Texte intégral
Question : Les routiers ont été trompés l’an dernier, grugés par le patronat, qui s’est engagé à leur payer des primes. Seule une faible minorité d’employeurs a respecté sa parole. Les autres la refusant en arguant du fait qu’ils n’étaient pas engagés par une simple recommandation. Ils continuent de travailler 300 heures par mois ruinant et leur santé et leur vie de famille. Plus globalement, Monsieur le Premier ministre, ils sont victimes d’un patronat incapable de discuter, préférant la politesse de la chaise vide à celle de la discussion véritable. Ils sont par ailleurs victimes de la dérégulation et de la déréglementation au niveau européen. Le libéralisme sauvage contribue ainsi à la perte et des entreprises et des salariés du transport. Ils sont victimes enfin, Monsieur le Premier ministre, d’un choix de société au détriment du rail. Trop de routes, rappelons-le, tuent le transport routier.
Monsieur le Premier ministre, ce conflit est le premier que doit affronter votre gouvernement. Quelles mesures comptez-vous prendre pour relancer le dialogue social sans lequel ce conflit va s’installer dans la durée, au détriment des intérêts de la France et des Français ?
Réponse : Monsieur le président, Monsieur le député, un nouveau conflit des routiers a lieu effectivement dans notre pays. L’action engagée par les chauffeurs routiers s’explique notamment par une exigence de dignité compte tenu des conditions particulièrement difficiles de leur travail. Cela s’explique aussi par leur volonté de voir respecter la parole donnée, et cela n’a pas été le cas.
Ce malaise est donc dû à deux causes principales : sans doute la situation économique du secteur et il faudra se pencher sur cette situation économique pour faire évoluer ce secteur avec la profession, mais aussi par le non-respect, à l’issue du précédent conflit, par certaines entreprises, des engagements qui avaient été pris, et notamment ceux touchant à la prime de 3 000 francs.
Les négociations ouvertes depuis plusieurs semaines, qui sont de la pleine responsabilité des partenaires sociaux, mais par rapport auxquels le Gouvernement et, notamment le ministre des transports, se sont engagés, parce que notre position, Messieurs, n’est pas, face à un conflit, de laisser courir avant, de courir pendant et de trahir après.
Les négociations n’ont pas pu aboutir à un accord accepté, jugé comme satisfaisant par les chauffeurs, même s’il a abouti à l’élaboration d’une déclaration commune. Je le dis clairement, même si je veux m’exprimer vis-à-vis des protagonistes avec mesure. C’est dans mon rôle, qu’en même temps je constate, l’absence à la négociation dans les derniers moments de la principale fédération d’employeurs a, sans aucun doute, pesé lourdement dans la décision de s’engager dans le conflit qui a été prise majoritairement par les salariés du transport routier. Je regrette que cette négociation n’ait pas abouti.
La plus grande attention est naturellement portée par le Gouvernement qui a ses responsabilités d’État dans le respect plein et entier du droit de grève afin de limiter l’impact de ce conflit sur la vie quotidienne des français et afin de faire respecter nos engagements internationaux.
Surtout, et c’est sur ce point que je voudrais finir, le Gouvernement joue pleinement son rôle pour créer les conditions d’une issue positive et rapide à ce conflit. Je rappelle que, au nom de l’État et d’une certaine façon, en votre nom, Messieurs, nous avons inscrit au budget de 1998 les engagements financiers et les crédits que vous n’aviez pas prévus en 1997 afin que soit mis en œuvre le congé de fin d’activité.
Le ministre chargé des transports, Jean-Claude Gayssot, dont je salue l’action menée, en totale collaboration avec moi, s’est rendu en personne sur les lieux de la négociation pour annoncer un ensemble de mesures destinées à assurer un contrôle rigoureux des conditions économiques et sociales (...) de la profession. Symboliquement, et c’est aussi, je crois, un acte symbolique qui a son importance, il était aussi dans la nuit au contact de routier sur un barrage pour témoigner que nous prenons en compte leurs problèmes, même si nous assumons nos responsabilités d’État.
Aujourd’hui, et devant vous, je confirme qu’un projet de loi sera soumis au conseil des ministres dès lundi prochain puisque le conseil des ministres a lieu, exceptionnellement un lundi, puis présenté prochainement au Parlement. Il permettra de renforcer le contrôle des infractions à la réglementation des transports et au droit du travail. Il généralisera, par ailleurs, l’obligation de formation à l’ensemble des conducteurs. Un décret destiné à assurer un meilleur contrôle de l’accès à la profession de transporteur sera publié dans les prochains jours. Le dispositif d’allègement des charges sociales pour les entreprises respectant les règles conventionnelles sur le temps de travail décidé il y a deux ans pour l’année en cours sera prolongé. J’ai, par ailleurs, décidé un allègement de la taxe professionnelle qui sera pris en charge par l’État. Cette décision a pour objectif de lever les obstacles financiers pour toutes les entreprises de façon à ce que, quel que soit l’accord qui sera signé, il soit appliqué par l’ensemble des entreprises. Le Gouvernement sera particulièrement vigilant sur ce plan. Je reprécise ici clairement que cet effort financier de l’État est fait pour faciliter la signature puis l’application effective de l’accord, c’est-à-dire, doit aller vers les feuilles de paye des salariés naturellement.
En outre, le Gouvernement a noté la préoccupation des salariés et des employés des transports de parvenir à maîtriser, avec les professions qui utilisent le transport routier, la question des temps d’attente et la question des conditions de déchargement quand les routiers arrivent après 8 ou 9 heures, et qu’on les oblige, comme ils le disaient hier, à décharger des palettes. Cette question sera abordée, pourquoi pas dans le cadre de conventions entre ces entreprises utilisatrices, ses clients, et l’entreprise du travailleur routier.
Pour finir, la discussion a repris ce matin. L’épreuve de force doit être surmontée, j’en appelle au sens de la responsabilité de tous. Le Gouvernement souhaite vivement que ces négociations aboutissent et engagent le plus possible de parties prenantes dans les heures qui viennent. En tous cas, quel que soit le nombre de ces parties prenantes, le Gouvernement s’engage, je m’engage à ce que l’accord à venir et que j’appelle de mes vœux comme tous les français, soit immédiatement applicable à l’ensemble de la profession. Je confirme à cet égard que la procédure d’extension prévue par le code du travail sera mis en œuvre sans délai.
Mesdames, Messieurs les députés, il ne peut y avoir de dialogue social sans respect de la parole donnée. Qu’il s’agisse de la parole d’hier ou qu’il s’agisse de la parole d’aujourd’hui, l’application réelle et complète des accords conclus doit s’imposer. Je donne ici solennellement, au nom du gouvernement, la garantie que ce sera le cas.