Interview de M. François Léotard, président de l'UDF, dans "L'Esprit d'équipe" de mai 1996, sur son action depuis son élection à la tête de l'UDF et notamment la réforme des statuts et de l'organisation de l'UDF, et sa stratégie politique pour les élections législatives de 1998.

Prononcé le 1er mai 1996

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Média : L'Esprit d'équipe

Texte intégral

L'Esprit d'équipe : Vous êtes président de l'UDF, qu'avez-vous fait depuis deux mois ?

François Léotard : Je me suis employé à respecter avec le plus extrême scrupule l'ensemble des engagements qui avaient été pris pendant la campagne pour l'élection du président de l'UDF. Durant ces semaines de campagne, une espérance s'est levée. J'en suis comptable et j'ai donc le devoir de ne pas la décevoir. Aussi, avec François Bayrou et les membres du bureau exécutif, nous nous sommes mis au travail.

L'Esprit d'équipe : De quelle façon ?

François Léotard : L'UDF est un territoire à multiples entrées. Il y a l'entrée parlementaire, militante, internationale, sociale, gouvernementale. Toutes ces portes étaient à rouvrir en même temps. Dans l'esprit de la campagne. Il fallait commencer par confier de nouvelles responsabilités. Voilà pourquoi, j'ai souhaité que chaque président de composante devienne vice-président de l'UDF et j'ai tenu à ce que Pierre-André Wiltzer soit notre porte-parole. J'ai aussi demandé à Claude Goasguen d'être secrétaire général et à José Rossi d'être à ses côtés. Il nous fallait un nouveau siège et renouveler l'équipe administrative qui y travaillerait. C'est fait. J'ai aussi, et tout de suite, voulu renouer les relations avec les groupes parlementaires, celui de l'Assemblée et ceux du Sénat, car il y a là une des forces primordiales de l'UDF. Enfin, il y avait à conduire, très rapidement, la réforme des statuts, puisque je souhaite les faire approuver au bureau politique du 22 mai, avant que les conseillers nationaux ne se prononcent le 22 juin.

L'Esprit d'équipe : Est-ce que les nouveaux statuts déterminent la nature des liens qui régissent les composantes ? En d'autres termes, l'UDF est-elle une fédération ou une confédération et va-t-on, ainsi que le mot a été prononcé parfois, vers la fusion ?

François Léotard : Sur ce dernier mot, je vous répondrai que je ne l'emploie pas. Je l'emploierai s'il doit venir des militants. La fusion ne peut être qu'une aspiration de la base, pas une décision imposée du sommet. Si une telle demande apparaissait, je ne m'y opposerai pas mais, pour l'heure, je préfère parler d'« unité ». Pour une raison très simple : je n'ai pas reçu mandat de détruire nos richesses potentielles, au nombre desquelles figurent notre diversité et notre pluralisme. Aucune grande formation démocratique française n'est homogène. Il serait illusoire d'imaginer que l'UDF puisse jamais tenir dans un moule unique sous la contrainte, et, s'il devait en aller ainsi, ce serait un appauvrissement.

L'Esprit d'équipe : Comment vous partagez-vous les rôles avec François Bayrou ?

François Léotard : Il est président délégué et comme je n'ai pas une conception césarienne de mon rôle, nous avons largement de quoi nous répartir les tâches. Nos fonctions respectives traduisent la volonté d'union qui est celle de nos deux formations depuis la campagne. Cet esprit d'équipe doit s'étendre à l'ensemble du bureau politiqua et je souhaite que, face aux enjeux considérables qui sont les nôtres, nous puissions assumer le mandat d'union qui nous a été confié.

L'Esprit d'équipe : Pour combien de temps êtes-vous président de l'UDF, deux ans ou trois ans ?

François Léotard : Les conseillers nationaux trancheront le 22 juin, lors du conseil national consacré à la réforme de nos statuts.

L'Esprit d'équipe : Existe-t-il des minoritaires à l'UDF ?

François Léotard : En fait, ce n'est pas le bon mot. Deux familles, les Radicaux et le PPDF, ont fait un choix différent de celui de la majorité durant la campagne. Sitôt passé le vote, j'ai souhaité que leurs responsables soient associés à l'action commune. Et puis il y a la situation personnelle d'Alain Madelin. J'ai pour lui de l'estime et de la considération. Je lui ai proposé d'être vice-président de l'UDF. À l'heure où nous parlons, il n'a pas accepté cette fonction.

L'Esprit d'équipe : Et les autres personnalités de l'UDF ?

François Léotard : Il n'y a aucune difficulté. Des personnalités comme Simone Veil ou Raymond Barre apportent depuis longtemps le bénéfice de leur expérience à l'UDF. L'attitude pleine de sagesse de René Monory s'est révélée indispensable lors de notre dernier conseil national. Je le consulte souvent. Je verrai le président Giscard d'Estaing à la fin du mois. Je voudrais aussi citer Pierre Méhaignerie, à qui j'ai demandé de travailler autour de notre projet, Jean-François Poncet pour la dimension européenne de l'UDF. Jean-Claude Gaudin pour les élections, André Santini pour les fédérations.

L'Esprit d'équipe : Vous avez évoqué le projet de l'UDF. En connaît-on déjà les contours ?

François Léotard : Le travail sera engagé avant la fin de l'année et sera axé autour des questions sociales. L'UDF est née de la rencontre de plusieurs familles de pensée. C'est notre avantage et notre difficulté. Le projet doit refléter une pensée commune, née de la diversité. Il devra aussi tenir compte des travaux conduits au Parlement par nos élus.

L'Esprit d'équipe : Pensez-vous que le président de l'UDF doive être ministre ?

François Léotard : Il n'y a aucune incompatibilité statutaire mais, en l'occurrence, la question ne se pose pas. J'ai sollicité un mandat. Il m'a été accordé. J'entends l'exercer pleinement. Jusqu'aux élections législatives de 1998, je n'envisage pas de changement, à moins d'un événement très grave pesant sur la majorité.

L'Esprit d'équipe : Quelles sont vos relations avec le RPR ?

François Léotard : Je crois à la cogestion de la majorité. Nous partageons les difficultés, nous sommes loyaux au moment des votes, donc nous devons partager les responsabilités et surtout les projets.

L'Esprit d'équipe : Nul n'ignore, et le sondage que nous publions l'atteste, que l'élection législative de 1998 sera un moment très difficile pour la majorité. Comment peut-elle gagner ?

François Léotard : D'abord, il faut affirmer clairement qu'elle a cette volonté. Surtout si l'UDF, qui est une force qui monte, qui s'élargit, a confiance en elle. Je souhaite que nous nous présentions devant les électeurs avec un véritable contrat de législature pour la période 1998-2003. Ce qui entraînera l'adhésion de notre électorat ? L'union de la majorité. Nous devons susciter partout des associations, des colloques, des rencontres qui attestent de cette réalité. J'irai soutenir tous les parlementaires et je veillerai à ce que l'UDF mette à leur disposition tous les moyens qui pourront leur faciliter la tâche.