous en avons informé directement nos partenaires. Je veux souligner par ailleurs, puisque M. Blin s'est inquiété de la non-industrialisation du missile antichar de troisième génération, pour lequel, en revanche, nous poursuivons l'effort de développement, que nous avons fait ce choix, d'abord, en réservant l'avenir et, ensuite, en constatant que, dans des conditions économiques beaucoup plus avantageuses, des missiles de même nature permettaient de donner toutes ses capacités à  l'hélicoptère de combat.

Espace militaire (coopération européenne)

Je voudrais revenir enfin, pour conclure sur cette partie équipement, sur les difficultés que présente la mise en oeuvre d'une coopération d'espace militaire. Bien sûr, il faut constater, comme l'ont fait d'autres orateurs, en particulier M. Jean Faure, que les décisions prises par certains de nos partenaires retardent ou compliquent le lancement de certains projets. C'est le cas dans les télécommunications avec le programme successeur de Syracuse II, Trimilsatcom. Le choix des Britanniques de ne pas participer à  ce nouveau programme, annoncé au mois d'août dernier, nous conduit à  le revoir très substantiellement avec nos partenaires allemands. Je voudrais toutefois préciser que l'intention commune de la République fédérale d'Allemagne et de notre pays est bien de poursuivre ce programme et de le mener à  son terme parce que nous reconnaissons la grande utilité de cette capacité nouvelle des télécommunications militaires.

En ce qui concerne l'observation militaire, la France, qui devrait bientôt être rejointe par l'Espagne - ce pays nous a donné des assurances à  cet égard - a lancé de manière irréversible la réalisation de Hélios 2, c'est la seule solution technologique acceptable pour prendre la relève de Hélio 1 à  partir de 2004. En revanche, le non-lancement de la coopération franco-allemande en matière d'observation nous a poussés à  arrêter le programme de satellite-radar Horus. Nos amis allemands font, il est vrai, un effort d'équipement de défense qui est inférieur à  la moitié du nôtre, alors qu'ils ont produit intérieur brut supérieur de près du tiers à  celui de la France. Ils ont donc été conduits à  limiter leurs ambitions, compte tenu de leurs choix, en matière de matériels terrestres ou d'avions de combat. Ils devaient avoir la part prépondérante des engagements et des retombées technologiques quant aux satellites-radars et il n'était pas réaliste que la France prétende mener ce programme de façon unilatérale.

En revanche, pour l'avenir, une expertise des nouvelles technologies et du potentiel technique, déjà  développée par des industriels, nous permet d'envisager à  terme des solutions plus économiques, avec de petits satellites-radars. C'est dans ce cadre que nous voulons relancer les discussions avec nos partenaires européens, ce qui démontre que la volonté politique du gouvernement français reste intacte à  cet égard.

Recherche et développement

En 1999, les crédits de recherche et de développement du ministère s'élèveront à  21 milliards de francs. Contrairement à  ce que j'ai cru entendre à  certains moments du débat, ils enregistrent une augmentation de 10 % par rapport à  1998. Ils se répartissent entre 15 milliards de francs pour les développements de nouveaux équipements, 1 100 millions de francs pour les études spatiales, 1 760 millions de francs pour la recherche liée à  la dissuasion et 3 200 millions de francs pour les recherches et développements sur les armements classiques. Les études de recherche font partie des dépenses de ce ministère puisqu'elles ont pour finalité la préparation des forces armées. Le critère principal qui caractérise l'effort de recherche de la défense est sa destination, c'est-à -dire la préparation des futurs programmes d'investissement. Il doit donc être orienté selon des critères de coût et d'efficacité et non pas simplement vers la quête de la connaissance scientifique.

Même si les crédits de recherche pure sont réduits - il est vrai que cela correspond à  la maturité d'un certain nombre d'objectifs de recherche - je veux souligner que notre effort de recherche et de développement place la France dans le peloton de tête des nations occidentales. Cet effort de la France, il faut le comparer à  celui des Etats-Unis. Ces 21 milliards de francs consacrés à  la recherche et au développement en France représentent peu de chose par rapport aux 250 milliards de francs engagés par le Pentagone, qui constituent un effort sans commune mesure avec celui d'aucun autre pays du monde occidental. Il s'agit là  de la politique à  la fois militaire, scientifique et industrielle des Etats-Unis.

