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Challenges : Vous avez présenté, le 12 mars dernier, un plan de soutien en faveur du logement, des routes et des transports collectifs. Cet ensemble de mesures vous paraît-il suffisant pour relancer l'immobilier ?
Paul Quilès : Les chiffres, dans le logement neuf ou ancien comme dans le secteur des bureaux, ne montrent pas un effondrement complet mais des signes qui pourraient être inquiétants. L'année dernière, le taux de croissance dans le bâtiment n'a été que de 0,9 % quand il atteignait 3,4 % en 1990. Aujourd'hui, les Français disposant de revenus modestes peuvent difficilement acheter ou louer un logement dans les grandes villes. Voilà pourquoi ce plan entend à la fois faciliter l'accès au logement des classes moyennes et améliorer la qualité du parc existant. Il ne faut pas oublier que l'immobilier est constitué par une somme de marchés qui communiquent entre eux. La série de dispositions que nous venons de prendre agit sur différents leviers indispensables pour faire repartir l'ensemble du secteur.
Challenges : Selon vous, le marché est-il susceptible de réagir rapidement ?
Paul Quilès : Mon souhait est que le secteur du bâtiment et des travaux publics anticipe puis soutienne la reprise économique qu'on prévoit pour le milieu de l'année. Cette activité, très créatrice d'emplois, présente l'avantage de réagir rapidement. Les mesures prises vont sans aucun doute la stimuler puisqu'elles devraient permettre la mise en chantier de 35 000 logements supplémentaires. Le chiffre d'affaires induit représentera 14 milliards de francs. Cela générera plus 50 000 emplois.
Challenges : Ce train de mesures n'est-il pas de la relance qui n'ose pas dire son nom ?
Paul Quilès : Non, parce que le plan est constitué de toute une série de mesures qui vont agir, non sur la consommation, mais sur l'investissement. Il n'est pas question de procéder à une injection massive de crédits budgétaires pour stimuler la consommation.
Challenges : Les professionnels, sceptiques début mars, se sont finalement montrés satisfaits du plan final. Cela vous a-t-il surpris ?
Paul Quilès : Les réactions positives des professionnels montrent bien qu'il s'agit là d'un ensemble cohérent. Leur intérêt, comme celui des pouvoirs publics, des collectivités locales et, d'une façon générale, des Français, c'est que le marché se réveille. Plus de 303 000 logements neufs ont été livrés en 1991. Or les besoins sont supérieurs d'environ 10 %. Si la confiance, qui est un facteur déterminant dans ce secteur, réapparaît, le marché reprendra et l'investissement dans l'immobilier redeviendra attrayant.
Challenges : Malgré son doublement, la réduction d'impôts pour les propriétaires qui s'engagent à louer suffira-t-elle à enrayer la chute du nombre de bailleurs ?
Paul Quilès : Le doublement de la réduction fiscale, à condition que l'investisseur qui loue son logement respecte un montant de loyer raisonnable, devrait enrayer le phénomène de régression du parc locatif. L'investissement immobilier a traditionnellement en France une image de sécurité. Le nouvel avantage fiscal améliore substantiellement la rentabilité de cette forme de placement. Suffisamment, me semble-t-il, pour que certains souhaitent en bénéficier.
Challenges : Le fonds de garantie créé par le plan se justifie-t-il ?
Paul Quilès : Tout à fait. Il faut que les banques cessent d'être aussi frileuses à l'égard des emprunteurs à revenus modestes. D'où la mise en place d'un fonds de garantie pour l'accession sociale à la propriété. Dès juillet prochain, en prenant en charge les impayés, il facilitera l'obtention de prêts pour les ménages à revenus modestes. Il devrait, en effet, avoir des effets concrets sur la décision d'emprunter de ces ménages puisqu'il leur permettra de bénéficier d'une réduction de 0,6 à 0,8 % des taux d'intérêt qui leur seront consentis.
Challenges : Dans votre livre Nous vivons une époque intéressante (1), vous écrivez qu'il faut dire « la vérité aux Français sur nos échecs comme sur nos succès ». Est-ce un engagement que vous prenez à propos de ce plan ?
Paul Quilès : Si j'entreprends ce plan, c'est évidemment pour réussir et je le dis. S'il échouait, je le dirai aussi. Mais, d'une façon générale, si je souhaite que l'on dise la vérité aux Français, c'est d'abord pour que l'on reconnaisse les difficultés afin d'accepter d'en débattre.
(1) Éditions Gauche Contact (1992).