Interview de M. Pierre-André Périssol, ministre du logement, dans "Le Figaro" du 16 juillet 1996, sur la réforme de l'attribution de logements HLM, l'éventualité de prochaines réquisitions et le succès du FN aux élections des représentants de locataires HLM.

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Le Figaro : Comment comptez-vous réhabiliter la réputation du système parisien des HLM alors qu’une partie de l’opinion s’interroge sur les deux non-lieux intervenus dans l’« affaire » Tiberi ?

Pierre-André Périssol : Ce débat est d’abord politicien. Les socialistes tentent de faire oublier leurs propres errements en créant une agitation autour de cette affaire. Ce qui me préoccupe, c’est la crise de confiance entre l’opinion et les HLM, qui touche d’ailleurs des villes et des départements de toutes colorations politiques. Il est de ma responsabilité de rétablir cette confiance, en réformant les procédures d’attribution de logements. Je poursuis trois objectifs traiter les demandeurs de logement comme des concitoyens, instaurer la transparence et l’information, enfin assurer l’égalité des chances dans l’accès au logement social. Les Français comprennent qu’on ne peut pas loger tout le monde, tout de suite, en HLM, mais ce délai leur paraîtra acceptable à la seule condition qu’ils n’aient pas l’impression que certains attendent plus que d’autres sans savoir pourquoi. Les procédures sont vieilles de douze ans et ont été élaborées pour loger les salariés de la croissance. Elles n’ont pas évolué alors que notre société s’est précarisée et complexifiée.

Le Figaro : Les pouvoirs d’attribution vont-ils changer de mains ?

Pierre-André Périssol : Non.

Le Figaro : Quand on accède à un HLM, c’est pour la vie. Ce système, même réformé, est-il apte à répondre aux besoins de la nouvelle catégorie de demandeurs apparue ces dernières années, aux revenus précaires, sinon inexistants ?

Pierre-André Périssol : La question soulève plusieurs problèmes. Pour raccourcir les files d’attente de demandeurs solvables. Il me paraît effectivement indispensable de rendre plus mobile la population logée en HLM. Et le moyen le plus efficace d’y parvenir, c’est de relancer l’accession à la propriété sociale, comme nous le faisons avec le prêt à taux zéro, qui est une véritable réussite. Dix mille prêts de ce type sont contractés chaque mois, principalement par des ménages jeunes – deux sur trois ont moins de trente-cinq ans –, et dont 80 % ont des revenus inférieurs à 15 000 francs par mois. Pour ceux qui sont en situation de précarité, pour les SDF, nous avons créé vingt mille logements d’urgence et d’insertion, qui constituent le chaînon manquant entre l’hébergement d’urgence et le HLM. Quelques mille ceux cents communes ont répondu à notre appel. Afin d’éviter les ghettos, nous avons construit de petites unités, bien réparties dans le tissu urbain et dont les locataires bénéficient d’une accompagnement social grâce à l’implication d’association caritatives.

Le Figaro :  Allez-vous poursuivre les réquisitions ?

Pierre-André Périssol : Les deux plan lancés continuent de porter leurs fruits : outre les immeubles immédiatement libérés, nous voyons des appartements vices remis sur le marché. Les détenteurs de patrimoine « stérile » ont reçu le message. Je n’exclus pour l’instant aucune hypothèse.

Éviter la confusion

Le Figaro :  Quelle leçon tirez-vous du succès relatif du Front national aux élections des représentants de locataires de HLM

Pierre-André Périssol : Au-delà des chiffres, qui relativisent en effet ce que le FN considère comme un succès – Il n’a conquis que dix-sept sièges sur les mille cinq cents en jeu –, c’est la violence ces propos qui m’inquiète. Le FN « locataires » annonce son intention de faire la chasse aux familles insolvables, autrement dit la chasse aux pauvres ! Il veut instaurer la préférence nationale pour épurer le logement social. Moi, je lui oppose la préférence sociale pour construire le droit au logement dans notre pays.

Le Figaro : Allez-vous réformer ce système de représentation, dont l’obsolescence est apparue à l’occasion de ce scrutin ?

Pierre-André Périssol : Je ne vais pas changer un dispositif parce que le FN y point son nez ! Ce sont les besoins de la société qui déterminent le fonctionnement des organismes HLM, et il ne me semble pas nécessiter aujourd’hui une réforme.

Le Figaro :  Adhérez-vous à l’idée de former un « front républicain » contre le Front national dans les circonscriptions où les législatives provoqueront des triangulaires ?

Pierre-André Périssol : Tout ce qui contribue à créer la confusion entre la gauche et la droite est un atout pour Jean-Marie Le Pen. Il apparaît alors comme la seule solution. Il faut lutter contre le FN par des actes, en le privant de l’oxygène que lui apporte la désespérance d’une partie de la population, et pas seulement par des mots ou des tactiques électoralistes. En construisant le droit au logement dans ce pays en redonnant aux familles modestes la possibilité d’acheter un logement, en montrant la détermination du gouvernement à lutter contre l’exclusion par le logement avec les réquisitions, on est plus efficace dans le combat contre le FN qu’en faisant de grandes déclarations d’indignation.