Texte intégral
Le Figaro : Le déclin du PCF est-il enrayé ?
Pierre Zarka : Oui, je le pense. Il y a une convergence nouvelle ente une part de l’opinion publique, les besoins de la société et l’opinion des communistes. Des hommes et des femmes ont conscience de se heurter à la domination des marchés financiers et aspirent à une société dont la finalité soit l’homme. Il y a convergence entre cela et ce que le PCF impulse : que les citoyens construisent leur projet transformateur et se donnent les moyens politiques de sa réalisation. Et des citoyens commencent à percevoir cette convergence.
Le Figaro : Comment allez-vous redevenir un grand parti ?
Pierre Zarka : En étant utiles pour les gens. Nous ne leur disons pas : « Débrouillez-vous tous seuls. » Nous venons avec des idées, des initiatives politiques, des élus, une presse. Si nous les aidons à obtenir de l’ensemble des partis de gauche ce qu’ils exigent, ils percevront notre efficacité.
Le Figaro : L’objectif du rassemblement de la gauche non socialiste, dont le PCF est le pivot, n’est-il pas le rassemblement du pauvre ?
Pierre Zarka : Non. Il ne s’agit pas, pour nous, de rassembler la gauche non socialiste mai l’ensemble des Français qui souhaitent le changement avec toutes les forces qui se réclament de ce changement. On ne fera pas l’impasse sur le PS. La gauche est pluraliste. Elle est représentative quand elle respecte ce pluralisme et sa diversité.
Le Figaro : Que signifie aujourd’hui être communiste ?
Pierre Zarka : C’est vouloir faire de l’homme la finalité de la société. C’est un idéal humaniste qui n’a jamais été autant actuel quand on mesure combien les marchés financiers nient la place de l’homme sans la société.
Le Figaro : Vous voulez faire la révolution ?
Pierre Zarka : Comprenons-nous sur le mot. Pas de changement violent ou imposé. Mais, si vous voulez parler d’un changement radical de la conception de la société, qui consiste à concevoir l’homme, son travail, sa formation, sa consommation comme le moteur de la société, à mettre l’argent au service d’un tel développement, alors oui, on peut parler de conception révolutionnaire.
Le Figaro : Le PCF est-il complètement déstalinisé ?
Pierre Zarka : Oui. En 1978, nous a avons enclenché un processus, poursuivi à la fin des années 80. Avec le dernier congrès (en 1994), nous avons franchi une étape, et le mouvement s’approfondit. On ne peut plus et on ne veut plus fonctionner à l’ancienne : la place de l’individu, de ses capacités d’initiative est profondément revalorisée. En même temps, dire que ce mouvement doit s’arrêter serait risquer la sclérose.
Le Figaro : Quel est le vrai débat stratégique au sein du PCF ? Comment expliquez-vous l’appel de cadres et d’élus communistes critiquant le réformisme de Robert Hue ?
Pierre Zarka : Il nous faut trouver des voies nouvelles après un double échec : celui du modèle soviétique (dont nous sommes dégagés depuis plusieurs années) et l’échec consécutif à 1981. Et, quand on innove, il est inévitable que cela entraîne questions et confrontations d’idées.
Nous avons choisi une conception de la société et de la politique démocratique. Les citoyens ne sont pas faits pour être à la remorque des partis, mais, en tout cas, le nôtre est fait pour les aider à maîtriser leur sort. La majorité des communistes pensent que notre identité est porteuse du rôle que les citoyens doivent jouer dans la maîtrise de la transformation de la société et de l’ouverture que cela implique.
Le Figaro : Comment la mutation du PCF peut-elle s’opérer sans suivre l’exemple italien ou tomber dans le modèle espagnol ?
Pierre Zarka : Il y a en France un espace pour un PC de type nouveau débarrassé de tout dogmatisme qui mette l’individu (pas les masses, comme on disait autrefois) au cœur de la politique avec ce que cela implique de doutes, de contradictions de potentialités. Il y a besoin d’une force politique pour aider les citoyens à construire une grille de lecture des problèmes de la société, à forger des solutions. Le PCF a derrière lui des défauts qu’il affronte et corrige, mais aussi un héritage qu’il serait dramatique de brader.
Le Figaro : Pourquoi dites-vous que le PS a bougé ?
Pierre Zarka : Il montre qu’il est sensible à ce qui bouge dans l’opinion. Il maintient son cap en ne touchant pas à la domination des marchés financiers. De cela découle son attachement à la monnaie unique et au traité de Maastricht. Ce sont là des divergences fondamentales. En même temps, il est traversé par les débats qui animent la société. Exemples : le score remporté par la motion mettant en cause Maastricht ou encore la déclaration de Lionel Jospin sur l’Europe dont il ne lie plus indissociablement le devenir à la monnaie unique. Il semble un peu plus attentif aux questions sociales. Mais les mots ne suffisent pas…
Le Figaro : Vous ne parlez plus de nationalisations mais de taxations des produits financiers. En quoi votre analyse de l’économie de marché a-t-elle changé ?
Pierre Zarka : Je continue de penser qu’il faudra des nationalisations : tout dans la vie ne peut pas se mesurer qu’en termes d’argent. Mais dans le cadre d’une réelle société d’économie mixte où le secteur public côtoie et coopère avec un secteur privé. Par ailleurs, il s’agit de mettre l’argent qui part en spéculation du travail et au service du développement de la société, que les revenus financiers paient un peu à la place des revenus du travail.
Le Figaro : À quelles conditions le PCF participerait-il à un gouvernement de gauche ?
Pierre Zarka : Notre participation n’est pas codifiée. Il faudrait qu’elle débouche sur un réel progrès, c’est à cela que nous servons ; sans altérer notre indépendance, afin d’intervenir en direction des citoyens et du gouvernement.
Le Figaro : La « discipline républicaine » suffirait-elle à faire gagner les élections en 1998 sans un accord préalable avec le PB ?
Pierre Zarka : Cela ne se pose pas en termes de discipline mais, pour les partis de gauche, en termes d’écoute des aspirations de la société et de qualité des réponses apportées. Si les gens perçoivent cette écoute et ces réponses. Ils voudront faire gagner la gauche.
Le Figaro : Jacques Chirac s’est fait élire sur le volontarisme politique. Que peut-il changer vraiment aujourd’hui ?
Pierre Zarka : Le veut-il ? J’entends ses mots : « fracture sociale, troisième voie, Europe sociale », et je ne vois que des actes qui contredisent ce discours et qui relèvent du pur jus du libéralisme et des conséquences qui engendrent la récession.
Le Figaro : Quels signes de changement voyez-vous dans la politique extérieure de Jacques Chirac ?
Pierre Zarka : D’un côté, il tient sur le Proche-Orient un langage qui se démarque des États-Unis. De l’autre, il plaide pour une défense européenne intégrés sous domination allemande, pour la réintégration de la France dans l’Otan ou pour la France, notamment en matière de monnaie.