Rapport de M Jean-Paul Magnon, secrétaire du bureau national du PCF, présenté devant le comité national le 24 juin 1999 et déclaration de M. Robert Hue, secrétaire national du PCF, publiés dans "L'Humanité" le 29, sur les résultats des élections européennes (avec compte rendu des débats).

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Réunion du Comité national du PCF le 24 et 25 juin 1999

Média : L'Humanité

Texte intégral

Chers(es) Camarades,

Au soir du 13 juin, chacun, chacune d’entre nous a vérifié et partagé l’émotion, la déception éprouvées par les Communistes, celles et ceux qui nous ont soutenus, les électrices et les électeurs qui nous ont fait confiance.

Sentiments bien naturels au regard d’un résultat très inférieur aux espérances placées dans la liste « Bouge l’Europe ! » conduite par Robert Hue, à la qualité de la campagne menée par l’ensemble des candidates et candidats, par les militantes et militants, par toutes celles et ceux qui ; d’une manière ou d’une autre, se sont investis pour que nous obtenions un bon score.

Tel n’a pas été le cas et tout naturellement celles et ceux que je viens de citer, mais aussi beaucoup d’autres éprouvent le légitime besoin d’analyser minutieusement les résultats pour comprendre ce qui s’est passé, en tirer les enseignements et les conséquences.

C’est particulièrement vrai des Communistes qui, comme l’a souhaité notre Bureau national, ont engagé la réflexion dans des réunions de comités fédéraux, de comités de sections, de cellules ou à l’occasion d’assemblées d’adhérents réunies sans attendre nos travaux. D’autre part, de nombreux courriers individuels nous parviennent. De ce fait, notre discussion va pouvoir bénéficier de l’apport de ces premiers débats que je me suis efforcé de refléter dans cette introduction. Ce rapport intègre aussi, bien entendu, la discussion du Bureau national et les réflexions et propositions livrées par Robert Hue dans le courrier qu’il nous a adressé.

La démarche est certes inhabituelle. Elle se veut d’abord un appel à une discussion la plus libre, la plus franche possible qui donne, dans tout le Parti et au-delà, un élan nouveau à la réflexion et à l’intervention des Communistes.

Tel est le sens de la proposition de Robert Hue visant à ce que les Communistes sans plus attendre, à chaud après ces élections, soient largement consultés sur la manière dont ils veulent préparer leur 30e congrès réuni en février prochain à Martigues et sur les questions qu’ils entendent y discuter.

Cet appel, il nous faut, je crois, le mettre en relation avec les critiques, les insatisfactions, les attentes fortes qu’expriment une minorité de camarades dans les réunions provoquées pour analyser les résultats du 13 juin. « Nous n’avons pas été consultés sur la composition de la liste »; « On nous demande notre avis, mais tout est déjà décidé » ; « Nous voulons être associés à la prise de décision et donc disposer de tous les éléments pour le faire »…

Il faut entendre tout cela et surtout y répondre. Répondre à l’exigence qui s’exprime pour que la direction nationale, notre Comité national impulsent de nouvelles manières de diriger et de concevoir la vie du Parti, avec plus d’informations, de communication, de transparence, plus de débats et de confrontations d’idées.

Bref, répondre au besoin de démocratie et de responsabilité que réclament nos adhérents.

Vous l’avez compris, le présent rapport, la lettre que nous a adressée Robert Hue, ce qui nous est revenu de la discussion amorcée dans le Parti, tout cela constitue un tout, visant à stimuler notre réflexion commune, à l’enrichir par l’apport de chacun des membres du Comité national.

Bien entendu, je m’appuierai sur les informations et comptes rendus en provenance des fédérations.

Ce que disent les Communistes

Que disent les camarades dans les réunions qui se sont tenues ?

La déception est grande. Ce sentiment est couplé d’une part à une volonté de comprendre les raisons d’un résultat en deçà de nos espoirs et ambitions, et d’autre part, d’une exigence non moins forte d’en tirer tous les enseignements pour l’avenir.
Le débat qui, il faut le noter, est d’une grande qualité, se déroule dans un climat serein, sans agressivité, dans une démarche constructive mais exigeante. Il y a la volonté de mener un débat approfondi et sans complaisance pour aller de l’avant.
L’immense majorité dit : « Je suis d’accord pour poursuivre la mutation mais en veillant bien à développer la démocratie. »
De l’avis général, la guerre du Kosovo a interféré négativement sur la campagne.

Beaucoup de camarades se disent d’accord avec la liste « mais regrettent qu’elle n’ait pas été le fruit de la réflexion des Communistes, qu’elle soit venue d’en haut et trop vite. Cette façon de faire n’a pas permis de tirer toute la richesse de sa diversité ».

Comment donner plus de lisibilité et de cohérence à ce que les Communistes proposent comme projet est une question largement débattue.

L’Humanité est souvent mise en cause. Beaucoup de Communistes considèrent qu’elle n’a pas suffisamment joué son rôle dans cette campagne.

