Article de MM. Jacques Voisin, secrétaire général de la CFTC, et Alain Deleu, président de la CFTC, dans "La Lettre confédérale" du 21 juillet 1997 et "La Vie à défendre" de juillet 1997, sur la campagne pour les prud'homales et la confiance que les Français accordent aux syndicats.

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La Lettre confédérale CFTC - 21 juillet 1997

Notre engagement - Jacques Voisin

L’actualité sociale, nous le voyons bien, ne marquera aucune pause estivale. Le Gouvernement prépare la mise ne place de la politique et les partenaires sociaux seront en permanence sollicités. Ces semaines sont cependant propices à prendre du recul, à décanter les problèmes et à se concentrer sur l’essentiel.

L’essentiel du syndicalisme, c’est l’engagement de proximité. Lorsqu’il y a autant d’incertitudes, de peurs sur l’emploi, la carrière, le salaire ou la retraite, la défense au quotidien, la présence forte et visible dans l’entreprise du syndicalisme CFTC demeure la priorité.

L’engagement au quotidien dans l’entreprise touche au cœur des choses. C’est la source de notre action. Elle fait place concrètement aux hommes et n’hésite pas, pour cela, à bousculer les chiffres. La bataille de l’investissement se gagnera, entreprise par entreprise, avec des syndicalistes résolus à ne pas baisser les bras. Une étude parue ce matin indiquait que pour l’entreprise « le retour sur investissement d’une suppression d’emploi est extrêmement rapide et supérieur à tous les autres types d’investissement (notamment les investissements productifs et, à plus forte raison, les investissements en recherche et développement) ». On ne peut imaginer conception plus dévoyée de l’investissement. Seuls des salariés fortement engagés pourront desserrer l’étreinte que fait peser l’exigence des profits immédiats sur l’avenir de nos entreprises.

Le Gouvernement fait en ce moment le compte des caisses de l’État. Il faut bien le faire. Prenons garde cependant à ce qu’il ne soit pas tenté, lui aussi, de ne pas investir. À trop chercher des ressources pour financer ses premières mesures, il vient de borner, de façon caricaturale, la réflexion d’ensemble sur la politique familiale. Il lui faut changer rapidement d’approche. Seule une vision ambitieuse et forte du développement et de l’investissement à moyen et à long terme peut redonner confiance. De l’entreprise jusqu’à l’interprofessionnel, du local jusqu’au national, les équipes syndicales CFTC se battent pour que les salariés fassent nombre et pour que l’homme puisse gagner la bataille des chiffres.


La Vie à défendre : Juillet 1997

« Gagner les prud’homales » - Alain Deleu

L’équipe confédérale souhaite que les congés d’été vous permettent de trouver le repos, la détente, les joies familiales, le ressourcement et les découvertes auxquels vous aspirez. Mais les problèmes sociaux ne prennent pas de congés, bien au contraire, et chaque équipe du terrain doit s’organiser pour assurer la continuité de la présence syndicale. Merci à chacun et chacune. Cette période nous rappelle tout l’intérêt qu’il y a à pratiquer le syndicalisme en équipe, qui permet les relais nécessaires, et non en solitaire.

Nous souhaitons aussi vous retrouver en pleine forme pour la campagne prud’homale qui va nous mobiliser jusqu’au 10 décembre. Cette élection a lieu tous les cinq ans. Elle est la plus importante par le nombre d’électeurs, plus de 15 millions d’inscrits, puisque les élections à la Sécurité sociale ont été supprimées.

Les prud’homales concernent tout le monde. Il n’est pas un adhérent, actif ou retraité, fonctionnaire ou métallo, qui puisse dire : « Ça ne me concerne pas. » En effet, au lendemain de l’élection et pour 5 ans, notre score représentera le principal repère d’audience de toute la CFTC. Une progression sensible sera un formidable démultiplicateur de votre propre action sur le terrain.

Le bureau confédéral vous appelle donc, dès maintenant, à préparer la campagne électorale. Depuis le début de l’année, des équipes travaillent. La cellule confédérale prud’hommes, animée par André Weber, a accéléré la préparation des listes et lancé une précampagne de proximité. Être en campagne, ce n’est pas seulement distribuer des tracts et coller des affiches, même si c’est important. C’est d’abord donner autour de soi l’image d’une CFTC vivante, constructive, efficace, par son action. L’image de la CFTC, chacun de nous la construit autour de lui.

La CFTC est le syndicat de « la vie à défendre ». Elle place la personne humaine au centre de l’économie. Elle défend la dignité de chacun dans toutes les dimensions de sa vie. Elle vise à son plein épanouissement en faisant de chaque personne un acteur dont la fonction sociale est reconnue.

Nous voulons répondre aux vraies attentes des travailleurs, en donnant la priorité à l’action sur le terrain. Cela repose sur la qualité de l’accueil, de l’écoute, de la défense individuelle. Être syndicaliste, ce n’est pas attendre le « client » dans un bureau. C’est aller à la rencontre des salariés, des chômeurs, des retraites, pour les aider et les associer à l’action.

