Texte intégral
P. Clark : Ça vous étonne encore quand on vous appelle par votre titre ou avez-vous réalisé ?
M. Demessine : Je pense que maintenant j'ai réalisé parce que vous savez, quand on est ministre, on est ministre dix minutes après avoir été nommée.
P. Clark : Ça s'est passé très vite. Un coup de fil de R. Hue chez vous, le soir. Il a fallu que vous vous décidiez en dix minutes ?
M. Demessine : Plutôt trois quarts d'heure et puis, dès la nomination, on entre de plain-pied dedans. Donc, depuis ma nomination, j'ai eu le temps de m'habituer.
P. Clark : Le tourisme n'est pas à proprement parlé un secteur prioritaire au sein du gouvernement. Quelle est votre action, à part dresser le bilan de la saison touristique ?
M. Demessine : L'action du secrétariat d'État au tourisme est de favoriser l'activité touristique en France. Je crois que ce qui est intéressant est de bien en mesurer la dimension, ce qui n'est pas, pour le moment, bien fait. Il faut savoir que le secteur du tourisme, c'est 674 milliards de chiffre d'affaires, que c'est devant l'automobile et l'agro-alimentaire, que c'est un secteur qui ramène énormément de devises - plus de 60 milliards - et où il y a près de deux millions d'emplois. Certes, ce ne sont pas des emplois suffisamment statutaires. C'est aussi un secteur en croissance. La France est la première destination au monde et c'est un atout considérable.
P. Clark : La France est la première destination au monde ?
M. Demessine : Oui, c'est un atout considérable. Nous sommes à l'aube de la civilisation des loisirs et je crois que la croissance est encore devant nous. Toute la question est de savoir comment la France va faire face à la civilisation des loisirs et comment on va pouvoir faire de ce secteur un grand secteur de développement qui pourrait répondre, je pense, à notre problème d'emploi.
P. Clark : Nous sommes le 25 juillet, est-ce que l'on peut dresser une première tendance pour la saison estivale ou est-ce que c'est un peu tôt ?
M. Demessine : Oui, c'est un peu tôt, mais il y a quand même quelques indicateurs assez favorables.
P. Clark : Ce sera une bonne saison ?
M. Demessine : Nous pensons que ce sera une bonne saison, encore qu'il faut attendre les chiffres définitifs parce que, entre le nombre de touristes et le chiffre d'affaires, il y a toujours un décalage, on ne sait pas comment ça va se dérouler exactement. Mais quand même, les offices de tourisme constatent un afflux de demandes de renseignements et les hôteliers ont vu arriver, au début de la saison, vers le mois de mai, un peu plus de touristes. Tous les secteurs sont en progression : la mer et notamment le tourisme rural qui commence à marcher vraiment très fort. La montagne est un secteur un peu plus en difficulté. Et là, certainement, il va y avoir des efforts à faire pour la rendre plus attractive, l'été notamment.
P. Clark : Les Français partent moins longtemps et surtout en France. C'est vrai ou c'est un lieu commun ?
M. Demessine : Non, c'est vrai parce qu'il y a une modification des besoins. Et ça, ce n'est pas seulement en France. Aujourd'hui, les besoins évoluent. Je crois que le farniente sur les plages est dépassé ; il y a des désirs de profiter des vacances pour se cultiver, pour découvrir le patrimoine et aussi, peut-être, pour faire des activités sportives. C'est aussi le désir de prendre des vacances plus souvent, donc plus courtes. Il faut donc s'adapter.
P. Clark : Il y a aussi 40 % des Français qui ne partent pas en vacances. La notion de tourisme social, ça peut être quoi ?
M. Demessine : Ça peut être, d'abord, qu'il y ait le pouvoir d'achat pour pouvoir partir. Ça, c'est une première question. Le tourisme social, c'est le tourisme pour tous, c'est-à-dire que tous les citoyens puissent accéder à ce besoin, qui est devenu un besoin fondamental. Aujourd'hui, un certain nombre de personnes n'envisagent plus leur vie sans partir en vacances et je crois que cela devrait être un droit pour tous. Il y a plusieurs façons : il y a les accueils de vacances qui seront plus spécialisés pour les personnes à faibles ressources. Puis, il y a aussi la question d'aides à donner aux personnes pour partir en vacances.
P. Clark : Les chèques-vacances ?
M. Demessine : Je crois que le chèque-vacances, c'est quand même un outil très précieux pour le tourisme social
P. Clark : Vous allez l'étendre ? Où en est le projet de loi ?
M. Demessine : On travaille à son extension aux petites et moyennes entreprises qui, jusqu'à présent, n'en bénéficient pas parce qu'elles n'ont pas de comité d'entreprise. On est en train de réfléchir à voir comment on peut trouver une solution pour échapper aux charges sociales sur le chèque-vacances afin que tous les salariés - ils sont sept millions - puissent y avoir accès. C'est quand même une injustice.
