Déclaration de M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales, sur le niveau de formation et l'accès à l'emploi des jeunes, Paris le 29 novembre 1995.

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Circonstance : Colloque de l'Association pour faciliter l'insertion professionnelle des jeunes diplomés (AFIJ) à Paris le 29 novembre 1995

Texte intégral

1. Remerciements à la (jeune) association AFIJ (Association pour faciliter l’insertion professionnelle des jeunes dip1ômés) d’avoir organisé ce colloque.

2. Les sujets importants pour l’insertion sont ici traités par des responsables de haut niveau, dont ceux de l’ANPE, de l’UNEDIC, de l’APEC et le délégué à la formation professionnelle, avec tous les partenaires et spécialistes intéressés.

Ils concernent l’efficacité des diplômes en terme d’insertion, l’utilisation des stages pour cette même insertion, et les diverses solutions de transition de l’obtention du diplôme à la vie professionnelle.

3. Il faut partir du constat de la montée du niveau. On peut en effet toujours discuter de la valeur « intrinsèque » des diplômes. Il reste que la vague est très forte : il y a 15 ans, la France ne comptait guère plus d’un million d’étudiants. Elle en compte 2,2 millions. Les études professionnelles ou « sélectives » ont de plus accru leur place dans cet ensemble : de 33 à 40 % des effectifs dans le même intervalle. Si les étudiants sont plus nombreux, ils le sont aussi formés à un niveau croissant : 700 000 à 800 000 jeunes poursuivent actuellement des études de niveau licence ou plus.

4. Cependant, divers problèmes concernant l’établissement du lien avec le monde du travail :

a) Le taux de départ du supérieur sans diplôme (1/3) reste important même s’il diminue tendanciellement (45 % dix ans auparavant). Il est surtout imputable au 1er cycle. C’est pourquoi on ne compte – en dépit même de la croissance du supérieur – qu’un tiers de sorties des jeunes avec un diplôme du supérieur (bac exclu) en poche.

b) L’insertion dans l’emploi est parfois difficile : 1/4 des anciens étudiants sont hors de l’emploi après neuf mois après leur fin d’études. Certes la situation est moins grave que pour d’autres jeunes. Mais la « tête d’œuf » sans emploi n’est pas un mythe...

c) Les filières professionnelles restent encore à développer : 100 000 places en IUT, 235 000 STS et 300 000 étudiants en écoles professionnelles (total : 635 000) face à l’université classique avec 1,5 million d’étudiants.

5. Une question plus fondamentale peut-être se pose, sur la capacité et les formes d’absorption par le monde économique de ce flux de compétences : peut-il et comment embaucher 100 000 Bac + 2 et 200 000 Bac + 3 (ou plus) chaque année ? Il suffit de mettre en regard les recrutements effectifs des jeunes diplômés en 1994 : 33 000 cadres et 75 000 techniciens, soit à peine plus du tiers de ce flux, pour mesurer le défi mais ainsi la chance que cela représente.

Si le lien s’opère bien, en 2005, la main-d’œuvre de niveau supérieur pourrait représenter de 30 à 35 % du total soit 5 à 6 M d’actifs. Dans la mesure où l’emploi dans les grandes entreprises et les services publics ne semble pas appeler à croître significativement ce sont les PME/PM1 qui devront absorber une part importante des nouveaux diplômés.

6. On voit donc que – si le défi est relevé – le résultat sera propre à créer des activités à valeur  ajoutée en forte croissance, dans un système économique irrigué par cette dissémination de compétences.

Les pistes à explorer pour que, si je puis dire soit opéré la greffe de l’université et des PME – qui fut et est encore pour beaucoup dans la réussite de la RFA – me semblent les suivantes :

a) De la part du monde éducatif : 
    – faire mieux connaître aux étudiants le monde du travail, par l’information sur les métiers et les stages alternés ce que les spécialistes appellent « l’éducation des choix ». Il faut renforcer l’existant sur ce point, en particulier aider à l’orientation, au cours du 1er cycle ; 
    – développer encore les filières professionnelles et les diverses formes d’alternance, peut être en ouvrant plus nettement un droit au retour vers la formation générale.

b) De la part des entreprises : 
    – renforcer pour les jeunes diplômés les formes courtes d’accès à l’emploi (ex : l’APEJ, doublée à 2 000 F/mois pendant 9 mois, le contrat d’adaptation) ; 
    – modifier l’organisation du travail pour tenir compte de l’élévation du niveau de compétences, du développement des qualifications intermédiaires et supérieures.

c) Il faut aussi renforcer le rôle des médiateurs : 
    – les régions, responsables du plan régional de développement des formations des jeunes ; 
    – les partenaires sociaux, notamment des branches professionnelles ; 
    – les professionnels de la formation continue (ex. : le CNAM, le CNED...) ; 
    – le monde associatif, telle l’AFIJ.

d) Remerciements pour l’action et les initiatives récentes de l’AFIJ : 
    – outils de recherche d’emploi mis au point en collaboration avec l’APEC ; 
    – enquête, « accès à l’emploi » auprès des étudiants ; 
    – campagne pour l’embauche auprès des entreprises.