Extraits de la déclaration de M. Alain Deleu, président de la CFTC à l'occasion du rassemblement du 1er mai 1999 à Paris, sur la réduction du temps de travail, les retraites et l'Europe sociale, intitulé "Pour que chacun ait sa place" et paru dans "La Lettre confédérale CFTC" du 10 mai 1999.

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Média : La Lettre confédérale CFTC

Texte intégral

Remerciements aux participants, organisateurs et aux jeunes, qui portent fièrement les couleurs de la CFTC.

Nous voulons une société où chacun puisse trouver sa place, à commencer par ceux qui supportent les plus lourds handicaps.

Pour que chaque jeune ait sa place

Jeunes militants, prenez toute votre place dans la CFTC.
La CFTC a besoin de vous, vous êtes son avenir.

Portez dans vos entreprises et vos syndicats le sens de la solidarité, l’esprit de service désintéressé sans lequel la CFTC perd tout son sens.

Croyez à l’efficacité de l’engagement responsable : c’est toute l’histoire de la CFTC. Les pieds bien sur terre, forts de vos convictions, assurés qu’il n’est de richesse que d’hommes.

Bravo pour votre rassemblement, merci pour cette charte qui nous engage, pour redonner autour de nous l’espérance d’une meilleure manière de vivre ensemble.

Pour que chaque travailleur ait sa place

Le chômage diminue mais il reste à un niveau intolérable et la précarité se multiplie. Des secteurs entiers se restructurent brutalement : la chimie, la banque, la métallurgie, l’automobile…

Et généralement les salariés sont devant la politique du fait accompli.

J’ai vu à La Bassée, dans le Pas de Calais, la détresse de 500 ouvrières, chassées de leur entreprise parce que leur société, Levi Strauss, voulait gagner davantage d’argent ailleurs.

Jacques Voisin a vu à Pau la colère de tout un pays et des salariés d’Elf Aquitaine, où l’on supprime 1 320 emplois pour doubler les bénéfices.

Vous avez tous vu un groupe comme Alcatel qui peut annoncer simultanément 15 Mds de Francs de bénéfices nets et 12 000 suppressions d’emplois.

C’est la logique du rendement maximum.

C’est la logique du salarié jetable.

Face à cela, les syndicats doivent unir les salariés dans l’action.

Les évolutions doivent se décider en concertation avec les salariés.
 
Les salariés doivent participer au contrôle de la gestion des entreprises. Notre proposition d’organiser la direction des sociétés en conseil de surveillance et directoire est une proposition résolument moderne.

Pour que le travail ait sa place

Nous sommes engagés à fond dans la réduction du temps de travail. Nous le voulons pour donner un emploi à ceux qui en sont dépourvus, et pour libérer d’autres temps, sociaux, familiaux, associatifs.

La seconde loi doit être publiée à la date prévue, prendre en compte les accords et fixer les garanties pour tous, à commencer par le pouvoir d’achat du SMIC.

Vous, les militants de terrain, vous êtes engagés dans ce combat difficile. Le rassemblement d’hier a encore montré votre mobilisation.

Le bilan n’est certes pas suffisant, mais les 50 000 premiers emplois, créés ou sauvés, sont là et bien là.

Dans le bâtiment et les travaux publics, vous avez donné la priorité à la lutte contre la précarité et le recours abusif à l’intérim. Dans la Grande distribution, vous voulez endiguer les temps partiels imposés. Dans les transports urbains, vous faites respecter votre réglementation spécifique. Dans le textile, vous combattez les effets sociaux des restructurations et la précarité. A EDF, vous avez ouvert la perspective de 20 000 embauches pour des jeunes. A la SNCF, vous consultez chaque adhérent, parce que la CFTC, c’est l’écoute.

On connaît les heures supplémentaires excessives ou non payées. On a vu les dénonciations de conventions collectives, les remises en causes des congés statutaires, des pauses, les menaces sur les salaires, une flexibilité de plus en plus contraignante…

On a vu l’exclusion de catégories de salariés, comme les cadres, les VRP.

La question des Fonctions publiques se pose encore intégralement.

Mais le mouvement est lancé. Par cette négociation d’un type radicalement nouveau, vous êtes aux prises avec la réalité de la compétition économique. Ne lâchez pas prise. Vous changerez le syndicalisme.

