Manifeste pour l'emploi de la CFE CGC, accompagné d'une déclaration de M. Marc Vilbenoît, président de la CFE CGC, et d'un catalogue de propositions en 23 points, Poitiers le 20 mai 1996.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Comité exécutif et présentation du "Manifeste pour l'emploi" de la CFE CGC à Poitiers le 20 mai 1996

Texte intégral

Déclaration de Marc Vilbenoit, président

L'emploi, c'est possible !

C'est notre conviction. 
C'est notre certitude.

Au–delà des atermoiements et des lamentations, il reste que la France est aujourd'hui, en 1996 :

– la 4e puissance économique du monde ;
– le 2e exportateur mondial de services ;
– le 4e exportateur mondial de biens ;
– le 3e investisseur international.

Une France qui serait incapable de relever les défis de l'ouverture des frontières, de la mondialisation de l'économie, du libre échangisme triomphant est une image totalement fausse, véhiculée par des défaitistes plus soucieux de faire pleurer dans les chaumières, que de mobiliser les esprits !

Oui, la France est forte, dans un monde globalement faible ; riche dans un monde largement pauvre et parfois exsangue ; libre et démocratique dans un monde violent, déchiré et souvent totalitaire.

Oui, notre pays s'impose parmi les tous premiers sur la scène économique mondiale.

Et c'est à l'Encadrement de France, qui a pris plus que sa part dans ces combats gagnés, qu'il revient de rappeler ces évidences et de redonner courage et fierté au monde du travail.

Et c'est l'organisation syndicale de l'Encadrement qui entend rompre le désarroi ambiant, la grisaille lénifiante de la pensée dominante et qui affirme aujourd'hui :

L'emploi, c'est possible !

L'emploi, c'est possible parce que nous pouvons nous appuyer sur une économie forte et sur une France compétitive.

Il faut maintenant que le social rattrape l'économique et que les talents, compétences et moyens que tous ensemble nous savons mobiliser pour l'économie, le soient pour le travail :

L'emploi, c'est possible

Nous en avons les moyens !

Et nous avons les idées, les pistes, les solutions... car, à l'évidence, il n'existe pas LA solution...

Nous ne sommes pas de ceux pour qui la mode du moment vaut tous les emportements et qui, tous les matins, redécouvrent, en matière d'emploi, l'œuf de Christophe Colomb ou la pierre philosophale !

Non, l'aménagement et la réduction du temps de travail ne sont pas LA réponse aux 3 027 400 demandeurs d'emploi.

Oui, l'aménagement et la réduction du temps de travail n'ont affecté jusqu'à présent que très marginalement l'encadrement, dont le temps de travail a, la plupart du temps, augmenté, alors que se réduisait celui des autres salariés.

OUI, l'aménagement et la réduction du temps de travail peuvent constituer une réponse possible, avec d'autres, bien d'autres, au problème de l'emploi, à la condition que l'encadrement en soit certes l'un des bénéficiaires, mais aussi et peut-être même surtout le moteur.

Nous affirmons ici très clairement que l'aménagement et la réduction du temps de travail dans les entreprises sont avant tout un problème d'organisation du travail. C'est pour cela que leur mise en œuvre ne se fera jamais contre l'encadrement ou en ignorant sa présence : elle passera toujours par l'encadrement.

L'emploi, c'est possible !

Ce manifeste en donne les principales pistes, qui ne relèvent ni de l'opportunisme, ni de la démagogie.

Certes, les paillettes sont absentes, mais on ne « brille » pas avec ce problème : ni strass, ni effets de manche ; de l'efficacité et des résultats, c'est tout ce que nous recherchons.

La CFE-CGC avec ce manifeste veut signifier que demain, chacun peut avoir sa place dans le monde de l'emploi. Un monde en changements profonds, qui appellent de nouvelles réponses, mais dont la finalité reste constante : une société au service de l'Homme.

Nous avons la chance d'avoir les moyens de nos ambitions,

N'ayons pas la lâcheté de ne pas les utiliser.

Un manifeste pour l'emploi !

Y-a-t-il plus noble démarche pour une organisation syndicale !


Manifeste pour l'emploi

I. – Une économie au service de l'emploi

1. Quelques vérités pour une politique économique au service de la croissance et de l'emploi

Le premier facteur de création : la croissance

L'emploi est lié à l'activité économique : en France, entre 1986 et 1990, années de forte croissance (plus de 3 % en moyenne par an pendant quatre ans), le secteur privé a créé près d'1 million d'emplois. Avec à peine plus de 2 % de croissance du PIB en 1995, l'économie française a créé quelque 200 000 emplois. Il y a donc indiscutablement une corrélation entre activité et créations d'emplois, corrélation d'ailleurs plus étroite aujourd'hui, dans un sens comme dans l'autre, qu'elle ne l'était il y a quelques années encore.

Le premier gisement d'emplois est donc là, dans le potentiel de croissance de notre économie. Or, le diagnostic conjoncturel nous indique un ralentissement généralisé de l'évolution des principaux éléments sur lesquels repose la croissance. La consommation des ménages est bridée par un pouvoir d'achat des revenus qui évolue désormais en·deçà de 1 % par an en dépit de la très faible inflation et par l'affaiblissement de la création d'emplois (qui est, faut–il le rappeler, également le principal élément d'augmentation du revenu global des Français).

L'investissement productif n'est pas reparti. Les exportations pâtissent du ralentissement économique de nos partenaires européens, les bons résultats du commerce extérieur étant liés à la faiblesse des importations, donc de la demande interne.

Mais cette situation n'est pas figée. Les arbitrages des ménages en faveur de l'épargne et au détriment de la consommation peuvent favorablement évoluer à une triple condition :

– que les entreprises, qui ont indiscutablement une situation financière favorable dans la plupart des secteurs, ouvrent des négociations salariales sur la base d'une meilleure redistribution de leurs gains de productivité (3 % en moyenne, 5 à 6 % dans la plupart des secteurs industriels) ;
– que l'épargne de précaution, liée essentiellement à la progression des chiffres du chômage et au risque perçu par les ménages sur leur emploi, n'ait plus lieu d'être ;
– que les prélèvements obligatoires, fiscaux et sociaux, n'augmentent plus afin que les ménages ne soient plus contraints d'anticiper de futures augmentations d'impôt ou de cotisations en épargnant davantage.

Mais la nécessité d'investir est au moins aussi importante pour les entreprises françaises qui, depuis trois ans, accumulent des marges d'autofinancement sans les utiliser, et prennent ainsi un retard de plus en plus grand sur leurs concurrents européens en matière d'investissement et de technologie.

On le voit, les enchaînements pouvant conduire à une activité plus soutenue sont connus. Il suffit de vouloir les mettre en œuvre de manière résolue :

– ouvrir les négociations salariales ;
– stopper la croissance des prélèvements puis commencer à les réduire ;
– investir et reconstituer les stocks.

Tout cela dépend d'un seul élément clé : la confiance des agents économiques, ménages et entreprises. Celle-ci a un prix : la crédibilité des politiques macro-économiques mises en place par le gouvernement.

Une politique économique plus efficace

Si la qualité du réglage de la politique budgétaire et de la politique monétaire différencie les bons gouvernements des médiocres, une politique économique ne saurait pour autant être exclusivement un réglage conjoncturel, ni d'ailleurs la mise en œuvre de réformes structurelles destinées à porter leur effet à long terme. Rappelons–nous qu'à long terme nous sommes tous morts, ainsi que le disait Keynes.

Il peut être dès lors utile de rappeler quelques vérités pour une mise en perspective des décisions publiques.

La première de ces vérités est que, s'il est indispensable de mener une politique résolue d'assainissement de nos comptes publics, compte tenu des niveaux atteints par les déficits et l'endettement public, il est tout aussi vrai que c'est le déficit de l'emploi, c'est à dire le chômage, qui est responsable du déficit public et des déficits sociaux, et non l'inverse.

La seconde de ces vérités, tout aussi essentielle, est que lorsqu'on ralentit volontairement l'activité de l'économie, par exemple en augmentant les prélèvements fiscaux et sociaux ou en coupant dans certaines dépenses d'intervention essentielle (industrie, recherche, éducation), on aggrave le chômage. L'inconvénient dépasse alors largement l'avantage attendu d'une telle politique. Il en découle une réalité élémentaire : il vaut mieux un point de croissance en plus qu'un demi–point de déficit en moins.