Une attente forte s’exprime envers la direction nationale pour qu’elle impulse une nouvelle manière de diriger et de concevoir la vie du Parti, avec plus de communication, de transparence, plus de démocratie, plus de débat et de confrontation d’idées et d’association aux orientations et aux décisions de leur Parti. Ces questions seront présentes tout au long de ce rapport.

J’en viens donc à l’analyse proprement dite des résultats de ces élections européennes. Vous les connaissez. Vous disposez notamment des premières données publiées dans lnfo-fédés fournies par notre secteur « élections » et de l’interview de Roger Martelli dans L’Humanité-Hebdo de la semaine dernière.

J’indique que les éléments qui nous sont parvenus des fédérations recoupent, pour l’essentiel, la réflexion du Bureau national du 15 juin dernier. Je ne rentrerai donc pas dans les détails, me limitant à relever les traits saillants de ce scrutin.

I - L’analyse des résultats

L’abstention
L’abstention est la donnée majeure de ce scrutin en Europe et en France. Chez nous, ce sont 21 364 521 électeurs qui se sont abstenus, soit 53,24 % des inscrits. Elle est beaucoup plus importante qu’en 1994 comme chez douze de nos voisins, avec des records en Allemagne et en Angleterre.
S’agissant de la France, le phénomène est encore aggravé par la présence record de 1 202 000 bulletins blancs et nuls, soit 5,94 % des inscrits.
Nous le savons, cette abstention massive qui progresse de scrutin en scrutin traduit l’ampleur du fossé qui s’est creusé entre les citoyens, la politique et sa représentation. Fossé encore aggravé pour les élections européennes qui portent encore plus haut les sentiments d’impuissance, de fatalité à l’égard d’une construction dont les centres de décision sont éloignés et opaques. D’une construction dominée par les marchés financiers et ressentie par les peuples, le plus souvent, à partir des mauvais coups qui leur sont portés.
Sans doute peut-on avancer l’hypothèse selon laquelle ces sentiments de fatalité, d’impuissance, ont-ils été renforcés, en fin de campagne, par les options libérales mises en avant par Tony Blair et Gerhard Schröder. Ajoutons que tous ceux qui - chef de l’État en tête - ont refusé que les Françaises et les Français soient consultés par référendum tant à propos du passage à l’euro que de la ratification du traité d’Amsterdam ont leur responsabilité directement engagée dans cette situation qui est tout à la fois la marque d’un échec pour la démocratie et d’un échec pour l’Europe telle qu’elle se construit.
Il y a eu l’idée que son vote ne pèserait en rien sur les choix européens et une forte défiance à l’égard des formations politiques. Cela s’est aussi traduit par l’ampleur des votes blancs et nuls, ainsi que par une indécision de 40 % des électeurs qui ne se sont décidés que quelques jours avant le 13 juin, 20 % le faisant le jour même.
Ce sentiment d’impuissance a sans doute favorisé un vote plus ciblé contre telle ou telle conséquence du libéralisme, sans qu’elle soit forcément analysée de la sorte par les électeurs concernés.
La liste des Chasseurs et celle des Verts ont pu profiter de ce phénomène, leur affrontement valorisant, d’un côté comme de l’autre, une identification à des questions très sensibles liées à la ruralité, aux traditions, à la qualité de la nourriture, au respect de la nature et de l’environnement, à la dégradation du cadre de vie urbain…
Au-delà du résultat de chaque liste, tous les partis sont concernés par cette abstention historique qui met à mal le suffrage universel et la démocratie. Il faut noter que la liste qui réalise le score le plus élevé, celle du PS - MDC - P G n’atteint pas les 10 % des inscrits.

À droite :
À droite, le fait marquant est l’échec du parti du Président de la République. La liste RPR-DL avec 12,82 % n’est plus le pilier de la droite, conséquence de son effondrement et du résultat des listes Pasqua et Bayrou.
En effet, la liste Pasqua - de Villiers opposée à la construction européenne avec 2 304 285 et 13,05 % des voix passe devant celle du RPR. La nouveauté réside davantage dans le recul du RPR que dans les résultats de Charles Pasqua. Il faut noter que de Villiers avait déjà obtenu seul 12,34 % en 1994.
Quant à François Bayrou il réalise 9,28 % n’atteignant pas le score à deux chiffres qu’il s’était fixé. Au total, la droite recule de 1 212 250 voix et de - 2,88 %.
Des évolutions importantes sont à attendre de ce côté dans la prochaine période. Déjà, Nicolas Sarkozy a démissionné de la présidence du RPR et Charles Pasqua a annoncé la formation d’un nouveau mouvement.
Cette situation met Jacques Chirac en difficulté et il faut suivre avec attention les initiatives qu’il prendra. N’ayons cependant aucune illusion par rapport à une droite dont l’obsession demeure de contrecarrer les changements progressistes en France et en Europe.

Le Front national :
Nous ne bouderons pas notre satisfaction procurée par le recul des deux listes du Front national conduites par les frères ennemis Le Pen et Mégret et ce d’autant plus que la liste conduite par Robert Hue a devancé celle de Le Pen, ce qui était pour nous un objectif depuis longtemps.
Précisons que cela ne signifie nullement qu’il faille baisser la garde dans le défi à relever face au Front national, en s’attaquant à tout ce qui a favorisé sa promotion et qui n’a pas disparu, loin s’en faut.