Pour que les retraités aient leur place

Quel niveau de protection sociale défendons-nous ? Pour nous même ? Pour nos enfants ?

La nécessaire couverture maladie universelle et l’équilibre de l’assurance maladie, le dossier des retraites sont autant de sujets d’actualité brûlante.

Le rapport Charpin a montré que « les régimes par répartition ont parfaitement atteint leur objectif ».

A quoi sert-il de dire qu’il faudra travailler 42,5 ans et jusqu’à 65 ans alors que les temps de formation initiale sont de plus en plus longs et que les entreprises favorisent le départ anticipé à la retraite ? 1 150 emplois supprimés chez IBM à Corbeil, à coup de départs dès 49 ans !

L’avenir des retraites appelle un ensemble de choix cohérents dans tous les domaines de l’économie : sur le retour au plein emploi, les solidarités, l’organisation du temps, l’avenir et le niveau de vie de chaque génération.

Au-delà des équilibres comptables, pour la concertation ouverte par le Premier ministre, nous appelons à un débat de société.

Pour que les familles aient leur place

La croissance, le redressement de l’emploi, l’avenir des régimes sociaux a besoin de la vitalité des familles.

Une politique familiale ambitieuse est nécessaire.

Nous demandons justice en matière de niveau de vie, nous demandons la reconnaissance et la valorisation du rôle des parents, pour qu’ils puissent assurer durablement l’éducation de leurs enfants.

Pour que les femmes aient leur place

Et d’abord, assurons-leur la place qu’elles méritent dans nos équipes.

Le débat sur la parité  a eu le mérite de rappeler combien le travail des femmes est créateur de richesses pour notre pays.
 
Vous êtes 12 millions à exercer une activité professionnelle, mais on est loin d’avoir atteint l’égalité professionnelle et la meilleure conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.

Une vision moderne ne peut se satisfaire de clichés simplistes.

Va-t-on au nom de l’égalité qualifier de conquête sociale l’obligation de travailler la nuit pour des ouvrières ?

Pour que l’Europe sociale ait sa place

Et d’abord, comment ne pas souhaitez en ce moment que la paix revienne au plus vite dans les Balkans ?

L’Europe économique a fait un grand pas avec l’Euro. Le droit social européen doit progresser au même rythme.

L’ouverture des services publics à la concurrence, les rapprochements d’entreprises montrent que les fédérations syndicales professionnelles ont de plus en plus à coopérer au niveau européen.

C’est notre volonté avec nos amis des syndicats chrétiens européens et au sein de la CES.

Mais maintenant, Place à la Fête

La Fête de la solidarité active des militants, celle des travailleurs ! Elle nous rappelle la valeur humanisante du travail.

Elle tire son origine dans la revendication de la journée de 8 heures de travail. Nous exprimons aujourd’hui la revendication du temps retrouvé, du temps de vivre.

Au seuil des années 2000, ayons la solidarité large. Un collectif d’associations nous dit « Fête du travail, faites des emplois. » Nous sommes solidaires de cet appel. Et pour nous, il va jusqu’à la solidarité avec les peuples les plus pauvres.

Aujourd’hui, il faut compter avec la CFTC. Alors que l’on parle de crise du syndicalisme et de recomposition syndicale, la CFTC prend sa place.

Sur la place Joffre, retenons la leçon du stratège de 1914, qui lança l’offensive de la Marne au moment où l’adversaire le croyait en position difficile. Prenez l’offensive.

Fin mai, nous aurons l’occasion, sur le terrain, de mobiliser sur des initiatives communes avec les autres confédérations pour la réduction du temps de travail et l’emploi. Nous souhaitons que les cinq confédérations nationales y participent, car chacune a sa spécificité.

Chers amis, soyez fiers de participer à l’engagement du syndicalisme d’inspiration chrétienne, aussi déterminé dans son exigence revendicative qu’acharné à la négociation, fier et fidèle à ses valeurs, ouvert au dialogue et au partenariat avec toutes les bonnes volontés.

Place à une vie où chacun ait sa place, tel est le projet de la CFTC pour une société plus juste, plus prospère et plus fraternelle. Bonne fête du monde du travail !