La rigueur budgétaire, associée à la rigueur monétaire, aboutit irrémédiablement à l'étranglement de l'activité, et non au rétablissement des équilibres. C'est pour cela que l'on ne saurait poursuivre à la fois l'objectif de rigueur salariale et l'objectif de relance de la consommation, car ils sont antinomiques. Ainsi, la faiblesse structurelle de la consommation des ménages est–elle liée à la baisse tendancielle des salaires dans le revenu national, tout comme l'augmentation des prélèvements entraîne la baisse du pouvoir d'achat.

– Une politique économique à la fois sage et dynamique est une politique qui cherche à casser les enchaînements néfastes qui conjuguent la dégradation de l'emploi, l'élévation des prélèvements obligatoires et la politique monétaire restrictive et aboutissent à l'accumulation des déficits.

– Elle est efficace si elle permet à l'activité de se déployer, en permettant le financement des investissements publics et privés à des conditions raisonnables.

– Elle prépare l'avenir si elle sait faire la part des dépenses productives, qu'il faut accepter de financer, et des dépenses improductives, qu'il convient de remettre en question.

– Elle préserve la cohésion sociale si elle assure un niveau de protection sociale élevé.

– Elle permet le développement d'un service public moderne et contribue à accroître le niveau de vie de tous les Français.

– Enfin, une politique économique est légitime si elle s'attaque aux problèmes de notre société avec la volonté et les moyens d'y porter remède. Or, le premier de ces problèmes est l'emploi.

2. Une politique salariale active, facteur de croissance et d'emploi

La politique salariale actuelle n'est ni incitative pour les salariés, ni dynamique pour l'activité.

En dépit de la reprise économique amorcée en 1994 et poursuivie en 1995, les salaires n'ont que peu augmentés en 1995.

Le gain moyen mensuel brut d'un salarié du secteur privé et semi–public a augmenté de 1,6 % en un an, selon une enquête du ministère du Travail.

En ce qui concerne l'évolution des revenus dans la fonction publique, l'indice de traitement mensuel brut de base des fonctionnaires titulaires de l'État n'augmente plus.

En outre, la part des primes dans le montant brut de la rémunération a diminué par rapport à l'année précédente. Les cadres ont subi le plus grand tassement puisque le pourcentage des primes dans leur salaire brut a baissé de 0,5 point sur un an. Bref, ni le salaire proprement dit, ni les politiques de motivation par les éléments périphériques du salaire n'ont plus aucun lien avec la réalité économique puisque même en période de reprise, il n'y a pas d'effort de la part des entreprises ou de l'État patron.

Les perspectives pour l'année 1996 ne sont guère plus brillantes.

Pourtant, le revenu est toujours le principal déterminant du niveau de la consommation qui lui-même, représente 60 % du total de l'activité économique. Comment mieux souligner le lien vital entre le niveau de rémunération, qui détermine l'existence de débouchés pour la production des entreprises, et la création d'emploi. Or, cet enchaînement échappe visiblement à la compréhension de ceux qui décident la politique salariale.

C'est pourquoi, la CFE-CGC souhaite un assouplissement de la rigueur salariale, seul (avec une baisse des prélèvements) susceptible d'augmenter la consommation, la croissance et de favoriser l'emploi.

Elle souhaite également que les politiques salariales mises en place ne soient pas de plus en plus confiscatoires pour le personnel d'encadrement. En effet, celui-ci est déjà sollicité de façon de plus en plus pesante au nom de la solidarité et parce que les besoins sociaux sont importants. Mais il ne faut pas oublier qu'il est aussi consommateur et par ce biais contribue à la création d'emplois.

3. La politique fiscale au service de l'emploi

Accroître le revenu disponible pour créer des emplois

– Il faut maintenir le principe de la déductibilité de toutes les cotisations sociales
La CFE-CGC demande donc que la CSG soit considérée comme cotisation sociale comme telle : elle doit être entièrement déductible de l'assiette de l'impôt sur le revenu.

Cette mesure, si elle était prise, augmenterait le revenu disponible brut des ménages et par ce biais, la consommation et la croissance créatrice d'emplois.

– La fiscalité sur le revenu ne doit pas être confiscatoire

L'impôt sur le revenu est en France concentré sur une base étroite de contribuables, la moitié des foyers fiscaux étant totalement exonérée de son paiement.

Le prélèvement est particulièrement concentré sur les ménages aux revenus moyens, salariés dont fait partie le personnel d'encadrement.

Enfin, il pèse essentiellement sur les revenus du travail, ceux du capital y échappant pour une large part.

La fiscalité ne doit pas être confiscatoire. Il est donc souhaitable d'en réduire la progressivité.

C'est pourquoi la CFE-CGC propose pour l'IRPP un barème à 5 tranches échelonnées entre 5 % et 30 % (contre 7 tranches actuellement, la dernière étant à 56,8 %).

Celui-ci, en diminuant le taux de pression fiscale, augmenterait le revenu des ménages, et donc la consommation, la croissance et l'emploi.

Faciliter la mobilité pour créer des emplois

Faciliter fiscalement l'acquisition de la résidence familiale

Certains salariés, parmi lesquels le personnel d'encadrement, sont imposés en raison de la valeur de leur propriété familiale. Ceci est particulièrement injuste compte tenu du prix du marché immobilier, notamment dans les grandes agglomérations.

De plus, une telle imposition est défavorable au secteur du bâtiment et par là même à l'emploi.

La CFE-CGC propose donc que la propriété familiale du contribuable échappe en tout ou partie à l'assiette de l'impôt. Elle insiste sur le fait que l'exonération doit porter sur la propriété familiale et pas sur la résidence principale, dans la mesure où certaines personnes sont obligées de résider en location sur leur lieu de travail.

Cette disposition, en favorisant la mobilité, serait bénéfique pour l'emploi.

Les plus–values sur les résidences secondaires

Dans le même esprit, les salariés qui vivent en location parce que leur travail exige une certaine mobilité – ce qui est souvent le cas du personnel d'encadrement–, mais qui sont propriétaires d'une résidence secondaire peuvent, suite à un changement de région, être amenés à vendre cette résidence pour en acquérir une autre, plus proche de leur nouveau lieu de travail.

C'est pourquoi la CFE-CGC propose que cette résidence dite secondaire soit assimilée à une résidence principale dans la mesure où il, s'agit d'une propriété unique, pour ce qui est de la fiscalisation sur les plus–values.

Là encore cette mesure, en favorisant la mobilité, serait créatrice d'emplois.

Favoriser le financement de l'économie pour créer des emplois

Les capitaux mobiliers détenus par les ménages forment une épargne à moyen et long terme qui permet de financer le déficit public, une partie de l'investissement et, par conséquent, la croissance et l'économie dans son ensemble.

Or, les mesures prises dans la loi de finances pour 1996 touchent proportionnellement davantage les patrimoines moyens, à savoir ceux du personnel d'encadrement pourtant principal pourvoyeur de capitaux.

Aussi, la CFE-CGC considère qu'il faut remettre en œuvre la réduction d'impôt pour placement en assurance–vie à 1 000 F (plus 250 F par enfant) et que l'abattement de 8 000 F pour une personne (16 000 F pour un couple) sur les revenus d'obligations, le produit de bons de caisse, de titres de créances négociables, de compte à terme ainsi que les gains nets de cessions d'OPCVM monétaires ou obligataires de capitalisation, soit réinstauré.

La compétitivité doit aussi être au service de l'emploi

La compétitivité des entreprises françaises, appréciée notamment à travers leur capacité à exporter leurs productions sur les marchés mondiaux et, pour la France, à dégager des excédents commerciaux, est aujourd'hui exceptionnellement élevée : 105 MdF d'excédents réalisés en 1995.

Les exportations ont ainsi contribué à la moitié de la croissance enregistrée l'année dernière, alors que le commerce extérieur ne représente qu'un cinquième de la création de richesses de notre pays.