Les Chasseurs :
La liste des chasseurs obtient 1 195 760 en voix et 6,77 %. Elle progresse de 2,72 % et totalise 6 élus.
Elle atteint des scores très importants dans certains départements : Somme 27,06 % ; Manche 16,35 % ; Charente-Maritime 16,91 %.
Dans certaines régions comme la Picardie, la Basse-Normandie, le Languedoc-Roussillon, sa progression est supérieure à 5 %. II est évident que des électeurs Communistes se sont portés sur cette liste. II nous faut regarder dans quelle proportion et analyser avec quelles motivations.
Sans doute, avec d’autres, ont-ils trouvé le moyen d’exprimer leur opposition à l’Europe et à des directives de Bruxelles mettant en cause une certaine conception du mode de vie rural et ce dans un contexte de crise politique, de doute sur la possibilité de faire bouger les choses.

À gauche :
Le Parti socialiste
Le PS, à la différence des autres partis sociaux-démocrates européens, s’en sort relativement bien du fait de la division de la droite. Il totalise 3 873 901 voix et 21,95 %.
La comparaison avec 1994 est difficile car outre la liste Rocard (14,47 %), il y avait aussi la liste Tapie (12,04 %) qui faisait partie de la majorité présidentielle, ainsi que celle conduite par J.-P. Chevènement (2,55 %). Soit un total de 29,06 %.
Rappelons que le PS ne retrouve pas le score de 1989 réalisé par Laurent Fabius (23,61 %). Son résultat est donc somme toute assez moyen.

Les Verts :
Avec 1 715 450 voix et 9,72 %, les Verts progressent sur 1994 (+ 4,95 %) mais ne retrouvent pas leur score de 1989 (10,6 %).
Leurs meilleurs résultats se situent dans des départements comme les Côtes-d’Armor 11,06 % ; l’Isère 12,29 % ; Essonne 12,67 % ; mais surtout Paris avec 17,01 % où ils devancent le PS dans certains arrondissements.
Incontestablement, la liste Cohn-Bendit a bénéficié de l’émotion créée par l’affaire de la dioxine et plus généralement des pollutions alimentaires et atmosphériques qui provoquent une grande inquiétude dans l’opinion, en particulier dans l’électorat jeune et celui vivant dans les zones fortement urbanisées.
Mais, bien sûr, cela n’explique pas tout. La personnalité de Cohn-Bendit, sa médiatisation, une certaine « radicalité » sur des questions sociétales et en matière de fédéralisme européen ont sans doute contribué à donner à la liste une allure moderniste.
Depuis, les propos de Cohn-Bendit visant à effacer de la mémoire collective les mouvements sociaux de la fin de l’année 1995 et leur caractère profondément antilibéral, ceux annonçant la création d’une troisième gauche se substituant, peu ou prou, dans son esprit, à la gauche plurielle ; tout cela exprime certes une volonté politique affirmée mais qui peut sembler en décalage avec les motivations de nombreux électeurs qui ont accordé leurs suffrages à la liste des Verts.
Ce que soulignait à sa manière le chercheur Daniel Boy dans Le Monde, de samedi dernier, je cite : « Si cette équation complexe - dioxine plus Cohn-Bendit plus Voynet plus Europe - donne peut-être les clés du succès écologiste aux élections européennes du 13 juin, elle n’indique pas la marche à suivre pour concrétiser ce succès aux prochaines échéances électorales ».

Lutte ouvrière - Ligue communiste révolutionnaire :
La liste Laguiller - Krivine totalise 914 680 voix et 5,18 % contre 2,72 % en 1994. Rappelons qu’à l’élection présidentielle Arlette Laguiller avait déjà réalisé 5,3 %, et qu’aux dernières élections régionales, on avait enregistré une forte poussée des listes gauchistes, là où elles étaient présentes.
À noter les 7,22 % dans le Pas-de-Calais, les 7,41% en Seine-Saint-Denis et dans des villes comme Fourmies (59) 13,10 % ; Thourotte (60) 10 % ou encore Saint-Denis (93) 9,89 %.
Globalement, les résultats de cette liste tendent à démontrer que l’objectif de la liste Laguiller - Krivine qui était d’attirer massivement des électeurs Communistes sur la base d’une condamnation de la politique gouvernementale et d’une radicalité de contestation n’est pas atteint.
Cela ne signifie pas que dans un certain nombre de villes, des électeurs communistes n’aient pas voté pour la liste Laguiller - Krivine. Mais les analyses des fédérations montrent que ce n’est pas une généralité.

Les résultats en Europe :

Avant d’en venir aux résultats de la liste « Bouge l’Europe ! », permettez-moi de vous livrer quelques caractéristiques européennes du scrutin.
Outre l’ampleur de l’abstention déjà signalée, notons que la droite divisée entre démocrates-chrétiens, conservateurs et libéraux, progresse assez nettement et obtient 225 députés au Parlement européen contre 201 en 1994.

