Déclaration de M. Alain Bocquet, président du groupe communiste à l'Assemblée nationale, publiée dans "L'Humanité" le 5 juin 1997, et interview à RTL le 26, interview de M. Robert Hue, secrétaire national du PCF, à France 2 le 24 et déclaration de M. Pierre Blottin, membre du bureau national, publié dans "L'Humanité" le 25, sur la participation du PCF au nouveau gouvernement et les premières mesures annoncées.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Nomination du gouvernement de M. Lionel Jospin le 4 juin 1997.

Média : Emission L'Invité de RTL - France 2 - L'Humanité - RTL - Télévision

Texte intégral

L’Humanité - 5 juin 1997

Alain Bocquet : « Bonne chance »

« Ce gouvernement est représentatif du pluralisme de la gauche. La présence des ministres communistes lui donne une dimension significative.

Ce gouvernement doit maintenant répondre à l'immense attente de changement des Français.

Il lui faudra très rapidement être offensif pour apporter des réponses aux problèmes que connaît notre pays en termes d'emploi, de pouvoir d'achat, de justice sociale.

Pour ma part, je lui souhaite bonne chance et les députés communistes mettront tout en œuvre pour assurer la réussite de la majorité nouvelle dans l'intérêt de notre peuple et de la France. »


France 2 - Mardi 24 juin 1997

Robert Hue

RTL : À propos des allocations familiales : le Parti communiste est contre toute idée de plafonnement, contre le projet du gouvernement ?

Robert Hue : Je comprends que l'on puisse s'interroger sur le fait que les hauts revenus puissent bénéficier des allocations. Mais il me semble qu'il faut faire attention aux seuils qu'on vient de définir, précisément aux plafonds qu'il convient de définir. Il ne s'agit pas d'opposer les catégories de citoyens : les plus pauvres ou les plus modestes par rapport à ceux qui le seraient un peu moins. Il faut trouver d'autres formules que cela. Il me semble qu'une chose est certaine : par rapport à une mesure comme celle-là qui appelle naturellement des réactions dans l'opinion, parmi les associations familiales, il me semble qu'il faut vraiment que se développe la concertation. Et là, avant toute disposition qui viserait à modifier sensiblement les choses, il me semble qu'il faut que cette concertation ait lieu et s'il faut trouver des moyens financiers pour effectivement améliorer la situation des allocataires. Eh bien, je crois qu'il faut s'en donner les moyens et, personnellement, j'ai proposé dans la campagne des élections, et le Parti communiste a proposé, effectivement, qu'on touche, à d'autres moyens financiers. Et à propos des allocations, il s'agit, je crois, de penser à la fiscalité, aux grandes fortunes par exemple.

RTL : Le Smic : 4 % d'augmentation, ça vous semble bien ?

Robert Hue : Non. Je crois que... Écoutez, dans la déclaration de politique générale du Premier ministre, j'ai noté toute une série de dispositions qui vont dans le bon sens, qui vont dans le sens de la déclaration commune que le Parti communiste avait signée avec le PS. Donc, je ne veux pas qu'on néglige cet aspect positif des choses. Mais en même temps, chacun sait que j'avais proposé une augmentation bien plus sensible du Smic, pas précisément pour, en fait ainsi, proposer une revendication à caractère quantitatif, mais parce que je pense qu'il faut qu'une logique s'engage, une logique nouvelle, notamment faisant appel à une relance de la consommation, et ça me semble tout à fait insuffisant. Je l'ai dit tout à fait sereinement et loyalement.

RTL : Autre chose : vous avez renforcé ces fameuses rencontres citoyennes que vous prévoyez dans les mois à venir. Est-ce que ces rencontres, c'est un moyen d'aider le Gouvernement ou c'est un moyen aussi de faire pression sur lui pour qu'il respecte les engagements de la campagne ?

