Texte intégral
B. Vannier : Votre droit de réponse au portrait de vous dresser par M. Meyer ?
- “J'ai connu P. Meyer plus mordant, je ne sais pas si c'est l'heure qui le rend plus aimable. Ça doit être une question de nature. Mais vous voyez, cher M. Meyer quand ça fait mal, il ne faut pas·répondre tout de suite. Je pense d'abord que c'est ce qui rend si difficile l'engagement politique qui est le nôtre, c'est que c'est un engagement public. Donc il est soumis à la critique, critique drôle, critique mordante, il faut l'accepter. Et P. Meyer a raison, si je me préoccupais de ce qu'on me dit ou de ce qu'on me promet, je n'aurais rien fait de toute que j'ai essayé de faire et de construire.”
B. Vannier : Ce qui veut dire que la cuirasse n'a pas de défaut ?
- “Si, bien sûr. Mais pourquoi les montrer ? Pourquoi les exposer ? Ça n'a aucun sens. Voyez-vous, M. Meyer, ma façon de me battre, c'est de me battre pour mes idées, de me battre fortement, c'est d'y croire, de porter un projet et d'essayer de faire partager cette part de vérité. Bon, je comprends parfaitement que d'autres peuvent écrire ce que font les autres, avec humour, avec alacrité. Moi, c'est ça ma façon. Je la retrouve dans une situation qui est difficile et c'est sans doute pour ça, d'ailleurs, qu'il y a un tel consensus dans ma famille politique, pour que je mène le combat. Je n'ai pas le sentiment que si c'était si facile que cela, on serait spontanément venu me chercher. C'est aussi la noblesse de l'engagement politique. S'agissant de Neuilly, je ne vous en veux pas, M. Meyer, on ne peut pas tout connaître. Vous connaissez beaucoup de choses, pas la politique. Demandez donc à C. Pasqua si c'est si facile de devenir maire de Neuilly.”
B. Vannier : il n'aurait peut-être préféré que vous alliez grimper ou tenter de grimper l'Everest. Sur la Corse, j'imagine que comme nous, vous ne savez pas encore ce qui s'est passé, à moins que vous puissiez nous le révéler. C'est une affaire d'Etat qui met en danger l'Etat français ou c'est une affaire de gouvernement qui, selon vous, doit faire tomber des têtes ?
- “Vous avez raison, il faut à la fois être prudent et, en même temps, essayer de cerner un certain nombre de certitudes. Prudent parce que je ne sais pas, je n'ai pas accès au dossier. Et je ne sais pas pourquoi le procureur de la République a décidé - ce qui n'est pas rien - l'emprisonnement d'un certain nombre de hauts responsables… ”
B. Vannier : La mise en examen.
- “Pas simplement La mise en examen, c'est une chose. Décider de mettre des représentants aussi élevés, chargés de rétablir l'ordre, en prison, c'est une chose. La mise en examen c'est un certain nombre de soupçons qui pèsent sur la culpabilité de tel ou tel. Mais quand on ajoute une mesure coercitive, comme l'emprisonnement, s'agissant d'un des plus hauts responsables de la gendarmerie en Corse, on est en droit de se dire que le procureur de la République, s'il a décidé de faire cela, c'est qu'il a dans le dossier, un certain nombre de charges, comme disent les spécialistes, concordantes et d'une très grande gravité. Alors qu'est-ce qu'on sait ? On sait d'abord que sur l'assassinat du préfet Erignac qui, si mes souvenirs sont exacts, remonte·au 6 février 1998, l'enquête n'a pas avancé d'un iota. Tous les mois, on nous dit que ça va progresser, l'Etat a mis des moyens considérables. Dans ce beau département corse, mais qui est petit par la taille et par le nombre de la population, rien n'a avancé. On sait une deuxième chose : c'est qu'à plusieurs reprises, on nous a expliqué qu'on se méfiait de la police et qu'on confiait à la gendarmerie un certain nombre de responsabilités, qu'il y a donc incontestablement un problème d'organisation. On sait une troisième chose : c'est que les gendarmes, par tradition, je dirais par culture, sont des hommes et des femmes honnêtes et qui obéissent scrupuleusement aux ordres. C'est même la grandeur de ce corps qu'est la gendarmerie. On sait une quatrième chose : c'est que ce qui est en train de se passer est un formidable service rendu aux nationalistes. Nous étions tous favorables au rétablissement de l'Etat républicain. L. Jospin en avait fait le coeur de sa politique. Et qu'est-ce qu'on voit aujourd'hui ? Que ceux qui portaient ce discours de rétablissement de l'Etat républicain sont confrontés à un scandale qui promet des conséquences importantes. Donc aujourd'hui, pour en terminer, il faut que les Français sachent la vérité, il faut que nous sachions qui a décidé, qui a donné les ordres ? S'agit-il d'une initiative personnelle ? Le préfet Bonnet était-il au courant ? En avait-il rendu compte au ministre de l'Intérieur ? La chaîne des responsabilités est la première question qui doit être posée.”