L’extrême droite recule globalement au sein du Parlement européen. Elle perd en France et en Autriche où elle était à un niveau assez haut. Elle se consolide en Belgique sur la base du rejet d’une Europe corrompue et loin du peuple (scandale de la Dioxine…). Il faut noter l’apparition de courants populistes d’extrême droite dans certains pays nordiques comme le Danemark.

Les Partis socialistes et sociaux-démocrates sont en recul dans neuf pays sur quinze. Ils auront 180 députés dans le nouveau Parlement européen contre 214 en 1994. Les reculs les plus significatifs concernent l’Allemagne et la Grande-Bretagne où le positionnement social libéral de Gerhard Schröder et de Tony Blair n’a pas été suivi par l’électorat dans un contexte d’abstention massive. Les sociaux-démocrates participant à des coalitions avec le centre, voire les libéraux sont également sanctionnés (Finlande, Belgique, Pays-Bas, Italie).

Les Verts, progressent et obtiennent 38 députés contre 17 en 1994. La progression est avant tout le fait de la France qui envoie 9 députés Verts au Parlement européen, contre 0 en 1994. Partout ailleurs le vote écologiste est plus contrasté.

La gauche unitaire européenne, à laquelle nous appartenons, a des résultats divers mais en deçà des espérances.
Le groupe de la gauche unitaire européenne - gauche verte nordique passe - pour le moment - de 34 à au moins 35 députés ; trois nouveaux pays et partis intègrent le groupe (le PDS d’Allemagne, le Parti socialiste populaire du Danemark et le Parti socialiste des Pays-Bas). Le résultat le plus remarqué est celui du PDS d’Allemagne qui se consolide au-dessus des 5 % et qui obtient pour la première fois 6 élus au Parlement européen avec un ancrage à l’Est toujours aussi important (23 %).
Confirmation également de la progression régulière du Parti de gauche de Suède (15,8 % contre 12,9 % en 1994) qui participe à la majorité parlementaire avec le Parti social-démocrate et qui a mené campagne contre l’intégration de la Suède dans l’Europe monétaire et de la défense. Les Partis communistes du sud de l’Europe voient leur influence se tasser à l’exception du Parti communiste de Grèce qui malgré la concurrence à gauche progresse de 6,3 % à 8,7 %.
La résistance du Parti communiste portugais est bonne.
La Gauche unie d’Espagne réalise 5,7 % contre 13,6 % en 1994. En Italie, Refondation communiste avec 4,3 % contre 6,2 % en 1994 a visiblement souffert de la scission intervenue il y a quelques mois et qui a donné naissance au Parti des Communistes italiens.
L’extrême gauche, quant à elle, n’a pas de présence significative, sauf en France et au Danemark.
J’en viens aux résultats de « Bouge l’Europe ! »

II - Les résultats de la liste « Bouge l’Europe ! » et le contexte de la campagne électorale

Nous totalisons 1 196 310 voix, soit 6,78 % et 6 élus que je félicite en votre nom.
Soit un recul de 163 356 voix (- 0,11 %) et 1 élu en moins, par rapport à 1994. Ce qui provient du fait que cette fois neuf listes, au lieu de six la dernière fois, ont dépassé les 5 % permettant d’obtenir des sièges.
Le recul n’est pas général. Nous progressons dans 48 départements dans une fourchette de + 0,2 % à + 2,54 % particulièrement là où notre influence est faible.
Nous maintenons notre influence dans 21 départements (entre + 0,2 % et - 0,2 %).
Nous reculons dans 27 départements dans une fourchette allant de – 0,21 % à - 2,64 %. Ce sont très souvent des départements où nous avons une forte influence.

Au niveau des régions :
Nous progressons dans 10 régions dont 5 dans tous les départements qui les composent.
Dans 6 régions, dont l’Île-de-France, nous maintenons notre influence.
Nous reculons dans 6 régions :
L’abstention est plus forte que la moyenne nationale dans les départements et surtout les communes où nous sommes les plus implantés : Saint-Denis 58,23 % ; Vénissieux 62,47 % ; La Seyne-sur-Mer 63,56 % ; Calais 63,35 %; Gennevilliers 60,16 %; Firminy 62,19 %.
Je l’ai dit d’entrée, nos résultats sont décevants et nous voulons ensemble comprendre pourquoi. Pourquoi une partie de notre électorat ne s’est-elle pas mobilisée ? Pourquoi ne s’est-elle pas reconnue dans la démarche et les propositions portées par la liste « Bouge l’Europe ! » ?

