Texte intégral
1. L’excédent de notre balance commerciale pour le premier semestre s’élève à 81 MdF. C’est presque autant que le chiffre de 1996, qui était de 89 MdF pour l’année entière. L’excédent cumulé s’élève, sur les douze derniers mois, à 135 MdF.
Ces chiffres sont positifs. Notre excédent est au moins en partie structurel. Il apporte une contribution positive à la croissance et à l’emploi. Mais cela étant dit, il faut aller au-delà de ce simple constat, et regarder ce que ce solde représente pour notre commerce extérieur.
La première chose que je veux souligner, c’est que la bonne nouvelle contenue dans ce chiffre n’est pas que notre excédent commercial atteint un nouveau record, mais que nos exportations se portent bien.
D’un semestre à l’autre, nos importations augmentent de 5 %. La demande intérieure ne redémarre que lentement.
Cela étant, la tendance est à l’accélération et les importations de biens d’équipement, en particulier, ne se portent pas trop mal.
En revanche, le dynamisme de nos exportations est, sans nuances, une très bonne nouvelle.
Du premier semestre 1996 au premier semestre 1997, l’augmentation est de 11 %. Ce chiffre prolonge une tendance de plusieurs années, mais l’accélération est nette à nouveau depuis la deuxième moitié de 1996. La vive progression de nos exportations industrielles explique une grande part de ces évolutions.
La croissance est marquée pour les secteurs que l’on a habituellement à l’esprit : l’agriculture, l’aéronautique, l’automobile. Mais il y a aussi des taux de croissance très supérieurs à la moyenne dans des secteurs que l’on cite moins fréquemment à l’export : l’électronique professionnelle, le matériel électrique, la pharmacie.
C’est vers l’Asie en développement rapide (+ 29 % par rapport au premier semestre 1996), l’Europe de l’Est (+ 26 %), l’Amérique latine (+ 20 %) et les États-Unis (+ 17 %) que le rythme de progression de nos exportations est le plus marqué. Mais c’est l’augmentation de nos exportations vers l’Europe qui explique plus de la moitié de la croissance de nos exportations : le taux d’augmentation est moins élevé (+ 8 %), mais les volumes en cause sont plus importants.
Le montant de grands contrats signés au premier semestre, en progression sensible (75 MdF, contre 64 MdF au premier semestre 1996, soit une hausse de 17 %) est un autre facteur qui permet d’espérer une croissance encore vigoureuse de nos exportations dans les prochains mois.
2. Le bilan est positif. Il ne doit pas conduire pour autant à un optimisme excessif.
La demande adressée à la France est vigoureuse depuis plusieurs années : aujourd’hui en Europe, pour des raisons conjoncturelles ; dans les pays émergents, pour des raisons plus structurelles. Ils sont désormais sur une pente de croissance de rattrapage durablement plus forte que celle des pays développés. Dans la même période, les entreprises ont maîtrisé leurs coûts et su se moderniser. Notre compétitivité prix s’est bien maintenue. C’est ce qui nous a permis de tirer parti de la demande chez nos partenaires.
Mais si nous avons bénéficié de ces évolutions, cela n’empêche pas qu’il nous faille aujourd’hui poursuivre l’effort d’internationalisation de nos entreprises. D’abord parce que l’internationalisation des économies est un mouvement qui ne s’interrompt pas. Les entreprises ont un effort constant d’adaptation à faire, il faut les accompagner. Et puis aussi parce que nous gardons plusieurs handicaps. J’en retiens trois :
– nos parts de marchés dans les pays émergents sont trop faibles. Plus on s’éloigne de France, plus la croissance est forte, et pourtant plus on s’éloigne, plus notre présence est faible, tant en investissement qu’en exportations. Nous sommes peu présents sur les marchés qui pèsent de plus en plus lourd dans le commerce mondial ;
– nos PME ne sont pas assez internationalisées. Les différences avec nos principaux partenaires ne sont pas aussi caricaturales qu’on a pu le dire. Lorsqu’elles ont la taille nécessaire, et lorsqu’elles sont sur les bons créneaux, nos PME réussissent à l’international aussi bien que celles de nos partenaires. Mais précisément elles n’ont pas toujours la bonne taille – la taille moyenne de nos PME est plus faible que celle des PME allemandes, par exemple – et elles ne sont pas nécessairement sur les bons secteurs. Ce sont des différences qui peuvent peser lourd à moyen terme, parce que la réduction des barrières aux échanges et les nouvelles techniques de communication conduisent à donner aux PME un rôle croissant dans les échanges.
– enfin, nous n’avons pas assez investi au cours des dernières années, en France comme à l’étranger. Qui plus est, nous accumulons du retard dans les domaines des nouvelles technologies. Il est difficile de ne pas craindre que ces retards ne se traduiront pas par une progression insuffisante de la productivité de nos entreprises.
3. C’est à partir de ce bilan qu’il faut orienter l’action.
Je souhaite d’abord que l’appréciation portée sur la compétitivité de nos entreprises et sur la situation de nos échanges fasse l’objet d’un tableau de bord que j’ai demandé à mes services de constituer. Ensuite, une remarque sur la méthode. Nos résultats sont bons. Les problèmes que nous avons sont des problèmes de moyen terme, qui supposent un travail en profondeur et beaucoup de concertation avec les entreprises. Dans les différents domaines, notre action devra contribuer à une meilleure insertion internationale des PME. Dans cet esprit, les axes de travail que je me suis fixés, avec Dominique Strauss-Kahn, sont les suivants :
3.1. Le rôle des nouvelles technologies de l’information et de la communication devra être renforcé. La compétitivité repose de plus en plus sur l’usage et l’intégration dans les processus de l’entreprise des technologies de l’information.