B. Vannier : A travers votre remarque, on a l'impression que dans votre tête, même si vous ne possédez pas tous les éléments, comme vous le disiez à l'instant, il y a déjà une quasi-certitude. Des ordres ont été donnés ?
- “Non, comprenez-moi : il faut respecter les hommes qui sont mis en examen. Mais la question incroyable, c'est : comment se fait-il que des charges d'une telle importance pèsent sur des gendarmes dont on a retrouvé, sur les lieux d'un incendie criminel, une cagoule, une radio et dont le propre procureur de la République a considéré que c'était suffisamment convergent pour les mettre en prison ? Si nous autres, représentants de l'Assemblée nationale et donc de la souveraineté populaire, nous ne posions pas de questions, est-ce que vous ne considéreriez pas que nous passerions à côté de nos responsabilités ? Maintenant, je n'ai d'autres informations que celles qui sont données par·la presse.”
P. Le Marc : Alors il y a visiblement un problème d'organisation de l'action de l'Etat en Corse, c'est évident. On a beaucoup parlé de responsabilité politique récemment, à propos d'une, autre affaire. Est-ce que vous pensez que la responsabilité politique doit jouer et à quel niveau ? Au niveau du préfet ou au niveau du ministre de l'Intérieur ?
- “D'abord, je trouve que le Gouvernement et notamment M. Chevènement, en ont trop fait dans le discours et si vous me le permettez, dans une certaine forme de rodomontade sur le rétablissement de l'Etat républicain en Corse. Nous en avons déjà payé un lourd tribut. Puisqu'à la suite de cette politique et de ces déclarations qui ont été prises, par une partie des Corses, comme humiliantes, ça s'est traduit par le doublement des voix, aux élections régionales, pour les nationalistes. Ce n'était quand même pas ce qu'on souhaitait faire.”
B. Vannier : Mais vous savez que vous reprenez là un des arguments des nationalistes ?
- “J'ai été en Corse, j'ai même été le seul responsable politique de l'opposition à aller faire campagne pour la liste qui était conduit par nos amis du RPR et de Démocratie libérale en Corse. C'est quelque chose qui se disait là-bas. Chacun souhaite le retour de l'Etat républicain. Mais présenter tous les Corses·comme des gens malhonnêtes, c'était outrancier.”
P. Le Marc : Donc la méthode est mauvaise ?
- “Je trouve que la méthode caricaturale et outrancière est toujours mauvaise. Pour rétablir l'Etat de droit, notre solidarité sera totale. Ce qui a été fait en Corse n'a obtenu aucun résultat si ce n'est le doublement des voix pour les nationalistes.”
P. Le Marc : Alors est-ce que la responsabilité politique doit jouer et à quel niveau ?
- “La responsabilité politique jouera au moment des élections. Mais comment voulez-vous que je réponde avec certitude à cette question alors que pas plus vous que moi nous n'avons eu accès à un dossier qui est judiciaire et qui promet une judiciarisation importante. Ça serait déraisonnable de ma part. Le combat politique ne justifie pas la précipitation. Nous sommes au moment où des questions doivent être posées. Est-ce que ce sont des gendarmes qui ont fait cet attentat ? Et si c'était le cas, qui leur a donné l'ordre ? Est-ce une initiative personnelle ? Je rappelle qu'il s'agit quand même du patron de la gendarmerie en Corse, dont le grade est celui de colonel - ce n'est pas rien - et qui est sous les ordres directs du préfet. On sait également que le préfet est sous les ordres du ministre de l'Intérieur. Aller plus loin ne servirait qu'à caricaturer mon propos et je ne le souhaite pas, pour des raisons que vous pouvez parfaitement comprendre. Je dirais que cette affaire est trop importante pour en faire simplement une question de polémique politicienne. Nous avons connu, dans le passé, un certain nombre de scandales d'Etat ; il s'agit aujourd'hui de voir dans quelles conditions la lumière sera faite sur celui-ci.”
