Interview de M. José Rossi, président du groupe parlementaire Démocratie libérale à l'Assemblée nationale et président de l'Assemblée de Corse, à RMC le 23 mars 1999 sur la politique du gouvernement face aux indépendantistes corses et sur le projet de loi sur la présomption d'innocence.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • José Rossi - président du groupe parlementaire Démocratie libérale à l'Assemblée nationale et président de l'Asse ;
  • Philippe Lapousterle - Journaliste

Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

Q - Un mot sur l'affaire ELF devenue l'affaire R. Dumas. Faut-il que M. Dumas démissionne de la présidence du Conseil constitutionnel ?

– « Je pense qu'au niveau de responsabilité qui est le sien, à la tête de la plus haute autorité juridictionnelle de ce pays, il est évident que M. Dumas doit prendre les responsabilités qui sont les siennes, vis-à-vis des Français, et à partir d'une démarche morale. Manifestement, aujourd'hui, c'est un problème qui se pose. »

Q - Donc, il doit démissionner, on l'a bien compris ?

– « Vous savez bien ce que ça veut dire. Mais c'est urgent. »

Q - Il faut le faire vite ?

– « Je pense que les choses semblent être en cours. On s'interroge simplement sur les conditions dans lesquelles on peut arriver à ce résultat. »

Q - Si, comme on lui prête l'intention, il se mettait « en congé » de la présidence, ça vous conviendrait ?

–« C'est une formule, mais d'autres l'ont dit avant moi. La « mise en congé » n'existe pas dans le droit français. Dans une responsabilité de ce type, la logique devrait pousser à aller plus loin. Mais la « mise en congé » est peut-être, aussi, une manière de traiter provisoirement le problème. »

Q - Les élections d'Aubagne : B. Mégret a appelé hier ses électeurs à voter en faveur de votre candidat, dimanche prochain. Est-ce un soutien que vous acceptez à Démocratie Libérale, ou qui vous embarrasse ?

– « M. Deflesselles a souhaité ne pas enter dans les débats et les polémiques qui agitent les deux Front national. Il a obtenu un magnifique résultat au premier tour de scrutin, il a battu clairement le candidat de la fraude – le Parti communiste. Et je crois qu'il a vocation à gagner dimanche prochain, et à gagner en rassemblant tous ceux qui ont été scandalisés, là aussi, par l'immoralité totale du candidat communiste. Il faut battre le candidat communiste, car c'est le candidat de la fraude. Et je pense que les électeurs l'ont compris dès le premier tour, au-delà des clivages politiques. »

Q - Et B. Mégret c'est intéressant, son soutien, son appel ?

– « Ecoutez, son soutien n'a pas été sollicité. Chacun dit ce qu'il veut. »

Q - En Corse, vous avez été réélu. Bravo, M. Rossi ! Ça n'a pas été sans mal. C'est un petit difficile. Votre camp a chuté un peu en terme de résultats. M. Chevènement, ministre de l'Intérieur vous soupçonne, il a même accusé l'opposition de faiblesse vis-à-vis des nationalistes dans cette élection...

 « La seule faiblesse que je voie, c'est elle, aujourd'hui, du Gouvernement et M. Chevènement lui-même, qui n'a pas été en mesure, à ce jour, de retrouver les assassins du préfet Erignac. Et celle de M. Chevènement et du Gouvernement qui en sont réduits à constater que, dès le lendemain des élections – qui se sont déroulées dans des conditions parfaites, légitimes – eh bien les attentats se multiplient et se développent immédiatement en réaction, nous dit-on, à une décision de justice qui a été rendue à Paris, contre des auteurs d'attentats. »

Q - Vous rendez le Gouvernement responsable de ces attentats ?

– « Non, je ne rends pas le Gouvernement responsable de ces attentats. Je constate simplement qu'il n'est pas en mesure de garantir à la Corse, la sécurité qui, comme chacun sait, est la première des libertés. Et qu'à partir de là, il ne faut pas essayer de trouver une ficelle un peu trop grosse en disant que nous serions les alliés des indépendantistes Corses ! Nous sommes tout à fait contre les indépendantistes ; nous sommes contre la clandestinité. Mais par contre, quand il s'agira de défendre les intérêts de la Corse – qui est dans une situation très grave – alors, sur ce plan, on ne va pas nous refaire le coup du Front national à Paris, en disant : « Attention, les nationalistes, les indépendantistes... » Nous ne sommes pas indépendantistes, mais nous défendrons les intérêts de la Corse, quand il le faudra. Et l'Assemblée devra travailler, l'Assemblée de la Corse – qui vient d'être élue et qui travaille, qui doit travailler dans un climat apaisé – prendra les décisions qui conviennent. »

Q - Vous aurez les moyens politiques de gouverner ?