Les comparaisons avec nos principaux partenaires européens - je me permets d'appeler l'attention du Sénat sur ce point - me paraissent plus pertinentes. La France partage avec le Royaume-Uni la première place pour les crédits de recherche et de développement, dont le montant atteint dans les deux pays environ 21 milliards de francs. L'Allemagne, quant à  elle, fournit un effort de quelque 10 milliards de francs, c'est-à -dire la moitié de ce que nous faisons. Quant aux douze pays de l'Union, ils totalisent 10 milliards de francs à  eux tous. Autrement dit, si les pays européens dans leur ensemble fournissaient le même effort de recherche que la France et la Grande-Bretagne, nous serions collectivement à  la moitié de l'effort des Etats-Unis, ce qui établirait un certain rapport de force. Aujourd'hui, nous n'en sommes qu'au quart. Il me semble, lorsqu'on s'interroge sur l'effort que fait la France - ce qui est bien légitime - qu'il faut aussi avoir ces éléments de comparaison bien présents à  l'esprit.

Industrie européenne de défense

La construction d'une industrie européenne de défense forte et compétitive est une priorité du gouvernement. Elle doit permettre à  l'Europe de maîtriser les technologies clés, de ne pas être dépendante de l'extérieur pour l'accès aux savoirs qui sont les plus déterminants afin d'acquérir la supériorité militaire, et elle doit permettre aux armées de bénéficier des meilleurs matériels aux meilleurs coûts. La cohérence politique de cette démarche a été définie dans la déclaration du 9 décembre 1997, signée conjointement avec les gouvernements britannique et allemand. Je veux d'ailleurs souligner la bonne analyse qu'en a faite M. Bertrand Auban tout à  l'heure.

Sur ces sujets industriels, le gouvernement a donner la priorité à  la stratégie technologique et industrielle, et non aux considérations financières à  court terme, a fortiori aux prises de positions idéologiques. Je veux donc rappeler à  M. le rapporteur général, qui s'en est enquis tout à  l'heure, que ce gouvernement, s'intéressant aux dossiers qui avaient pris du retard en matière de restructuration et de préparation de l'avenir dans les industries françaises de défense, a opéré des regroupements rationnels d'actifs industriels, en excluant toute idée de vente aux enchères d'entreprises publiques. Notre objectif fondamental est de construire des alliances d'envergure au niveau européen, pour équilibrer les fortes concentrations réalisées par l'industrie de défense américaine. Cet objectif se traduit par la constitution, maintenant achevée, en à  peine un an, d'un pôle d'électronique professionnelle et de défense autour de Thomson-CSF, Alcatel et Dassault Electronique, qui est au premier rang européen et qui est, par conséquent, dans la meilleure situation pour négocier des accords équilibrés avec d'autres partenaires européens, je tiens à  le souligner.

Aérospatiale - Matra Haute Technologie

Par ailleurs, après seulement quelques mois de travail - et alors que beaucoup de partenaires m'ont dit que ce dossier était en sommeil depuis près de 20 ans - nous avons organiser la structuration d'un pôle aéronautique et spatial autour d'Aérospatiale-Matra, qui coopérera avec Dassault, ces deux ensembles étant déjà  bien engagés dans des accords européens significatifs.

Je voudrais appeler l'attention du Sénat sur la méthode qui a été suivie dans ces opérations de restructuration qui ont été conduites et menées à  bien en privilégiant un réel dialogue : aucun grand industriel ni aucun responsable syndical a été tenu à  l'écart de la réflexion, ce qui fait qu'aucune contestation de fond ne s'est exprimée à  l'encontre de nos choix de la part des acteurs concernés.

C'est désormais une question de semaines, la fusion d'Aérospatiale avec Matra Haute Technologie est en bonne voie. Elle sera organisée dès les premières semaines de 1999, c'est-à -dire dans un délai qui, là  encore, se compare avantageusement avec les tentatives infructueuses qui avait été développées sur ce thème au cours des années précédentes. Nous avons en même temps clarifié la position française vis-à -vis de nos interlocuteurs gouvernementaux européens. La lettre d'intention que j'ai signé, le 6 juillet dernier à  Londres, avec mes cinq collègues européens concrétise un important travail réalisé dans ce sens. Cette démarche substantielle des six pays européens, effectivement engagés dans l'industrie de défense pour donner une base efficace au regroupement des forces industrielles, est portée par un soutien politique constant. Quant aux discussions entre entreprises, je ne souhaite pas aller beaucoup plus loin dans l'élaboration des positions du gouvernement, qui, selon moi, sont déjà  bien connues.