B. Vannier : A propos de la situation au Kosovo, partagez-vous·le sentiment de certains qui est de dire que la façon dont l'Otan a engagé le conflit face à Milosevic ressemble aujourd'hui, plus d'un mois après, à une forme de piège dont nous ne pourrons sortir que parce que personne ne veut officiellement une intervention terrestre ?
- “Je ne partage pas du tout cet avis. Et je crois que sur ce dossier extrêmement douloureux et complexe du Kosovo, il faut affirmer des convictions fortes avec des idées simples. Le choix était le suivant : soit les démocraties laissaient faire, à quelques centaines de kilomètres de notre pays, une déportation massive, des·massacres organisés, la dernière dictature stalinienne en place. Et une fois de plus, nous aurions eu des démocraties qui se seraient présentées comme des ventres mous, incapables d'agir, incapables de défendre les valeurs qui sont les leurs. Le principe même d'une intervention était un principe qu'il fallait engager avec courage pour ne pas laisser Milosevic faire ce qu'il fait. Et à partir du moment où l'on a déterminé ce principe, il faut le continuer jusqu'à ce qu'il y ait des résultats. Ce sont les seules choses qui comptent. Tout le reste, ce sont des commentaires polémiques qui, me semble-t-il, passent à côté de l'essentiel.”
D. Bromberger : A. Passerel, dans le journal, vient de nous rappeler ce qu'avait dit le général Clark, hier, c'est-à-dire qu'il y a au Kosovo, à l'heure actuelle, plus de 800 000 personnes qui sont en état de famine littéralement puisqu'elles sont dans des zones où ils n'y a aucun approvisionnement. Est-il bien logique de continuer à surveiller cela du haut des airs sans rien faire, comme cela semble être l'attitude générale des gouvernements ?
- “Je crois que dans cette affaire Kosovo, il faut que l'ensemble des responsables politiques agissent comme des responsables et ne se prennent pas pour des chefs de guerre. Qu'est-ce que c'est qu'un responsable politique ? C'est celui qui croit en un certain nombre de convictions. Je vous ai dit combien je soutenais le principe de l'action décidé par l'ensemble des démocraties et incarné, en France, par le Président de la République. Cette action, à partir du moment où les démocraties l'ont décidée, il faut qu'elle produise des résultats.”
D. Bromberger : Les résultats, c'est qu'il y a des tas de réfugiés et des gens qui meurent de faim après 35 nuits de bombardements.
- “Vous êtes trop averti de ces questions pour vous laisser aller, si vous le permettez, à dire cela. Si nous n'avions rien fait, il y aurait eu aussi des déportations. Ce n'est quand même pas la réaction des démocraties qui provoque cela. Je vous dis simplement que ce n'est pas à nous, certainement pas à moi, qui n'ait pas les informations, de décider s'il faut que les avions volent à 10 000 mètres, à 3 000 mètres, s'il faut remplacer les avions par des hélicoptères et les hélicoptères par des soldats. Il faut des résultats et pour cela il faut y mettre les moyens et avoir la ténacité et la patience.”
O. Bromberger : La ténacité est telle celle des gens qui, en ce moment, sont en train de mourir de faim dans une guerre dans laquelle nous ne faisons rien pour eux ?
-"Mais ce n'est pas exact D'abord, si des malheureux meurent de faim et se trouvent déportés ce n'est pas parce qu'il y a la "réaction des démocraties mais c'est parce qu'il y a le dernier dictateur stalinien."
