Texte intégral
Chers amis, je tiens avant tout à vous remercier de m’avoir invité à partager cette matinée avec vous. Non seulement parce que j’attends beaucoup du dialogue que nous allons engager, mais aussi parce que je veux rendre un hommage particulier à l’action accomplie par les Français au service de l’enfance et de l’adolescence, domaine parmi les plus importants et les plus difficiles qui soient.
Dans cette perspective, la richesse de ces journées des Karellis témoigne, à elle seule, de votre militantisme et de la justesse de votre action. Mais autant que l’audience de notre réunion, la pertinence et l’intérêt du sujet que nous y traitons, justifient sa réussite. Avec l’aménagement des temps de l’enfant, j’ai en effet la conviction que nous sommes « au cœur du futur ». Pourquoi ? Parce que, s’intéresser aux temps de vie des enfants, c’est poser trois séries de problèmes majeurs.
Ceux qui sont liés à l’éducation d’abord. Si l’école est la référence centrale, un espace de vie et d’apprentissage fondamental, d’autres formes de socialisation ont aussi leur importance. Tout nous incite à réfléchir sur l’éducation du XXIe siècle : quels en seront les outils, les acteurs, les temps et les espaces ? Assurément plus diversifiés qu’aujourd’hui. Comment se combineront-ils, se compléteront-ils ? La question mérite d’être posée.
Viennent ensuite les questions liées au temps libre. Chaque Français dispose, en moyenne, de trois fois plus de temps libre qu’au début du siècle. Mutations technologiques, évolution des systèmes de production, allongement de l’espérance de vie : tout converge pour modifier en profondeur les rythmes de vie et d’activité des adultes. Le Front populaire et les septennats de François Mitterrand ont apporté leur contribution à cette évolution. Nous devons aller plus loin. Mais si, comme votre manifestation le rappelle, le temps libéré commence dès l’enfance, j’ajoute immédiatement que le temps qui sera libéré pour les adultes – je songe à la future et selon moi souhaitable semaine de travail de quatre jours – aura des conséquences sur celui des enfants. Comment structurer, de façon souple et dynamique, ce nouveau temps ? Comment occuper, instruire, intéresser les enfants tout en permettant aux familles de se rassembler ?
Troisième problème enfin : précisément, comment mettre en place une politique du temps libéré pour l’enfance ? Comment concilier initiatives locales et lisibilité nationale ? Comment dessiner une action de l’État en concertation avec les associations et les collectivités locales ? Beaucoup reste encore à imaginer. Je m’efforcerai d’apporter quelques réponses à ces interrogations, d’autant plus que j’ai la conviction que l’organisation du temps libre des enfants peut devenir un laboratoire pour l’ensemble de la société et le devenir de ses membres.
Éducation en mouvement, temps libre en progression, société en évolution, voici trois notions importantes. Il en est une quatrième que nous devons préserver dans son intégrité : l’enfance. Les enfants ont longtemps été considérés comme de petits hommes, au mépris de ce qui fait la spécificité de cet âge de la vie, celui des commencements, des doutes et des hésitations, des craintes et des audaces, celui où tant de choses se jouent pour la suite. Or l’enfant n’est pas seulement un écolier, ni même un fils ou une fille. C’est un individu à part entière qui a le droit d’être respecté en tenant compte de son âge, de ses besoins et de sa maturité. Le XVIIIe siècle a vu, dans notre pays, se développer la notion de l’amour maternel. Le XIXe a interdit le travail des enfants et généralisé l’instruction primaire. Le XXe, par une convention internationale, a accordé des droits et des garanties à tous les enfants. Avec le XXIe siècle une politique globale de l’enfance est nécessaire. Elle ne peut se limiter – même si c’est capital – à la famille et à l’école. Il faut en multiplier les outils et les fronts. Tout ce qui concourt à organiser l’égalité des chances, à favoriser le droit à une vie correcte et remplie, à obtenir une éducation réussie, faire des citoyens libres et responsables, doit être mis en œuvre.
Pour cela, l’actualité le montre, une meilleure structuration des temps de vie des jeunes est urgente. Nous arrivons à la fin des « grandes vacances », mais pour six enfants sur dix, l’été, c’est rester dans leur univers quotidien souvent fait de béton et de désœuvrement. 1 500 000 enfants vivent dans la précarité. Combien sont l’objet de sévices, de violences ? Combien n’ont pas l’ancrage dont ils ont besoin ? Ce n’est pas en prenant des arrêtés chargeant la police de ramasser les mineurs de moins de douze ans errant dans la nuit, sans davantage chercher les raisons de ce vagabondage juvénile, qu’on résoudra le problème. Plutôt que d’estimer que le temps de l’enfant est l’affaire exclusive de la famille ou de lui-même, la société n’ayant à s’en préoccuper qu’en cas de danger pour sa propre sauvegarde, je privilégie, pour ma part, une autre orientation, une orientation solidaire, où la société structure les conditions de vie des enfants par des moyens adaptés. C’est aussi ce à quoi vous œuvrez. Je le sais et j’admire ce travail.
