Article de M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale de l'enseignement supérieur et de la recherche, et président de Force démocrate, dans "Démocratie moderne" les 1er et 15 mars 1996, sur l'évolution du journal "Démocratie moderne" et sur l'élection de François Léotard à la présidence de l'UDF.

Prononcé le 1er mars 1996

Intervenant(s) : 
  • François Bayrou - ministre de l'éducation nationale de l'enseignement supérieur et de la recherche, et président de Force démocrate

Média : DEMOCRATIE MODERNE

Texte intégral

Date : 1er mars 1996
Source : Démocratie Moderne

Un nouveau chapitre

Notre journal, Démocratie moderne, ouvre aujourd'hui un chapitre nouveau de son histoire. C'est un moment émouvant pour tous ceux qui partagent l'aventure de cet organe de presse pas comme les autres, qu'ils soient responsables de sa rédaction, de sa fabrication, ou lecteurs. Que l’on me permette de dire que c'est une étape émouvante aussi pour le signataire de ces lignes. La formule précédente, malgré quelques changements de forme, datait du 24 janvier 1980. C'était le premier numéro d'une nouvelle équipe, sous la direction d'un nouveau rédacteur en chef, tout nouveau, très jeune, – trop jeune, disait-on –. Je me souviens bien de cette équipe : j'étais le rédacteur en chef. Jean Lecanuet m'avait proposé d'assumer cette responsabilité à la suite d'Annie Lombard qui partait vers le Parlement européen. C'était le temps des partis pauvres où les militants étaient omniprésents, et nous en étions très fiers, associés à la décision, en charge de l'exécution, jonglant entre leur famille, leur vie professionnelle, l'engagement militant et de grands éclats de rire.

Les années ont passé. La chance a voulu que nous puissions ensemble refonder notre mouvement, rassembler en Force démocrate l'ancien CDS, l'ancien PSD., d'autres bientôt, décidés à construire le grand centre qui manque à la France. À ce mouvement nouveau, il fallait un journal nouveau, capable de traduire sa pensée, formuler ses positions, créer le débat, entretenir l'identité. Bien entendu, la forme de la fin des années 90 n'est plus celle des années 70. Ce journal sera tout en couleurs, aussi dynamique et vivant dans sa maquette que nous voulons notre mouvement dynamique et vivant sur le terrain. Il sera à la fois un lien, un visage, une expression. Il ne vivra pas sans ses lecteurs. Réagissez à nos choix, dîtes-nous vos émotions et vos convictions. Vous le verrez, numéro après numéro dans les pages de Démocratie moderne : nous avons décidé de faire revivre la vocation de courant de pensée qui est historiquement la nôtre et que le vent de l'histoire nous avait fait négliger au temps de la démocratie médiatique. Pour nous, le temps du sens est revenu et ce journal, tout imparfait et modeste qu'il demeure, veut être partie prenante de ces temps nouveaux.

C'est d'autant plus vrai que le XXIe siècle cherche son chemin. On voit bien ce qu'il ne sera plus : le temps des simplismes où chacun avait soin camp et son confort intellectuel. Mais le drame israélien montre une fois de plus que rien n’est joué pour la paix du monde et les hommes de bonne volonté. Les forces de la haine n’ont pas perdu leur guerre brûlante. C'est pourquoi le rêve des constructeurs de l'Europe ne vaut pas seulement pour notre continent : il vaut pour la planète. L’idéal de communauté qui permet d'unir des histoires différentes, de cicatriser les plaies, de concilier les destins séparés, affrontés, pour les faire prospérer ensemble est un projet pour nos nations et un horizon pour l'humanité.

 

Date : 15 mars 1996
Source : Démocratie moderne

Responsabilité

C’était un pari, un pari sur la cohésion et un pari sur la confiance. L'élection de François Léotard à la présidence de l’UDF, au premier tour, avec une majorité indiscutable de plus de 57 % des suffrages des délégués nous a permis de gagner ce pari et d’ouvrir, pour l'UDF, un chapitre prometteur. Le pari était difficile à gagner. La plupart des formations politiques françaises sont divisées en courants, affichés ou souterrains. Faire la démonstration, au scrutin secret, que Force démocrate, tous ses leaders et tous ses délégués étaient capables d'un choix unanime, relevait sans doute de la gageure. Nous étions pourtant certains que l'enthousiasme et l’amitié qui nous lient nous permettaient de l'envisager. Le résultat est là : aucun des nôtres ne nous a manqué. Disons-le simplement : c'est une réussite humaine et c'est une réussite politique. Notre première force désormais, ce sera la démonstration de cette capacité à faire mouvement ensemble.

C’était ensuite un pari sur la confiance. Nous pensions depuis longtemps que la cause des faiblesses de l'UDF était clans la méfiance chronique qui régnait entre ses composantes. Or si les démocrates et les républicains n'étaient pas capables de se rejoindre, de choisir le « tous pour un », s'ils continuaient à jouer, comme depuis des décennies, le « chacun pour soi », nous étions condamnés au second rôle dans le champ politique français. Pour cela, bien entendu, il fallait une entente durable, un accord réciproque. Il fallait surtout que l'une des familles accepte un jour de soutenir l’autre. Il fallait commencer par un geste de confiance désintéressé. Cela ne s'est pas fait souvent dans notre histoire politique. Nous l'avons décidé et le climat en a été, d'un seul coup, changé. Bien entendu, tout est à construire. Il va falloir faire vivre cette confiance et la rendre communicative, l'étendre à tous ceux qui ont fait, ou proposé, un autre choix. Mais, désormais, tous les éléments du succès sont entre les mains de la nouvelle équipe. Rien n'est plus vivifiant, exaltant et entraînant que la responsabilité.