Déclarations de M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et Charles Josselin, Secrétaire d'Etat à la coopération, sur le redressement économique des pays africains de la zone franc, le soutien de la France, les progrès de l'intégration économique régionale et l'entrée de la Guinée-Bissau dans la zone franc, à Paris le 16 septembre 1997.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Réunion à Paris des ministres des finances de la zone franc les 15 et 16 septembre 1997

Texte intégral

Intervention de Monsieur Strauss-Kahn

Messieurs les ministres et chers collègues,
Messieurs les gouverneurs,
Mesdames, Messieurs,

C'est avec un très grand plaisir que je vous accueille aujourd'hui à Paris pour notre première réunion. La zone Franc est une construction unique à bien des égards. Elle témoigne de liens entre nos pays, qui ne sont pas seulement des liens économiques et financiers, mais aussi et d'abord des liens d'amitié. Ces liens d’amitié, je compte bien les entretenir et les développer avec vous. C'est dans cet esprit que je compte aborder cette réunion. Je souhaite qu'elle soit l'occasion d'un dialogue chaleureux et direct.

Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à notre collègue de la Guinée-Bissau, qui pour la première fois prend place auprès de nous en tant que membre à part entière de la zone Franc. L'adhésion de la Guinée-Bissau à notre communauté économique et financière, qui a été signée en avril dernier à Cotonou, est un signe fort du dynamisme et de l'ouverture de la zone Franc sur son environnement extérieur.

Je serais contraint de m'absenter de notre réunion en fin de matinée pour discuter avec le Premier ministre Lionel JOSPIN d'une réforme urgente. Pendant ma courte absence, mon collègue et ami, Charles JOSSELIN présidera les débats sur deux sujets importants : la relance de l'investissement privé et l'intégration régionale. Je vous retrouverai bien évidemment au déjeuner et pour la suite de notre réunion cet après-midi. Je vous prie d'avance de m'excuser de cette absence momentanée.

1. Mes chers collègues, je souhaite en premier lieu saluer la poursuite de l'évolution très positive de la situation économique d'ensemble de la zone Franc. Mes services ont réalisé une analyse de la compétitivité de la zone Franc, trois ans après la dévaluation du franc CFA. Cette analyse a été distribuée aux délégations. Il en ressort que, grâce à la gestion restrictive de la demande interne et aux réformes de structure qui ont accompagné la dévaluation et stimulé l'offre, vos pays ont conservé l'essentiel du gain de compétitivité gagné en 1994. Les pays d'Afrique Centrale et de l'Ouest convergent vers un taux de croissance de 5 %, l'inflation est à peu près maîtrisée, même si, ici ou là, des tensions apparaissent sur les prix des produits vivriers. Il faut encore progresser sur ce plan, puisque votre politique de change exige une convergence à moyen terme avec la hausse des prix en France. Les comptes publics se sont redressés, dans une proportion qui ferait pâlir d'envie plus d'un ministre des finances européen. La dévaluation du franc CFA a été incontestablement un succès, et ce succès vous est très largement imputable.

À ce sujet, je tiens à saluer tout particulièrement la conclusion récente par le Cameroun d'un programme d'ajustement soutenu par une facilité d'ajustement structurel renforcée du FMI. Ce programme, qui permettra de consolider la croissance au Cameroun, bénéficiera indirectement à toute la zone monétaire d'Afrique Centrale.

2. Le succès de la dévaluation du franc CFA permet d'aborder avec confiance le changement de monnaie de référence pour nos pays, avec la transformation du franc français en euro. La proximité du passage à la phase III de l'Union économique et monétaire européenne justifie que nous en fassions le premier thème de nos discussions ce matin.

3. Le redressement de la zone Franc depuis la dévaluation est remarquable mais il doit encore être consolidé. Il y a ici trois priorités.

L'investissement privé, tout d'abord. Compte tenu de la faiblesse de l'épargne intérieure dans la plupart de vos pays, il est vital que vos pays puissent eux aussi bénéficier des flux massifs de capitaux privés qui se dirigent depuis quelques années vers les pays en développement. C'est possible, les investisseurs sont sans cesse à la recherche de nouvelles opportunités de croissance et d'investissement.

Je sais que vous avez travaillé et progressé pour créer un climat favorable à l'investissement privé. Il me paraît important que ces progrès se traduisent par des démarches concrètes et visibles. La zone Franc, forte de ses succès économiques et de sa stabilité monétaire, a toutes les cartes en main pour être attractive et compétitive auprès des investisseurs. Il faut qu'elle fasse connaître ses atouts. La France est naturellement prête à vous y aider.