Robert Hue : Non, il ne s'agit pas de faire pression sur le Gouvernement. Vous savez, les communistes ont décidé d'être dans la majorité et de participer au gouvernement en toute lucidité et avec une volonté constructive. Il ne s'agit pas de mettre des bâtons dans les roues du gouvernement. Quand il y a des dispositions qui sont prises sans concertation et qui ne nous plaisent pas, on le dit. Mais là, il s'agit de participer de la réussite de la politique nouvelle, et nous pensons qu'il faut que les citoyens ne se comportent pas en spectateurs des décisions gouvernementales, en attribuant les bons points, les mauvais points. Il faut qu'ils puissent se rencontrer et qu'ils puissent faire valoir les attentes, les exigences qu'ils ont exprimées dans la campagne électorale. C'est une des grandes questions qui a été posée à l'occasion de ces élections, cette volonté de participer des gens, d'être entendus, de ne pas être méprisés, et je crois que ces rencontres vont le permettre.

RTL : Dans l'ensemble, ce qui s'est fait depuis quinze jours, c'est globalement positif, comme on disait avant au PC ?

Robert Hue : Je pense qu'il y a des mesures qui sont tout à fait intéressantes, des orientations qui vont tout à fait dans le bon sens, et nous les appuyons. Il reste que, maintenant, il faut que l'on voie précisément les moyens qu'on va dégager pour cette politique nouvelle. Il y a une chose qui me semble contradictoire : par exemple la signature du pacte de stabilité me semble contradictoire avec toute une série de mesures sociales qu'il convient de prendre, notamment en matière d'emplois. Mais ça, il va falloir que précisément, les citoyens fassent avancer leurs exigences en matière d'emplois, et contribuent à aider à ce qu'il y ait une politique différente. Ce n'est pas mettre des bâtons dans les roues. C'est avancer de façon constructive.


Source : L’Humanité - 25 juin 1997

Pierre Blotin : plus que jamais l’intervention citoyenne

À l'occasion d'un point de presse tenu à 16 h 30, Pierre Blotin a estimé que les premiers actes du gouvernement montrent « la nécessité de l'intervention citoyenne ». Il a également annoncé que se tiendrait à l'automne un Comité national sur le thème du travail des directions. À propos de l'élargissement du nombre des membres du Bureau national à l'ordre du jour de la session actuelle du Comité national, il a estimé qu'il ne fallait pas essayer de tirer des enseignements politiques. « On serait un gouvernement, on parlerait d'un remaniement technique », a-t-il indiqué. En réponse à des questions portant sur la consultation souhaitée par le PCF sur la construction européenne, le dirigeant national a précisé que les communistes entendent surtout vouloir qu'un vaste débat national s'engage. « Qui peut dire dans quel état sera cette question dans six mois ? » a-t-il ajouté.

Selon lui, une consultation sera nécessaire et on verra bien alors sur quel thème précis. « La nouveauté actuellement, ce sont les exigences sociales qui commencent à prendre leur place dans ce débat. » Pierre Blotin a rappelé que le PCF considère insuffisante l'augmentation proposée du montant du Smic, tout comme il s'est dit opposé au système de seuil pour les allocations familiales car, dit-il, cela finit toujours par créer de nouvelles inégalités. « N'êtes-vous pas déjà en train de commencer un grand écart ? » Réponse : « Non, pas un grand écart. Mais nous sommes engagés dans de gros efforts pour que la gauche réussisse.


RTL - Jeudi 26 juin 1997

Alain Bocquet

RTL : L. Jospin a dit « Agir à mon rythme ». Est-ce que vous considérez que ce rythme est assez rapide ?

A. Bocquet : Je comprends tout à fait qu'un gouvernement qui s'installe doit fixer son rythme d'action ; il reste quand même que nous avons bien mesuré dans la campagne électorale et dans le vote des Français des attentes fortes pour des mesures immédiates et concrètes. Certaines ont été annoncées par le Premier ministre lors de son discours d’investiture. Il reste que je rencontre des gens dans ma circonscription toute la journée qui se disent : on espère quand même qu'à la rentrée on verra des choses concrètes, et notamment pour l'emploi des jeunes.