La croissance des exportations françaises est devenue la principale contributrice à la croissance française depuis cinq ans, devant la consommation et l'investissement. Plus de trois millions de personnes en France travaillent directement pour l'exportation dans le seul secteur industriel. En 1994, les exportations ont créé directement 1,7 million d'emplois ouvriers et un million d'emplois de cadres. En outre, ces emplois sont parmi les plus qualifiés de toute l'économie française. Ces chiffres expriment le lien fort qui existe entre notre puissance compétitive et notre capacité à créer des emplois.

La compétitivité est aussi la qualité essentielle qui permet de conquérir et de conserver son propre marché.

Mais cette compétitivité, qui repose essentiellement sur la qualité de nos produits et l'excellence des hommes qui les fabriquent et les vendent, n'est pas un acquis. En effet, elle suppose un effort continu d'investissement, de recherche et de développement, de prospection de marchés nouveaux. Elle implique un environnement administratif, fiscal, réglementaire favorable aux entreprises qui exportent, un environnement financier fournissant des ressources suffisantes. Mais surtout, elle repose sur l'existence d'hommes soucieux de fabriquer les meilleurs produits et motivés par la conquête de nouveaux marchés.

Reconnaissons que sur nombre de ces points notre effort demeure insuffisant. C'est particulièrement vrai pour les deux éléments clés que sont l'investissement et la formation, l'engagement, l'enthousiasme, l'énergie, la motivation des hommes et des femmes de l'entreprise.

Or, si l'investissement d'aujourd'hui est l'exportation de demain, force est de reconnaître que la France investit désormais moins que ses partenaires. Cela risque de rendre friables nos positions concurrentielles demain. Quant à la formation et la motivation des hommes, force est de reconnaître que les politiques de rémunération et sociales actuelles ne sont pas de nature à les dynamiser.

Enfin, d'importants obstacles demeurent à la fois sur les plans technique, administratif, juridique, financier, pour tous ceux qui veulent conquérir des marchés.

Les PME manquent de moyens et d'appuis ; la conquête de nouveaux marchés, en France et à l'étranger, est encore une aventure difficile à engager et à soutenir.

La CFE-CGC, qui est partie prenante dans ce combat notamment avec la création de son « passeport pour l'expatriation », demande instamment qu'une priorité nationale soit enfin reconnue à ceux qui travaillent pour conquérir des parts de marché pour notre pays.

4. La création d'emplois dans l'industrie : un défi qui doit être relevé

L'industrie emploie quatre millions de personnes en France.

Si elle participe pour un quart à la création totale de valeur ajoutée de notre pays (mais la moitié si on y ajoute les activités qui lui sont directement ou indirectement liées), elle représente l'essentiel des gains de productivité qui permettent de dégager des surcroîts de richesses, et constitue le principal secteur de développement technologique, y compris au profit des autres secteurs de l'économie.

Il existe donc une corrélation positive forte entre la puissance industrielle et les performances économiques d'un pays, particulièrement vérifiée quant à sa réussite à l'exportation et sa place dans la hiérarchie économique des nations.

En outre, l'industrie constitue le moteur de l'innovation, du progrès économique et de l'amélioration des techniques et des organisations productives, et cela pas seulement du point de vue technologique.

Elle doit son dynamisme exceptionnel à la qualité de ses ingénieurs, de ses cadres, de ses techniciens et de ses agents de maîtrise. Pourtant, l'industrie a perdu quelque 500 000 emplois de 1990 à 1994, et l'essentiel des créations d'emplois se situe désormais dans les services et le secteur tertiaire.

Doit-on en conclure que la France est en train de devenir une société post-industrielle et que nous devons nous en réjouir au nom de la création d'emplois ? Certes non. En effet, l'emploi dans l'industrie, comme pour l'ensemble des secteurs économiques, est tributaire de l'activité, de la croissance. Ainsi, le premier semestre de l'année dernière a-t-il permis la création de quelque 3 000 emplois industriels. Il n'y a donc pas de fatalité de la destruction d'emplois dans l'industrie au nom des gains de productivité et des restructurations, bien au contraire. La relation entre le dynamisme industriel et la capacité à créer des emplois est vérifiée dans tous les pays industrialisés, même lorsque l'emploi industriel évolue à la baisse. En effet, les effets de stimulation de l'ensemble de l'économie engendrés par une industrie dynamique l'emportent largement sur les effets de destruction d'emplois.

Les exportations de produits manufacturés assurent directement ou indirectement plus de trois millions d'emplois. Le solde commercial lui-même est excédentaire non seulement en termes financiers, mais également en termes d'emplois. Les exportations de produits de haute technologie représentent à elles seules quelque 600 000 emplois industriels.

L'affaiblissement de notre dynamisme industriel serait donc aussi celui de notre dynamisme économique et entraînerait l'aggravation irrémédiable de la situation de l'emploi dans notre pays.

Une  véritable politique industrielle est une politique qui prend en compte l'ensemble des secteurs, sans en abandonner aucun ; qui aide les secteurs de haute technologie à conquérir de nouveaux marchés à l'exportation et à maintenir leur avance technique, mais aussi les secteurs traditionnels à investir davantage et, en compensant les coûts de main d'œuvre par l'investissement, la recherche, l'organisation efficace dans l'entreprise et entre entreprises d'un même secteur, d'une même filière, l'amélioration de la qualité, le développement de nouveaux produits et de nouveaux marchés, et surtout le pari sur la formation et la motivation des hommes à maintenir et à créer des emplois.

Quels sont les éléments principaux d'une telle politique ?

– assurer de meilleures sources de financement, améliorer l'environnement réglementaire et fiscal de l'entreprise, la qualification et la formation des salariés ;
– développer les infrastructures de transport et de communication indispensables à la compétitivité industrielle ;
– soutenir les efforts des industriels à l'étranger ;
– aider la recherche et le développement des procédés et des produits ;
– coordonner et intensifier l'action européenne en faveur des PMI, de la R & D, des domaines stratégiques tels que l'informatique, l'aéronautique, les technologies du vivant, les nouveaux matériaux, les télécommunications ;
– développer les alliances européennes entre firmes pour conquérir de nouveaux marchés ou reconquérir le marché européen ;
– investir les secteurs créateurs d'emplois de demain (santé, environnement, communication) ;
– mettre en place de grands programmes mobilisateurs.

Ce sont là autant d'éléments majeurs de cette politique qui, pour être efficace, demande de la volonté et des moyens.

5. Une politique européenne doit être au service de l'emploi

Relancer la croissance en Europe

L'Union européenne n'existe que par la conviction de ses membres de pouvoir entreprendre et réussir mieux ensemble qu'individuellement.

Cette conviction et cette puissance à la fois politique, économique et sociale, qui est plus que la somme des puissances de chaque État membre, doivent être mises au service de l'emploi. Cela est possible si, dans quatre domaines essentiellement, l'Union européenne est susceptible d'intensifier ses efforts pour créer les conditions de créations d'emplois en nombre suffisant.

Augmenter notre croissance économique et la rendre plus riche en emplois

L'accélération des échanges et des coopérations, qui est la contrepartie logique de la création du marché et de la monnaie unique peut être un facteur puissant de croissance et de créations d'emplois si les politiques macro-économiques mises en œuvre aux niveaux nationaux convergent vers cet objectif. Ce n'est pas encore suffisamment le cas aujourd'hui.

S'engager résolument dans la conquête et l'utilisation des nouvelles technologies, et notamment celles liées à l'information et à la communication

Il existe en effet un certain nombre de secteurs et de branches d'activité susceptibles de connaître, dans les années qui viennent, de forts taux de croissance de par le développement rapide d'une demande mondiale pour les produits et services qui en seront issus. Il serait impardonnable pour l'Europe de ne pas mobiliser et concentrer ses efforts pour être présents sur ces activités fortement créatrices d'emplois.

Intensifier les actions structurelles européennes en faveur de l'Emploi

Il est au moins deux domaines pour lesquels le manque de volonté résolue dans l'utilisation des instruments existant déjà est un frein à la création d'emplois. Ce sont les grands travaux européens en matière d'infrastructures de transport, d'énergie et de communication, et l'utilisation des fonds structurels et des programmes cadres en faveur de la recherche et du développement.

Renforcer l'effort en faveur de la cohésion sociale

Les nouveaux gisements d'emplois (emplois de services, de proximité, liés à l'environnement, à la santé...) et les nouvelles formes d'organisation sociale, plus flexibles, plus efficaces liées à la mise en place de nouvelles technologies de production et de communication, présentent certes d'incontestables opportunités en matière de créations d'emplois.

