Texte intégral
Le Figaro. Que pensez-vous des bombardements de la Serbie par les forces de l'OTAN ?
L'initiative de l'OTAN, prise avec l'accord des 15 chefs d'Etat européens, est très grave, et lourde de conséquence pour l'avenir. C'est la première fois depuis la dernière guerre mondiale qu'un pays indépendant est soumis à une action militaire à propos d'un conflit qui se déroule sur son propre territoire. C'est une ingérence que rien ne justifie en droit international. Il s'agit d'un précédent extrêmement préoccupant. Cette action de l'OTAN, engagée sous la pression des Etats-Unis, en dehors de toute décision de l'ONU, révèle crûment la soumission des pays européens devant les Américains. Le plus triste dans cette affaire, c'est l'effacement de la France et son alignement.
Le Figaro. L'Europe de l'avenir, que préparent la construction européenne comme la guerre de l'OTAN faite à la Serbie condamne-t-elle les Etats-nations au profit d'entités ethnico-régionales ?
Je ne crois pas que l'on puisse aller jusque-là, mais le risque est réel. En vérité, toute dérive vers une Europe fédérale porte en germe l'éclatement des nations et des Etats. Ce qui vient de se passer, à Bruxelles, du côté de la Commission, et du côté du Kosovo, fera comprendre aux Français, j'en suis sûr, que si la construction européenne reste indispensable, rien ne pourra remplacer la volonté propre de notre pays. Ce que les Français ne feront pas pour la France, personne ne le fera.
Le Figaro. La nomination de Romano Prodi par le Conseil européen à la tête de la Commission est-elle un succès pour l'Europe ?
La démission de la Commission Santer avait été un coup très dur pour les européistes. Contrairement à ce qui a été dit, la Commission n'a pas été victime de dysfonctionnement, mais plutôt de son incapacité à fonctionner. Elle a été victime de sa boulimie interventionniste et de son inaptitude à gérer les affaires dont elle s'occupe. La rapidité de la désignation du successeur du président Santer traduit seulement l'embarras des gouvernements et leur volonté médiatique de montrer leur capacité à régler le problème. En réalité, cela ne règle rien. Pourtant, l'occasion devrait être saisie pour remettre d'aplomb les structures de l'Union.
Le Figaro. Certains préconisent de doter la Commission des moyens, en particulier administratifs, qui lui permettraient de remplir toutes ses missions.
La Commission de Bruxelles devrait plutôt s'appliquer à elle-même le principe de subsidiarité et laisser les Etats faire ce qu'ils font beaucoup mieux qu'elle. Mais ceci irait à l'encontre de son appétit de pouvoir.
Le Figaro. La démission de la Commission sous la pression du Parlement européen de Strasbourg annonce-t-elle l'émergence d'un pouvoir fédéral européen organisé autour de ces deux pôles ?
L'évolution la plus probable du système ressemblera beaucoup à notre IVe République, qui verra se conjuguer la confusion des pouvoirs, le règne des partis à l'échelle européenne et l'instabilité de l'exécutif.
Le Figaro. Votre stratégie de rassemblement des Français, de droite comme de gauche, n'a pas, semble-t-il, rencontré tout le succès escompté. La maintiendrez-vous ?
J'ai décidé d'entrer dans la compétition européenne pour que la parole soit rendue au peuple français alors qu'on la lui avait confisquée. J'ai appelé tous ceux qui sont attachés à la souveraineté nationale et populaire à se rassembler. Cette stratégie gaullienne du rassemblement est la bonne, elle sera maintenue, et je suis convaincu qu'elle portera ses fruits.
Le Figaro. Pourtant, dans les sondages, votre liste ne décolle pas.
Ca commence à bouger. Mais pour l'instant, aucune liste ne décolle vraiment. Les élections précédentes nous ont appris qu'à trois mois d'une échéance, les chiffres des sondages étaient très éloignés des résultats finaux dans les urnes.
Le Figaro. Mais aucune personnalité de gauche pressentie par vous n'a accepté de figurer sur votre liste et Philippe de Villiers est tenté de faire cavalier seul.
Ma démarche ne s'adresse ni aux personnalités ni aux partis, mais aux Français. Je suis pourtant convaincu que de nombreuses personnalités de gauche comme de droite me rejoindront. Quant à Philippe de Villiers, il en est pour lui comme pour les autres. Nous partageons un certain nombre d'analyses. Nous verrons bien le moment venu si elles peuvent se rejoindre. Désolé, mais vous devrez encore patienter jusqu'à la fin du mois d'avril pour connaître la composition de notre liste.