Texte intégral
O. Mazerolle :
Nommer J.M. Le Pen président honoraire. Vous aimez manipuler les chiffons rouges ?
B. Mégret :
« Non, pas du tout, pas du tout. Mais je crois que c’était ce que souhaitait la grande majorité des adhérents du Front national, de reconnaître le rôle historique qu’a joué J.-M. Le Pen, dans la période d’émergence et de consolidation du Front national entre 1982 et 1997 ».
O. Mazerolle :
Mais vous avez l’air de découvrir les outrances verbales de J.-M. Le Pen. Cela ne date pas d’aujourd’hui quand même !
B. Mégret :
« Il y a eu, mais je n’ai pas l’intention d’y revenir, c’est vrai, une dérive qui s’est accentuée considérablement au cours de ces dernières années ».
O. Mazerolle :
Ça fait plus de dix ans !
B. Mégret :
« C’est pour cela que nous faisons une différence entre ces dernières années – qui ont été des années où le Front national a été progressivement bloqué par ces outrances de J.-M. Le Pen –, et puis la phrase antérieure où, c’est vrai, J.-M. Le Pen, a été l’artisan de l’émergence ».
O. Mazerolle :
Donc, vous voulez arriver au pouvoir. Mais vous voulez y arriver seul, sans la gauche ni la droite ?
B. Mégret :
« N’allons pas plus vite que la musique ».
O. Mazerolle :
Vous l’avez dit hier : « Arriver au pouvoir »…
B. Mégret :
« Oui je l’ai dit, absolument. Voilà comment : d’abord, aux élections européennes, nous allons présenter une liste. Notre objectif, c’est de rassembler dans le parti de l’électorat du Front national et au-delà, et d’arriver devant toutes les listes anti-Maastricht, et même devant les listes de la gauche et de l’extrême-gauche, ce qui nous mettrait en troisième position derrière le PS et le RPR. Donc, je dis que c’est tout à fait possible puisque, aucune de ces listes ne dépasse 9% ».
O. Mazerolle :
Dans les couloirs du congrès vous avez dit : « On essaiera d’être presque à parité avec J.-M. Le Pen ». Et là vous dites : on veut être devant…
B. Mégret :
« Non, non, non. L’objectif c’est d’être devant et d’arriver en troisième position. C’est l’objectif. Ensuite, deuxième étape : ce seront les municipales, car nous considérons que c’est très important d’être enracinés dans nos communes. Et là, nous avons l’ambition de réunir non seulement tout l’électorat du Front national mais d’aller bien au-delà et, en 2002, pour les échéances importantes – je pense, bien sûr, aux élections législatives et à l’élection présidentielle –, d’être en situation de rassembler une écrasante majorité. Les 30 % de Français qui, au moins une fois dans leur vie, ont voté Front national, qui avaient cessé de le faire non pas parce qu’ils n’avaient plus les idées du Front national mais parce qu’ils étaient en quelque sorte, un peu choqués par le style qu’avait pris le Front national avec J.-M Le Pen à sa tête, peuvent nous rejoindre. De ce fait, ils nous permettraient d’avoir crée une très grande force de renouveau national, une très grande force politique, capable en effet de conquérir les responsabilités du pouvoir. Car, quand on a atteint les 20, 30 % on est en situation de … »
O. Mazerolle :
D’accord. Mais avec quelle tactique ? Quand même, hier, vous aviez prévu dans votre discours de lire une phrase, sur les mains tendues à certains cadres de la droite ou à certains élus locaux de la droite et vous n’avez pas lu cette phrase. Donc, vous n’en voulez plus de cette main tendue ?
B. Mégret :
« Si, si j’ai dit en effet, ou j’avais prévu de dire – et je l’ai dit d’une autre façon, mais la chose revient au même –, que nous allons combattre le RPR et l’UDF et Démocratie Libérale à cause de leurs états-majors nationaux qui mènent une politique socialo-mondialiste assez comparable à celle des socialiste ; et que nous pouvons parfaitement, en effet, tendre la main aux cadres et aux élus locaux du RPR et de l’UDF, parce que beaucoup d’entre eux ont nos idées et pourraient très bien être avec nous. »
O. Mazerolle :
Dans tous les sondages, on voit apparaître une masse importante de Français, entre 60 et 70 %, qui dit : jamais le Front national. Vous croyez vraiment que c’est uniquement à cause des outrances verbales de J.-M. Le Pen qu’ils ont cette position ou bien est-ce tout simplement parce que l’idéologie du Front national fait peur ?