Ceux qui partagent notre conviction savent que du chemin a été accompli ces dernières années à travers notamment les zones d’éducation prioritaires qui ont essayé d’associer, dans des projets communs, enseignants, animateurs, et travailleurs sociaux. Je pense aussi à diverses opérations, comme le développement social des quartiers, les plans anti-été chauds, devenus les V-V-V, ville-vie-vacances, les opérations écoles ouvertes. Pour ce qui concerne les rythmes scolaires, les premiers aménagements remontent au dispositif Calmat-Chevènement de 1984, du temps de mon gouvernement – l’idée de la globalité de l’enfant et de ses temps de vie était déjà là –, et le mouvement s’est amplifié depuis.
On doit désormais aller plus loin. Il faut penser l’aménagement des temps de l’enfant dans une perspective qui refonderait l’ensemble de notre politique éducative. Pour y parvenir, nous devons bien sûr répondre à ces deux questions complémentaires que sont l’aménagement des rythmes scolaires et la structuration du temps libéré. Je le ferai, mais j’évoquerai également un élément important, qui n’est pas toujours considéré à sa juste valeur : le rôle des nouvelles technologies. Dans une politique éducative, soucieuse des temps, des espaces et des rythmes de vie des enfants, le développement de ces technologies, les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), me paraît à la fois essentiel et indissociable de vos préoccupations.
1. L’aménagement des rythmes scolaires est une nécessité qui répond aux évolutions de la société. Les travaux scientifiques notamment ceux des professeurs Reinberg, Montagner et Testu, les acquis de la chronobiologie et de la chrono psychologie nous confortent dans notre approche. Nul ne conteste désormais, je l’espère, que l’enfant est plus disposé à l’apprentissage des savoirs fondamentaux le matin et en seconde partie d’après-midi qu’immédiatement après le déjeuner. Pourtant, la France se distingue des autres pays européens par une journée scolaire trop étirée et mal équilibrée, par des vacances estivales longues et des congés insuffisamment répartis sur le reste de l’année. Une réflexion s’impose à nouveau sur le calendrier scolaire. Elle doit aboutir à la réorganisation de la journée, de la semaine et à une meilleure alternance entre périodes scolaires et périodes de congés.
Nos principes et nos objectifs sont clairs. Il ne s’agit pas de privilégier les attentes des seuls parents ou des seuls enseignants, ni de rechercher d’abord le bonheur des, au demeurant très respectables, loueurs de pédalos, il s’agit de songer d’abord au bien-être et à la santé de l’enfant. Autre point : il convient à la fois d’accroître le « plaisir » collectif d’aller à l’école, mais aussi de permettre une amélioration d’ensemble des résultats des écoliers. Il faut également ne pas séparer trop fortement les disciplines fondamentales des activités dites d’ouverture. Dernier élément : ne pas évidemment déresponsabiliser l’enseignant, mais inscrire son action en partenariat avec d’autres intervenants. Quelques mots sur certains de ces aspects :
a) Si on veut améliorer les résultats, c’est-à-dire aboutir à un recul de l’échec scolaire, on doit considérer le système dans son ensemble et donc les enfants de trois a seize ans. Jusqu’à présent, l’aménagement des rythmes scolaires a concerné l’école maternelle et primaire. Le collège a été un peu touché. Pourtant, c’est probablement au collège que les difficultés sont les plus importantes, c’est là que certains enfants décrochent de façon définitive, là que la violence se manifeste souvent. Il est donc à mon avis souhaitable d’étendre au collège la nouvelle frontière d’une politique d’aménagement des rythmes scolaires. L’étude consacrée par Georges Fotinos à cette question montre que les expériences d’aménagement des rythmes scolaires dans les collèges sensibles ont permis de faire reculer la violence et de favoriser l’intégration citoyenne des élèves. Il est légitime d’aller plus loin, de développer ces expériences dans le cadre des projets d’établissement, et de façon progressive en commençant par les classes de sixième et de cinquième.