D. Bromberger : Mais ne peut-on rien faire pour eux ?
- “Dans Cette affaire, nous avons décidé de réagir, de réagir fortement Et je vois d'ailleurs que les critiques qui sont engagées contre cette action, c'est parce que c'est trop fort, parce qu'il y a trop de bombardements, parce qu'il y a trop d'avions, parce que la guerre est trop violente. Nous savons que la guerre est détestable mais c'était le seul chemin pour aller vers la paix. Ces réfugiés, ces déportés, ces malheureux, il faut les aider de façon humanitaire. Il n'en reste pas moins qu'il faut conduire le combat déterminé et tenace contre le régime de Milosevic. Qu'elle était l'autre solution ? Vous me dites : faut-il engager une riposte terrestre ? Ce n'est pas à moi de le décider. Je dis : il faut obtenir des résultats. Parce que pour une fois, les démocraties ont décidé de réagir : est-ce qu'il faut recommencer l'affaire bosniaque où pendant des années on a laissé faire ? Je crois que la direction qui a été prise est la seule bonne, qu'elle fait honneur à la France et que J. Chirac a eu raison de décider comme cela. Pour autant, vous me dites : oui, mais il y a des conséquences malheureuses sur les civils et les déportés. C'est parfaitement exact, mais ce qui est-malheureux, c'est d'avoir le régime de Milosevic.”
B. Vannier : Pour continuer sur le dossier Kosovo et en venir à l'Europe : est-ce que vous avez l'impression que l'Europe, et donc la France au sein de l'Europe, a toute sa place dans les décisions prises dans l'affaire du Kosovo ou, comme le disent certains, que l'Europe et la France, parce qu'elles n'ont pas de moyens militaires suffisant à mettre en face, sont une fois de plus à la remorque des Etats-Unis ?
- “Au niveau de la décision diplomatique, je crois qu'on peut-dire sans crainte d'être contesté que l'Europe a joué son rôle. Au niveau de la décision diplomatique. Ce ne sont pas les Etats-Unis qui ont imposé cette décision. C'est l'Europe qui pleinement, librement, a joué son rôle. Ce qui est parfaitement exact, c'est que lorsqu'on passe du plan diplomatique au plan militaire, les Américains prennent le pas, parce que leurs moyens militaires sont incomparablement supérieurs aux nôtres et parce que nous souffrons d'un déficit d'Europe de la défense. Il faut donc construire cette Europe de la défense.”
D. Bromberger : Il y a une proposition de M. Bayrou - puisque vous parlez de la construction de l'Europe de la défense - qui est de faire une armée européenne : est-ce que vous allez jusque-là ?
- “Ce n'est pas cela qui me choque ; ce qui me choque c'est la décision de la mettre sous contrôle d'une Europe fédérale. Je suis de ceux qui pensent qu'il faut davantage d'Europe de la défense, c'est-à-dire que les Européens assurent eux-mêmes leur défense. En revanche, la leçon du Kosovo et de l'Europe de la défense, c'est qu'il faut une Europe confédérale et non pas une Europe fédérale. Pourquoi ? Parce que l'Europe fédérale, cela veut dire que les décisions sont prises à la majorité. Qui pense, parmi nos auditeurs, que nous pourrions être obligés d'envoyer des soldats au Kosovo à la suite, d'une décision prise à la seule majorité par les Premiers ministres et chefs de Gouvernement si, la France était contre ? En matière militaire, c'est l'unanimité qui doit compter. Il faut donc un schéma-européen. de sécurité, une industrie· européenne de l'armement et, si vous me permettez, autre chose : un engagement des quinze pays de la préférence communautaire. Car à quoi servirait d'avoir une industrie de l'armement européenne et, en même temps, de permettre à chacun des Quinze d'aller acheter le matériel militaire, par exemple aux Etats-Unis. Voilà ce qu'il faut faire. Et donc l'idée qu'il faut une Europe fédérale pour l'Europe de la défense est une idée parfaitement inexacte. Dès que l'on rentre sur le domaine militaire, les décisions doivent être prises à l'unanimité parce qu'aucun pays ne peut accepter que ses soldats soient envoyés dans un conflit contre son gré.”
B. Vannier : C'est peut-être aussi comme cela qu'on n'arrive jamais à la décision sur le terrain militaire. Le terrain militaire demande souvent des décisions rapides, immédiates et simples.
- “Mais en aucun cas : imaginez le scandale que représenterait dans l'opinion publique, lors d'un vote de chefs d'Etat et de Gouvernements européens, que la France se soit prononcée contre l'envoi de troupes et qu'elle soit obligée d'envoyer des soldats se faire tuer pour risquer leurs vies !”