L'intégration régionale ensuite. Elle est bien plus achevée dans la zone Franc que dans les autres régions d'Afrique, parce que votre union monétaire est ancienne et que vous avez commencé à construire une union économique il y a déjà plusieurs années. Cette avance est un atout. Le mouvement vers la constitution d'une zone intégrée, où circulent librement les biens, les services et les capitaux, doit être poursuivi et approfondi.

Il y a enfin, l'insertion dans le commerce mondial. Même unis, vos marchés restent modestes à l'échelle mondiale. Il est donc aussi de votre intérêt, parallèlement au renforcement des solidarités régionales, de mieux vous insérer dans les échanges mondiaux. Vous savez qu'au sommet de Denvers, les pays du G7 ont souhaité encourager l'insertion de l'Afrique dans les échanges mondiaux. C'est pourquoi les institutions de Bretton Woods mettent de plus en plus l'accent, dans les programmes d'ajustement, sur l'ouverture commerciale. La France, dans ce débat, a insisté pour que les conditions de l'ouverture commerciale tiennent comptes des objectifs d'intégration régionale des pays africains, ce qui a été accepté. Elle a aussi plaidé pour que le rythme de l'ouverture commerciale soit compatible avec la nécessité de préserver le niveau des recettes publiques, ce qui exige des progrès dans la fiscalité interne. En conséquence, les institutions de se sont engagées à financer les pertes de recettes transitoires qui pourraient apparaître du fait de l'ouverture commerciale. Il me paraît important que vous le sachiez dans vos discussions avec ces institutions.

4. L'insertion de vos pays dans les échanges mondiaux est l’un également des objectifs de la convention de Lomé, qui permet à la quasi-totalité de vos produits d'entrer sans droits sur le marché de l'Union européenne. L'Union européenne absorbe près de la moitié des exportations de l'Afrique sub-saharienne. L'avenir de la Convention de Lomé, dans un contexte marqué par l'érosion des préférences et le rôle croissant de l'OMC, est donc un enjeu majeur pour vos pays. Des négociations entre la Commission européenne et les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique signataires de la Convention de Lomé s'ouvriront en 1998. Il est important que nous ayons une réflexion constructive et ouverte sur l’évolution des régimes commerciaux et sur les moyens de renforcer l'efficacité de l'aide au développement de l'Union européenne.

5. L'insertion dans les échanges mondiaux de biens et de capitaux est une nécessité pour vos pays, mais je suis bien conscient qu'elle ne suffit pas. Vos pays ont besoin d'un effort encore soutenu d'aide publique au développement.

C'est pour cette raison que la France reste, et de loin, le plus généraux des pays du G7 en matière d'aide publique au développement. Elle le restera. Dois-je rappeler ici que notre effort d'aide publique au développement en Afrique, en pourcentage du PIB, est 20 fois plus important que celui des États-Unis, avec un volume d'aide représentant 35 % du total de la contribution des 7 pays les plus industrialisés. Dans cet effort, les pays de la zone Franc continuent d'occuper une place de premier plan, puisque près de 26 % de notre aide bilatérale leur a été consacrée en 1996.

Cette aide publique, comment la concevons-nous ? Le Premier ministre Lionel JOSPIN, lors de son discours programme à l'Assemblée nationale, a appelé de ses vœux un « nouveau partenariat pour l'Afrique ». Ce nouveau partenariat, c'est d'abord une méthode nouvelle fondée sur un dialogue responsable entre nous pour formuler en commun une stratégie de coopération pour le développement.

6. La priorité africaine de notre politique d'aide au développement se traduit aussi par notre action au sein des institutions financières internationales. Vous savez que la France a joué un rôle décisif dans la conception de la nouvelle initiative pour la dette des pays pauvres lourdement endettés. Dans le cadre du Club de Paris, elle a fait entériner le principe d'un traitement concessionnel adapté au cas de ces pays. Elle a également pesé pour assurer la prise en compte, dans les critères d'éligibilité à cette initiative, de la situation particulière de certains de vos pays. La France s'efforce aussi de faciliter la reconstitution des fonds concessionnels multilatéraux, notamment l'AID et le fond africain de développement, restitution compromise par la défection des États-Unis.

Pour que vos efforts de redressement portent leurs fruits, pour que vos pays puissent rester des bénéficiaires importants des financements multilatéraux, il faut rester attentifs aux évolutions des règles et des principes d'intervention des institutions de Bretton Woods. C'est pourquoi je vous propose de consacrer une partie de notre après-midi à l'évolution des financements multilatéraux, à partir d'un échange sur les principaux sujets inscrits à l'ordre du jour des réunions de la semaine prochaine à Hong-Kong.

