Déclaration de M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur le secteur agro-alimentaire, la sécurité des produits alimentaires et la promotion des produits agro-alimentaires sur les marchés extérieurs, Ablis (Yvelines) le 30 septembre 1997.

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Circonstance : Opération "Portes ouvertes" des industries alimentaires (ANIA), Ablis le 30 septembre 1997

Texte intégral

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,

Un grand quotidien posait la question au lendemain des journées du Patrimoine : la France ne devient-elle pas un grand musée ? Les Français ne se tournent-ils pas plus volontiers vers le passé que vers l'avenir ? La réponse était négative. L'auteur de l'article en avait la preuve dans le succès des portes ouvertes des établissements industriels et je pense que les journées portes ouvertes de l'ANIA en serait l'illustration.

Monsieur le Président, je vous félicite donc, de cette initiative. Les industries agricoles et alimentaires le méritent. C'est l'occasion donnée au grand public et donc au consommateur de voir comment sont élaborés les produits qu'il consomme quotidiennement ; les contraintes inhérentes à cette industrie : les règles d'hygiène, les mesures prises au titre de l'assurance qualité.

Cette journée, c'est l'occasion de donner un coup de projecteur sur un secteur, encore insuffisamment connu non seulement du grand public mais, paradoxalement aussi, des acteurs économiques comme les investisseurs et les banquiers.

Je ne crains pas de rappeler quelques évidences.

En premier lieu, le secteur pèse un poids considérable dans l'économie nationale. Les comptes de la nation le prouvent : pour me limiter à l'essentiel, je rappellerai que, par la valeur de la production, la branche des industries Agro-Alimentaires est la première, loin devant l'agriculture ; celle-ci réalise 2,90 % de la production nationale, les industries Agro-Alimentaires : 4,72 %. Plus significatif encore, la valeur ajoutée de ces industries est également sensiblement plus élevée que celle de l'agriculture et cela est vrai depuis plusieurs années.

Tout aussi significative est l'évolution du commerce extérieur de l'ensemble agriculture et IAA. Cet ensemble réalise des performances remarquables : l'excédent du commerce agro-alimentaire a été de 46,6 milliards en 1994 ; il est passé à 53,3 milliards en 1995 et à 58,5 milliards en 1996. Les premiers résultats connus pour 1997 sont très encourageants. Mais ce qui est moins bien connu, c'est la part respective des produits agricoles bruts et des produits transformés. D'année en année, on constate qu'indépendamment du classement des vins dans les produits agricoles ou dans les produits transformés, la part de ces derniers croîts en valeur absolue et en pourcentage. Je m'en félicite : exporter davantage de produits transformés, c'est à la fois plus de valeur ajoutée et donc plus d'emplois et c'est aussi consolider nos courants d'exportations. Je m'explique. L'exportation de malt, de farine, d'amidon ou d'aliments du bétail ne se fait pas au coup par coup ; elle requiert une structure commerciale minimale sur place, permanente ou temporaire, un suivi des relations avec l'acheteur, une écoute de ses besoins, notamment qualitatifs. La vente de céréales brutes est davantage dépendante des chargeurs internationaux, des aléas du marché mondial, ou encore des variations des restitutions communautaires

Ce qui est vrai des produits semi-bruts l'est encore plus des produits élaborés, généralement des produits de marque. En ce domaine, bien que moins brillante, l'évolution de nos échanges est fort encourageante, qu'il s'agisse des fromages - excédent de 8 milliards de francs, des viandes de volailles - excédent de 6,8 milliards et même de ce que l'on regroupe sous la rubrique "épicerie sèche". Pour ces derniers produits, la balance commerciale était lourdement déficitaire. Ce déficit traduisait le retard de notre pays dans la restructuration de ses entreprises et dans la constitution de groupes capables de faire les efforts nécessaires à la mise en place des structures commerciales dédiées à l'exportation. Mais les résultats sont là : le déficit de l'épicerie sèche qui était encore de 2,1 milliards en 1994 a été transformé en excédent de 950 millions en 1996.