En ce qui concerne l'industrie électronique, ainsi que je l'ai mentionné, la réorganisation de Thomson-CSF Donne aujourd'hui à  cette dernière l'initiative en matière de contact avec d'autres européens.

Quand à  Aérospatiale Matra, toute la question est de savoir si nous parviendrons à  un accord équilibré avec les deux autres partenaires. Ainsi que nous l'avons dit, la France, notamment ses industries publiques et privées mais surtout publiques, Monsieur le rapport général - a suffisamment accumulé de capacités technologiques, commerciales et industrielles pour que nous soyons assurés, dans le cas où deux partenaires choisiraient de s'entendre préalablement, de disposer de suffisamment de travail pour constituer un pôle européen. Si, en matière d'aménagement et d'implantation notamment, qui correspondent, je crois, à  une lecture unanime de l'intérêt national, les conditions d'équilibre sont satisfaites par les structures sur lesquelles nous avons fait des propositions pour un regroupement européen, alors nous continuerons directement ce pôle.

Nos partenaires savent qu'il peut y avoir des avantages à  se rassembler à  deux, qu'ils ne représentent pas la suprématie de l'industrie européenne. Mais ils savent aussi que qu'une autre démarche présenterait des inconvénients, car elle nécessiterait de mener l'opération en deux fois. Or, j'attire votre attention sur ce point, Mesdames, Messieurs les sénateurs, il n'est pas sûre que les industries françaises soient les plus pénalisées par cette démarche en deux étapes. En tout cas, pour ce qui nous concerne, le pôle français regroupant toutes les capacités aéronautiques et spatiales sera opérationnel, j'y insiste, dans quelques semaines. Les synergies entre Etats acheteurs vont par ailleurs se développer grâce à  la création maintenant conclue de l'OCCAR, qui conduira les programmes en coopération, au nom des quatre principaux Etats membres de l'Union européenne.

Enfin, dernier outil que je voudrais citer ce soir sur la politique d'équipement : les commandes pluriannuelles sont en effet un mode d'acquisition rénové, rendant plus efficace la dépense d'investissement en matériel de défense. Elles permettent aux industriels d'avoir une visibilité de leur plan de charge et de profiter à  plein des économies de l'effet de série. C'est ce gouvernement, alors que bien d'autres en avaient fait l' annonce, qui a réalisé les premières commandes pluriannuelles.

Cinq commandes ont été passées par le ministère de la défense au cours de l'année 1997. Je vous en ai parlé l'année dernière. Six autres commandes ont été conclues depuis le début de 1998, la modernisation des moyens de transmission des bases aériennes, ainsi que des garnisons terrestres, les dépanneurs du Leclerc puis le char Leclerc, lui-même, le développement du missile PAAMS pour la frégate Horizon, enfin les prochaines années de développement du missile M 51. L'extension de ce dispositif de commandes globales à  des programmes majeurs - je pense plus particulièrement au M 51 et au Leclerc - renforce l'assise de ces projets en garantissant aux industriels concernés une cohérence dans la conduite de ces programmes. Nous allons poursuivre dans cette voie, ce qui va tout à  fait dans le sens souhaité par M. Jean Faure dans son avis.

Je signale par ailleurs que la commande groupée d'avions Rafale fait actuellement l'objet de travaux approfondis entre mes services, le ministère de l'économie et des finances et les industriels concernés. Je suis confiant sur notre capacité à  notifier cette commande début 1999.

Commandes pluriannuelles d'équipement

Enfin, pour répondre à  M. Bertrand Auban, qui m'interrogeait sur ce point, nous pourrons notifier la commande sur le Tigre dans les tous premiers jours de janvier 1999. Nous venons de nous mettre d'accord, mon nouveau collègue allemand et moi-même, lors de notre rencontre à  Potsdam voilà  quelques jours.

Ressources humaines (diminution du nombre d'appelés)

Le projet de budget qui vous est soumis prévoit une augmentation sensible de l'ensemble des dépenses de défense : 2,9 % par rapport à  1998. Comme je l'indiquais, c'est l'un des efforts les plus élevés parmi les pays de l'Union européenne. Il comporte évidemment un aspect majeur pour le système d'hommes que représente l'armée professionnelle. Déjà , la loi de finances pour 1998 traduisait cette priorité.