B. Vannier : Soyons clairs : parce que le Luxembourg a voté pour, par exemple ?
- “Exactement. Vous comprenez bien que ce n'est pas possible et vous sentez bien là que l'idée même d'une Europe fédérale est une idée même de l'Europe fédérale est une idée qui a 40 ans d'âge, qui n'existe pas, qui ne correspond pas à la situation d'aujourd'hui.”
P. Le Marc : On est en plein débat, vous dites ce que vous ne voulez pas. On constate que ce qui est aujourd'hui est insatisfaisant. Alors quelles sont vos propositions concrètes en ce qui concerne les institutions de l'Europe, leur démocratisation, et quel degré d'intégration doit avoir l'Union européenne pour répondre au défi que l'on constate aujourd'hui ?
- “C'est tout à votre honneur mais c'est une fresque ce que vous me demandez.”
P. Le Marc : Les auditeurs attendent votre réponse là-dessus pour voter pour vous éventuellement ?
- “Je ne demande pas mieux que d'y répondre. Je voudrais simplement noter que répondre sur chaque point en exactement 50 secondes c'est complexe, surtout si on veut être précis. Je conduirais avec A. Madelin la seule liste qui parlera à la fois de l'Europe et de la France. L'Europe c'est l'avenir de la France : il n'y a pas d'autres solutions pour la France. Je suis profondément européen et en même temps, ce qui fait la force de l'Europe, c'est qu'elle s'appuie sur des nations qui décident de mettre en commun leurs souverainetés. D'ailleurs, si les nations décident de mettre en commun leurs souverainetés, comme par exemple en -matière monétaire pour l'euro, c'est que ces nations existent. Je ne veux pas que la France devienne une région de l'Europe.”
P. Le Marc : Alors concrètement, comment mettre de la démocratie dans les institutions européennes ?
- “Nous sommes pour la grande Europe qui s'oppose à l'Europe fédérale. Lorsque nous étions six, dans l'Europe, on pouvait imaginer, rêver, fantasmer sur la fusion des six pays. Nous sommes quinze, et je ne vois aucune raison de refuser l'entrée de l'Europe à nos frères européens. Et on leur dirait, à ceux-là, que c'est plus facile de sortir du communisme que de rentrer dans le camp de la liberté ? Et qu'aurait gagné notre sécurité à voir des pays européens bloqués entre une Russie dont on ne sait où elle va et l'Europe des riches, et l'Europe de la liberté ? Deuxièmement, il faut revoir un certain nombre d'institutions européennes, c'est évident. La leçon à tirer de la crise de la Commission, c'est qu'à vouloir s'occuper de tout, la Commission finit par s'occuper mal de tout. Et il faut certainement - c'est une des propositions que je ferai dans la campagne, spécialement dans la perspective de l'élargissement - revoir à la baisse le nombre de commissaires européens. La Commission est un organe important mais ce n'est pas le gouvernement de l'Europe. Le Gouvernement de l'Europe, c'est le Conseil des Chefs d'Etat et de Gouvernement ; diminuer le nombre de commissaires européens, construire l'Europe de la défense, indispensable. Les européens doivent assurer leur sécurité. Pour avoir une Europe européenne. Mais, là, je dis aux socialistes : attention, si on fait l'Europe de la défense, il faut que vous soyez prêts à payer le prix d'une Europe qui sache se défendre donc d'une France qui doit avoir un budget militaire autonome, indépendant Alors que jusqu'à présent, les socialistes ont toujours refusé de donner à notre pays les moyens d'assurer sa défense.”
B. Vannier :Est-ce que cela veut dire que pour vous, non seulement l'Europe fédérale prônée par F. Bayrou est une erreur politique mais que quelque part, pour réussir à retrouver F. Bayrou, au lendemain du 13 juin, donc à partir du 14 juin, dans une "droite plurielle" - je reprends sa formule -, il faut qu'il fasse véritablement marche arrière et qu'il quitte - je vais vous reprendre une de vos formules, prononcée samedi 24 avril - son "état d'esprit de secte ultra européiste" ?