L’élection la plus difficile
Nous savons d’expérience que les élections européennes sont les plus difficiles pour nous.
En effet, c’est l’élection qui suscite la plus forte abstention dans l’électorat communiste. Un électorat, il faut le rappeler, qui s’est opposé le plus massivement au traité de Maastricht et qui rejette fortement l’Europe ultralibérale.
Je rappelle que nous avons commencé la campagne en sachant et en disant qu’un million d’électeurs communistes ne s’étaient pas déplacés aux élections européennes de 1994.
Ce phénomène s’est reproduit cette année malgré les choix nouveaux que nous avons effectués précisément pour faire de la politique autrement. Avec la liste à double parité et pour rapprocher les enjeux européens des aspirations sociales afin d’ancrer à gauche la France et l’Europe.
Il n’y a évidemment pas qu’une seule explication à cette situation et tout montre, dans les premiers débats engagés, que les Communistes font effort pour cerner l’ensemble des causes d’un résultat insatisfaisant qui nous laisse au niveau de 1994. Ils le font avec esprit de responsabilité, dans la sérénité, avec une hauteur de vue souvent remarquable.
Je veux évoquer un certain nombre d’aspects mis en avant dans les comptes rendus de ces discussions qui nous sont parvenus.

Pas de recul général
Tout d’abord, je le répète, nous n’enregistrons pas un recul général. On nous signale dans tous les départements, une amorce de gains de nouveaux électeurs. Cela est plus visible là où notre influence est faible, le plus souvent dans un électorat socialement stable et assez politisé.
À l’inverse, on constate une forte abstention dans nos zones électorales traditionnellement élevées, et souvent, semble-t-il, dans les milieux populaires, cependant avec des inégalités.
Cette abstention et ce recul forts là où notre influence est forte font que les voix manquantes sont plus nombreuses que celles que nous gagnons.
Ce double constat montre les possibilités réelles de progression dans un électorat potentiel qui se reconnaît dans notre démarche et, en même temps, il attire notre attention sur le travail à accomplir pour que l’ensemble de notre électorat se retrouve dans notre politique et dans nos choix.
Ce qui nous pose la question de la crédibilité de notre politique qui vise à rassembler toutes celles et tous ceux qui dans les milieux les plus défavorisés comme les autres catégories sociales refusent le libéralisme et aspirent à transformer la société.
Une question importante se pose pour l’avenir : s’agit-il d’un vote sanction contre notre politique ou d’une démobilisation d’un électorat qui ne s’est pas senti suffisamment concerné ?
Toutes les analyses montrent qu’il s’agit essentiellement d’une absence de motivation, d’un scepticisme sur le sens de la liste et des propositions pour la réorientation de la construction européenne plutôt qu’une condamnation de la démarche entreprise.

Comprendre ce qui s’est passé
Cela dit, nous ne pouvons nous contenter de ce constat. Il faut examiner les causes pour lesquelles nous n’avons pas été suffisamment entendus et en tirer les enseignements.
Changer la façon de faire de la politique, mettre en œuvre la mutation du Parti en s’ouvrant davantage sur la société, tel était précisément le sens de notre liste, du manifeste sur la base duquel elle s’est formée et des propositions formulées pour ancrer la France et l’Europe à gauche.
La nouveauté de cette démarche a suscité de la satisfaction chez certains et aussi des incompréhensions voire même certaines oppositions chez beaucoup d’autres.
S’attaquer à la coupure entre politique et mouvement social suscite des craintes, des inquiétudes. Crainte d’une dissolution de l’identité communiste. Crainte aussi d’une perte d’indépendance du mouvement syndical et associatif.
Sortir d’une période historique durant laquelle ce mouvement a été soit instrumentalisé, soit laissé à l’écart par les partis politiques ne se fait pas facilement. Il y faut du temps, des expérimentations, de part et d’autre. L’un et l’autre nous ont manqué.
Robert Hue souligne à juste titre d’autres oppositions « traditionnelles » que nous n’avons pas su dépasser, surmonter alors que notre crédibilité en dépend. Je le cite : Opposition entre « proposition immédiate et visée d’avenir, primauté au mouvement social et participation au Gouvernement, contestation et construction, contre l’Europe actuelle et pour une construction européenne réorientée, ouverture à la société et identité communiste aujourd’hui… À l’évidence il y a là une difficulté qui tient non pas tant à la conception - c’est la stratégie que nous avons définie à nos derniers congrès - qu’à son maniement concret dans les faits, à notre capacité à la faire vivre ».
À mon sens - pour ne prendre que cet exemple - c’est dans cette direction qu’il faut rechercher la source de difficultés qui se sont fait jour concernant nos propositions euro-constructives dans un électorat qui reste largement opposé à l’Europe.
Elles ont pu être perçues comme un reniement de ce que nous avions fait avant. Alors que nous les avons voulues et conçues pour que la contestation de l’existant aille jusqu’à offrir à l’intervention populaire des possibilités réelles de le transformer.
Prenons également en compte le fait que nous ne sommes pas seuls.
Le lancement de la liste antilibérale et europrogressiste s’est fait sous le feu médiatique de forces qui redoutent les initiatives des Communistes mettant en cause les dogmes de la pensée unique. Ceux qu’impose le libéralisme.
Dès le début, la liste a été dénaturée par un certain nombre de médias, la présentant comme une liste à paillettes, hétéroclite dans laquelle se serait dilué le PCF.
En politique sans doute plus qu’ailleurs, le nouveau se fraye un chemin au prix d’un débat d’idées approfondi et d’expérimentation dans un contexte de lutte de classe qui a pris des formes nouvelles, mais n’a pas disparu.
Une telle innovation exige d’abord que l’ensemble des Communistes soient réellement associés à sa définition, à son élaboration.
Or - je l’ai déjà dit - nous sommes très loin du compte de ce point de vue alors qu’il ne dépend que de nous qu’il en soit autrement. Les adhérents le réclament. Ils nous le disent avec force. Changeons dans notre vie de Parti tout ce qui doit l’être afin que chacun soit réellement coauteur et coacteur de notre politique.
Une telle innovation implique aussi un débat approfondi avec tous ceux et celles que nous voulons associer à notre projet. Cela réclame aussi confrontation et combat d’idées avec ceux qui s’opposent à toute autre perspective que celle qui s’inscrit dans l’ultralibéralisme ou le social-libéralisme.
Cette bataille, nous l’avons menée au travers d’une excellente campagne de la liste. Ce sont plus de 1 500 initiatives auxquelles ont participé tous les candidats - du premier à la dernière - et qui ont rassemblé plusieurs dizaines de milliers de personnes.