7. Voilà mes chers collègues, les principaux thèmes que je vous propose de discuter ensemble. C'est un programme de travail très dense. Ces thèmes illustrent - malgré leur diversité - la nécessité pour toutes les économies de renforcer les solidarités, sous toutes ses formes, dans un monde de plus en plus ouvert.

Je vous en remercie.


Allocution de Monsieur Charles Josselin

Messieurs les ministres,
Messieurs les gouverneurs,
Mesdames, Messieurs,

Permettez-moi d'abord de souhaiter la bienvenue à nos partenaires africains qui, fidèles à la tradition des réunions des pays de la zone Franc, nous font l'honneur de cette visite parisienne.

À mon tour, je souhaiterais que ces mots de bienvenue prennent un sens particulier pour accueillir, pour la première fois dans cette instance, la Guinée-Bissau qui vient de rejoindre la zone Franc.

Je constate ainsi que cette union monétaire, que certains avaient vivement critiqué et même crue voir moribonde voici quelques années, se porte bien puisque, d'évidence, elle suscite plus d'attrait que de scepticisme.

Nos réunions biannuelles témoignent à chaque reprise des liens particulièrement forts qui unissent la France et ses partenaires africains. Communauté de monnaie, la zone Franc est également une communauté originale d'économies caractérisées par un environnement et des règles de droit très proches, acquis fondamentaux dans un contexte de regroupement des économies.

Cette réunion intervient un peu plus de trois mois après notre prise de fonctions, Dominique STRAUSS-KAHN et moi-même. Pendant cette période, j'ai eu le temps d'établir des contacts, de rencontrer notamment certains d'entre vous, de prendre la mesure des choses et de préciser mes orientations.

Tout d'abord, j'ai pu constater que le bilan global de la situation économique et financière en Afrique est relativement positif. Cela est notamment vrai dans la zone Franc, plus particulièrement depuis la décision de janvier 1994. Mon collègue des finances a déjà salué cette évolution positive et je n'y reviendrai pas.

Toutefois, je ne saurais évoquer ce bilan sans faire état de la situation des quelques pays dans lesquels l'instabilité politique pourrait si elle se prolonge, gravement détériorer l'environnement économique. Je pense plus particulièrement à la situation difficile traversée par la République Centrafricaine, le Congo et les Comores. Dans ces trois cas, j'espère que le dialogue et la prise en compte de l'intérêt des populations prévaudront rapidement afin que ces pays ne s'isolent pas plus longtemps de la communauté internationale que ce soit sur le plan politique ou financier.

Mais ce bilan généralement positif doit vous inciter à persévérer dans la voie des réformes et c'est dans ce cadre que la coopération française a un rôle à jouer. Je profite donc de cette occasion pour vous indiquer comment je souhaite orienter mon action dans le domaine de la coopération économique et financière.

J'insisterai sur trois axes :

1. Tout d'abord, l'appui français doit, à mon sens, viser à aider les pays africains de la zone Franc à consolider leur maîtrise de la gestion économique et financière de leur pays. Atteindre cet objectif implique la mise en œuvre de réformes permettant une réappréciation fondamentale du rôle de l'État dans l'économie. Le désengagement de l'État des secteurs qui ne sont pas naturellement de sa souveraineté en est bien entendu une composante importante, la mise en concurrence étant facteur d'amélioration de la compétitivité. Je me réjouis dans ce même esprit que les experts des deux sous-régions se soient penchés attentivement sur les moyens d'assainir le cadre financier et institutionnel de l'investissement privé dans la zone Franc.

Cette orientation résolue vers le « marché » ne peut se faire toutefois que si l'État est aussi en mesure de se reconstruire ou de se consolider dans ses fonctions essentielles de promoteur et de régulateur. À ce propos, je note avec satisfaction que le dernier rapport de la Banque mondiale consacré très largement à la place de l'État dans le développement économique et social, marque une évolution importante de cette institution, évolution qui conforte le choix que nous avons fait ensemble.