Pour gagner, il faut être solidaires et porter tous le même projet, celui de la CFTC. Pour cela, les principaux responsables fédéraux et régionaux se réuniront à Paris, les 4 et 5 septembre. Ils s’approprieront ce « projet pour gagner », afin de le mettre en musique dans leur propre secteur. La richesse de la CFTC se construit par les expériences de chacun. Nous lancerons à cette occasion la rentrée sociale de la CFTC.

Pendant tout l’automne, nous nous retrouverons sur le terrain dans les réunions et manifestations organisées par les régions et départements, les fédérations, les syndicats. Une campagne électorale est une occasion privilégiée d’aller à la rencontre les uns des autres, d’agir ensemble, quelle que soit notre profession. Ne manquons pas ce moment fort de la vie syndicale.

Mais rendez-vous a aussi été pris en septembre pour ouvrir, avec le Gouvernement, des dossiers très importants, comme par exemple, la Conférence nationale sur l’emploi, le temps de travail et les salaires. Le Premier ministre appelle à la patience mais les faits crient l’urgence. La CFTC fera entendre sa voix, comme d’habitude, en dénonçant les injustices sans complaisance, en montrant les enjeux, et en faisant des propositions constructives.

D’ici là, bonnes vacances à chacune et chacun.


La Vie à défendre : Juillet 1997

« Juste une mise au point » - Jacques Voisin

Ainsi, selon une récente étude (1), les Français feraient moins confiance aux syndicats, « Pour ce qui est d’apporter, à l’avenir, des solutions » à la crise, qu’aux associations, aux élus locaux, aux entreprises, à l’Europe et au gouvernement (2). Loin de moi l’intention de contester la validité de ce sondage – par ailleurs fort instructif – ou de remettre en cause le jugement de nos concitoyens, encore moins de nier l’efficacité du travail réalisé par les associations – d’autant que les syndicalistes sont très souvent actifs dans ce secteur aussi.

Il est vrai, en effet, qu’il existe un fossé entre l’idée que les Français se font du syndicalisme et des syndicats, d’une part, et la réalité de l’engagement des syndicalistes dans les entreprises, d’autre part. Pour nos concitoyens, les syndicats évoluent dans un cadre institutionnel loin du terrain, coupé de la base ; ils apparaissent tout au plus des groupes de pression qui défendent leurs seuls intérêts particuliers au détriment du bien commun.

Permettez-moi, conforté par mon expérience de syndicaliste, par les témoignages que je recueille quotidiennement, par les actions dont je suis également témoin ici ou là, de penser le contraire ! Le présent numéro – comme ceux qui l’ont précédé et ceux sui le suivront – montre aussi qu’il n’en est rien. Qu’il s’agisse du dossier sur l’outre-mer que l’on vient de lire, ou des reportages sur les VRP, les employés du commerce germanophones, les fonctionnaires, ou encore de l’article sur le prochain congrès des cadres de l’UGACA-CFTC, ou enfin, de l’entretien que nous publions avec Luis-Enrique Marius… tous ces textes attestent de la diversité géographique, professionnelle et sociale de notre engagement. Un engagement qui s’enracine dans une histoire : celle du syndicalisme chrétien. Un engagement qui se construit dans la multitude des actions syndicales, au nom d’un projet de société dont l’homme est le centre.

Un engagement qui rompt avec la fatalité, refuse de considérer qu’il n’y a pas d’alternatives à l’économie libérale.

Il est vrai que cela n’a rien de spectaculaire, et que, dans la logique médiatique actuelle où il est plus important de dire qu’on existe et de le faire savoir, que d’exister, où les actions d’éclat sont préférables au dialogue, quitte à déboucher sur le néant, nous avons du mal à nous faire entendre. Ceci explique peut-être le résultat de ce sondage. Mais attention ! Cela ne veut pas dire que nous ne devons pas communiquer avec les journalistes, au contraire ; mais faisons-le dans perdre de vue notre projet.

Quoiqu’il en soit, nous devons poursuivre sur notre lancée. Déjà le fossé entre la réalité syndicale et l’idée qu’on s’en fait à tendance à se combler depuis quelques temps. Ce travail est un travail de longue haleine. Rien ne serait pire que de déserter le terrain. C’est, au contraire, en l’occupant que nous permettons aux Français de changer d’avis. Et, surtout c’est sur le terrain que se gagnerons les prochaines élections prud’homales.


1 Sondage AJIS-CREDOC-ISL sur le thème 30 ans d’évolution sociale : bilan et attentes… l’avis des Français, rendu public à l’occasion du 30e anniversaire de l’Association des journalistes de l’information sociale (AJIS). Il a été réalisé entre le 3 et le 10 juin, soit au lendemain du second tour des élections législatives, sur un échantillon représentatif de 1 000 personnes.

2 Classé par ordre décroissant de préférence.