A travers ces propos, je ne voudrais pas donner l'impression d'opposer l'agriculture à son secteur d'aval, l'agro-industrie. Je suis convaincu depuis longtemps de la complémentarité des deux secteurs d'activité. Les IAA absorbent la majeure partie des productions agricoles qui ne peuvent être correctement valorisées que si leurs acheteurs sont dynamiques et ont les moyens de bien valoriser les produits qui leur soit livrés. Je ne pense pas nécessaire de revoir en profondeur, dans la loi d'orientation agricole en préparation, les textes législatifs et réglementaires qui les régissent mais, bien entendu, je suis disposé à étudier les propositions qui pourraient être faites en ces domaines pour en renforcer l'efficacité.

Permettez-moi, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs de vous faire part des grandes orientations que j'entends privilégier dans la préparation de la loi d'orientation agricole, pour les domaines qui vous concernent plus particulièrement.

A côté du souci de remédier aux déséquilibres territoriaux, problèmes qui ne relèvent pas que de la politique agricole commune mais également de la politique d'aménagement du territoire, j'entends donner la priorité au développement d'une politique de qualité. Cette politique doit être prise sous ses deux acceptions : qualité au sens organoleptique, qualité sanitaire des produits.

Il n'est pas nécessaire de justifier longuement cette priorité donnée à la qualité ne serait-ce qu'en raison des crises récentes de l'encéphalopathie spongiforme bovine ou des contaminations dues aux listeria. De plus en plus, la qualité est un argument de vente ; qualité organoleptique pour séduire et conserver le consommateur, qualité sanitaire pour le rassurer et permettre les ventes à l'exportation.

Le débouché des produits agro-alimentaires tend à se différencier avec, d'une part, un marché de produits de masse commandé par le prix, d'autre part, un marché de produits identifiés, sous marque ou sous signe de qualité commandé par la qualité organoleptique, le goût, la présentation.

Force est de reconnaître que les grands marchés traditionnels, ceux des pays occidentaux, arrivent à saturation. C'est donc l'atout qualité qui doit être mis en avant par nos entreprises sur ces marchés. En revanche, les pays émergents : l'Asie du Sud Est, l'Amérique du Sud ou encore des PECQ offrent de nouvelles perspectives de développement. Je sais, Monsieur le Président, que les entreprises françaises de distribution et de production y sont aujourd'hui très actives. J'ai pu m'en rendre compte pour l'Amérique du Sud à l'occasion du salon international de l'alimentation du MERCOSUR qui s'est tenu récemment à Buenos Aires.

Les produits de qualité sont le fruit de l'organisation et des efforts des intervenants au sein des filières : producteur, transformateur, distributeur. Sans doute l'appellation d'origine contrôlée qui consacre la spécificité du produit à travers son lien durable à un terroir a, de ce fait, un aspect plus agricole mais il faut être conscient que, du fait même de cette spécificité, le développement des produits d'Appellation d'Origine Contrôlée en nombre et en volume est limité. C'est pourquoi, les autres signes de qualité, en premier lieu les labels mais aussi les produits de l'agriculture biologique constituent des cibles que nos filières de production doivent viser en priorité.

J'entends soutenir ces filières en encourageant les démarches interprofessionnelles comme par exemple celles qui ont pour objectif d'assurer la traçabilité du produit tout au long d'une filière. Les initiatives prises récemment relatives à la traçabilité des viandes bovines, complétée par C.Q.C. - certification qualité contrôlée, est un bon exemple de ce qu'une filière peut faire pour relancer un marché.

L'autre volet de la politique qualité vise à garantir la sécurité des produits alimentaires. Il est indispensable de regagner la confiance du consommateur ébranlée par des crises récentes.

Vous vous employez à mériter et consolider cette confiance par la mise en place et le suivi scrupuleux de règles d'hygiène strictes, par les démarches d'assurance qualité, par la constitution et l'application du guide de bonnes pratiques d'hygiène.