b) La modulation des rythmes scolaires exige aussi une réflexion sur les programmes, sur l’offre de savoir. Depuis les années 50, l’année scolaire a été réduite de plus de 50 demi-journées. L’allègement des programmes, dont on parle souvent, s’impose, en les recentrant sur l’acquisition, accessible à tous, de savoir primordiaux, transversaux aux disciplines. L’intégration sociale exige non seulement l’acquisition d’un savoir de base, mais aussi des compétences variées comme l’innovation, l’anticipation et la créativité. Le système éducatif du XXIe siècle devra prendre en compte ces données fortes. L’aménagement des rythmes scolaires ne peut pas se désintéresser de ce qui se passe dans la classe et hors la classe, des évolutions nécessaires des savoirs et de la pédagogie.
c) Les activités périscolaires doivent être intégrées à un projet global d’école, même si elles supposent des lieux et des partenaires extra-scolaires. Non pas évidemment choisir les associations contre l’école, mais imaginer de nouvelles formes de travail en commun dans un projet éducatif global. Non pas, bien sûr, saper les fondations de notre enseignement public, laïc, gratuit et obligatoire, mais abattre les murailles qui l’entourent et parfois l’isolent inopportunément de la cité.
2. L’aménagement des rythmes scolaires prend tout son sens dans une politique d’ensemble d’aménagement des rythmes de vie de l’enfant. Nous connaissons toutes les vertus que comporte le temps libéré. Elles sont grandes. Pour autant, si on n’y prend pas garde, l’avènement de nouvelles inégalités peut en être le contre coup. Bien sûr, ici ou là, on entend : « le marché répondra aux attentes de chacun ». Sans doute peut-il le faire pour les loisirs ou le soutien scolaire des enfants de « bonne famille » comme on dit ; mais pour les autres, pour ceux qu’une place de cinéma à 45 francs, une journée dans un parc de loisirs à 100 francs ou même l’accès à une piscine ou à un stade ne peuvent concerner, pour ceux que précisément un Gouvernement de Gauche ne doit pas oublier, le temps libéré ne sera-t-il que du temps perdu ou du temps gâché, partagé entre la rue et le téléviseur ? Nous devons refuser cette perspective. Je le répète : le temps libéré des enfants est de la responsabilité de l’ensemble de la collectivité.
Pour remplir cette mission, les objectifs sont simples, en tous cas à définir : réduire les inégalités devant le temps libre ; favoriser la valorisation des qualités de l’enfant ; renforcer la citoyenneté et la civilité par une mise en contact avec l’univers social et la collectivité.
Les partenaires de cette opération sont connus. L’école, le collège et le lycée, c’est évident. Les familles, bien sûr. Comme l’aménagement des temps de l’enfant ne peut être que décentralisé, c’est aussi aux municipalités (aux départements et aux régions pour les collèges et les lycées) de le piloter, en étroite coordination avec le monde associatif. Votre action prouve, si besoin était, son dynamisme. L’État, enfin, ne saurait être absent : contrairement à ce qui s’est passé avec le précédent gouvernement, les ministères de l’éducation nationale et de la jeunesse et des sports doivent agir de façon concertée. Enfin si l’Europe, non pas celle qui trop souvent décourage ou déplaît, mais celle qui sait avancer, rapprocher et progresser, pouvait avec intelligence introduire un peu d’harmonie dans les rythmes de vie de ses écoliers, sans doute y gagnerait-elle de petits européens.
Sans attendre cette étape encore lointaine, quelques propositions plus précises peuvent être avancées :
Il faudra bien assumer le coût financier de l’aménagement des temps de l’enfant. Certains l’évaluent à 2 000 francs par écolier et par an. Cela suppose de répartir équitablement l’effort entre l’État et les collectivités locales pour mobiliser les crédits nécessaires.
Consacrer une partie des nouveaux emplois jeunes à la prise en charge du temps périscolaire et extra-scolaire. Tel est aussi l’objectif de Claude Allègre. Je le partage pleinement.
Réfléchir au statut des intervenants. La précarisation constitue un réel danger. Un autre danger serait une trop grande hétérogénéité. Deux des propositions du monde associatif, et notamment des Français, me paraissent très intéressantes : créer un statut pour les intervenants bénévoles qui déterminerait qualification, protection sociale et indemnisation. Développer davantage la filière de qualification initiale pour les professionnels de l’animation des temps de l’enfant. Ces métiers ne s’improvisent pas.