– « Je le crois, très sincèrement, parce que cette élection a eu le mérite – après une période de troubles, de traumatismes profonds consécutifs à l'assassinat du préfet Erignac – d'amener à l'Assemblée des élus légitimes. L'élection »'est déroulée dans des conditions de régularité parfaites. Et il faudra tenir compte de l'avis de beaucoup de gens. La représentation de l'Assemblée est diverse, mais ça va nous obliger au dialogue, à la concertation, et les décisions qui sortiront de cette Assemblée seront des décisions fortes. »

Q - Est-ce que, sur le fond du problème qui est très important, est-ce que l'Etat doit continuer la politique du rétablissement de la loi en Corse, selon les procédures qui sont en cours depuis un an ? Ou, selon vous, à la lumière des résultats, il faudrait que le Gouvernement modifie sa politique ou ses méthodes ?

– « Le problème ne se pose pas du tout en ces termes. Les Corses sont les premières victimes du désordre, du laxisme qui a traîné dans l'île pendant trop longtemps. Il faut donc que la sécurité soit garantie en Corse, que la justice fonctionne normalement – elle le fait –, et il faut que la loi soit appliquée avec sérénité. Ce qui a été reproché au Gouvernement ce sont les maladresses multiples qu'il a commises dans la mise en application... »

C'est pour cela que je parlais de la méthode...

– « ...dans la mise en application, de ce qu'il a appelé, et dont il a fait véritablement un slogan politique : « l'Etat de droit. » L'Etat de droit ça doit être une situation qu'on vit au quotidien dans la sérénité. Ça n'est pas la multiplication des tracasseries, des contrôles tatillons, et la désignation de la communauté corse comme une communauté qui serait un peu au ban de la société républicaine. »

Q - Il doit y avoir un changement dans les jours qui...

– « Dans la forme et dans la manière sans doute. Mais sur le fond, il faut, bien sûr, rechercher l'application de la loi et surtout obtenir des résultats ».

Q - Votre chef, M. Madelin, a eu des phrases, dimanche, sur sa volonté de s'implanter à Paris, sur la nécessité pour Démocratie Libérale d'être bien placé dans les combats politiques futurs à Paris. Et le RPR a dit que ces déclarations étaient « inélégantes et inopportunes ». Ça fait un peu désordre pour des partis alliés, pour une liste commune, qui…

– « Il faut vraiment relativiser les choses. Aujourd'hui, un parti qui veut exister dans notre pays ne peut pas être absent à Paris. Paris, la région parisienne, c'est le cinquième du pays. Si un parti n'est pas fortement implanté à Paris, il n'existe pas – et c'est un provincial qui vous le dit. Je crois qu'il faut que Démocratie Libérale, qui est désormais, un partenaire tout à fait, je ne dirais pas privilégié, mais actif, aux côtés du RPR, notamment dans la campagne de l'élection européenne, Démocratie Libérale doit être puissamment présent sur Paris. Et c'est l'ensemble RPR-DL qui sera alors en position de force pour reconstruire l'opposition. Car il faudra bien un pôle de rassemblement de l'opposition face à la gauche, lorsque viendra le moment des municipales et des élections législatives. Et le RPR et Démocratie Libérale, je n'en doute pas, travaillerons ensemble. »

Q - Ce n'est pas ce que le RPR pense en ce moment…

« C'est peut-être une partie du RPR qui est un peu plus inquiète. »

Q - La présomption d'innocence : le projet va vous être soumis au Parlement, à partir d'aujourd'hui. Pourquoi êtes-vous opposé à cette réforme qui, apparemment, quand même , est favorable aux justiciables ?

– « Tout simplement parce qu'on additionne les textes de loi, on multiplie les procédures, on les complique parfois, et je ne suis pas sûr que les Français comprennent véritablement tout cela. Ce qu'ils veulent, c'est une justice qui fonctionne, de la manière la plus simple possible, que les droits des citoyens soient respectés, dans une démarche de respect des personnes, dans une démarche de libertés. »

Q - Justement, c'est le but de cette loi…

– « C'est le but de cette loi, mais vous le voyez bien, au sein même de la majorité plurielle, les interprétations sont très divergentes, le désordre règne au sein de la majorité sur ce dossier. Et il est naturel que l'opposition dise : « Allons plus loin. » Et les amendements qui ont été proposés – par exemple, par M. Balladur, avec beaucoup de députés de l'opposition, et de mon groupe en particulier – visent à aller plus loin dans ce qu'on appelle « une démarche accusatoire », qui mettrait sur la place publique les échanges entre les accusés et ceux qui essayent de démontrer leur culpabilité. »