La guerre au Kosovo
Dans d’autres circonstances, au regard de la campagne menée, le résultat aurait pu être meilleur. Mais, à l’évidence, la guerre du Kosovo a plombé le début de la dynamique qui s’était amorcée après le Conseil national des 13 et 14 mars derniers et avec la présentation de la liste à double parité.
Dès le début du conflit, nous avons refusé les bombardements, milité pour une solution politique dans le même mouvement où nous condamnions la politique d’épuration ethnique de Milosevic.
Les faits intervenus depuis la fin de cette guerre confirment nos analyses. La découverte de nombreuses traces de crimes perpétrés par les forces militaires ou paramilitaires serbes au Kosovo illustre cruellement la très lourde responsabilité du régime nationaliste de Milosevic, que nous avons dénoncée avec raison.
Quant aux bombardements de l’Otan - en lieu et place d’une bataille politique, dans le prolongement de la conférence de Rambouillet - et à la froide décision de détruire les fondements économiques et culturels de toute une société, il s’est avéré que, loin de régler les problèmes posés, ils les ont aggravés en profondeur.
Aux victimes innocentes et aux destructions et régressions imposées à la population s’ajoutent les lourdes incertitudes qui pèsent sur l’avenir du Kosovo.
Qu’en sera-t-il du retour effectif des différentes populations et de la coexistence de toutes les communautés, y compris des tziganes et d’autres minorités, dans le respect des droits de chaque individu ? Qu’en sera-t-il de la démilitarisation réelle de l’UCK à présent que les troupes serbes ont quitté la province ?
Plus généralement, il y a lieu de suivre avec vigilance l’application de l’accord de paix qui a donné lieu à la résolution du Conseil de sécurité de l’Otan. Il s’agit maintenant de relever le défi de la construction d’une paix juste et durable dans toute la région. Dans ce cadre, la reconstruction et l’aide au développement doivent concerner tous les pays et tous les peuples sans en exclure aucun.
Enfin, la question de la sécurité européenne va venir sur le devant de la scène. Face à la conception de la « défense commune » définie par le traité de Maastricht, dans le cadre de l’Otan, nous aurons à faire connaître et à mettre en débat nos propres propositions, valorisant l’OSCE, privilégiant la prévention des conflits et prévoyant une coordination des moyens militaires des pays européens, sous l’égide de l’ONU, pour les missions de maintien de la paix qui s’avéreraient nécessaires.
De nombreux camarades dans les discussions ont évoqué la double contradiction dans l’opinion suite à ces événements : pour une partie de celle-ci, notre opposition aux bombardements de l’Otan et à la domination américaine était comprise comme un soutien à Milosevic qualifié d’ancien communiste. D’autres ont considéré que notre condamnation de Milosevic était dictée par notre participation au Gouvernement et les divergences exprimées dans la liste.
Les déclarations divergentes de quelques candidats sur cette guerre ont brouillé la cohérence de la liste.
Durant onze semaines, nous avons été contraints de parler plus de la guerre et d’une Europe dominée par les américains que de nos propositions pour une Europe sociale qui était le point fort de notre liste.
Incontestablement, le drame du Kosovo est venu brouiller le débat sur le sens de la mutation et sa mise en œuvre concrète avec la démarche nouvelle de la liste.
Il est venu également aiguiser le débat sur le sens de notre participation au Gouvernement.
Rappelons-nous la campagne menée par la droite pour le départ des ministres communistes et désavouées par 65 % de Français.