La phase de transition dans laquelle nous sommes entrés supprime un effectif de près de 200 000 appelés pour arriver à  zéro en 2002. Il nous faut donc maîtriser la transition et je voudrais développer un instant cette préoccupation. La loi portant réforme du service national traduit la volonté du gouvernement de concilier la priorité qu'il accorde à  l'emploi des jeunes, axe central de son action, et le besoin en appelés pendant la phase de transition. Nous avons donc, d'une part, protéger l'emploi des jeunes appelés pendant leur service national, en modifiant à  cette fin le code du travail, et, d'autre part, élargi les conditions d'octroi de certains reports d'incorporation et de dispenses. La possibilité d'un report d'incorporation pour les jeunes titulaires d'un contrat de travail existe. Je rappelle d'ailleurs qu'à  l'Assemblée nationale Elle n'a fait l'objet d'aucune opposition. Si cette assemblée-ci a pris une position différente, c'est seulement dans l'hypothèse où l'insertion professionnelle du jeune serait compromise par l'appel sous les drapeaux. Cette disposition s'applique. Après les premiers examens de dossiers par les commissions compétentes, une circulaire a été établie par mes services. Elle tient compte de la jurisprudence sur laquelle les tribunaux administratifs saisis se sont prononcés dans le sens souhaité et recommandé par le gouvernement. Chacun peut voir dans quelles conditions, avec un souci non seulement d'équité, mais aussi de réalisme par rapport aux besoins des armées, s'applique cette disposition.

Par rapport aux besoins inscrits dans la loi de programmation en effectif d'appelés au milieu de l'année 1998 - c'est ainsi que doit s'apprécier un effectif budgétaire - je souligne que le besoin inscrit dans la loi est de 137 000 appelés. L'effectif réalisé en milieu d'année est de 133 000. Il y a donc des différences qui sont légèrement supérieures pour la marine - 159 appelés de plus que ceux qui sont inscrits - et pour la gendarmerie - 161 de plus. Il y a des différences qui sont quasi invisibles dans l'armée de l'air et dans les services. En revanche, l'écart est un peu inférieur à  5 % pour les effectifs d'appelés de militaires du rang dans l'armée de terre, mais cela a été compensé par un appel accru aux volontaires du service long. Dans ces conditions, la situation des effectifs appelés et engagés des armées, plus particulièrement de l'armée de terre, se caractérise par un niveau quantitatif et qualitatif satisfaisant.

Journée d'appel de préparation à  la défense (réussite)

Le sens civique des appelés, démontré au quotidien, est partagé par les jeunes nés après le 1er janvier 1980 qui ont participé aux journées d'appel de préparation à  la défense. En réponse à  M. De Villepin et à  M. Serge Vinçon, je souhaite rappeler que les appréciations que portent les jeunes convoqué a cette journée de contact directe avec la défense attestent le succès de cette formule. Plus de 80 000 jeunes ont déjà  suivi cette journée depuis le début du mois d'octobre, avec un taux de participation de 92 % sur les six premières journées. Aucun incident n'a été signalé, et plus de 84 % de ses jeunes se sont déclarés satisfaits de cette journée. Bien entendu, il faut rester à  l'écoute. Je remercie les nombreux élus et parlementaires qui ont visité des sessions, ainsi que votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, qui a l'intention d'en faire autant dans les jours qui viennent. Je crois que nous avons bien réussi le lancement de ce dispositif, et chassé les incertitudes qui entouraient le dispositif antérieurement imaginé, que, semble-t-il, personne ne regrette. Nous pourrons, dès le début de 1999, tirer les premiers enseignements du dispositif d'accompagnement des jeunes détectés en grande difficulté de lecture grâce au dispositif de l'APD.

Les orientations budgétaires traduisent la priorité qui est accordée au systèmes d'hommes. Elles permettent une évolution des effectifs conformes à  la programmation, notamment en renforçant les mesures d'accompagnement social et matériel.

Permettez-moi, à  cet égard, de revenir sur quelques observations qui ont été faites à  propos de l'augmentation des rémunérations et charges sociales dans ce budget. Je ne considère pas comme une mauvaise nouvelles qu'elles soient en augmentation de 2,9 %. Selon un principe que personne, je crois, n'envisage de remettre en question, les rémunérations des armées sont rigoureusement indexées sur les rémunérations de l'ensemble des fonctionnaires et agents de l'Etat. Le statut général des militaires ne donne pas à  la communauté militaire les mêmes moyens de défense professionnelle qu'aux fonctionnaires civils. Personne ne le demande non plus. Ils ont, en revanche, cette garantie législative fondamentale que, en toutes circonstances, les rémunérations de la communauté militaire évoluent comme celles des fonctionnaires civils.