RTL : L'absence de collectif budgétaire est justifiée par le Premier ministre par « les contraintes du temps ».

A. Bocquet : Je l'ai regretté, je l'ai dit publiquement. Je l'ai fait savoir dans mon discours en réponse au Premier ministre, car tout compte fait, si on ne prend pas de mesures budgétaires, c'est le budget qui a été voté par la droite, qui vient d'être battue, qui globalement s'applique.

RTL : Dans les mesures annoncées par L. Jospin dans sa déclaration de politique générale, il y en a une avec laquelle vous n'êtes pas non plus d'accord, c'est celle concernant les allocations familiales. Pour vous, le plafonnement des allocations, le PC n’y a jamais été favorable. Pourquoi ?

A. Bocquet : Nous, nous pensons que la conception de la politique familiale en France est fondée à partir du droit de l'enfant. Et nous réclamons notamment que les allocations familiales soient versées à partir, y compris, du premier enfant. Et je crains, nous craignons très fort, que cette proposition en fait, au lieu d'unir divise le monde salarié. Il me semble que dans le débat qui s'engage  car après tout ça au moins eu le mérite de faire en sorte que le débat s'engage , que dans cette concertation qui devrait s'approfondir, il faudrait quand même trouver des solutions qui gardent les principes fondateurs de ce qu’a été la politique familiale en France.

RTL : La participation de M. Gremetz aux côtés des représentants d'associations familiales à la manifestation n'était pas un geste isolé…

A. Bocquet : Écoutez, non. M. Gremetz a pris sa décision seule. Il est allé à la manifestation. Le groupe communiste a pris sa position, elle est publique, elle est unique.

RTL : Les lettres de cadrage signées par L. Jospin partent aujourd'hui. La priorité absolue est donnée à l'emploi tout en respectant les engagements européens. Ça vous inquiète un peu ?

A. Bocquet : Ce n'est un secret pour personne que nous ne pensons pas tellement de bien de ce fameux pacte de stabilité qui vient d'être approuvé à Amsterdam. C'est un carcan pour la France ; c'est un carcan notamment en ce qui concerne la politique budgétaire et la politique sociale et notamment les crédits publics. Nous pensons là qu'il y a une contradiction, sauf que je pense que la majorité  je pense aux parlementaires, je pense au mouvement social  peut faire modifier la donne puisque, y compris à Amsterdam, on a été contraint d'évoquer le problème de l'emploi et j'ai confiance sur le fait que les citoyennes et les citoyens se mobiliseront pour faire en sorte que les questions sociales, les questions de l'emploi prennent le pas, notamment, dans ce grand débat européen.

RTL : Faire modifier la donne, mobiliser : qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire des manifestations, des rassemblements ?

A. Bocquet : Non, ça veut dire que le changement ne viendra pas que d'en haut. Il y a une volonté gouvernementale ; il y a une volonté de la majorité parlementaire, mais il reste qu'il n'y a pas trop d'acteurs pour le changement. Chacun sait qu'il y a des contraintes  celles qui viennent de l'Europe  ; chacun sait qu'il y a des intérêts, notamment ceux qui représentent la haute finance et qui vont se débattre becs et ongles et que, pour que ça change vraiment, il faut qu'il y ait dans notre peuple beaucoup d'acteurs pour le changement, sous toutes les formes bien entendu.

RTL : Le Parti communiste veut aiguillonner l'œuvre de changement. On a l'impression, en vous entendant, que ça ne va ni assez loin ni assez vite ni assez fort ?

A. Bocquet : Non, mais le rythme sera fixé par les Françaises et les Français eux-mêmes. Nous ne sommes pas un aiguillon mais une force constructive. Nous sommes un élément moteur pour le changement. Nous avons l'obsession de la réussite de cette politique définie par la gauche dans le respect de la diversité de toutes les composantes de cette gauche, mais j'ai toujours pensé que, pour que ça change, il ne fallait pas que le mouvement populaire pose ses valises.