De leur côté, les pouvoirs publics s'emploient à réformer la sécurité de l'alimentation. Comme vous l'avez rappelé, Monsieur le Président, une loi portant création d'une agence de sécurité sanitaire des produits alimentaires est en discussion. Comme tous les acteurs engagés dans les filières agro-alimentaires, vous avez souhaité que l'aliment ne soit pas considéré et traité comme un médicament et donc que l'agence qui sera chargée de veiller à la sécurité de l'alimentation soit bien distincte de celle prévue pour les produits de santé et sa tutelle sera tripartite et non sous la seule tutelle du ministre chargé de la santé. Vous souhaitez également que, dans un souci de clarté et donc d'efficacité ne soient pas confondues la fonction d'évaluation des risques, fonction relevant de la responsabilité des scientifiques et la fonction de gestion de ces risques et de l'organisation des contrôles qui, elles, doivent relever de l'autorité politique. Vous savez, Monsieur le Président, que c'est la position du Gouvernement.

Lors de ma dernière rencontre avec le bureau de l'ANIA et vous-même Monsieur le Président, vous avez, à juste titre, insisté sur l'importance que des industriels attachent au dossier de la recherche et à celui de la promotion des produits agro-alimentaires sur les marchés extérieurs.

C'est un lieu commun de déplorer les insuffisances de la recherche publique, semi-publique et privée en direction de l'industrie et plus particulièrement en direction des industries agro-alimentaires.

Pourtant ces dernières bénéficient d'un effort important : 3 500 chercheurs publics et privés, un budget global de 4 milliards de francs par an.

Mais ce n'est qu'à la fin des années 80 qu'il est apparu nécessaire d'orienter davantage la recherche au profit des IAA. Désormais l'INRA et le CEMAGREF affectent une part croissante de leurs moyens aux IM et cette priorité est clairement affichée dans les contrats d'objectif passés avec ces établissements pour les années à venir.

Pourtant l'impression de manque de moyens de la recherche publique persiste. Les causes sont multiples : éclatement des organismes, des écoles et des contres techniques - souci de proximité vis à vis des PME encore majoritaires en nombre dans le secteur - large champ d'application de la recherche en relation avec la gamme des produits concernés - gamme des disciplines mises en œuvre (microbiologie, nutrition, chimie organique, physique, mathématique, sciences humaines ...).

Vous savez qu'en octobre dernier, le Comité Interministériel de la recherche scientifique et technique a décidé de classer l'agro-alimentaire parmi les cinq priorités retenues et que les ministères de la recherche, de l'agriculture et de la pêche achèvent la préparation des programmes fédérateurs qui mettront en pratique cette décision à compter de 1998.

Je voudrais enfin mentionner le travail de réflexion du GIS RIA (Groupement d'intérêt scientifique pour la recherche dans les industries agro-alimentaires), constitué en 1993 entre les organismes de recherche et les écoles d'ingénieurs pour assurer une concertation entre ses membres, définir les programmes et les mettre en œuvre.

Je suis certain que, mis ensemble, tout ce que je viens de vous exposer permettra de renforcer l'efficacité de la recherche publique et contribuera à rapprocher les chercheurs au delà de leur statut particulier.

Dans cette optique, je souhaite vous faire part de mon souci de travailler au renforcement des actions en faveur de la promotion des produits agro-alimentaires vers l'extérieur, dans toute la mesure des possibilités encore ouvertes au regard des règles de l'organisation mondiale du commerce. J'ai demandé que ce point soit pris en compte dans la loi d'orientation agricole. Il sera certainement difficile de dégager des moyens budgétaires sensiblement accrus mais à tout le moins des redéploiements sont possibles, une coordination des interventions devra être mieux assurée, notamment à partir d'une concertation entre les industriels. Les pouvoirs publics et les différents organismes qui ont des responsabilités en ces domaines.

Monsieur le Président, Madame le Ministre je veux terminer mon propos en rappelant qu'une de mes priorités est de redonner confiance aux consommateurs dans les aliments qu'ils mangent.

Je mettrai pour ma part tout en œuvre pour que la sécurité sanitaire des aliments soit au mieux assurée. L'actualité est là pour nous rappeler combien ces questions sont importantes.

Mieux faire connaître les industries alimentaires est aussi un élément permettant de rassurer les consommateurs, c'est pourquoi je souhaite de tout cœur bonne chance à cette opération « Portes Ouvertes ».