B. Mégret :
« Non, je crois que ça n’est pas du tout une question d’idéologie, parce que si vous regardez les études d’opinion, quand on interroge les Français sur les propositions concrètes que préconise le Front national – par exemple : le retour à la sécurité publique, à l’ordre, et à la sécurité des biens et des personnes –, il y a une écrasante majorité de gens qui sont de notre avis ».
O. Mazerolle :
Mais il y a une question de méthode ?
B. Mégret :
« Non. Quand je parle de sécurité ce n’est pas… »
O. Mazerolle :
Tout le monde est d’accord pour la sécurité.
B. Mégret :
« Non, non. Ce n’est pas par la politique de retour à la répression des criminels et des délinquants. ?La préférence nationale”, si on l’appelle autrement – si on dit : la priorité pour les Français dans l’accès au logement, aux emplois –, il y a une majorité qui sont d’accord ».
O. Mazerolle :
Vous allez changer de slogan et ne plus parler de « préférence nationale » ?
B. Mégret :
« Si, si, bien sûr. Mais ce que je veux dire c’est que, s’ils sont d’accord sur les idées, c’est bien parce qu’il y avait une image qui était négative du Front national. Et ce que nous voulons, nous, c’est qu’on soit enfin reconnus et perçus tels que nous sommes et non pas tels que nos adversaires nous présentent ».
O. Mazerolle :
La lutte contre l’immigration semble être un des points d’ancrage du Front national, J.-Y Le Gallou en a beaucoup parlé hier dans son discours. Il a dit : « L’invasion, l’immigration-invasion, est la principale menace qui pèse sur l’identité et sur la substance même de la France ».
B. Mégret :
« Oui, c’est tout à fait exact ».
O. Mazerolle :
« Substance » ?
B. Mégret :
« La substance de la France, bien sûr ».
O. Mazerolle :
Ça veut dire quoi ?
B. Mégret :
« C’est-à-dire que, si des populations qui viennent d’autres continents, s’installent en très grand nombre sur notre sol – comme c’est actuellement le cas –, et de surcroît essayent de le faire, par exemple, à propos du port du tchador à l’école –, nous serons en situation d’être un peuple colonisé par d’autres, qui viennent s’installer pour y vivre chez nous définitivement et pour nous imposer leur civilisation ».
O. Mazerolle :
Est-ce que c’est regrettable ?
B. Mégret :
« Mais n’essayez pas, M. Mazerolle, de … »
O. Mazerolle :
Non, mais je pose une question… « Substance » est un mot…
B. Mégret :
« Nous sommes partisans, en effet, que chaque peuple reste maître chez lui, sur son sol. C’est ça qui fait l’harmonie du monde et c’est ça qui assure la paix. Il suffit de voir ce qui se passe en Yougoslavie, sur le territoire de l’ex-Yougoslavie, où justement on a mélangé les peuples sur les mêmes territoires, c’est la guerre ».
O. Mazerolle :
Croyez-vous, comme P. Vial, qui est membre du bureau national donc du Front national, qu’il faut préparer les Français moralement et physiquement à une guerre ethnique qui serait inévitable et totale ?
B. Mégret :
« Non, non. Ça, c’est pas des propos qui ont été tenus par un cadre du Front national, je suis désolé ».
O. Mazerolle :
Si, si, dans son association, quand il l’a créée, il y a deux ans…
B. Mégret :
« En dehors du Front national. Mais.. »
O. Mazerolle :
Vous n’adhérez pas à cela ?
B. Mégret :
« J’espère que nous n’aurons pas à en arriver là. Et j’espère qu’une telle situation ne se produira pas. C’est exactement ce que je viens de vous dire. Si on veut éviter ce genre de drame, comme il en existe sur le territoire de l’ex-Yougoslavie, il faut éviter de créer, sur notre sol, cette situation ».
O. Mazerolle :
En disant cela vous ne découragez pas ceux qui se sont intégrés et qui veulent vivre selon les lois françaises ?
B. Mégret :
« Mais nous sommes partisans de l’assimilation. C’est-à-dire que, le peuple français peut, c’est vrai – il l’a fait dans le passé, avec les Italiens, avec les Portugais, avec les Polonais – assimiler, c’est-à-dire intégrer dans son sein, au point qu’ils se fondent et qu’ils deviennent Français comme vous et moi, un petit nombre d’étrangers. Le problème c’est qu’actuellement ça n’est plus une immigration d’assimilation, c’est une immigration de colonisation, et ça nous le refusons catégoriquement. Et nous organiserons pour y faire barrage, le retour chez eux des immigrés. C’est la condition pour permettre à la France de retrouver son identité, sa prospérité et sa sécurité ».