Texte intégral
Actualité oblige, le plus gros dossier examiné par le dernier Conseil confédéral fut indubitablement la réduction du temps de travail (RTT) et non pas, contrairement à ce qu'une certaine presse en a dit, les difficultés internes (1).
Bien que le chantier de ce qu’il est convenu d'appeler la seconde loi Aubry, ne sera ouvert officiellement qu'en mai prochain, il nous faut cependant être prêts. S'appuyant sur un premier bilan établi par le comité des fédérations et les résultats des travaux de l’observatoire CFTC sur la RTT, mis en place pour l'occasion, le Conseil confédéral a avancé 24 propositions. Celles-ci mettent notamment l’accent sur le respect des accords issus de la négociation, la définition du temps de travail (déplacements, astreintes, formation, congrès statutaires, pauses...), la question du temps de travail des cadres, du forfait et de l’harmonisation des temps de vie.
Voilà pour ce qui est de nos propositions. Il n'en demeure pas moins que les militants sont inquiets, tant il est difficile de mesurer toutes les implications de la première loi sur les conditions de travail, l'organisation des temps de vie, la flexibilité. Seul l'instauration d’un vrai dialogue social, dans les branches et les entreprises, permettra de trouver les équilibres entre les aspirations des salariés - notamment l'emploi - et la souplesse recherchée par les entreprises. On voit tout l'intérêt de l’accompagnement des négociateurs et les actions de formation mises en place à l'échelon confédéral, dans les fédérations et dans les Unions départementales (UD).
La CFTC est remarquée sur ce dossier par sa mobilisation et sa présence ; le Conseil confédéral veut transformer l'essai : ainsi, après la campagne d'affichage et de tracts qu'il a lui-même lancée, la CFTC a tenu le 7 avril un point presse pour présenter ses 24 propositions. En outre, un questionnaire diffusé auprès de militants d'entreprises doit nous aider à mesurer l'impact des négociations sur le terrain.
Des 35 heures à la précarité, le pas est malheureusement vite franchi
Le développement démesuré des contrats à durée déterminée (CDD) et de l'intérim montre le peu de cas fait à la loi. Sur le sujet, le Conseil confédéral vient également d'arrêter ses revendications. Elles sont centrées sur le renforcement des moyens de l'inspection du travail, la nécessité de rendre moins attractif le recours à cette pratique qui doit rester l’exception, le renforcement du rôle des représentants du personnel et la capacité de saisine des organisations syndicales.
C'est bien de la place du travail dont il est encore et toujours question. Nous avions raison de le dire à Nantes, en 1996, lors de notre dernier congrès. C’est aussi le sens des travaux de la commission entreprise attachée au Conseil confédéral : redonner sa place à l'homme dans l'entreprise. La commission proposera un plan de revendications et d'actions sur les droits des salariés, la relance du dialogue social, la participation, la reconnaissance du travail et l'harmonisation des temps de vie.
Les retraites, en pleine actualité, n'ont pas manqué de mobiliser les instances confédérales. Si les travaux conduits par le commissaire général au Plan. Jean-Michel Charpin, sont nécessaires, il nous faut cependant restés attentifs aux objectifs visés et à la méthode de travail. Le problème est sérieux. Nous n'avons pas droit de sacrifier les jeunes ou les retraités. Le Conseil confédéral veut prendre ses responsabilités mais refuse la dramatisation qui n'a d'autres buts que de préparer les esprits au pire, Nous voulons dépasser le simple débat technique et replacer le problème dans son cadre. Il est paradoxal de demander l'allongement de la vie professionnelle alors que le chômage sévit et que près des deux-tiers des travailleurs qui accèdent à la retraite sont déjà en inactivité. La réponse ne saurait se résumer de manière simpliste, elle est globale et repose sur un choix de société. La relance de la politique familiale, de l’emploi et des salaires reste la meilleure garantie pour l'équilibre à venir des régimes de retraite. Un véritable débat politique s'impose impliquant une vaste concertation entre les acteurs concernés.
Il faudra bien, un jour, ouvrir - comme nous le réclamions déjà en 1993 lors des difficiles négociations de l'assurance chômage - la réforme des cotisations sociales, serpent de mer s'il en est. Nos partenaires syndicaux nous ont là aussi rejoint enfin. Le Bureau confédéral examine la possibilité d'une initiative intersyndicale sur la modification des charges sociales. Mais il nous faut mener une réflexion approfondie pour que les charges sociales pèsent moins sur la masse salariale et plus sur la valeur ajoutée de l'entreprise. Cette réforme difficile techniquement ne se fera pas en un jour et l'emploi ne souffre plus d'attendre.
