Texte intégral
Q - Affaire Tiberi avec la nouvelle mise en examen du maire de Paris. M. Tiberi est évidemment présumé innocent, mais est-ce que sa mise en examen est compatible, à votre avis, avec une candidature à la mairie de Paris et pour une bataille politique si importante et si difficile ?
« Tout ceci complique évidemment le problème. Mais le fond de l'affaire, c'est l'auto-proclamation. Si l'opposition est, aujourd'hui, épuisée, c'est parce que toutes les décisions sont venues d'en haut, parce qu'il n'y a pas de démocratie interne et qu'au fond c'est l'auto-proclamation qui est le principe de vie de l'opposition. L'auto-proclamation, c'est de l'auto-défense. Si M. Tiberi veut avoir des chances, un jour, de gagner Paris, il faut qu'il soit légitimé par la base. Moi, j'ai une proposition concrète : au printemps 2000, dans un an, dans toutes les villes de plus de 30 000 habitants, il faut des primaires pour désigner les têtes de liste. Faisons appel à la base, aux sympathisants de l'opposition pour qu'ils désignent le candidat tête de liste. Les seules légitimités qui tiennent dans notre société, aujourd'hui, ce sont les légitimités qui viennent de la base. Alors, l'auto-proclamation, c'est de l'auto-défense, c'est vraiment, de mon point de vue, très coupable. »
Q - Est-ce que ça veut dire que l'ensemble de l'opposition doit procéder à ces primaires, c'est-à-dire se regrouper pour proposer un candidat unique, ou bien chaque parti, chaque fraction de l'opposition propose son candidat ?
« Je pense qu'il faut se rassembler pour désigner ensemble les candidats. Les élections européennes, c'est la proportionnelle ; avec 10 %, on peut faire un succès. Les municipales, c'est une loi majoritaire ; il faut faire 50 %. »
Q - On peut même faire un échec avec 13 %.
« En effet, c'est cela la proportionnelle : c'est de l'illusion. On peut présenter le résultat comme une performance. Même le petit, qui est un peu plus grand qu'il n'avait pensé, peut se permettre, à un moment, de dire : « J'ai gagné ». La vraie règle de la démocratie c'est le scrutin majoritaire. Il faut faire 50 %. 50 %, ça se fait ensemble. Si on veut que les municipales de 2001 soient un rendez-vous de victoire et le début de la reconstruction de l'opposition pour préparer les prochaines échéances, il faut faire cela dans l'union. Dans l'union, à la base ! Pas des états-majors, pas des choses comme l'Alliance qui avait été lancée – je l'avais dit dès le départ – comme un pétard mouillé. Pourquoi ? Parce que ça partait d'en haut. Ce qu'il faut c'est à la base, dans les villes, les sympathisants de l'opposition, un dimanche de juin ou de mai 2000 : on vote et on choisit la tête de liste qui a un an pour travailler, pour constituer sa liste et pour gagner la ville. »
Q - Il faut un vote avant le vote ?
« Il faut une démocratie. Au fond, les socialistes nous ont montré le chemin, de ce point de vue-là, dans la rénovation. Ils avaient choisi leur candidat à la présidentielle. Je pense vraiment que l'opposition est sclérosée, aujourd'hui, parce qu'elle fonctionne par le haut. »
Q - C'est valable pour les municipales seulement ou également pour les présidentielles ?
« Ce sera à nous de tirer les leçons de cette expérience après les municipales, mais je crois que ce principe-là est un principe fondateur d'une rénovation. C'est la démocratie qui donne de la force, ce n'est pas la cooptation. Les citoyens en ont marre des cooptations ! Vous êtes là parce que vous êtes l'ami de Monsieur Ceci ou de Madame Untelle ! On l'a vu sur les listes européennes : tout le monde était suspect d'être le copain de celui-ci ou de celui-là. Non, la désignation par la base, la démocratie à la base : c'est ça qui crédibilisera l'opposition. »
Q - Est-ce que la Mairie de Paris, c'est le premier tour de la présidentielle, c'est très important pour l'opposition, c'est majeur… ?
« Je pense que c'est un dossier qui doit être traité au plus tard au printemps 2000. »
Q - Vous qui êtes visiteur du soir du président de la République et homme de rénovation de l'opposition, membre de Démocratie Libérale de surcroît, vous avez donc subi un gros échec quand même aux élections européennes. Est-ce qu'il est possible et souhaitable que les trois fractions de la droite qui se sont affrontées se réunissent et marchent ensemble ?