L’institutionnalisation du temps libre pourrait aussi reposer sur les centres de loisirs, renforcés et modernisés afin de devenir de véritables lieux d’ouverture sur la vie. Je suis maire et Président d’une agglomération : au niveau local, la création d’un outil de coordination, d’évaluation et de contrôle de l’aménagement du temps de l’enfant semble nécessaire. J’ai noté que vous proposiez de lui donner un statut d’établissement public local : c’est une des solutions envisageables.
Ne pas arrêter la prise en charge du temps libre des jeunes adolescents à la fin de l’après-midi mais réfléchir à des dispositifs spéciaux pour la soirée, surtout en période estivale. L’actualité le confirme : il s’agit d’une question importante.
D’une façon générale, encourager les politiques de projets. Il serait absurde de vouloir tout impulser d’en haut, ou de prétendre déterminer a priori les meilleures formes d’actions pour telle ville ou tel quartier. C’est en fonction des besoins locaux et des possibilités locales qu’il convient d’utiliser les moyens que l’on peut mobiliser. Cette politique de projet a fait dans beaucoup de secteurs la preuve de son adéquation. Dans le domaine dont nous parlons, elle a déjà montré son intérêt. Il faut la développer et mieux l’organiser.
3. L’aménagement des rythmes scolaires et des rythmes de vie des enfants participe au dessein d’une politique éducative globale, d’une politique de l’enfance du XXIe siècle. Parce qu’il s’agit de l’avenir, un tel projet doit utiliser les nouvelles technologies. Aujourd’hui l’Emile serait sur Internet, Mallet et Isaac et Becherel consultables par CD-Rom. Je centrerai le reste de mon propos sur cet aspect.
De fait les nouvelles technologies bouleversent ou plutôt bouleverseront tout. Parce qu’elles peuvent être interactives, et qu’elles associent l’image, le son et le texte, elles sont puissamment éducatives, bien plus qu’une télévision ou qu’un simple ordinateur. Avec elles, les trois piliers de notre système scolaire, un horaire, une classe, une discipline, sont remis en cause. Elles permettent une individualisation et une délocalisation inédites dans l’acquisition des connaissances. Elles rendent aussi possible une pédagogie différente : l’enfant est face à une machine qui ne le juge pas ; l’ordinateur connecté favorise le travail coopératif ; les élèves peuvent davantage imposer leur rythme de travail.
Nous sommes ici d’une autre façon au cœur de notre sujet : il n’est plus aujourd’hui d’activités qui ne nécessitent ou ne permettent l’usage de l’ordinateur et de machines communicantes. Le multimédia doit s’inscrire dans une stratégie d’éducation globale pour jeter des pans nouveaux entre les espaces-temps scolaire, périscolaire et extra-scolaire, dans le cadre de ce que j’appelle une éducation continuelle. Nouveau rapport au temps : le multimédia est à la fois une activité nouvelle et une nouvelle façon d’acquérir les savoirs classiques. Il met la science à portée de chacun, offre de l’intelligence, épargne du temps de consultation ou de recherche, mais en consomme aussi énormément par la diversité et la multitude, certains diront le désordre, de ses possibilités. Nouveau rapport à l’espace : le virtuel permet aux enfants de sortir de leur territoire, de leur campagne ou de leur quartier, pour accéder à des lieux et des espaces virtuels, gisements d’informations, musées, paysages, découvertes. Les jumelages électroniques multiplient les échanges à des coûts limités. Pour nos enfants, il s’agit bien d’un nouveau continent ; donnons-leur les moyens de le conquérir : l’illettrisme technologique n’est pas plus acceptable qu’un autre.
Car le danger est certain : inégalité d’accès à Internet au sein même de l’école (entre les écoles largement dotées et celles moins bien loties) et en dehors du temps scolaire entre info riches et info pauvres (entre les familles favorisées et les autres). Nous devons refuser que certains enfants soient tenus à l’écart de cette révolution, en raison de leurs origines sociales ou de leur lieu d’habitation.
Le développement scolaire, périscolaire et extra-scolaire des nouvelles technologies devra donc constituer désormais une priorité. Faire des nouvelles technologies un instrument au service de l’aménagement des temps de l’enfant, ce sera développer leur implantation sur trois sites principaux. À l’école, naturellement, dans la classe ou dans les centres de documentation qui doivent devenir de véritables centres multimédias. L’école doit assurer l’égalité des chances de chacun à utiliser le multimédia et à accéder au savoir qu’il transmet. Dans le cadre d’infrastructures municipales aussi, qui seront accessibles aux enfants durant leurs activités périscolaires : les municipalités ont construit des infrastructures sportives ; il est temps de concevoir et de généraliser des infrastructures multimédias, à l’intérieur ou à côté de nos bibliothèques traditionnelles. À la maison, enfin : mais, comme les inégalités sont les plus fortes dans le cadre du foyer, nous devons faire le nécessaire pour réussir l’implantation du multimédia sur les deux précédents sites, qui sont publics et accessibles à tous.
