Texte intégral
Sud-Ouest : Vous semblez avoir écrit ce livre parce que vous aviez envie, à l’inverse des dirigeants politiques, de dire la vérité aux Français. Pourquoi ?
Nicole Notat : Dire la vérité, cela revient simplement à prendre les citoyens pour des adultes et à comprendre les choses telles qu’elles sont. C’est ne pas craindre la réaction des gens lorsqu’on décrit la réalité. Il s’agit, je crois, de la seule manière de redonner du crédit à la vie politique dont l’une des perversions s, en France, est de maintenir une trop grande distance entre ce que vivent les gens et le discours qu’on leur tient.
Sud-Ouest : Quel est aujourd’hui le rôle du syndicaliste ?
Nicole Notat : Il est d’être vraiment enraciné dans les réalités de la société, professionnelles et sociales. Et, cela dans toute leur diversité, leur éclatement, leur segmentation. Notre première fonction est de représenter ces réalités, ainsi que la manière dont les gens vivent. Notre volonté est ensuite de faire aboutir des revendications, d’entraîner les forces sociales dans un sens fédérateur de solidarités. Plus que n’importe qui, le syndicaliste doit être représentatif.
La CFDT tient beaucoup à demeurer hétérogène, à ne pas représenter seulement une frange du salariat, à s’ouvrir aux nouveaux secteurs tels que les services qui comptent aujourd’hui 5 millions de salariés. Lorsque les gens appartiennent à des secteurs d’activité différents, ils n’ont pas une vision unifiante spontanée de l’avenir. Un syndicalisme confédéré a, par conséquent, un rôle particulier à jouer.
Dans une société comme la nôtre, si on laisse se développer des représentations verticales, catégorielles, la dérive vers le corporatisme est rapide. Notre fonction est de favorise la confrontation entre les différentes aspirations, afin de construire entre elles des passerelles et d’entraîner le maximum de monde dans un même mouvement.
Sud-Ouest : Jusqu’à faire accepter le changement ?
Nicole Notat : Le syndicalisme a aussi comme fonction essentielle de critiquer l’intolérable. Le statu quo est, par nature, son ennemi. Il serait donc paradoxal que le changement en soi, même s’il est toujours un peu angoissant, soit combattu. Ce qui compte, c’est le sens du changement, pas son principe. Sinon nous en serions encore à Germinal.
Sud-Ouest : Qu’avez-vous retenu ou gardé de votre métier d’institutrice ?
Nicole Notat : J’ai gardé ce qui a fait que j’ai été attirée par ce métier, c’est-à-dire une grande sensibilité à ce qui ne marche pas bien. Je m’étais spécialisée dans l’enfance inadaptée, parce que je voulais comprendre pourquoi des enfants ne parvenaient pas à « s’intégrer normalement ». J’ai vite perçu que les gens étaient en fait le reflet d’une situation sociale, d’un environnement familial. Ce qui me passionne encore aujourd’hui c’est de comprendre les gens, les situations, les raisons pour lesquelles les choses ne vont pas bien. Et, à partir de là, de proposer des solutions plus réfléchies que « plaquées ».
(1) Nicole Notat signera son livre à partir de 18 heures, à la librairie bordelaise la Machine à lire. Il est publié par Seuil/Calmann-Lévy.