La professionnalisation se déroule conformément aux prévisions en quantité et en qualité. Les rémunérations évoluent positivement. C'est un élément important de la condition militaire, et c'est précisément une garantie de succès quant au niveau et à  la motivation des candidats au recrutement qui viendront compléter les effectifs de l'armée professionnelle. Je souligne à  cet égard que le ministère de la défense ouvrira environ 16 000 postes nouveaux en 1999, 8 800 militaires professionnels, 4 800 volontaires et 2 400 postes d'agents civils.

Gendarmerie nationale (augmentation des effectifs)

La gendarmerie, de son côté, accroît sensiblement ses moyens humains avec 3 000 gendarmes adjoints recrutés en 1999 parmi ces 4 800 volontaires. Ils s'ajoutent, M. Masson, ainsi que le Premier ministre l'a rappelé lors de sa visite à  la gendarmerie à  Melun, à  laquelle vous participiez, aux 800 gendarmes adjoints recrutés au cours du dernier trimestre 1998.

L'arrivée de ces gendarmes adjoints contribuera à  consolider l'implantation de la gendarmerie sur l'ensemble du territoire. Je souligne à  l'intention de M. Truc que, la première année, ces gendarmes adjoints bénéficieront de 25 jours de permission. C'est identique à  un appelé qui ferait 12 mois qui ouvrent droit à  21 jours, auxquels peuvent s'ajouter quatre jours de bon soldat, biens connus de notre jeunesse. Cela me permet de répondre aux préoccupations du président De Villepin, à  MM. Masson et Trucy. Le recrutement en nombre et en qualité de gendarmes adjoints est un défi important que la gendarmerie saura relever, j'en suis convaincu. Le personnel de la gendarmerie ne s'y est pas trompé et réserve à  ces jeunes une qualité d'accueil et de formation qui, me semble-t-il, prépare le succès de cette formule.

J'ai demandé à  la gendarmerie de prendre les mesures nécessaires à  des conditions de logement satisfaisantes. Pour vous donner une indication, sans effort de publicité déjà  2 500 dossiers de candidature ont été reçus pour les recrutements à  venir, ce qui constitue un démarrage prometteur.

Volontariat - Contrats courts dans la marine

A propos du volontariat dans les armées, je rappelle qu'il était bien dans l'intention du gouvernement que cette opportunité donnée à  nos jeunes concitoyens offre de réelles perspectives d'insertion professionnelle. Ces jeunes sont des militaires à  part entière, auxquels sont offertes des conditions de rémunération au moins équivalentes au SMIC. En réalité, elles sont supérieures compte tenu des avantages en nature. Cette formule offre aussi, ce qui est très important pour les jeunes intéressés et concernés par ce type d'emploi, des possibilités de valorisation ultérieure de cette expérience professionnelle. Nous le savons tous, les armées ont montré leur capacité à  sortir de l'ornière des jeunes à  faible formation initiale et à  les accoutumer à  une discipline et à  une méthode de travail, qui font que ces jeunes sont ensuite très fortement appréciés sur le marché du travail. MM. Boyer et Trucy ont évoqué les contrats courts marine. C'est un aspect important de la professionnalisation de la marine. Les choix de recrutement qui sont faits assurent la solidarité des armées envers une partie de notre jeunesse en situation parfois précaire. Au bout de 18 mois de mise en application, la formule donne des résultats très satisfaisants. C'est un élément important du dispositif d'« ascenseur , » que les armées continuent à  assurer.

Personnel civil (recrutement)

De nombreux orateurs se sont intéressés, à  juste titre, aux personnels civils, dont le rôle croissant est un des éléments importants de la professionnalisation. Les recrutements ont été, en 1998, d'un niveau nettement supérieur à  celui de 1997 : 159 fonctionnaires avaient été recrutés en 1996, et 384 l'an dernier, mais une partie l'on été un peu plus tard au titre de 1998. Il faut, en redressant le décalage, indiquer que les chiffres auraient été en réalité de 700 recrutements en 1997, c'est-à -dire cinq fois plus qu'en 1996, et de 1 800 en 1998. Nous serons très certainement au-dessus de 2 000 recrutements en 1999. La comparaison des situation en fin d'exercice fait apparaître, pour cette année, une diminution de près d'un millier du sous-effectif de la défense en fonctionnaires, et cela malgré la création de plus de 1 200 postes, ce qui constitue forcément un défi supplémentaire pour pourvoir les postes au titre de 1998. Cette amélioration est particulièrement sensible pour les armées où le sous-effectif a été ramené de 1 350 fin 1997 à  seulement 250 fin 1998. Des procédures de concours ont encore lieu à  l' heure actuelle.