Mais ils ne produiront pleinement leurs effets que si les emplois créés sont stables et respectent les normes garanties par notre modèle social.

En outre, la cohésion sociale en Europe gagnera forcément à une réflexion sur le rôle de l'aménagement et de la réduction du temps de travail menée avec la volonté d'améliorer à la fois la situation des salariés, quel que soit leur niveau de responsabilité, c'est-à-dire en ne faisant pas l'impasse sur le sort des professions de l'encadrement, ce qui est souvent une tentation aujourd'hui, leur formation et le niveau des créations d'emplois.

Faire de la monnaie unique un instrument au service de l'emploi

Il est difficile de contester qu'un marché unique, c'est à dire un marché sans frontières pour les marchandises comme pour les capitaux, ne saurait se passer d'une monnaie unique.

En effet, le contre–exemple d'une telle évidence est parfaitement illustrée par les dévaluations monétaires intra–européennes d'il y a deux ans. Celles-ci ont assuré aux pays qui les ont mises en œuvre un avantage compétitif proprement extraordinaire sans aucune contrepartie sur un espace commercialement ouvert. Il en est résulté des dizaines de milliers d'emplois perdus pour nos entreprises.

Malheureusement, ce constat ne suffit pas à justifier l'actuelle constitution qui aboutira à la monnaie unique. En effet, les monnaies européennes dévaluées sont aussi celles qui, vraisemblablement, ne participeront pas à la première étape de l'intégration monétaire. Non seulement elles conserveront leur avantage compétitif, mais elles auront toujours la possibilité de l'accroître à notre détriment.

De plus, n'hésitons pas à affirmer que le respect des stricts critères financiers du calendrier prévu par le Traité de Maastricht, s'il trouve sa justification par le rétablissement des équilibres toujours nécessaire à moyen terme, est récessionniste à court terme. Il implique un tel effort en matière de comptes publics sur quelques mois (augmenter les prélèvements ou couper brutalement les dépenses, y compris d'investissement) que l'activité ne peut que s'en ressentir.

Il faut donc clairement affirmer aujourd'hui que la monnaie unique, qui doit permettre de contrer la puissance du dollar et de rétablir nos taux d'intérêt à des niveaux compatibles avec notre situation économique conjoncturelle, doit être construite sur des parités réalistes, et non surévaluées.

Elle doit être réellement unique, c'est-à-dire, à défaut d'intégrer toutes les monnaies européennes immédiatement, être organisée autour d'un système de change qui interdira les manipulations monétaires des pays qui appartiennent à l'Union européenne mais demeurent en dehors de l'intégration monétaire.

Enfin, elle ne saurait se construire sur la récession et le chômage, qui sont les ennemis principaux de la convergence économique en Europe.

À ces conditions, la monnaie unique sera réellement au service de l'emploi.


II. – Une autre organisation de la vie pour l'emploi

1. Pour l'emploi, gérer autrement le temps au travail

Face aux mutations, l'entreprise doit repenser son organisation

Au schéma traditionnel de l'entreprise taylorienne correspond une organisation du travail structurée, avec des rythmes quasi-uniformes. Les évolutions actuelles conduisent à l'explosion de cette conception.

L'impératif de rapidité d'adaptation, de temps de réponse proche de l'instantanéité conduit de plus en plus l'entreprise à remettre en cause ses propres structures, parfois même ses frontières, et par voie de conséquence, à repenser l'organisation du travail avec, en toile de fond, la recherche de la plus grande souplesse possible. Son temps de fonctionnement devient alors une variable majeure de son succès, avec les conséquences inévitables sur les temps de travail des salariés, sans que le premier et les seconds ne se confondent.

L'aménagement du temps de travail génère pour les salariés de nouvelles contraintes, d'amplitude horaire notamment. La RTT (1) s'inscrit ainsi très clairement comme une contrepartie à ces contraintes. Il reste que cette compensation est à finalités diverses dont la plus importante est, pour la CFE-CGC, l'emploi.

Une RTT pour favoriser des embauches

La souplesse qu'instaure l'entreprise dans son organisation doit donner lieu à des compensations dans le même domaine. La RTT est à privilégier, accompagnée d'un impact sur l'emploi. Tel est d'ailleurs, tant dans l'esprit que dans l'économie général du texte, l'orientation de l'accord du 31 octobre 1995 dont la CFE-CGC est signataire.

Cette RTT peut se décliner sous des formes diverses :

Elle pourra se traduire par une baisse significative des temps de production, le temps dégagé étant consacré à la formation. Le temps de travail proprement dit ne serait pas réduit mais il recouvrirait une nouvelle réalité distinguant le temps de production et le temps de travail et intégrant dans la définition le temps passé à la formation. Cela fait maintenant plus de 10 ans que la CFE-CGC propose de consacrer 10 % du temps de travail à la formation professionnelle, sous la forme par exemple d'un chèque-formation. Les salariés partis en formation seraient obligatoirement remplacés.

Elle pourra prendre la forme d'une réduction effective du temps de travail. Pour que celle-ci soit alors une réalité pour le personnel d'encadrement, elle se traduira par une appréciation dans un cadre annuel voire pluriannuel. Elle correspondra à des jours de congé complémentaires aux congés légaux ou conventionnels qui pourront être épargnés dans un compte-épargne-temps.

Lorsqu'il n'est pas épargné, le temps dégagé peut être pris dans des déclinaisons multiples. Toutefois, il doit toujours être pris sous forme de journée entière d'absence. Pour répondre aux nouvelles amplitudes horaires et favoriser de nouvelles embauches, la mise en place d'équipes démultipliées, par exemple sous forme de binômes, peut-être une piste probante.

S'il est épargné, l'ouverture du compte-épargne-temps permettra au bout de quelques années une prise de congé plus longue, éventuellement pour aménager la fin de carrière ou réaliser un projet personnel. Au bout du compte, le résultat correspondra à 32 années de travail payées 40.

Au global, le personnel d'encadrement peut bénéficier effectivement d'une baisse du temps de travail avec une formule qui sert l'emploi.

Pour ce qui est du financement de la RTT, un choix doit être fait qui en condition l'effectivité et la durée dans le temps : ou bien on poursuit une politique traditionnelle, pratiquée depuis longtemps et qui a déjà montré la preuve de son inefficacité compte tenu de la hauteur des enjeux : l'abaissement du coût du travail.

Tout en pesant lourdement sur les comptes de l'État et ceux de la protection sociale, la politique d'exonération ou de modulation des charges sociales n'a jamais atteint ses objectifs en matière d'emploi ; pourquoi le ferait-elle en matière de RTT ?

Ou bien, on adopte une toute autre démarche, de nature économique, fondée sur la création de richesses par l'entreprise, laquelle est la contrepartie « naturelle » de la revendication patronale d'aménagement du temps de travail (plus de souplesse dans l'organisation pour mieux répondre au marché).

Ainsi attachera-t-on un intérêt certain à une proposition faite récemment, consistant à moduler l'impôt sur les sociétés en fonction d'engagements pris par les entreprises en volumes de RTT et d'emplois.

En toute hypothèse (IS, EBE, CSG (2) élargie pour les entreprises), la logique économique doit nécessairement se substituer à la logique sociale, comme fondement du financement de la RTT. C'est une question de crédibilité.


(1) RTT: Réduction du temps de travail.
(2) IS : Impôt sur les sociétés.
EBE : Excédent brut d'exploitation.
CSG: Contribution sociale généralisée.


Rétablir la place légitime du travail à temps partiel

Le travail à temps partiel doit reconquérir une place à sa juste valeur. Il doit être une mesure à ne pas négliger lorsque le salarié a un besoin ponctuel d'aménager son temps de travail. Pour qu'il représente une modalité opérationnelle, le TTP doit garantir le respect de quelques principes de fond.

L'entreprise doit intégrer dans son organisation du travail le passage ou le recours à un temps partiel

Le TTP (3) n'est qu'un mode d'organisation possible du temps de travail. Rien ne s'oppose à ce que l'entreprise en banalise l'utilisation. Il faut toutefois veiller à ce que le temps de travail proposé tienne compte des aspirations du salarié, que son organisation n'entraîne pas les classiques glissements de charges de travail pour les autres collègues, singulièrement pour l'encadrement, et que les heures de travail ainsi libérées soient obligatoirement compensées par des embauches.

