Déclaration de M. Jean-Marie Rausch, ministre chargé des postes et télécommunications, le 5 décembre 1991, publiée dans "L'AFUTT Informations" de janvier 1992, sur le nouveau cadre institutionnel et les principales évolutions dans les Télécommunications.

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Circonstance : Conférence-débat de l'AFUTT (association française des utilisateurs du Téléphone et des Télécommunications) à Paris le 5 décembre 1991

Média : AFUTT Informations

Texte intégral

C'est toujours avec beaucoup d'intérêt que je suis les travaux de l'AFUTT qui, depuis 1969, date de sa création, a maintenu un rôle tout-à-fait important dans les débats nationaux ou les organisations européennes ou internationales.

Fortement présente dans les débats qui ont animé la période de définition de la réforme des PTT, l'AFUTT a vu sa représentativité consacrée dans les instances de consultation mises en place par le gouvernement pour assurer l'application concertée de cette même réforme, sur laquelle je reviendrai tout à l'heure. Je suis donc tout particulièrement heureux de pouvoir introduire aujourd'hui la conférence-débat, organisée chaque année par l'AFUTT et qui permet au ministre, aux représentants du ministère et aux dirigeants de France Télécom des échanges avec les utilisateurs, ou plus justement maintenant, avec les clients.

Je souhaite vous rappeler tout d'abord, très brièvement, le cadre institutionnel dans lequel fonctionne aujourd'hui le secteur des télécommunications ; je vous indiquerai ensuite comment assurer les conditions de son développement.

Le nouveau cadre institutionnel

La loi du 2 Juillet 1990, relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, a mis fin au système antérieur dans lequel le ministère des PTT gérait directement le service public des télécommunications. Elle a créé deux personnes morales de droit public, La Poste et France Télécom.

Ces deux entités constituent une nouvelle catégorie de personne publique dénommée « exploitant public », dont les caractéristiques sont proches de celles des établissements publics : personnalité juridique, budget et patrimoine propres, licence spécifique de service public : le ministère de gestion, le ministère des PTT, est donc devenu un ministère de tutelle vis-à-vis de deux exploitants publics, mais qui conserve la plénitude de ses responsabilités en matière de réglementation générale du secteur. Ceci a été rénové par l'adoption de la loi sur la réglementation des télécommunications, le 29 décembre 1990, conçue notamment en tenant compte des réglementations communautaires les plus récentes. Le dispositif a été complété par la mise en place d'instances de tutelle et de concertation au niveau national sous forme de commissions, mais également au niveau local.

Nous disposons donc, d'un cadre bien adapté aux conditions du marché des télécommunications, tant du point de vue de la réglementation que de l'opérateur public. Il importe maintenant de suivre deux principes pour assurer un développement optimal à un secteur dont beaucoup estiment qu'il représentera près de 7 % du PIB de l'Europe communautaire en l'an 2000 et qui conditionne par son niveau de performance la compétitivité d'une part très importante de l'économie française : il s'agit d'apprendre très rapidement à faire vivre les différents acteurs dans le cadre ainsi tracé. Il s'agit également de rester suffisamment à l'écoute des évolutions notamment européennes pour maintenir notre pays au tout premier plan dans le monde.

La finalité est à la fois simple et fondamentale : il s'agit en première analyse que la France nous donne les moyens de meilleure offre de service possible en direction des utilisateurs finaux, au premier rang desquels les entreprises dont vous êtes, Mesdames, Messieurs, les représentants.

Principales évolutions

À plus long terme, il faut démontrer notre capacité à faire réussir à notre pays le passage de la société de civilisation industrielle à la civilisation de l'information, de la communication, et c'est donc un enjeu considérable. Sur le plan réglementaire tout d'abord quelles actions concrètes ont eu lieu depuis un an et à quelles évolutions peut-on s'attendre ? M. Lasserre, directeur de la réglementation générale, vous commentera de manière plus détaillée que je ne pourrais le faire, les décisions prises en ce domaine par le gouvernement en cours de ce semestre : je me bornerai à citer quelques points qui me semblent particulièrement importants :

Les principaux décrets d'application de la loi sur les télécommunications du 29 décembre 1990 sont pris ou vont l'être sous quelques semaines, constituant sous un délai finalement très court une transposition opérationnelle des directives communautaires : ils mettent la réglementation française aux avant-postes européens.

Les procédures d'agrément des terminaux seront plus simples et conduiront à une tarification et finalement une amélioration de l'offre disponible sur le marché.

De même, l'offre de services à valeur ajoutée devrait être stimulée par les possibilités accrues données aux fournisseurs de services potentiels, en assouplissant les règles d'interconnexion au réseau public et en relevant les seuils des débits au-delà desquels une autorisation est nécessaire.

D'autre part, dans le secteur des mobiles, le régime de concurrence encadrée défini par la loi a trouvé sa première expression dans l'attribution de licence GSM à 2 opérateurs : France Télécom et la Société française de radiotéléphone, chacun ayant un cahier des charges garant de la qualité des prestations offertes.

Enfin, une étape majeure a été franchie lors de la création de deux commissions consultatives, l'une pour le service des télécommunications, l'autre pour les radiocommunications. Ces deux commissions, que j'ai eu le plaisir d'installer au mois de septembre dernier, permettent que soient pris en compte, très en amont, les besoins et les propositions des professionnels et des utilisateurs pour une mise en œuvre éclairée de la réglementation.

Tout ceci ne signifie pas, bien entendu, que nous sommes arrivés à un système réglementaire parfait ou intangible : il importe au contraire de rester en contact avec les instances internationales, y faire valoir nos positions et aussi de tenir compte des décisions qui s'y prennent, notamment dans les enceintes de la Commission européenne. L'année 1992 fera suite au prochain sommet de Maastricht, au cours duquel seront discutés la majorité des textes sur l'ONP (Open Network Provision) : il sera à ce titre d'une importance particulière.