Ouvriers d'Etat (reconversion)

Concernant les postes d'ouvriers d'Etat, les recrutements, qui avaient été de 129 en 1996, ont été portés à  294 au cours de l'année 1997 et ils ont été de 638 cette année. Je me fixe l'objectif d'un niveau au moins égal pour l'année prochaine. Contrairement à  ce qui s'est écrit parfois, des mouvements importants de mutation de personnels ont eu lieu entre les services excédentaires de la DGA et les armées, ainsi qu'en provenance de GIAT Industries. Ces mouvements visent à  réduire les sureffectifs existants pour les réaffecter vers les établissements, unités ou sites en sous-effectifs. Plus de 1 000 personnes ont ainsi été mutées en 1997, et, d'ores et déjà , 800 l'ont fait au titre de l'année 1998, nous en sommes sûrs.

Bien entendu, la lenteur et l'effort de conciliation entre les intérêts individuels des agents et les besoins des services aboutissent, pendant une période d'adaptation, à  un certain nombre d'emplois non pourvus. Mais qui pourrait comprendre que des établissements industriels de l'Etat, des entreprises publiques ayant du personnel sous statut d'ouvrier de l'Etat, se trouvant en sureffectif, organisent la reconversion de leurs agents aux frais du contribuable, et y engagent des crédits très importants, alors que des postes nouveaux son vacants, sans que l'Etat fasse l'effort d'organiser la transition des uns avec les autres ? Je voudrais à  cet égard observer que la résorption des sureffectifs de la DCN aurait du être menée avec plus de détermination au cours des années précédentes. J'ai vérifié les chiffres : entre 1993 et 1997, le sureffectif de la DCN, qui était de 24 000 postes, n'a été réduit que de 3 000 emplois en quatre ans. Cet effort n'a pas été suffisant. Pourtant, chacun connaît l'importance des problèmes de la DCN. Le gouvernement auquel j'appartiens a accentué cet effort, et il est vrai que le retard accumulé pose des problèmes de réaffectation des personnels civils. Cela prouve qu'il est nécessaire de réaliser un effort constant dans ce domaine.

Je ne peux pas déterminer sur ce chapitre, qui porte sur ce qui est, à  mon avis, l'essentiel, à  savoir la communauté humaine de la défense, sans dire, comme l'ont fait plusieurs orateurs, que je remercie, à  quel point les personnels, militaires et civils, engagés dans cette réforme sont motivés.

Crédits du titre III (gestion)

Pour répondre aux remarques formulées à  propos de la relative tension sur les crédits de fonctionnement, notamment par M. De Villepin, je rappellerai d'abord que la loi de programmation militaire est construite pour ce qui concerne le titre III de cette façon : la professionnalisation induit une augmentation des rémunérations et charges sociales, ce qui comprime d'autant plus le fonctionnement qu'elle entraîne, un appel accru à  la sous-traitance, qui est la démarche de toutes les armées professionnalisées. Une armée professionnalisée n'a pas forcément besoin d'avoir des effectifs de titulaires permanents pour tondre les pelouses des infrastructures militaires !

Les outils de gestion tels que décrets d'avances et les décrets de virements nous permettent en cours d'année de corriger les éventuelles insuffisances en construction. L'ensemble de ces dispositifs nous aura permis en 1998 d'abonder au total les dotations de rémunérations et charges sociales des armées et de la gendarmerie, pour laquelle un effort tout particulier a été accompli, ce qui va dans le sens souhaité par M. Paul Masson, à  hauteur de 4,4 milliards de francs et celles de fonctionnement de 940 millions de francs. Ainsi, je réponds à  la question qui m'a été posée sur les crédits de fonctionnement de la gendarmerie. L'avance est rétablie grâce au collectif budgétaire pour 1998 et l'entrée dans l'exercice 1999 s'en trouvera largement améliorée.