La concertation fait la force
Comme l'a souhaité le Conseil confédéral dès février 1998, la CFTC a pris une part active dans les rencontres avec ses partenaires des autres organisations syndicales ; elles se poursuivent ; les sujets ne manquent pas. Nous avons ainsi abordé les 35 heures et l’emploi, avec la CFDT, la CFE-CGC et la CGT, la formation professionnelle le sera lors d'une prochaine réunion de travail avec la CGC. Les retraites mériteront, également, un échange approfondi...
Sur les 35 heures toujours, la proposition avancée lors de la conférence de presse de janvier dernier, a rencontré un écho favorable dans toutes les organisations syndicales : dans les négociations sur le temps de travail et l'emploi, il faut reprendre la main, si possible avec le MEDEF, sur la base de l'accord d'octobre 1995.
Coopérer et rester nous mêmes pour faire avancer les demandes des salariés, faire vivre le dialogue social, voilà ce que demandait aussi, le Conseil confédéral en février 1998. Prendre à bras le corps nos responsabilités, jouer notre rôle de partenaire social, ne pas craindre la confrontation, trouver les points pour avancer ensemble, telles sont les quelques pistes à ouvrir pour renforcer notre démarche de construction sociale.
Autour du 1er mai : les rendez-vous de la CFTC
Les jeunes CFTC ont rendez-vous à Paris les 29 et 30 avril prochain (voir les articles des pages suivantes). Ils ont beaucoup de choses à dire sur leur place et le sens de leur engagement dans le travail, le syndicalisme et la cité. Ils iront, ensuite, à la rencontre du mouvement pour vivre le 1er mai.
En même temps, et sous l'impulsion de la cellule action revendicative, les négociateurs RTT se rencontreront. Ils échangeront leurs expériences dans l’entreprise, leurs attentes, les actions conduites pour faire vivre le dialogue social, l'emploi, la participation...
Enfin, ensemble, avec les militants et les adhérents des quatre coins du pays, nous nous retrouverons, à Paris, le 1er mai pour la fête du travail. Ce grand rassemblement sera l'occasion de montrer que la CFTC est présente là où les travailleurs souffrent, là où les travailleurs ont des choses à dire et souhaitent faire entendre leur voix, qu'il faut aujourd'hui plus qu'hier, encore, compter sur elle. N'en déplaise à certains !
Le travail doit être fêté pour ce qu'il représente, pour ceux qui demandent légitimement, à prendre, par lui, leur place dans la société, pour les jeunes, pour les actifs, pour les retraités, dans une chaîne de solidarité entre les générations, pour que chacun ait sa place.
La CFTC doit toujours conquérir sa place, la renforcer
Tout est développement. C'est en ces termes que le Conseil confédéral de février 1998 concluait ses travaux, tirant les leçons des élections prud'homales. La démarche de développement « mieux agir ensemble » fut alors lancée. Prise en charge par les militants, tant dans la conception que dans la réalisation, elle est aujourd'hui proposée dans chaque région. L’Île de France fut l’une des premières à saisir l'occasion. Le Conseil confédéral vient d'adopter la convention développement de Midi-Pyrénées. Le projet est engagé dans le Nord-Pas de Calais, dans la région Centre.
Pour se donner toutes les chances de succès, les militants ont, avec l'assistance des équipes confédérales, à édifier les bases de leur projet, travailler en équipe sur l'état des lieux, se fixer des objectifs réalisables et mesurables, et une stratégie. Il ne manque pas d'endroit où la CFTC rencontre de grandes victoires grâce à l'action acharnée de ses militants. Nous devons aussi le faire savoir, échanger nos expériences. La clé réside en vérité dans la complémentarité des missions notamment entre les structures professionnelles et géographiques. L'UD est au cœur de l'action ; l’UR impulse et coordonne. La fédération soutient l'action professionnelle des syndicats.
Le service juridique, le premier service des UD
Le 22 mars dernier, à Paris s'est tenue une journée d'information des pôles juridiques départementaux de la CFTC. Il faut voir dans cette réunion, le fruit d'un énorme mais ô combien indispensable travail associant les UD et plusieurs services de la Confédération. Ainsi, en l'espace d'un an, sommes-nous passés d'une dizaine de pôles à 56. De la permanence au conseil, en passant par l'assistance juridique, avec l'appui de conseillers prud'hommes et de militants spécialisés, voire d'avocats, les équipes se forment compétentes et disponibles, pour le premier service que veut rendre l'union départementale : le service juridique proche des personnes.
Mais nos équipes locales sont aussi très impliquées pour l'emploi, contre l'exclusion et le chômage. Nous avons un devoir vis-à-vis des plus démunis. Les moyens font défaut sauf à organiser et soutenir des partenariats pour la réinsertion. C'est l'engagement du Conseil confédéral, partenaire des UD, pour développer et soutenir des actions locales de partenariats pour la réinsertion.