Rendre plus concret et lisible notre nouveau projet communiste
En vérité, la guerre du Kosovo a détourné le débat sur les raisons de fond de voter pour notre liste.
Reste cependant posée la question de la reconnaissance de l’utilité communiste pour avancer dans le sens des attentes sociales et d’une politique plus à gauche.
Comment donner plus d’efficacité, plus de souffle, de sens, à nos propositions, à nos idées, à la visée communiste ?
Au 29e congrès nous avons élaboré les fondements d’un nouveau projet communiste enrichi depuis.
Ainsi dans son livre intitulé Communisme : un nouveau projet, Robert Hue avance des propositions qui disent clairement : « Voilà ce qu’il convient de faire dès aujourd’hui si l’on veut changer la situation, en allant dans le sens du développement des êtres humains en prenant appui sur le développement continu des individus. »
À l’évidence, nous n’avons pas suffisamment avancé dans la popularisation du projet communiste alternatif.
Mesurons combien est grande la responsabilité des Communistes pour lui donner corps, pour qu’il porte des réponses aux grandes attentes sociales, au quotidien, s’inscrivant dans une perspective de transformation de la société.
Tout le monde sait bien que les formations qui composent la gauche plurielle sont différentes parce que leurs options, leurs objectifs, leurs visées sont différentes.
Ainsi, les choix du Parti socialiste - et ce n’est pas faire injure à nos partenaires que de le rappeler - s’ils diffèrent du social-libéralisme de Blair et de Schröder, s’inscrivent pourtant dans les limites d’un aménagement du capitalisme plus ou moins teinté de social selon les circonstances et l’évolution des rapports de forces.
De même - je l’ai déjà évoqué - les Verts, et tout particulièrement leur tête de liste, n’hésitent pas à mêler radicalité sur certaines questions de société et ralliement au libéralisme.
Quant à Lutte ouvrière et à la Ligue communiste révolutionnaire, le tranchant du propos parviendra sans doute de moins en moins à dissimuler l’inefficacité de leur activité en terme de résultats et de changements concrets.
C’est cette réalité qui ouvre un espace considérable à un projet communiste moderne de transformation, porté par un Parti communiste moderne qui fait de l’ouverture à la société une dimension essentielle de son identité révolutionnaire d’aujourd’hui pour répondre aux grands enjeux de notre époque.
Robert Hue dans sa lettre revient largement sur ces aspects et tout autant sur la question des changements à apporter dans notre vie de Parti, dans son fonctionnement démocratique, dans ses méthodes de direction.

III - La consultation des Communistes pour la préparation du 30e congrès

Comme lui, je veux dans ce rapport appeler à l’effort pour engager une vaste consultation des Communistes dans laquelle bien entendu ils vont intégrer et poursuivre la réflexion engagée à partir des résultats des élections européennes. Consultation, je le répète, dont l’objectif est de permettre à chaque adhérent d’être associé au choix du mode de préparation de congrès et aux questions qu’il souhaite y voir débattre.
Trois grandes questions apparaissent bien comme devant être soumises à la réflexion de toutes et tous.
Je vous les rappelle brièvement :

1. Donner vie et crédibilité à un projet communiste d’alternative concrète au libéralisme. Quelle société voulons-nous ? Quel rôle pour l’individu dans cette société ? Comment déployer une stratégie politique qui s’emploie à faire progresser l’exigence de la transformation sociale en lui ouvrant de nouveaux terrains, de nouvelles luttes.

2. Travailler à quelques questions clé - sécurité d’emploi et de formation, démocratie de participation et droits nouveaux - au cœur des attentes et aspirations les plus quotidiennes et donnant toute sa lisibilité à la visée d’un « nouveau communisme ».

3. Modifier dans le Parti lui-même, dans sa vie, ses modes de fonctionnement et de décision, tout ce qui limite son ouverture à la société, la souveraineté, les capacités d’initiative, d’expression et de créativité des adhérents ; permettre le rassemblement et l’initiative de « la force communiste » et prolonger l’expérience engagée avec les candidats de la liste « Bouge l’Europe ! »

Comme vous avez pu le constater, ces questions sont en phase avec les premiers enseignements, les interrogations, les doutes et aussi les critiques d’ores et déjà formulées dans les discussions engagées. Elles n’ont bien sûr aucun caractère limitatif et chacune, chacun ici va pouvoir donner son opinion comme vont pouvoir le faire les adhérents si nous retenons la proposition de les consulter.
Ainsi, les questions du projet communiste, de la transformation sociale, du Parti communiste, et indissociablement, celle de la force communiste, si les adhérents en décident, seraient donc au cœur de la préparation du 30e congrès.