- “Je pense que la question de l'Europe fédérale est une erreur parce qu'elle écarte de la route de l'Europe des gens qui nous devons convaincre et que nous devons ramener sur cette idée européenne. Moi, mon premier combat, c'est le combat contre l'Europe socialiste. Sur 15 gouvernements, il y en a treize qui sont de gauche il y a trop de socialisme en Europe et trop de socialistes en France. Sur la question : faut-il qu'on retravaille avec F. Bayrou ? Naturellement, je suis un homme d'union, j'ai tendu la main pendant huit jours pour qu'on ait un programme commun très simple : la politique européenne de J. Chirac. F. Bayrou et moi, nous avons appartenu au même gouvernement, nous avons défendu la même politique européenne. Il suffit qu'il y ait la perspective des élections européennes pour que et C. Pasqua et F. Bayrou se disent : tiens, on était en désaccord. Naturellement qu'on aura à retravailler ensemble. Moi je ne veux pas polémiquer, je ne veux pas blesser, mais ce débat des idées, il faut le porter. La France qui refuserait l'Europe, c'est une France archaïque qui ne voit pas le monde tel qu'il est aujourd'hui, l'ordinateur, l'Internet, ce qu'a apporté l'Europe spatiale et aéronautique. Il y a dans cette campagne, ceux qui ne parleront que de l'Europe, les autres qui ne parleront que de la France, moi je parlerai des deux avec un véritable projet contre les socialistes.”
B. Vannier : Mais comment ferez-vous pour réussir à vous réaccorder avec F. Bayrou s'il ne fait pas marche arrière sur l'Europe fédérale que vous qualifiez de secte ultra-européiste ?
- “F. Bayrou, le·13 janvier 1999 sur une chaîne radiophonique concurrente, disait : ma politique, c'est la politique européenne de J. Chirac. Pour des raisons qui lui sont propres et que je peux comprendre, attaché qu'il est à l'identité de son propre parti, il a choisi de défendre l'idée de l'Europe fédérale. Nous, nous défendons la politique européenne du président de la République. Eh bien les électeurs trancheront et nous nous retrouverons parce qu'il n'y a pas un député centriste qui ne soit élu sans les voix du RPR et parce que le RPR, comme Démocratie libérale, ont besoin aussi des centristes. Donc se retrouver, c'est une évidence. Mais pour l'instant, nous ne sommes pas au 13 juin, nous sommes au débat des idées, c'est ce que j'essaye de faire ce matin.”
D. Bromberger : Vous vous réclamez sans cesse, et c'est bien compréhensible, de la politique du Président de la République, M. Séguin avait demandé que M. Bayrou ne soit plus reçu à l'Elysée. Apparemment, vous, sans le demander officiellement, vous l'avez obtenu. Est-ce que vous croyez que le Président de la République peut se satisfaire, en tant que Président, des résultats de votre liste ? Ce serait un peu maigrelet tout de même ?
- “D'abord on verra ce qu'ils sont, à moins que vous ayez des renseignements particuliers, je serai à votre disposition pour en parler.”
D. Bromberger :Je connais les sondages qu'on connaît à l'heure actuelle.
- “Oui. Que vous connaissez sans doute comme moi. Réclamer sans cesse, pourquoi sans cesse ? Oui, c'est mon droit, c'est même mon devoir, je soutiens la politique européenne de J. Chirac. La question n'est pas de ramener J. Chirac au score d'une liste, fut-elle que je conduis avec A. Madelin. Mais au nom de quoi, alors que les autres s'éloignent de la politique de J. Chirac, nous n'aurions pas le droit de la soutenir ? C. Pasqua réserve ses coups de boutoir les plus forts contre la politique du Président de la République. Il a même été jusqu'à dire que les voix qui se porteraient sur sa liste ne pourraient pas être considérées comme appartenant à.la majorité de J. Chirac. Vous vous rendez compte !”
B. Vanier : Et vous allez vous retrouver avec lui le 14 juin ?
- “Et c'est son droit F. Bayrou considère que seule compte l'Europe fédérale, une Europe qui est défendue aujourd'hui par les fédéralistes, par les écologistes et par les socialistes. Donc moi, je défends, j'incarne, je soutiens la politique européenne de J. Chirac. Dans cette campagne, c'est assez simple, c'est assez clair, c'est d'ailleurs toujours ce que nous avons fait les uns et les autres : l'Europe et la France, le refus de l'Europe socialiste. Tous ceux qui refusent les socialistes ne peuvent avoir qu'une liste qui les, représente, c'est la nôtre puisque nous sommes la seule à proposer l'alternance à l'Europe des socialistes. M. Pasqua voulant faire une liste avec la gauche.”