Texte intégral
Q - Michel Rocard vient de faire adopter – d'extrême justesse, mais adopter quand même ! – son projet de contribution sociale généralisée par l'Assemblée nationale. Est-ce à dire que notre lutte contre la CSG est terminée ?
Certainement pas ! Elle doit au contraire se poursuivre, s'élargir et prendre de l'ampleur dans les jours qui viennent.
Le projet a été adopté en première lecture à l'Assemblée nationale mais le débat se poursuit au Sénat, avant de revenir en deuxième lecture au Parlement.
C'est dire que tout n'est pas bouclé. Plus que jamais il est possible, urgent et nécessaire de faire barrage à cet impôt rejeté massivement dans notre pays.
Beaucoup n'ont pas encore exprimé cette exigence. Elle doit monter de partout, et d'abord des entreprises des syndicats, des salariés, mais aussi des chômeurs et des retraités, plus lourdement pénalisés.
Alors, pas de répit dans le harcèlement des sénateurs, et des députés, pas de répit non plus dans le débat avec les gens pour dénoncer et clarifier les dangers de la CSG.
Q - Dans la foulée, le gouvernement met en place la réforme hospitalière et annonce un « Grenelle des retraites », qui serait plutôt une « bérézina » pour les retraités, actuels et futurs...
Une escroquerie monumentale ! A la hauteur d'un enjeu qui est de taille. La CSG ne s'attaque pas seulement au pouvoir d'achat. Elle marque un premier pas dans l'éclatement structurel de la sécurité sociale, dans ses trois branches, vieillesse – maladie – famille. L'ensemble de ces acquis sociaux risque de basculer.
« Le Grenelle des retraites » ne doit tromper personne. L'expérience prouve que l'emballage est d'autant plus séduisant, que le contenu est dangereux. Là encore, il s'agit de passer à l'application des mesures de liquidation du droit à la retraite à 60 ans à taux plein, portant tout à la fois sur l'âge repoussé au-delà de 60 ans, la durée de cotisation au-delà de 37,5 ans, du calcul sur 25 ans au lieu de 10, etc.
Un formidable chantier de démolition, d'autant plus dur à faire passer que la résistance est grande et fait prendre du retard sur les échéances européennes.
La réforme hospitalière s'inscrit pleinement dans la politique « dite de maîtrise des dépenses » avec les mesures draconiennes qui sont annoncées pour réduire l'accès aux soins de qualités, le remboursement des médicaments, des examens et prescriptions médicales.
Les dépenses de santé ne sont pas un gouffre pour la société, celles de l'État et de la sécu ne cessent de diminuer, alors qu'elles augmentent considérablement pour les ménages qui doivent maintenant y consacrer 20 % de leur budget.
La médecine à plusieurs vitesses est bel et bien en marche. Se soigner n'est plus un droit garanti pour chaque malade, la santé devient un luxe, source de profit pour le capital, de sacrifice, d'exclusion et d'aggravation des inégalités sociales.
Le péril est aussi grand sur les prestations familiales, avec le désengagement massif du patronat dans le financement. Les cotisations qui sont déjà passées de 9 % à 7 % en 1989 et 1990, vont encore baisser de 1,6 % avec la CSG, et ramenées à 5,4 %. Des milliards sont ainsi détournés vers les profits et la spéculation, alors que les prestations sont réduites et que la fiscalisation de la branche Famille s'accélère.
Q - Tout cela au nom du « modernisme ». As-tu conscience que la CGT fait du « conservatisme » ?
Hier, c'était archaïque et ringard ! Aujourd'hui, la CGT ferait du conservatisme et de l'immobilisme.
Qu'on s'en tienne donc aux faits concrets plutôt qu'aux mots à la mode, pour apprécier la valeur réelle et l'avenir du syndicalisme de classe en regardant bien ce qui bouge.
Car, ça bouge du côté du mécontentement qui grandit dans la population et des luttes qui marquent la vie sociale, des lycéens, des salariés et retraités, des fonctionnaires, etc.
Ça bouge du côté de l'unité et des autres syndicats qui viennent sur le terrain de l'action, comme FO et CGC, dans les grèves et manifestations du 14 novembre, contre la CSG et pas seulement…
Ça bouge aussi du côté des succès, des avancées et des résultats revendicatifs pour préserver certains acquis, les améliorer et satisfaire des revendications nouvelles.
Le tout n'est pas encore à la hauteur de l'attaque, mais c'est une réalité dans laquelle nous jouons un rôle actif qui bat en brèche les accusations de conservatisme ; pour nous, la modernité consiste à faire du neuf, comme le propose la CGT, pour répondre aux besoins des salariés.
Q - Le plus important aujourd'hui ?
Ne pas relâcher la pression d'un pouce pour imposer retrait de la CSG, en liaison avec la mobilisation pour les salaires, l'emploi, les qualifications, la reconquête des statuts, des garanties collectives et de la protection sociale.
Cela passe nécessairement par le débat, la discussion, la démocratie. Allons-y partout avec l'idée et l'objectif de renforcer la CGT pour se donner les moyens d'être une force solidaire, plus solide, démocratique et constructive.
Déjà des initiatives sont annoncées, d'autres se préparent, dans la fonction publique comme dans les entreprises privées. Toutes les catégories de salariés sont concernées. Plus que jamais l'heure est au rassemblement, à l'unité, à l'élargissement de la lutte. Le succès est à ce prix.