P. Clark : Ce sera pour quand ? Septembre ?
M. Demessine : On y travaille. On espère pouvoir être prêt le plus vite possible, au moins peut-être pour la saison prochaine.
P. Clark : Le gouvernement peaufine actuellement son plan emploi, particulièrement à destination des jeunes. Avec votre secteur du tourisme, avez-vous un rôle à jouer ? Y a-t-il des niches d'emplois dans le tourisme ?
M. Demessine : Tout à fait. De toute façon, si le tourisme se développe, forcément, au bout, il y a l'emploi. On estime que pour un million investi dans le tourisme, cela représente deux à trois emplois. C'est un secteur très productif en emplois de jeunes.
P. Clark : Allez-vous en créer ?
M. Demessine : S'il y a de la croissance, dans le tourisme, il y aura de l'emploi, parce que c'est une industrie de main-d’œuvre. On ne fait pas de tourisme sans salariés.
P. Clark : Parfois main-d’œuvre au noir, d'ailleurs.
M. Demessine : Oui. Donc, il y a certainement à réguler davantage. Cela va être aussi mon rôle que de travailler à la fois avec les professionnels, avec les salariés et voir comment, dans le cadre du développement, on peut pérenniser des emplois. Il y a des ouvertures. Evidemment, on n'échappera pas à la saisonnalité, mais on peut faire mieux, notamment en matière de formation. Là, il y a beaucoup à faire.
P. Clark : Parfois, le tourisme, c'est une vue de l'esprit. Actuellement, on peut visiter la secte Mandarom pour un prix modique ; un télévangéliste sied au Bourget également. Que fait-on de cela ? Vous laissez faire ?
M. Demessine : Je trouve cela très inquiétant. Autant je suis pour les nouveaux tourismes, comme le tourisme rural, le tourisme urbain, le tourisme industriel, mais je suis farouchement contre le tourisme sexuel, par exemple, et contre ce tourisme qui n'a, en fait, pour but que de banaliser les sectes en France.
P. Clark : Vous ne les fermez pas ?
M. Demessine : Écoutez, c'est un sujet que l'on est en train de regarder de près. On n'a pas d'outils juridiques actuels pour pouvoir le faire, puisque la manière dont cela s'est installé, c'est un peu difficile... En tout cas, j'y suis très attentive. C'est un travail que je ne vais pas faire seule : il y a tout un travail qui a été fait pour lutter contre les sectes. J'y serai attentive. Je veillerai à ce qu'on ne puisse pas non plus, à travers le tourisme, faire cette œuvre qui est une œuvre dangereuse pour les libertés.
P. Clark : Il y a le tube de l'été, mais il y a aussi la polémique de l'été : cette année, c'est la polémique sur le couvre-feu pour les enfants de moins de 12 ans dans certaines villes. Qu'en pensez-vous ? Vous condamnez ?
M. Demessine : Je trouve d'abord que c'est un véritable problème : on ne peut pas le nier. Il découle d'ailleurs des difficultés sociales qui existent dans le pays. Ceci dit, il y a plusieurs réponses : je constate qu'il y a un certain nombre de maires, de personnes ayant des responsabilités dans les collectivités territoriales qui choisissent plutôt de forcer sur l'animation, l'encadrement. Je ne crois pas, pour ma part, que la répression soit la solution. En tout cas, ce qu'il faut se dire, c'est qu'en fait, les enfants d'aujourd'hui seront les adultes de demain ; ce sont eux qui feront la France de demain. Je ne pense pas que cet axe-là, cette recherche vers la répression soit favorable et donne le sens nécessaire à ce que l'on voudrait demain. En tout cas, je sais que les enfants sont traumatisés, y compris ceux qui ne sortent pas la nuit. C'est très dommageable.
P. Clark : Comment se passe votre participation au gouvernement ? Y a-t-il un clan communiste ? On vous a vu au début avec Mme Buffet et M. Gayssot vous serrer les coudes. Et maintenant, ça va ?
M. Demessine : Nous sommes chacun en charge de responsabilités d'un secteur. Donc, on officie dans notre secteur. Ceci dit, on est dans un gouvernement pluriel.
P. Clark : Vous n'avez pas encore avalé de couleuvres, donc.
M. Demessine : Nous travaillons, mais nous restons quand même fidèles à nos engagements et à l'espoir qui est porté à travers nous. C'est ce qui guidera notre action.
P. Clark : Avez-vous fini par trouver un logement à Paris ou habitez-vous toujours au ministère ?
M. Demessine : Je suis installée et je peux désormais vivre comme tout le monde, ce que je souhaitais beaucoup.
P. Clark : Le secrétaire d'État au Tourisme part-il en vacances cette année ?
M. Demessine : Oui, il va prendre quelques jours de vacances ! Je pars bientôt dans l'Aveyron. J'ai choisi le tourisme vert.