L'égalité de traitement entre les salariés travaillant à temps plein et ceux travaillant à temps partiel doit être assurée

Aucune différence dans le traitement, la considération, la reconnaissance et l'application des droits légaux et conventionnels ne doit apparaître entre les salariés travaillant à temps partiel et leurs collègues travaillant à temps plein. Ainsi, la courbe de carrière et de rémunération doit suivre une évolution analogue ; le salarié à temps partiel doit naturellement pouvoir bénéficier de son droit à la formation professionnelle continue.

Afin de formaliser ces engagements, une charte du personnel travaillant à temps partiel pourrait être négociée et signée avec l'employeur.

La situation financière du salarié doit être prise en compte

Outre la garantie d'un traitement égalitaire en matière de rémunération, il est indispensable de mettre en place des mesures d'atténuation de perte de salaire.

La CFE-CGC préconise de privilégier des mesures différées dans le temps dans une logique de filet de protection plutôt que des dispositifs immédiats de compensation salariale. Ainsi, par exemple, les droits liés à la rupture du contrat de travail d'un salarié travaillant à temps partiel pourraient être calculés selon des règles propres : le calcul s'effectuerait sur la base du salaire perçu avant le passage à temps réduit si le salarié a accepté une modification de son temps de travail à la baisse et de façon forfaitaire en dessous d'un certain seuil de temps de travail. De même, pour limiter l'impact financier de temps partiel dans le calcul de la pension de retraite, IJ CFE-CGC défend l'idée d'un système de retrait surcomplémentaire conventionnellement instauré.

Le TTP doit être reversible

Le droit à temps partiel suppose le droit à un retour au temps plein ou le droit d'accès à un travail à temps plein.

Pour donner corps à ce droit et le garantir, plusieurs pistes peuvent être creusées : la durée de vie du temps partiel proposé sera limitée dans le temps avec la possibilité de travailler à temps plein dans des délais courts si des circonstances particulières s'avéraient : par exemple, un changement dans la situation familiale (divorce, décès, chômage du conjoint).

Le recours aux heures complémentaires doit être strictement encadré

L'entreprise ne doit pouvoir recourir à des heures complémentaires que pour des motifs strictement définis de façon conventionnelle.

Par ailleurs, tout temps travaillé en dehors de ce qui est prévu au contrat de travail doit pouvoir être épargné dans un comte-épargne-temps avec un abondement de l'employeur suffisamment dissuasif pour limiter le recours aux heures complémentaires.

Il apparaît de plus nécessaire de fixer des règles précises en matière de délai de prévenance en cas de changement d'horaires, de façon que le salarié ne soit pas prisonnier de la disponibilité exigée par l'entreprise.

Les situation d'astreinte étant de plus en plus répandues, notamment pour l'encadrement, également pour les salariés à temps partiel, il faut enfin les considérer comme du temps de travail normal pouvant donner lieu à des compensations spécifiques.

(3) TTP : Travail à temps partiel.

2. Insérer les jeunes dans l'emploi

L'insertion professionnelle des jeunes est une réelle préoccupation dont ne peuvent se couper ni les partenaires sociaux, ni les gouvernants. Les difficultés que rencontrent les jeunes pour entrer de façon significative dans un emploi hypothèquent gravement l'avenir de notre économie et de notre société. Il faut résorber ce fléau.

S'il va de soi que les embauches naturelles demeurent la règle générale, celle qu'il convient de rechercher et de favoriser le plus possible, il est nécessaire de relancer des mesures en faveur de jeunes ne parvenant pas à s'insérer ou étant toujours à la recherche d'un premier emploi plusieurs mois après leur sortie du système éducatif.

Une remise à plat des différentes aides ou primes à l'embauche des jeunes s'impose et elle doit s'accompagner d'un audit

Il s'agit d'analyser les effets sur l'embauche de toutes les incitations financières consenties aux entreprises afin de discerner celles qui atteignent réellement leur objectif de celles qui entraînent un effet d'aubaine. Une fois cette étude réalisée, les mesures les moins convaincantes seraient modifiées ou supprimées au profit des plus probantes.

S'agissant du dispositif proprement dit, la CFE-CGC ne demande surtout pas la création de nouvelles mesures mais le renforcement de celles qui existent déjà sur la base d'un contrat de droit commun, tel le CDI. En effet, plus les dispositifs d'insertion sont proches des formes classiques de travail, mieux les publics concernés vivent leur insertion et plus les résultats sont probants. De plus, la distinction entre différents publics de jeunes est toujours opportune. Le traitement ne peut être similaire entre une insertion professionnelle à la limite de la socialisation et l'entrée dans l'entreprise de jeunes diplômés.

La CFE-CGC est favorable au maintien des contrats en alternance tels qu'ils existent aujourd'hui sans exclure quelques remaniements, dans la durée par exemple. Ils paraissent les plus adaptés pour répondre aux besoins des jeunes sans qualification ou encore incertains dans leur orientation professionnelle.

Afin de lutter contre la précarisation de l'emploi des jeunes, la CFE-CGC propose que le lien entre les différents contrats en alternance, y compris l'apprentissage, et l'emploi sous contrat à durée déterminée soit renforcé.

Pour cela :

– le contrat d'orientation devrait obligatoirement déboucher soit sur un contrat de qualification ou un contrat d'apprentissage, soit sur un CDl (4) ;
– le contrat de qualification et le contrat d'apprentissage devraient obligatoirement se conclure par un CDI soit dans l'entreprise, soit dans une autre avec l'aide de la première. En cas de non-respect de cette obligation, l'on peut imaginer que l'employeur soit tenu de rembourser les sommes perçues (prime, aide...) ;
– le contrat d'adaptation sous CDD (5) serait supprimé au profit des seuls contrats sous forme de CDI. En contrepartie, les employeurs bénéficieraient d'une exonération de charges patronales limitées au SMIC.

En termes de gestion du dispositif, la CFE-CGC se prononce clairement pour un renforcement du traitement de l'emploi des jeunes au niveau régional dans un souci de proximité et de meilleure connaissance du terrain par les acteurs locaux. À cet égard, les COPIRE (6) pourraient jouer un rôle central de suivi de l'ensemble de ces dispositifs.

Au–delà, le problème se pose en termes d'investissement moral et financier. Les entreprises savent bien que les jeunes représentent leur capital de compétences et de savoir-faire de demain, la clé de leur compétitivité.

Il ne faut pas avoir peur de poser le problème de la sanction en cas de non-assistance à entreprise en danger qui résulterait du refus manifeste ou indirect d'intégrer les jeunes dans le milieu professionnel.

Et les mesures doivent alors être drastiques : instaurer une contribution « accueil jeunes ». Les entreprises qui n'accueilleraient pas un certain nombre de stagiaires dans l'année devront s'acquitter d'une compensation financière. Seuls les jeunes accueillis dans le cadre d'une période de formation sous statut scolaire ou sous contrat de travail seraient pris en compte. Les sommes financières versées en compensation du non-accueil des jeunes pourraient être gérées au niveau de la branche afin de financer des actions de formation de tuteurs ou de jeunes. Une exonération partielle de la contribution pourrait être prévue en cas d'accords relatifs à l'emploi des jeunes au sein de la branche ou de l'entreprise.

Le rôle d'accompagnement dans l'entreprise de jeune est indissociable de l'acte d'embauche. La fonction de tutorat doit être reconnue et considérée comme une activité professionnelle à part entière au sein de l'entreprise

Une négociation nationale interprofessionnelle devrait s'ouvrir pour donner une définition au rôle des tuteurs, les branches arrêtant les modalités concrètes d'exercice de la fonction. Un pilotage national et sectoriel coordonnerait et structurerait les actions d'information, de formation et de suivi en direction des tuteurs. La question du financement de la formation des tuteurs pourrait être poursuivie sur la base de ce qui existe déjà (prise en charge partielle par des organismes de mutualisation ou par l'État en ce qui concerne les CES). La négociation nationale interprofessionnelle pourrait s'inspirer de l'accord du 26 juillet 1995 signé dans le secteur des travaux publics.