Critiquer systématiquement l'État serait en effet une erreur, tant celui-ci est indispensable pour assurer l'existence d'un environnement juridique simple, actualisé, stable et transparent, qui renforce à la fois la confiance des opérateurs et des citoyens. C’est dans ce cadre que je vois progresser avec grande satisfaction l'Organisation pour l'harmonisation du droit des affaires en Afrique (l'OHADA). Au 1er janvier 1998, sous l'égide de l'OHADA, des pans entiers du droit économique (le droit des sociétés commerciales, le droit commercial général et les sûretés) seront ainsi mis à jour et harmonisé dans la zone Franc, transmettant un encouragement sans précédent aux investisseurs de la zone. Je vous encourage à ce que les autres textes du champ d'harmonisation de l'OHADA, je pense notamment aux procédures de recouvrement et aux voies d'exécution et au droit comptable, puissent aussi être adoptés sous la forme « d'actes uniformes » dans les prochains mois.

Pour élaborer ces règles et renforcer la gestion économique et financière, la reconstitution de capacités administratives est indispensable. Je souhaite en particulier que la coopération française puisse venir en appui à des initiatives visant à reconstituer à tous les échelons des capacités d'analyse, de prévision et de prospective pour discerner les enjeux et les besoins de la société et identifier les ressources potentielles. La réhabilitation des systèmes d'information statistique est essentielle. Les premiers pas d’AFRISTAT m’encouragent à penser que dans ce domaine également la démarche régionale est utile en permettant de mettre à jour et d'harmoniser les méthodologies statistiques et les moyens d'analyse économique. Les pôles régionaux de formation, dont la constitution est maintenant bien avancée, constituent aussi une initiative constructive pour mieux former les cadres des administrations économiques et financières.

Deux initiatives récentes ont illustré le besoin, mais aussi votre volonté de renforcer vos capacités de concevoir des politiques justifiées par des évaluations et formulés dans des programmes conçus localement. D'une part, je me réjouis que notre nouveau partenaire dans la zone Franc, la Guinée-Bissau, ait bénéficié d'une réel1e solidarité régionale par l'envoi d'une expertise nombreuse et de haut niveau pour mieux préparer son entrée. D'autre part, l'exercice de surveillance multilatérale que vous avez initié au niveau régional en vue d'assurer une convergence de vos politiques macro-économiques est également à mon sens, une expérience particulièrement encourageante. Grâce à de telles expériences et à des capacités renforcées, le dialogue entre partenaires responsables et animés de valeurs communes, qu'ils soient régionaux mais aussi bailleurs de fonds, doit pouvoir s’établir de façon exigeante sur les politiques économiques et les programmes de coopération.

Si ce dialogue est suffisamment confiant, alors il pourrait s'exercer dans un cadre qui dépasse la seule approche traditionnelle des conditionnalités, que l'on voit en fin de compte trop souvent mal respectées ou renégociées.

2. Deuxième orientation de mon action dans le domaine économique et financier : appuyer les pays africains membres de la zone Franc dans leur volonté de mieux s'insérer dans l'économie mondiale.

J’ai d’abord la conviction qu'une meilleure insertion dans l'économie mondiale implique préalablement un effort spécifique dans les expériences d'intégration régionale. D'ailleurs, j'ai pour ma part, dans toutes les fonctions politiques que j’ai exercées, toujours tenu à encourager l’engagement de la France dans la construction européenne.

Il me semble que les orientations que vous avez prises ou vous apprêtez à prendre pour renforcer (dans la CEMAC) ou mettre en place (dans l’UEMOA) des unions douanières répondent à ce souci. Je me réjouis des intentions énoncées par les chefs d’État de l’UEMOA de mettre en place effectivement une union douanière au 1er janvier 1998.

Comme je le disais en prenant la parole, la communauté de règles, de monnaie, l'appartenance à la famille francophone, constituent le socle de la zone Franc sur lequel je vous encourage à bâtir ou consolider vos fondations régionales. La Coopération française est prête à engager de nombreux concours d'appui aux initiatives régionales mais je souhaiterais rappeler que la mise en œuvre de ces concours sera également fonction de la participation financière de vous tous, qui doit traduire une réelle motivation à progresser ensemble dans un cadre régional.

Permettez-moi à propos de cette dimension régionale de vous dire, à la suite de Dominique STRAUSS-KAHN, combien je crois que le passage à l'euro constitue une véritable chance à saisir pour vous. Je lis et j’entends souvent des propos timorés et interrogatifs sur l'impact pour la zone Franc du passage à l'euro. Personnellement, je n’ai pas d'état d'âme, loin de là. Je crois bien au contraire que ce passage permettra d'ajouter une dimension européenne à notre communauté.