Il convient également de rénover les procédures de régulation dans deux domaines :

– la télématique accessible par Minitel ;
– la gestion du spectre de fréquences.

Des initiatives dans ce domaine auront donc lieu dans les prochains mois sur ces deux points.

J'en viens maintenant à ce qui concerne plus directement l'opérateur France Télécom qui, dans une perspective bien différente de celle du régulateur, doit lui aussi apprendre à fonctionner dans un nouveau cadre et, simultanément, préparer l'avenir. M. Couture, directeur du service public, aura l'occasion de vous préciser selon quelles modalités l'État entend exercer sa tutelle sur l'exploitant public et quels rôles doivent jouer les services dont il est lui-même responsable. Je souhaite toutefois vous faire part des principes et des priorités que l'opérateur et l'État devront s'appliquer à respecter. Ceci transparaît dans le contrat de plan signé avec le président de France Télécom le 5 novembre dernier : ce contrat définit les marges de manœuvre de l'opérateur pour la période 1991-1994, marges de manœuvre qui devront être utilisées pour assurer à la fois ses missions de service public et améliorer sa compétitivité dans un contexte de concurrence internationale croissante. C'est donc maintenant à l'opérateur d'effectuer les choix stratégiques qui lui permettront d'atteindre les objectifs fixés par l'État. Je laisserai aux intervenants de France Télécom le soin de répondre en détail aux interrogations qu'il pourrait y avoir sur ce point, mais je puis, dès maintenant, vous indiquer que la mise en œuvre de ce contrat de plan procédera d'une double exigence de continuité et d'innovation :

Continuité en ce qui concerne les missions de service public et qui ont été réaffirmées ; continuité par la poursuite de programmes d'investissement déjà largement engagés tels que le remplacement des commutateurs électromécaniques par des centraux numériques permettant l'introduction de services avancés de télécommunications, l'installation massive de fibres optiques dans le réseau, le développement du réseau numérique ou l'achèvement du programme de réseaux câblés ; continuité enfin dans l'amélioration de la qualité de service qui fait maintenant l'objet d'une contractualisation à travers les indicateurs couvrant les principaux domaines d'activité de l'exploitant public.

Il s'agit également de donner le nouvel élan à l'opération dans une époque-charnière de l'histoire des télécommunications où les produits et services se multiplient et se diversifient, tandis que les marchés s'ouvrent à la concurrence en s'internationalisant rapidement.

Trois secteurs prioritaires

En fonction des enjeux que je viens d'évoquer, France Télécom devra donc se mobiliser sur trois secteurs qui intéressent en premier lieu les entreprises : il s'agit de l'accès international, des réseaux d'entreprises et des services avec les mobiles.

Accès international, car une présence active sur les marchés internationaux est indispensable pour conserver à France Télécom son tout premier plan sur la scène mondiale, face à l'effacement des frontières européennes, à la globalisation des marchés et des organisations et à l'arrivée de concurrents étrangers sur le marché intérieur.

Réseaux d'entreprises et services à valeur ajoutée, car l'utilisation croissante des moyens de télécommunication dans les entreprises impose de fournir une offre de services spécifique, capable de pouvoir répondre à la diversité et à la sophistication des besoins. Dans ce cadre, la condition du succès sera la maîtrise de la valeur ajoutée, dans un jeu rendu plus exigeant par les possibilités accrues données à la concurrence telle que l'offre de service-support de transmission de données à partir de 1993.

Services avec les mobiles, enfin, car ils sont appelés à représenter une part croissante du chiffre d'affaires de l'opérateur. Les efforts consentis pour l'introduction du radiotéléphone numérique GSM dans les mois qui viennent ainsi que le déploiement du réseau Pointel, montrent que des actions significatives sont d'ores et déjà entreprises dans ce sens et devront être poursuivies avec pragmatisme et ambition.

Relations contractuelles

Je voulais insister sur ces trois axes particulièrement importants pour le développement de France Télécom mais aussi du secteur dont j'ai la charge. Toutefois, il y a une condition indispensable pour que ces choix stratégiques conduisent à un réel succès : cette condition, c'est que l'opérateur sache remettre en place, encore plus qu'il ne l'a fait aujourd'hui, des relations contractuelles et de partenariat avec ses interlocuteurs, avec les grandes entreprises tout d'abord. Certes, les plus grandes d'entre elles bénéficient déjà de cette approche à travers le service des grands comptes : il faut étendre ces relations à des entreprises de taille plus modeste ; avec les collectivités locales ensuite qui partagent ce même souci de fournir aux entreprises, garantes de la vitalité du tissu économique, la meilleure offre de service possible. En d'autres termes, il faut que l'opérateur mette les marges de manœuvre que lui confère son nouveau statut au service des synergies que rend possible la politique de décentralisation voulue par le gouvernement.

Je suis alors convaincu qu'une mise en œuvre volontariste de cette approche de partenariat, alliée au potentiel technologique et à l'esprit d'entreprise qui anime l'opérateur, lui permettra d'envisager l'avenir avec beaucoup de confiance. Je souhaite en tout cas qu'à l'issue de cette journée vous soyez convaincus de la volonté de progrès qui anime l'opérateur et les services qui assument sa tutelle et déterminent son environnement réglementaire. Je souhaite également qu'elle lui permette de répondre à vos interrogations dans un contexte que l'État a voulu nouveau au service d'un développement accru dans le secteur des télécommunications, au profit de la collectivité nationale et notamment des entreprises.