(4) CDI: Contrat à durée indéterminée.
(5) CDD: Contrat à durée déterminée.
(6) COPIRE : Commission paritaire interprofessionnelle régionale de l'emploi.

3. Optimiser les compétences pour préserver l'emploi

Arrêtons de gâcher les compétences.

Les successions de plans sociaux, de grande ampleur, concernant des entreprises malades comme florissantes ont laissé des séquelles profondes dans toute la population active, séquelles d'autant plus graves que les effets pervers de ces licenciements se sont retournés contre les entreprises. Cependant, les leçons sont dures à retenir puisque le flot des licenciements au sein d'entreprises en situation bénéficiaire n'a pas cessé.

Devant cette situation, la CFE-CGC demande un contrôle accru sur les plans sociaux, y compris par voie administrative, car l'interdiction de l'exclusion est aussi importante que le devoir d'insertion.

Permettons au salarié d'être un étudiant à vie

L'ensemble des connaissances acquises par la formation initiale ou la formation au travail doivent continuellement s'enrichir. La performance de l'entreprise passe aussi par cet investissement.

Si la conception du temps de travail est renouvelée dans le sens d'une intégration dans la définition du temps passé à la formation, un pas important est franchi vers l'optimisation des compétences.

Cette recomposition de l'organisation autour de la formation continue doit s'accompagner d'une véritable mise en place d'une gestion prévisionnelle des compétences au niveau du secteur d'activité comme de l'entreprise. Il faut ainsi recourir de façon plus systématique aux contrats d'études prospectives, renforcer le rôle du CE sur la gestion prévisionnelle de l'emploi, redynamiser politique de formation dans les petites et moyennes entreprises qui sont les plus impliquées dans ce domaine.

Dans des périodes de baisse d'activité, il faut privilégier le temps dégagé pour favoriser l'organisation de sessions de formation. Les dispositifs du chômage partiel permettent d'aider financièrement les entreprises s'inscrivant dans cette démarche. Ces mesures doivent être poursuivies et valorisées.

La formation passant également par des « professeurs » au sein de l'entreprise, la CFE-CGC défend la formule du tutorat systématique pour toutes les nouvelles recrues, en particulier les jeunes. La transmission du savoir de l'entreprise et du savoir–faire des hommes conditionne la performance pérenne de l'entreprise.

Plus largement, la CFE-CGC est favorable à l'ouverture d'une réflexion sur le raccourcissement des filières de formation supérieures de façon à les recentrer sur une professionnalisation. Une fois cette formation effectuée, le salarié, après au moins trois années d'activité professionnelle, par exemple, bénéficierait d'un véritable droit à un retour dans les études qualifiantes. L'exercice de ce droit se traduirait par un congé d'études longue durée.

4. Donner corps au contrat de générations au service de l'emploi

Depuis plus de trois ans, la CFE-CGC se bat pour qu'une évaluation des dispositifs d'aide à l'emploi soit effectuée et que toute nouvelle mesure d'exonération de charges sociales patronales conditionne le bénéfice de l'aide à des engagements clairs en termes d'emplois des entreprises. Il est impossible de continuer à donner au patronat sans exiger un retour en faveur de l'emploi.

L'année 1996 s'annonce comme propice à la consécration de cette revendication. En effet, le rapport d'évaluation de la loi quinquennale mise en place en 1993 va être présenté ce semestre au Parlement, rapport qui comprendra un chapitre attendu relatif aux effets sur l'emploi de l'allégement des charges sociales patronales sur les bas salaires ; une commission d'enquête parlementaire sur les mécanismes d'aide à l'emploi s'est constituée et doit rendre ses conclusions également ce semestre.

Cependant, il ne faudrait pas que les conclusions qui ressortiront de ces travaux soient orientées en fonction des discours ambiants de réduction des déficits publics. Pour la CFE-CGC, remettre à plat l'ensemble des dispositifs existants, en évaluer les effets et à terme trier les mesures les plus efficaces sont une chose, chercher à remettre en cause le principe même des aides à l'emploi au motif d'économies draconiennes en est une autre !

Sans préjuger des conclusions mais qui ne pourront que corroborer le faible impact sur l'emploi des sommes investies dans les exonérations, la CFE-CGC continue de défendre le contrat de générations, dispositif qui lie directement et de façon transparente l'aide consentie dans la prise en charge d'un salarié qui part et l'embauche en contrepartie.

Dans cette mesure qui repose sur une extension de l'accord du 6 septembre 1995 relatif à la cessation anticipée d'activité en faveur de l'emploi, chaque aide donnée correspond à une ou plusieurs embauches réalisées, recrutement ciblé sur le public jeune. L'engagement est clair, simple à mettre en place pour l'entreprise et le salarié qui part, simple à contrôler en cas de dérive. Le contrat de génération représente ainsi une mesure en faveur de l'emploi au sens où la Confédération l'entend, privilégiant l'embauche de jeunes. Le financement de ce contrat de générations reposerait sur un partage tripartite : le patronat, la collectivité salariée (à travers le régime de l'assurance chômage) et l'État.

Cette mesure telle qu'elle existe aujourd'hui constitue une réponse ponctuelle applicable sur deux ou trois ans. Cependant, la philosophie que sous-tend le contrat de générations doit demeurer à travers d'autres déclinaisons du dispositif. Il peut fonder une véritable modalité d'aménagement de la fin de carrière qui mêlerait avantageusement la transmission des savoir–faire et la cessation progressive d'activité.


III. – Une société mobilisée pour l'emploi

1. Favoriser le développement de secteurs porteurs d'emplois

Dans une société en mutation comme la nôtre, il faut laisser émerger et se développer des emplois « de qualité de vie » qui répondent à des besoins réels et souvent non satisfaits. Un champ entier de créations d'emploi s'ouvre devant nous.

La satisfaction de ces besoins individuels ou collectifs requiert des compétences techniques et relationnelles souvent sous–estimées en cantonnant les tâches effectuées à une considération de « petits boulots ». Or, ces emplois doivent être organisés sur la base d'une qualification reconnue et formalisés à travers un contrat de travail en bonne et due forme. En effet, loin d'être des « petits boulots », il est impérieux d'en assurer la formation, de les valoriser, de leur donner la reconnaissance naturelle qui accompagne les emplois qualifiés.

On peut retenir quatre types de besoins correspondant à des emplois qualifiés : des besoins individuels, territoriaux, de société et de service :

Des besoins individuels

Ils regroupent tous les métiers liés à la garde d'enfants, à l'assistance aux personnes âgées, à l'exécution des tâches domestiques...

Pour les encourager, il serait important de défiscaliser entièrement cet investissement financier, et d'affirmer que les chèques service seront déconnectés du montant des revenus (pas de conditions de ressources pour l'obtenir) et non délivrés par l'entreprise.

L'action des associations intermédiaires est aussi à revaloriser. Si elles doivent conserver leur rôle social et économique pour la réinsertion des chômeurs de longue durée, elles ne doivent pas être limitées à ce rôle. Il faut les ouvrir à l'insertion de personnes plus qualifiées qui disposeraient d'un véritable contrat de travail et suivraient en parallèle une formation. Ces associations intermédiaires doivent, également, travailler en liaison contractuelle avec des entreprises de proximité (assistance médicale, par exemple).

Ces nouvelles interrelations devront être aidées par une structure de valorisation des métiers de « qualité de la vie », une structure apportant notamment des aides en matière de formation professionnelle.

Les besoins territoriaux

Ce sont les besoins liés à l'environnement, à l'écologie, à la nature, qui requièrent des emplois qualifiés associant maîtrise technique et compétence relationnelle.

Des négociations avec les collectivités territoriales doivent stimuler et faire émerger ces métiers, aborder les problèmes de leur financement car, là aussi, on est loin de se trouver devant des activités bénévoles.

Ces métiers pourraient être financés par l'impôt local.

Les besoins de société

Notre société n'a pas suffisamment conscience des problèmes de la jeunesse en difficulté (la délinquance, la drogue, les banlieues...).

Il faut répondre à l'attente de ces jeunes en leur proposant un encadrement d'adultes spécialisés et compétents.

Ces métiers riches en compétences relationnelles sont à développer car on ne peut pas s'en tenir au bénévolat de quartier ou des personnes âgées.