Le passage à l’euro aura en effet de multiples avantages. Les opérateurs européens (et sans doute non européens) percevront directement les avantages d'investir dans les pays africains de la zone Franc, qui apparaîtra avec tous ses avantages financiers (notamment la transférabilité) et monétaires (en particulier, la monnaie unique, la convertibilité garantie et une parité fixe). Au sein des instances européennes, nous nous efforcerons, Dominique STRAUSS-KAHN et moi-même d'ailleurs de contribuer à mieux faire connaître notre zone auprès des partenaires monétaires européens de la France.

Mais, au-delà de ces avantages directs, je crois que la mise en œuvre de l’Union économique et monétaire aura un véritable effet d’entraînement sur l'intégration économique des pays africains rattachés à la zone « euro » et sur leur rapprochement économique et financier avec les pays européens de la zone « euro ».

En particulier, le passage à l'euro contribuera, à mon sens, à favoriser la libre circulation des capitaux au sein de la zone africaine et vers la zone européenne et à rapprocher les systèmes financiers et bancaires. Dans cet esprit, les mesures en vue d'harmoniser la réglementation des changes et de lever les obstacles substantiels à la bonne marche des transactions encore existants méritent d'être favorisées. De même, la mise en place d'un agrément bancaire unique dans les deux unions monétaires africaines devra être privilégiée.

Peut-être même, dans un avenir plus lointain, se posera la question de l'opportunité d'ouvrir la porte à des négociations commerciales privilégiées entre vos unions douanières africaines et l’Union européenne.

Le renforcement des liens commerciaux entre l'Europe et le continent africain sera en tout cas sans nul doute un sujet à l'ordre du jour des discussions à venir sur la renégociation de la Convention de Lomé, sujet sur lequel je crois de nouvelles approches doivent être trouvées.

3. Enfin, dernière orientation de mon action, renforcer la prise en compte des aspects sociaux dans les politiques d'ajustement.

Comprenez-moi bien, il ne s'agit pas ici de remettre en cause par de nouvelles dépenses ou subventions les principes de discipline financière qui doivent nous conduire tous, en Europe comme en Afrique, à atteindre un équilibre budgétaire soutenable. Au contraire, toute entorse à la rigueur financière implique des ajustements futurs aux conséquences sociales encore plus brutales. Mais il reste que dans vos pays l'ajustement pèse encore fortement sur les catégories les plus pauvres, dans les villes en particulier.

Il est indispensable, dans le cadre de dépenses budgétaires maîtrisées, de s'efforcer d'orienter de façon croissante ces dépenses vers les secteurs de développement, en particulier les secteurs sociaux. Ceci m'inspire en pratique trois remarques.

D'une part, la lutte contre la corruption et les problèmes liés à la mauvaise gestion des affaires publiques est un impératif social, dans la mesure où tout gain de recettes peut être utilisé avec un objectif social. De façon générale, la mise en œuvre de politiques économiques transparentes favorise une meilleure allocation des ressources pour l'ensemble de la société.

Ensuite, il me semble nécessaire que l'exercice dit de revue des dépenses publiques, qui vise à mieux répartir renveloppe des dépenses budgétaires et l'efficacité de celles-ci, soit systématisé dans chaque pays et que leurs conclusions trouvent effectivement leur traduction dans les programmes des Institutions de Bretton Woods. Je vous encourage à prendre vous-même des initiatives en ce sens.

Enfin, pour ce qui concerne plus strictement la coopération française, les opérations de « compensation sociale » sous la forme de projets orientés vers l'emploi et la distribution de revenus, pour des travaux d'intérêt collectif ont déjà été mises en œuvre. La France a ainsi créé en 1994, à titre exceptionnel le Fonds spécial de développement pour les 14 pays de la zone. J'ai le plaisir de vous annoncer que, fort des résultats obtenus, ce mécanisme de financement devient désormais un instrument permanent de notre action, avec un changement dans l’appellation, de « spécial », le FSD devient « social ». Sur la base de la programmation actuelle, près de 150 millions de FF seront engagés en 1996-97 dans les pays de la zone Franc.

À cet égard, et je conclurais sur ce point je me réjouis que ce type de mécanisme s'accompagne d'un nouveau partage de responsabilité, entre l'État et la société civile, et puisse mettre en valeur l'émergence de nouveaux acteurs décentralisés et non gouvernementaux mobilisés autour de la gestion de la cité et de la prise en charge de certaines fonctions vitales.

C'est là une approche sociale et institutionnelle, à dimension beaucoup plus micro-économique, de notre coopération avec vos pays que je souhaiterais voir de plus en plus active.

Je vous remercie.