Je souhaiterais apporter deux précisions sur la gestion de 1998. Je rappellerai qu'en raison du fait que le gage des crédit du décret d'avances de cet été, 3,8 milliards de francs, s'est effectué sur les reports de crédits de fin 1997, la perte réelle sur le titre V en 1998 ne porte que sur 3,5 milliards de francs. Ce chiffre est à  comparer aux annulations des exercices antérieurs : 11,9 milliards de francs en 1995, 8,5 milliards de francs en 1996 ; 5 milliards de francs en 1997, malgré les efforts d'ajustements liés à  la construction européenne. Cette année, il n'y a pas eu de régulation budgétaire. En conséquence, les 3,5 milliards de francs annulation n'ont aucune conséquence physique sur le déroulement de l'exercice 1998.

Je veux dire un mot des difficultés d'exécution du budget de 1998 en investissements, qui donnera lieu à  des report de crédits. Il faut y avoir essentiellement le résultat des actions de réduction de coût de la délégation générale pour l'armement, réduction saluée par M. Jean Faure, qui a cité le chiffre de 43 milliards de francs d'économie. Personne ne peut penser, Mesdames, Messieurs les sénateurs, que de tels efforts d'économie peuvent se réaliser sans un travail massif de négociation et de réexamen des contrats, ce qui entraîne, il est vrai, quelques délais supplémentaires dans l'exécution des dépenses. Mais que voulons-nous ? Vous avez voté, pour une large majorité d'entre vous, une loi de programmation militaire dans laquelle était inscrit un objectif de réduction de 30 % du coût des armements. Cet effort est en train d'être accompli. Le gouvernement le fait sien. Il entraîne nécessairement des procédures de marché et des procédures de mise en paiement qui sont beaucoup plus rigoureuses, beaucoup plus vigilantes qu'auparavant. Je souhaite, par ailleurs, poursuivre les réformes de bonne gestion des derniers publics qui sont à  l'oeuvre à  l'heure actuelle au sein du ministère en insistant sur la mise en concurrence, comme le recommandent depuis des années tous les rapports parlementaires. Cela entraîne, c'est vrai, des prolongations de délais. Si quelqu'un veut m'expliquer comment on peut à  la fois rendre l'ensemble des services beaucoup plus vigilants sur la consommation des crédits et les consommer plus vite, je suis, naturellement, intéressé par la recette.

Réserves (dépôt du projet de loi)

La réforme des réserves est un objectif important du gouvernement. Ce dossier, je crois, nous rassemble dans ses objectifs. Il faut apporter aux armées le complément opérationnel et la contribution de citoyens extérieurs à  la défense, mais désireux d'y jouer un rôle de partenaire qui leur est indispensable. Cette réserve sera un facteur efficace de renouvellement du lien entre l'armée et la nation. Monsieur le président de Villepin, un projet de loi vous sera présenté en 1999. Il résulte de discussions approfondies entre le ministère de la défense et ses partenaires civils, publics et privés. Cette nécessité explique le délai de préparation. J'ai mené une concertation méthodique avec les associations de réservistes - tous ceux parmi vous qui sont des partenaires assidus de ces associations le savent - au sein d'un conseil supérieur d'études des réserves qui a été créé à  cet effet. Le projet a fait également l'objet de travaux réguliers de discussions avec les organisations d'employeurs que nous allons conclure dans les jours qui viennent. J'entends, comme je l' avais fait l'année dernière sur le projet de loi du service national, rencontrer les représentants des groupes parlementaires avant même te déposer le projet de loi pour prendre en compte les observations des uns et des autres.

Toutes ces réformes ne peuvent s'accomplir sans un effort important en termes d'accompagnement. J'avais annoncé l'année dernière le redynamisation de la délégation interministérielle aux restructurations de défenses. Un nouveau délégué interministériel, Pierre Pouessel, a été nommé au début de cette année. Il a effectué plus de trente déplacements pour mettre en place les comités de site que j'avais annoncé, associant l'ensemble des partenaires. Tous ceux parmi vous qui ont participé aux travaux de ces comités de site ou qui s'en sont informés savent que du bon travail s'y fait.

M. Branger a fait état de difficultés particulières qui touchent son département. Je crois que c'est par cette procédure qu'elles pourront être traitées, et j'ai déjà  pris de nombreux contacts avec les partenaires locaux. Le nombre de créations d'emplois aidés dans les sites en conversion est passé à  1 400 cette année contre moins de 700 l'année dernière. Par conséquent, les 500 millions de francs de crédits qui ont été mis à  disposition en 1998, et qui atteindront 700 millions de francs en 1999, sont employés efficacement.