L'État doit pouvoir contribuer financièrement à la création de ces emplois.

Les besoins de service

Il s'agit là d'emplois d'accueil ou d'assistance de premier niveau (commerces, pompes à essence...). Une entreprise qui privilégierait l'emploi sur l'excès de productivité bénéficierait d'aides publiques.

Le dispositif des conventions de coopération représente un support intéressant pour favoriser l'émergence de ces types d'emplois.

2. L'aménagement du territoire : un levier pour l'emploi

C'est en termes nouveaux que se posent des déséquilibres territoriaux : mutation de l'économie, décentralisation, maintien d'inégalités spatiales et sociales, phénomènes d'exclusion, poids croissant de la dimension européenne...

L'évolution de certaines de ces tendances, en devenant structurelles, se traduisent par des inégalités renforcées, aussi bien en termes d'emploi, de développement économique, que de cadre de vie, d'éducation, de formation...

Une grande politique d'aménagement du territoire est donc nécessaire afin de mettre en œuvre de nouvelles orientations qui prendront en compte les réalités de la France dans l'Union économique. Ces nouvelles orientations permettront de rendre plus attractif le territoire pour les entreprises, grâce à un meilleur accès aux moyens de communication et d'information etc., de recherche et de formation ; de développer les économies régionales et locales afin qu'elles soient créatrices de richesses ; de contribuer au développement économique et à l'emploi par les efforts d'investissement liés aux options d'aménagement...

Il y a un an que la loi sur l'aménagement et le développement du territoire a été votée. Si beaucoup de textes réglementaires nécessaires à la mise en application directe de la loi ont été publiés, il reste beaucoup à faire.

La contrainte budgétaire ne doit pas être un frein aux efforts en matière d'investissement productif que réclame l'ambition de cette loi.

Aussi, en est–il du Fonds national de développement des entreprises, qui devrait favoriser la création et le développement des entreprises dans les zones prioritaires d'aménagement du territoire. De même, l'élaboration du schéma national d'aménagement et de développement du territoire est à peine engagée, etc.

La CFE-CGC rappelle donc quelques–unes de ses propositions indispensables à la bataille pour l'emploi et à la mobilisation de tous ceux qui « sont porteurs d'initiatives » :

– un programme d'investissement de grande ampleur permettant la diffusion des activités et une nouvelle redistribution des fonctions économiques sur l'ensemble du territoire. Ce programme d'investissement doit s'effectuer grâce au recours à l'emprunt ;
– la revalorisation des activités en milieu rural : encouragement de la pluriactivité par des adaptations des systèmes d'aides économiques, de la fiscalité, la mise en place d'une politique différenciée du logement social et de l'habitat dans les zones rurales pour favoriser la création d'activités... ;
– la pérennité du service public. Il est à sauvegarder lorsque sa disparition condamne le territoire ;
– la mise en œuvre de grandes infrastructures de liaisons est créatrice d'emplois à moyen et long terme. L'attrait des zones rurales et de leurs bassins d'emploi ne se fera qu'avec la facilité d'accès entre la ville-capitale et ses chefs-lieux de cantons ;
– assurer la proximité du lieu de travail et du lieu de vie en matière de déplacement ;
– la CFE-CGC souhaite une spécialisation progressive de la fiscalité locale, une réforme de la taxe professionnelle, une péréquation des ressources entre les collectivités locales ; une modulation territoriale de la fiscalité, car ce n'est pas en appliquant les mêmes règles partout que les distorsions qui affectent le territoire pourront être corrigées ;
– l'État doit être le garant de la cohérence et de la solidarité nationale. Il faut réduire la concurrence entre les collectivités et clarifier les compétences entre celles-ci.

L'aménagement est au cœur des préoccupations du personnel d'encadrement, des salariés et donc des citoyens, aussi bien en milieu urbain qu'en zone rurale. En effet, les conditions de vie et d'emploi de demain sont largement conditionnées par les choix d'aujourd'hui car, à travers une politique globale d'aménagement du territoire, s'élabore un projet économique et social, culturel…

Cette politique d'aménagement du territoire est une condition primordiale du développement économique et de l'emploi car elle permet de tirer parti des richesses et des particularités de chaque territoire et de faire émerger, au niveau local, des entreprises performantes et de favoriser un meilleur ajustement de l'offre et de la demande de travail sur les marchés locaux de l'emploi.

3. La famille fiscalement considérée comme une entité créatrice d'emplois

De même que les aides à l'emploi qui vont aux entreprises n'ont de justification que dans la mesure où elles sont liées contractuellement à une création d'emplois, la famille, doit être appréhendée fiscalement sur le même critère. Ainsi, tout l'effort fait par une famille pour créer un emploi familial doit être considéré comme ne faisant pas partie de son revenu imposable, de même que l'État exonère de cotisations sociales les emplois créés par les entreprises.

Le dispositif d'emplois familiaux mis en place en 1992 est différent dans son principe. Il a pour objectif d'inciter au développement d'une offre d'emploi spécifique susceptible de répondre à un besoin mal satisfait, tout en créant des postes adaptés à certaines catégories de demandeurs d'emploi, mais par la réduction d'impôt, ce qui n'est pas la même chose que le dispositif préconisé par la CFE-CGC.

Il a toutefois le mérite de lier création d'emplois et aides fiscales, ce qui n'est pas le cas pour les entreprises. En effet, les aides qui vont aux entreprises dans ce domaine sont le plus souvent, non assorties d'obligations comptables de création d'emplois.

L'aide aux emplois familiaux est fondée sur un dispositif d'incitation fiscale puissant : la loi de finances pour 1996 a porté à 45 000 francs la réduction d'impôt possible (contre 13 000 francs antérieurement) ce qui correspond à 50 % des sommes engagées (salaires + cotisations) dans la limite de 90 000 francs.

Cette mesure a l'avantage d'inciter à l'embauche de personnel à domicile et de lutter contre le travail clandestin.

Elle permet également de diminuer l'impôt des ménages en particulier celui des personnes âgées, handicapées, ou des couples ayant des enfants, population dont fait partie le personnel d'encadrement. Il s'ensuit une augmentation du pouvoir d'achat, ce qui concourt à la croissance et donc à l'emploi.

Cette mesure paraît efficace puisqu'en 1994, 1,1 million de personnes ont bénéficié de cette formule qui concernait également 720 000 employeurs.

En outre, l'effort financier de l'État est relativement modeste : à peu près 2 Mdfs en plus des 3,5 mdfs du dispositif antérieur (à titre de comparaison, le CIE coûte 21,7 Mdfs par an).

Enfin, la mise en place du chèque emploi service a favorisé le développement de ce type d'emploi.

La CFE-CGC reconnaît cette efficacité, et donc approuve le dispositif existant. Elle regrette cependant que les ménages qui créent des emplois ne soient pas davantage responsabilisés (l'administration fiscale calcule elle-même le montant de la réduction) et propose plutôt que tout contribuable puisse déduire de ses revenus professionnels les salaires et charges sociales déclarées à l'URSSAF, des personnes qu'ils emploient à domicile.

4. Le logement : un secteur créateur d'emplois

La construction de logements s'est située aux environs de 285 000 logements en 1995, contre 302 000 en 1994.

La barre fatidique de 300 000 logements construits par an permettant de maintenir l'activité du bâtiment ne sera sans doute pas franchie pour 1996, où les prévisions du niveau des mises en chantier seraient de l'ordre de 295 000 unités. Une fois de plus, le bâtiment créateur d'emplois va devoir diminuer ses effectifs pour 1996.

Pourtant, face à cette situation, plusieurs mesures ont été prises au fil des mois. Ces nouvelles mesures, dont certaines ont été lancées en juin 1995, s'attachent avant tout à relancer la construction de logements par des investisseurs privés et par des incitations fiscales significatives (soutien de l'investissement locatif privé, entretien du patrimoine privé).

Toute politique tendant à rééquilibrer l'investissement immobilier par rapport aux autres investissements va dans le sens souhaité par la CFE-CGC, comme la réforme qui porte sur le logement intermédiaire (réforme des prêts locatifs intermédiaires). Toutefois, de nouvelles dispositions ne s'inscrivent pas dans une politique globale du secteur du logement, mais dans une succession de mini-plans de relance. En outre, certaines mesures n'auront que six mois d'existence, d'autres qu'une année.