Dans cet esprit et pour m’en tenir à l’école, je formulerai cinq propositions précises dont la mise en œuvre me paraît souhaitable dans le cadre de la nouvelle législature :
Assurer la formation des enseignants à l’ordinateur communicant : en la rendant obligatoire dans les IUFM et en organisant une formation continue pour les enseignants déjà en poste. C’est un préalable. Valoriser les initiatives individuelles et l’implication des enseignants, en désignant un enseignant responsable des nouvelles technologies dans chaque établissement scolaire. Le temps consacré à cette mission pourrait être compensé par une décharge horaire et une valorisation salariale.
Équiper les établissements scolaires. Un programme d’ensemble réalisé sur la base d’évaluations académiques permettrait de déterminer les meilleures modalités d’acquisition des matériels multimédia. Le coût sera important : un partenariat s’impose entre l’État, les collectivités territoriales, les constructeurs de matériel et les prestataires de communications téléphoniques. Un ordinateur par classe, une mise en réseau des enseignements et des établissements, voire la création dans chaque collège et chaque lycée d’une salle de visio-cours interactif, tout cela ne constitue-t-il pas des objectifs à notre portée ? L’exemple des serveurs mis en place par certaines académies le montre.
Repenser les programmes scolaires en y intégrant les nouvelles technologies, à la fois comme discipline à part entière, comme moyen d’enrichir l’enseignement des disciplines traditionnelles, et comme outil permettant de diversifier et d’approfondir la recherche documentaire. Dans nos sociétés de l’information, il ne s’agit plus seulement de maîtriser un savoir, mais aussi de connaître les sources qui permettent d’y accéder. La réflexion devrait être accélérée à propos des conséquences de cette évolution sur les programmes scolaires.
Développer la création de produits éducatifs et favoriser le développement d’une véritable industrie dans ce secteur : ce qui suppose d’augmenter les moyens financiers disponibles dans l’aide à la production, et favoriser la diffusion des logiciels multimédia. La France a une tradition d’excellence dans la recherche pédagogique et nous ne pouvons accepter que, demain, les manuels électroniques soient rédigés exclusivement au Royaume-Uni et aux États-Unis. L’enjeu est de taille. Quel serait sinon l’avenir de notre culture et, sans doute, de notre langue ?
Mieux réglementer l’accès sur Internet. On ne peut pas rester inactifs devant la multiplication de ces sites effroyables où l’on fait commerce de tout.
De telles mesures réclament une ambition nationale, une ambition politique, même si leurs modalités d’application devront être décentralisées. Le nouveau gouvernement en est conscient, je suis convaincu qu’il va s’y atteler, car ce faisant, il contribuera à la démocratisation, qui commence dès l’enfance, de l’univers du multimédia. C’est aussi de cette façon qu’il initiera une politique de la formation tout au long de la vie au profit des adultes, une politique d’éducation continuelle, et qu’il limitera la tyrannie du diplôme initial.
Trois remarques pour conclure.
L’aménagement des rythmes de vie des enfants est une question majeure. Elle suppose des solutions localisées inscrites dans le cadre d’une ambition nationale. Elle se fonde sur le partenariat, à tous les niveaux de décision et de délibération collectifs, en associant des acteurs variés. Ce n’est plus l’État qui commande d’en haut, c’est un réseau de compétences croisées qui impulse ses propres dynamiques. L’action politique en est, d’une certaine façon, transformée, la démocratie s’approfondit, les enfants y gagnent. Sur ce terrain, s’invente au quotidien, de façon pragmatique, la seule façon de changer la vie qui puisse réussir.
Pour que le temps libéré des enfants ne devienne pas un terrain vague, un temps de nouvelles inégalités, la société doit se donner les moyens de l’organiser et de le structurer. Nous devons faire prévaloir une conception solidaire des temps de l’enfance.
L’éducation du XXIe siècle devra associer l’école à de nouveaux partenaires. Ne pas assez demander à l’école, ce serait remettre en cause le service public de l’éducation nationale. Trop lui demander, ce serait l’empêcher d’accomplir ses missions fondamentales. Un équilibre est donc à inventer, où l’école reste l’acteur principal, mais pas le seul.
Pour toutes ces raisons, j’attache la plus grande importance à votre action et j’apporte mon soutien entier et fraternel aux Français.