Interview de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement, dans "Le Progrès" du 4 mai 1999, sur la politique de la ville et la grève à la SNCF.

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Média : La Tribune Le Progrès - Le Progrès

Texte intégral

Q - On ne compte plus les débats sur la ville... Pourquoi un de plus ?

Nous voulons tirer les leçons des politiques déjà mises en oeuvre, et dans certains cas des blocages qu'elles rencontrent, pour aboutir à des propositions précises sur l'habitat, l'urbanisme, les transports... Et nous avons choisi de laisser s'exprimer la parole citoyenne des habitants, avec la volonté de vraiment prendre en compte leurs idées. Par exemple partage de la ville, grâce aux transports collectifs. Il faut une politique plus cohérente, qui peut passer par les plans de déplacements urbains comme celui de l'agglomération lyonnaise.

Q - Avez-vous pris votre décision sur le contournement de Lyon ?

Non, j'attends la fin de la concertation, fin mai, début juin. Mais comme je l'ai dit, si l'on retient l'option du contournement par l'ouest, je veillerai évidemment à ne pas sacrifier un patrimoine comme la côte-rôtie. On trouvera des solutions au niveau des tracés ou des infrastructures. Mais il faut comprendre que si rien n'est fait, c'est toute l'agglomération lyonnaise qu'on va étouffer.
 
Q - La manière la plus radicale de limiter la circulation automobile, n'est-ce pas le péage ?

Je sais que le problème s'est posé à Lyon avec TEO... Vous faites forcément naître un sentiment d'inégalité, si vous instaurez un péage sur un axe, et pas sur d'autres. Je me demande donc si un tel péage urbain est vraiment la meilleure solution. Il faut réfléchir : qui doit payer, l'usager ou le contribuable ? On doit également envisager une réorientation des investissements d'État vers ces voiries urbaines.

Autres questions

Q - Concernant les transports collectifs, l'État contribue en Île-de-France à en diminuer le coût pour les jeunes et les chômeurs. Et pourquoi pas en province ?

J'ai déjà augmenté de 20 % le budget de l'État consacré aux investissements des transports collectifs de province. L'État participe ainsi aux efforts des collectivités qui, bien souvent, n'ont pas attendu pour diminuer le prix des transports pour les chômeurs et les jeunes. C'est d'ailleurs une question souvent posée : pourquoi des tarifs plus bas pour les personnes âgées et pas pour les jeunes ? Le débat mérite d'être mené.

Q - Le ministre de la Ville, Claude Bartolone, envisageait récemment des sanctions financières contre les villes refusant les logements sociaux. Êtes-vous d'accord ?

C'est effectivement une piste, pour contraindre les villes qui refusent systématiquement les logements sociaux. On peut aussi réfléchir à des systèmes de préemptions des terrains, décidées au niveau de l'agglomération. Notre but est à la fois de mieux répartir les logements sociaux sur les agglomérations, et de faire que ces logements ne soient pas des ghettos pour les plus défavorisés. Je me souviens que dans les années 60 à Nîmes, quand j'ai obtenu un logement en HLM avec ma famille, cela a représenté pour nous une promotion sociale. Il n'y avait pas d'ascenseur, mais il y avait l'eau chaude, un confort qu'on ne connaissait pas... Je ne peux donc admettre que le logement social devienne une sorte de « punition », de relégation dans un ghetto. Il faut absolument remettre des logements sociaux dans les centres villes, et les ouvrir plus largement. C'est pour cela que nous avons actualisé les plafonds de ressources et que nous les avons relevés pour certaines catégories.

Q - Vous voulez mettre la banlieue en centre-ville ?

Ça ferait un bon titre ! Mais non, car je n'aime pas le mot de « banlieue », qui est devenu péjoratif. Disons que les agglomérations, sans remettre en cause les centres historiques des villes, doivent savoir valoriser plusieurs centres, pour casser les ghettos, faire tomber les murs qui créent de la ségrégation.

Q - Des grèves comme celle de la SNCF n'aident pas à promouvoir les transports en commun ?

C'est sûr, mais je suis et serai respectueux du droit de grève, là comme ailleurs.

Le dialogue engagé depuis plusieurs mois à la SNCF sur les 35 heures a abouti à un texte global vis-à-vis duquel les deux premières organisations syndicales de cheminots (CGT et CFDT) ont montré leur intérêt. Cette attitude montre qu'il peut y avoir des réflexes anciens qui amènent immédiatement au conflit. Je ne pense pas que cette attitude soit la bonne. Je considère que la grève doit rester l'arme ultime et surtout, je crois sincèrement qu'une nouvelle approche fondée sur le dialogue social est en train de progresser dans l'entreprise.