Toute politique dans le secteur du logement doit se concevoir dans le long terme. Il ne faut pas se contenter de relance de courte ni même de moyenne période. L'accession à la propriété constitue avant tout un enjeu de société plutôt qu'un enjeu économique et social.

Un véritable plan quinquennal pour le secteur de la construction de logements et du marché de l'immobilier reste vraiment indispensable pour résoudre le problème de la crise du logement et agir sur l'activité du bâtiment.


Manifeste pour l'emploi

Propositions

I. – Une économie au service de l'emploi

1. Soutenir la croissance par une autre redistribution des gains de productivité, réorientée plus en faveur des salaires, et par une stabilisation, puis une baisse des prélèvements obligatoires afin d'éviter les effets maintenant clairement néfastes d'une trop forte épargne de précaution.

2. Maintenir le principe de la déductibilité fiscale de toutes les cotisations sociales, y compris évidemment la CSG, étendue ou pas.

3. Repenser la politique fiscale dans l'optique d'un soutien à l'activité et à la consommation, et notamment fixer un barème de l'impôt sur le revenu à 5 tranches, échelonnées de 5 à 30 %.

Il s'agira également de rééquilibrer la fiscalité du travail et celle du capital, et de définir une fiscalité du travail qui cesse enfin de pénaliser la mobilité.

4. Développer une politique économique susceptible, elle aussi, de dynamiser l'activité, notamment en ne coupant pas dans certaines dépenses essentielles (industrie, recherche-développement, éducation, etc.) : mieux vaut un point de croissance en plus, qu'un demi-point de déficit en moins.

5. Relancer des négociations salariales actives, ainsi que des négociations portant sur les grilles de classification, les unes devant permettre de soutenir la demande et donc l'emploi, les autres créant les conditions favorables au redémarrage indispensable de la promotion interne dans les entreprises.

6. Redéfinir les fondements d'une nouvelle politique industrielle, comme élément déterminant des performances économiques globales de la France et en particulier favoriser les investissements immatériels, développer les infrastructures de transport et de communication, soutenir les efforts à l'exportation, encourager les alliances européennes, etc.

7. Assurer la réussite de la plus belle utopie de ce siècle finissant : l'Europe. À la condition indispensable maintenant de lui donner un vrai contenu en emplois : coordonner et intensifier les actions en faveur des secteurs stratégiques, s'engager résolument dans la conquête et l'utilisation des nouvelles technologies, réactiver les actions structurelles en faveur de l'emploi en y associant réellement les partenaires sociaux européens, dont la CEC, etc.

8. Faire de la monnaie unique un instrument monétaire réellement unique, c'est-à-dire organisé autour d'un système de change qui interdira toute manipulation monétaire des États membres appartenant à l'Union, mais demeurant en dehors de l'intégration monétaire.

II. – Une autre organisation de la vie pour l'emploi

9. Considérer que les besoins de flexibilité des entreprises se traduisent essentiellement par des aménagements dans le temps de l'utilisation des équipements, suppose que la contrepartie nécessairement négociée de ces contraintes, nées de cet autre temps de travail de l'entreprise, prennent la forme d'une réduction des temps de travail des salariés.

La CFE-CGC affirme nettement qu'au-delà de tout autre objectif, la réduction des temps de travail doit être finalisée sur l'emploi.

10. Généraliser l'outil-clé de cette réduction du temps de travail que constitue le plan épargne-temps. Celui-ci recevra l'ensemble des temps de repos non pris et l'équivalent en temps des sommes que le salarié aura décidé d'épargner.

11. Permettre au temps partiel de jouer le rôle central qui doit être le sien en faisant en sorte que le moindre temps passé dans l'entreprise ne soit pas pénalisant pour le salarié en termes de carrière et de rémunération.

12. Refuser la démarche de trop d'entreprises consistant à hypothéquer leur avenir en ne misant pas sur le capital compétences et de savoir–faire des jeunes diplômés. Il faut les sensibiliser à l'accueil de jeunes en leur sein. C'est pourquoi, une mesure dite « contribution d'accueil jeune » pourrait être mise en place dans le but clairement affiché de pénaliser financièrement tes entreprises qui n'accueilleraient pas un certain nombre de stagiaires dans l'année.

13. Confirmer l'énorme besoin de stabilité et de sécurité juridique au moment où les jeunes aspirent à entrer dans la vie professionnelle en reconstruisant de façon volontariste les dispositifs actuels d'aides à l'embauche des jeunes, sur la base d'un contrat de droit commun, à durée indéterminée.

L'objectif est ici de renforcer le lien entre contrats aidés et contrat de travail classique (ex : le contrat d'orientation devrait obligatoirement déborder sur un CDI ou un contrat d'apprentissage).

14. Rendre indissociable l'acte d'embauche d'un accompagnement de la nouvelle recrue dans l'entreprise : la fonction de tutorat doit être reconnue, en liaison notamment, mais pas exclusivement, avec les différentes formes possibles d'aménagement de fin de carrière.

15. Réitérer, sans se lasser, l'évidence selon laquelle l'ensemble des connaissances acquises par la formation initiale ou la formation au travail doit continuellement s'enrichir. La performance de l'entreprise passe aussi par cet investissement. Quelle que soit leur taille, l'effort des entreprises en matière de formation professionnelle continue des salariés doit maintenant être considéré comme un devoir, pour elles comme pour les salariés.

16. Créer, dans le cadre de la logique précédente, un véritable droit pour le salarié de reprendre des études qualifiantes après quelques années d'activité professionnelle. S'inspirant du congé individuel de formation, ce congé long d'études pourrait s'étendre sur plusieurs années avec l'objectif d'obtenir une qualification supérieure reconnue par l'entreprise lors de son retour.

17. Élargir et développer le Contrat de génération en faveur de l'emploi afin de permettre à des salariés, ayant commencé très jeunes à travailler et proches aujourd'hui de la retraite, de partir de façon anticipée, avec des garanties financières intéressantes, pour libérer un poste de travail et faciliter ainsi l'embauche d'un plus jeune.

Il s'agit donc de prolonger la démarche initiée par l'accord du 6 septembre 1995 en l'élargissant aux salariés âgées de 55 ans pouvant justifier de 38 ans de cotisations, avec à la clé, 200 000 emplois créés.

III. – Une société mobilisée pour l'emploi

18. Faire émarger et viabiliser les emplois liés à la qualité de la vie qui répondent à des besoins réels et souvent non satisfaits. Les domaines de l'aménagement du territoire, du logement et la cellule familiale représentent indiscutablement des leviers importants de créations d'emplois. Dans ces trois champs, il est nécessaire de construire de véritables programmes d'action s'échelonnant sur plusieurs années, destinés à accompagner au mieux leur développement tout en prenant des mesures incitatives avec des effets à court terme.

19. Sécuriser l'existence de ces « nouveaux emplois », qui avant d'être nouveaux, doivent d'abord être des emplois, c'est-à-dire reposer sur une qualification reconnue, formalisés par un vrai contrat de travail et assortis d'un réel effort de formation, permettant les évolutions ultérieures.

20. Reconnaître à l'échelon local l'importance stratégique qui est la sienne dans le cadre de la lutte pour l'emploi, en développant notamment une politique d'aménagement du territoire permettant de reconquérir l'espace, d'attirer les entreprises, de revaloriser les activités en milieu rural, de mobiliser tous ceux qui sont porteurs d'initiatives.

21. Pérenniser les activités de service public, a fortiori lorsque leur disparition condamne, à court ou moyen terme, toute vie économique et sociale.

22. Considérer fiscalement la famille comme une entreprise créatrice d'emplois et lui permettre de déduire de son revenu imposable les sommes engagées par elle pour créer un (ou plusieurs) emploi(s) familial(aux).

23. Mettre en place une politique du logement sur les moyen et long termes, qui ne se résume pas à une succession de mini–plans de relance, comportant trop souvent des mesures à effet de vie limité (6 mois, 1 an...). Pour que le bâtiment soit, à nouveau, fortement créateur d'emplois, il est indispensable de prendre des engagements de long terme, dans le cadre, par exemple, d'un plan quinquennal pour le logement.