« Je pense qu'il faut d'abord repartir des idées. Je pense que les structures, toutes ces décisions, états-majors donc comme je le disais, viennent d'en haut sont à reprendre. Il faut tracer la ligne. Il faut trouver la perspective. Pour moi, une chose est simple : la Ve République est épuisée. Il nous faut un nouveau projet. Je pense que notre nouveau projet, c'est une nouvelle République française fondée sur des principes nouveaux. Par exemple, pour être concret, je suis favorable au quinquennat. Je pense qu'il faut changer les règles de la Ve République. Quand on compare les pouvoirs du président de la République aujourd'hui par rapport à ceux qu'avait le général de Gaulle, ils sont très modestes. La Banque de France est autonome, les chaînes de télévision sont autonomes, les grandes entreprises sont de plus en plus autonomes… »
Q - Et, en plus, la cohabitation.
« … vous avez des pouvoirs qui sont partis par le haut sur les marchés, sur Bruxelles, des pouvoirs qui sont partis sur le bas, dans les régions, sur le département. Avec le peu de pouvoir qui vous reste, vous devez cohabiter aujourd'hui. La cohabitation est un mal, j'en suis vraiment convaincu, parce qu'elle donne de la confusion à l'exercice du pouvoir. Et donc, il faut clarifier le pouvoir. Je pense qu'il faut qu'il y ait un quinquennat, c'est-à-dire un mandat plus clair et plus court. Je pense que d'autres décisions devraient être prises. Par exemple, je crois qu'il ne faudrait pas exercer avec plus de deux réélections le même mandat. On parle de cumul des mandats. Moi, ce que je trouve de plus scandaleux, c'est les gens qui sont vingt ans, trente ans maire. Il faut deux réélections maximum… »
Q - Encore que ce soit les électeurs qui décident !
« Oui mais il faut faire en sorte qu'il y ait ce renouvellement. Par exemple, il y a au moins une bonne dizaine de ministères à supprimer. Tous les ministères qui ont moins de 1 milliard de budget, c'est-à-dire qui pèsent moins qu'une région, devraient être supprimés. Je pense qu'il y a beaucoup de choses qui doivent être faites dans cette nouvelle République française. »
Q - Quelle serait la bonne période pour instaurer le quinquennat en France ?
« C'est aux forces politiques de voir ça. Il faut étudier tout cela. Il ne s'agit pas de faire une manoeuvre politique, il s'agit de construire un projet de nouvelle République française. La Ve République est épuisée, elle est fatiguée, il faut la changer. Il faut préparer pour le nouveau siècle la VIe République. Il faut inventer des idées nouvelles. Hier, on était au Parlement. Je réfléchissais sur ces textes compliqués qui nous étaient proposés. Je pense notamment à la Cour pénale internationale. Au fond, la société est complexe, on donne aux députés, aux sénateurs, le choix de choisir. Est-ce que le député-sénateur, sur les textes comme ça, doit avoir droit à l'abstention ? Est-ce qu'il peut se défiler ? En fait, on lui délègue une complexité. Il doit l'assumer. Donc, il y a des règles à changer dans notre démocratie. Il faut inventer une nouvelle démocratie. C'est comme ça qu'on retrouvera la crédibilité politique et, à ce moment-là, nous verrons les structures politiques. Je pense qu'il n'y a pas de grande différence stratégique, aujourd'hui, entre ce que proposent les gens du RPR, ceux de l'UDF, ceux de Démocratie Libérale. Il y a suffisamment de choses en commun. Mais on regarde toujours dans le rétroviseur. Regardons l'avenir ! Nouveau ciel, nouvelle République ! Que voulons-nous faire et comment on s'organise ? »
Q - Est-ce que l'opposition doit soutenir le Président ou bien avoir son propre projet sans s'occuper du Président ?
« Je pense qu'il ne faut pas faire du Président le leader de l'opposition. Le Président est le Président de tous les Français. Il a une position institutionnelle forte. Il a, en deux ans, recrédibilisé la fonction après la dissolution. Il a réussi, notamment, par sa crédibilité internationale, par son contact populaire, à être dans une situation forte. Ce sera, le moment venu, l'atout décisif de l'opposition. Mais on ne peut pas faire du Président l'artisan quotidien du redressement de l'opposition. C'est à l'opposition de se redresser, de se redresser par les idées et en loyauté avec le Président. Et, le moment venu, le Président tiendra toute sa place, mais le Président ne peut pas être au four et au moulin. »