L’utilisation de l’expérience inégalée de la France, acquise grâce au Minitel, dans le domaine du commerce électronique devra être mise à profit pour encourager les exportations des entreprises, et notamment des PME, par l’établissement de la nécessaire confiance des sociétés et des consommateurs. Le commerce électronique sur Internet permet en effet d’accéder au marché mondial avec des coûts de distribution plus faibles, qu’il s’agisse de prestations physiques ou de prestations intellectuelles. C’est un grand chantier qui s’ouvre.
Par ailleurs, l’encouragement au développement de l’usage des technologies de l’information pour l’exportation dans les entreprises, ainsi qu’au sein de mon administration, et j’y veillerai personnellement, sera une priorité. J’accorde un intérêt particulier au renforcement de l’information diffusée sur Internet et je veux développer les services qui permettent aux entreprises qui le souhaitent de nous interroger directement et d’avoir des réponses rapides à leurs problèmes concrets.
3.2. Le dispositif public d’appui aux entreprises exportatrices devra être amélioré dans le sens de la rationalisation et de la simplification.
Des moyens financiers importants sont déjà engagés par les pouvoirs publics dans ce domaine (État, collectivités locales). Mais les dispositifs d’appui sont nombreux, mal coordonnés, et souvent peu lisibles pour les entreprises. La priorité sera de renforcer la fonction de prestataire de services d’information assurée par ces dispositifs, et le suivi des prestations offertes. Ce qui importe, c’est moins les questions de structure que de faire en sorte que tous ces acteurs dispersés travaillent ensemble, dans la même direction. Des expériences ont été menées depuis le début de l’année ; nous examinerons leurs résultats, et nous tâcherons, s’ils sont positifs, d’en étendre les principes.
S’agissant des organismes d’appui, j’ai demandé que l’on me remette à la mi-septembre une étude portant sur l’état d’avancement de la réforme du CFCE, et sur la question du rapprochement entre le CFCE (pôle information) et le CFMEACTIM (pôle promotion, en charge des expositions à l’étranger et de la coopération technique). Vous le voyez, notre méthode, sur ce sujet comme sur les autres, est de progresser avec mesure, en analysant de manière approfondie les différentes options qui existent. Derrière les structures, il y a des hommes et des femmes, qui travaillent avec dévouement, et il y a des missions qu’il faut définir précisément.
3.3. L’accès de nos entreprises au marché des pays émergents doit être facilité par une défense active de nos intérêts dans les enceintes multilatérales. Cela vaut pour les négociations en cours, notamment sur les services financiers et sur l’investissement, mais aussi pour l’application des accords déjà signés, et il y en a eu beaucoup au cours des dernières années.
Les conditions de saisine de la Communauté ont été modifiées par le règlement sur les obstacles au commerce (ROC), complété par une base de données sur les barrières aux échanges, accessible aux entreprises. Les entreprises, les fédérations professionnelles et les États membres peuvent désormais saisir directement la commission de Bruxelles pour obtenir l’application des règles du commerce international. Il faut que ces procédures soient mieux connues, en particulier par les PME, et je m’y emploierai.
3.4. Par ailleurs, la « diplomatie économique » bilatérale est également devenue un instrument essentiel de pénétration des marchés. Nous devons être plus présents dans les contacts avec les autorités et les entreprises étrangères. Je me rendrai personnellement dans un certain nombre de pays émergents et en transition, afin d’appuyer les démarches des entreprises et, surtout, d’emmener des PME françaises dans ces pays parfois difficiles à aborder. Une sélection rigoureuse devra être effectuée, car les pays émergents présentent également des risques. J’ai ainsi prévu d’ici la fin de l’année plusieurs « tournées commerciales », notamment en Asie du Sud-Est et en Amérique latine.
De même, nous mettrons en œuvre un renforcement de la présence française dans les salons, foires et expositions à l’étranger. Cette présence est aujourd’hui insuffisante, au regard de celles de nos concurrents, alors qu’il s’agit là d’un excellent moyen pour les PME d’aborder de nouveaux marchés, comme j’ai pu moi-même le constater à Johannesburg en juillet dernier. Un nombre plus important de PME pourront participer à ces manifestations. Le programme de manifestations prévu pour 1998 vous sera communiqué ultérieurement.
3.5. Enfin, et c’est évidemment un sujet essentiel, la priorité du gouvernement en faveur de l’emploi des jeunes comportera un volet international, indispensable pour développer l’expatriation française, aider les jeunes à aborder le marché de l’emploi, et apporter aux entreprises un service apprécié. Une formule de volontariat à l’international sera ainsi mise en place pour remplacer celle des coopérants du service national à l’étranger (CSNE). Une réflexion sera engagée sur l’éducation et la formation des jeunes Français afin d’améliorer leur capacité à être employés dans un environnement international (compétences linguistique, culturelle, technique) et sur l’accueil d’étudiants et de stagiaires étrangers en France.