Mondialisation, intégration européenne : les temps changent, les entreprises se regroupent, fusionnent, se restructurent. Les centres de décisions se déplacent, l'emploi subit directement les « ajustements ». Nous devons donner à nos fédérations tous les ajouts pour accroître leur efficacité, leur permettre d'être toujours plus tournées vers les syndicats, les équipes militantes sur le terrain. Tel est l'objectif de la réforme des fédérations. Ainsi, après la fédération Protection Sociale Emploi, la fédération générale des Transports, les congrès constitutifs des nouvelles fédérations Chimie Mines Textile Énergie, Établissements financiers, Commerce Services et Force de Vente auront lieu en mai prochain. Les discussions se poursuivent entre les équipes des fédérations actuelles sur les projets de statuts, les rapprochements des champs de compétence et le fonctionnement des secteurs professionnels, les regroupements et la gestion commune des moyens orientés davantage encore vers les syndicats, pour renforcer l'appui à l'action, casser l'isolement, encore trop souvent constaté dans les entreprises.
Réforme des fédérations : une longue gestation
Six années, de 1993 à 1999 furent nécessaires pour élaborer, proposer et expliquer des schémas de fonctionnement en vue de ces regroupements qui tiennent compte des attentes et des préoccupations des équipes fédérales concernées. Cinq ans : le temps nécessaire pour permettre aux fédérations de prendre l’avis de leur syndicats de base, pour écouter et donner à chaque syndicat les mêmes droits de choisir et de discuter du mode d'organisation qu'ils souhaitent et qui intègre la diversité, la spécificité et la complexité des situations, élargit le champ de compétence, la vision des secteurs spécifiques, donnent plus de poids à chacun d'eux face à leurs partenaires. Le temps est maintenant venu de transformer l'essai.
Où l'on reparle de la crise du syndicalisme
« Les milieux autorisés » rêvent toujours de « recomposition syndicale ». Ne faudrait-il pas dire d'épuration ou d'élimination syndicale ? La crise du syndicalisme sert de prétexte pour remettre en question le pluralisme syndical. Face à la pensée unique, il y aurait le courant bien pensant unique. La richesse ne vient-elle pas de la diversité ? L'automne dernier a vu resurgir le débat sur la représentativité syndicale. Les contestations sont venues de centrales qui y trouvent un intérêt partisan. Chacun pourra se procurer le dossier juridique que nous venons de publier pour mesurer les enjeux auxquels nous sommes aujourd'hui confronté (2). Devant ces agressions insidieuses, le Conseil confédéral veut prendre tous les moyens pour faire vivre et développe notre syndicalisme chrétien. En Europe, un programme d'action avec les organisations syndicales de la CMT doit renforcer les coopérations actives. Le secrétaire générai de la CMT se rendra au Comité national de la CFTC pour évoquer avec les fédération et les régions, ces questions vitales.
Le Rapport programme qui sera présenté au congrès de Dijon, ouvrira la CFTC sur les années 2000. Les contributions venues des militants, ont permis au groupe pilote de présenter un plan détaillé au Conseil. Pour être le « programme CFTC » construit et porté par les militants CFTC, de nouvelles consultations et réunions de travail avec les militants dans les syndicats et les UD s'organisent.
Voilà, tracés à grand trait, une synthèse que j'ai souhaité la plus objective possible - d'où ce style plus ou moins télégraphique - des travaux du dernier Conseil confédéral. Je tenais à en informer les militants et les adhérents qui ne doivent pas les considérer comme l'aboutissement de notre réflexion sur tous ces sujets, mais plutôt comme un propos d'étape. Lors de notre prochain conseil, nous y reviendrons donc pour intégrer à notre analyse et à nos propositions d'actions, les évolutions qu'une actualité sociale riche ne manquera pas d'apporter.
(1) Le Conseil confédéral a retiré ses mandats extérieurs à Jean-Paul Probst, suite à ses déclarations publiques sans fondement légitime et gravement hostiles à l’encontre du président et de l’équipe confédérale. Bien évidemment, le débat est réellement libre au sein des instances confédérales, mais le Conseil rappelle que le respect des personnes, des équipes et, finalement, de la CFTC, n'est pas transgressable, surtout de la part de militants investis par lui de missions essentielles. Dans ce contexte difficile, Nicole Prud'homme, vice-présidente confédérale, a accepté d'assumer la continuité CFTC à la présidence de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) : qu'elle en soit remerciée.
(2) Cf. Questions juridiques n° 36 de février-mars 1999