GIAT Industries - DCN

S'agissant du groupe GIAT Industries et de la DCN, je veux souligner que les diminutions d'effectifs auxquelles nous sommes obligés de procéder pour rendre ces entreprises efficaces s'effectuent sans aucun licenciement. Vous savez, Mesdames, Messieurs les sénateurs, que la direction du groupe GIAT Industrie, après avoir cédé sa filiale Herstal en début d'année - ce qui lui a permis d'alléger ses charges - a élaboré un plan stratégique que le gouvernement a approuvé. Ce plan a été adopté par le troisième comité central d'entreprise, le 22 octobre dernier, après une négociation sociale réelle. Il est exigeant pour les bassins d'emplois concernés, c'est vrai, mais il comporte des réorganisation industrielles fortes. En effet, l'absence de réorganisation obérait la capacité du groupe GIAT Industries à  nouer des stratégies d'alliance avec nos partenaires, alors que la qualité technique du groupe a déjà  permis des négociations avec d'autres professionnels de l'armement terrestre. Je rappelle que l'objectif d'éviter tout licenciement sera scrupuleusement atteint.

Quant à  la DCN, à  propos de laquelle de Madame Heinis a bien voulu rappeler un ensemble de données donc elle reconnaît le caractère partiellement contradictoire, le gouvernement, sur la base des propositions de la direction, travaille sur un projet de plan d'entreprise qui sera conclu dans les tout prochains mois. Il mettra fin, là  aussi, à  une absence de décision qui n'a que trop duré, donnant une vision d'ensemble de l'avenir aux différents acteurs. L'intention du gouvernement n'est pas de changer le statut de la DCN ni celui des personnels ; j'observe d'ailleurs qu'aucun des partenaires proches du dossier ne le demande. Ce statut comporte en effet des capacités d'adaptation qui doivent être utilisées pleinement pour faire évoluer la DCN et la mettre en situation d'affronter la concurrence en nouant des partenariats stratégiques. Seule une véritable compétitivité permettant à  la DCN de faire la course aux contrats à  l'exportation et de poursuivre la diversification rendra possible le maintien d'un outil industriel d'une capacité supérieure aux stricts besoins de la marine.

Redéploiement des effectifs de la police et de la gendarmerie nationale

En ce qui concerne enfin le redéploiement des effectifs de la police et de la gendarmerie, je voudrais dire que je souscris, sinon peut-être à  certaines critiques, du moins aux deux conclusions principales présentées tout à  l'heure par M. Masson dans son rapport, que j'ai trouvé extrêmement positif de par son approche d'une démarche de modernisation qui a un peu tardé. Par conséquent, je retiens le souhait exprimé par M. De Villepin d'organiser un débat public sur ce thème devant la Haute Assemblée en début d'année prochaine.

Mesdames, Messieurs les sénateurs, la France a aujourd'hui la chance de vivre en paix et nos concitoyens sont principalement préoccupés par les problèmes d'emploi et de violences urbaines. Pourtant, il était de notre devoir de rénover en profondeur l'outil de défense de la France et de l'adapter aux exigences des temps futurs dont personne ne sait s'ils seront aussi calmes que nous le souhaitons. La politique de défense est élaborée dans de bonnes conditions, en relation permanente avec l'ensemble des autorités, le chef de l'Etat et le Parlement. Elle s'inscrit dans la longue durée et la cohérence. Le débat qui nous a réuni était d'un débat pluraliste. Il a naturellement donné lieu à  des critiques souvent constructives, quelquefois un peu surprenantes, en tout cas en décalage par rapport à  l'annonce de votes positifs.

La réforme des armées dont presque tous ici vous avez reconnu les grandes lignes comme valables répond à  des intérêts profonds et durables du pays. Elle est menée dans l'ordre et dans la méthode avec une coopération scrupuleuse des autorités compétentes, en suivant les principes annoncés par Monsieur le Président de la République, chef des armées. Comme lui, je crois qu'il faut insister sur les choses qui avancent et sur les étapes franchies positivement. Vous allez être nombreux à  le montrer par le vote que vous allez émettre. Je remercie l'ensemble des sénateurs, sur toutes les travées, qui vont voter ce projet en donnant un élan supplémentaire à  la réforme de nos armées. Je les remercierai encore plus d'employer leur crédit et leur influence morale pour, certes, rappeler ce qui pourrait aller mieux, mais pour faire aussi partager à  nos concitoyens, au-delà  de nos divergences politiques du moment, le soutien a un effort de défense qui constitue le socle de notre présence et de notre influence dans le monde.