Un Parti de type nouveau
Du congrès d’un Parti communiste de type nouveau qui bouge profondément son mode de fonctionnement et sa vie afin je cite : « de pouvoir se renforcer et jouer pleinement son rôle, pour que les Communistes puissent se sentir à l’aise, pour que la société puisse y reconnaître un levier permettant de contribuer à son mouvement et à sa transformation par une pratique motivante de la politique. En d’autres termes, pour que la mutation puisse s’amplifier et réussir » comme nous l’a écrit Robert Hue.
Depuis l’automne dernier, le département « Vie du Parti » avait initié toute une série de réunions, consultations, stages de réflexion, auditions qui ont donné lieu à des débats multiples et à un bouillonnement d’idées créatrices.
À partir de ces premières réflexions, n’a-t-on pas un état des lieux précis à faire, section par section, de la réalité, de la vie de notre Parti, de la vie de nos cellules, du nombre de militants en contact réel avec leur Parti, de leurs aspirations et de leurs demandes vis-à-vis de leur organisation ?
Loin de réduire le rôle des collectifs de proximité que sont les cellules, notre fonction communiste n’implique-t-elle pas de leur donner un nouvel attrait, de faire en sorte que leur vie soit plus en phase avec les aspirations des Communistes, les questions qui se posent là où elles exercent leurs activités ?
C’est ce qui a conduit de nombreuses fédérations ou sections à essayer de créer de nouveaux lieux de débats et d’échanges entre Communistes sur des thèmes intéressants.
C’est en ce sens que se mettent en place des collectifs ou des réseaux ou parfois même des espaces de réflexion dans certaines fédérations.
Certaines cellules ont commencé à vivre de manière plus ouverte sur la société en invitant des citoyens non adhérents du Parti à participer à leur vie et à leurs activités. Là où ces expériences ont été tentées, elles sont toutes positives. Ainsi, n’y a-t-il pas à réfléchir pour faire de l’organisation de proximité un lieu de vie entre adhérents du Parti mais aussi entre adhérents et d’autres partenaires dans la localité, le quartier, le village ou le lieu de travail ?
N’y a-t-il pas, de ce point de vue, de nombreux enseignements positifs à tirer de l’expérience inédite qu’a représentée la liste « Bouge l’Europe ! » et les comités d’initiatives qui se sont créés autour ?
Je le pense et déjà certaines fédérations et sections entendent poursuivre dans cette voie et continuer les collaborations engagées.
De la même manière, ce que nous venons de vivre dans cette campagne n’est-il pas de nature à donner une impulsion, un dynamisme aux espaces citoyens ?
Tous n’ont pas poursuivi leur activité pendant la campagne électorale. Mais il est intéressant de constater - alors que les multiples initiatives publiques qu’elle a suscitées auraient pu conduire à mettre entre parenthèses la vie de ces espaces - que plusieurs dizaines d’entre eux ont organisé des réunions publiques.
Ne faut-il pas, dans le même esprit, à l’occasion des rencontres de l’été que nous proposons d’impulser, inviter largement à participer avec nous à la création, à la relance ou à la vie régulière et plus publique de ces lieux ?
Si le Comité national est d’accord sur ces propositions de débat, il faudra ensuite prendre des dispositions concrètes pour l’organiser et l’impulser.

L’information dans le Parti
Pour mettre en œuvre tout cela, il est urgent que nous nous dotions de moyens nouveaux capables d’assurer l’information des Communistes et de favoriser sa circulation. Nous mesurons quel handicap constitue le déficit constaté dans ce domaine et aussi les exigences exprimées à ce propos par les adhérents.
Au nom du Bureau national, je vous propose que nous travaillions, dès septembre, à la création d’un organe intérieur de communication qui, chaque semaine, livrerait des informations au Parti sur nos activités, nos prises de position, celle des parlementaires communistes, des ministres communistes. Ce serait aussi un lieu d’échange entre les fédérations, les sections et aussi entre les Communistes.
Dans le même esprit, nous ne voulons pas prendre de retard dans l’utilisation des nouvelles technologies notamment Internet en développant notre site national et en aidant les fédérations et les grandes sections à s’équiper, à accéder à Internet.

Des attentes à l’égard de L’Humanité
Les moyens nouveaux que je viens d’évoquer ne sauraient dispenser L’Humanité de jouer pleinement son rôle de journal de la mutation communiste.
Concernant le nouveau journal, si des changements sont largement appréciés, des critiques, des attentes fortes se sont exprimées, entre autres, sur la manière de traiter la campagne électorale.
Disons-le clairement, les comptes rendus de discussions montrent que les Communistes ne sont pas contents. Et une nouvelle fois ils posent la question d’une véritable discussion sur les orientations du journal dont leur Parti est l’éditeur et pour le financement et la diffusion duquel on leur demande beaucoup d’efforts.

IV - D’ici la fête de L’Humanité

Proposition d’une initiative nationale de débat et d’actions pour réussir le changement
Nous proposons d’aller dès les prochains jours à la rencontre de nos concitoyens et des représentants des mouvements sociaux et associatifs pour débattre avec eux des moyens d’ancrer la politique à gauche et décider avec eux d’initiatives d’actions.
Nous voulons lancer un appel fort aux Françaises et aux Français en leur disant : « Quel qu’ait été votre choix le 13 juin, le Parti communiste prend en compte l’ensemble des messages sortis des urnes. Non seulement il entend les urgences sociales qui s’expriment mais il se met à votre disposition pour qu’on y réponde. » Ainsi nous proposons d’aller à la rencontre des populations avec quelques grandes propositions sur lesquelles nous voulons obtenir des résultats. Celles-ci ne sont évidemment pas exhaustives mais toutes s’inscrivent dans un projet alternatif de changement. Aucun des dossiers actuels qu’il s’agisse des 35 heures, de la préparation du prochain budget de l’État, de la modernisation des services publics, des retraites, de l’emploi, de l’école, de la santé, de la sécurité ou du logement, ne peut trouver d’issue positive sans un grand débat et une intervention citoyenne forte dans le cadre d’une dynamique majoritaire de changement.
On le voit ces jours-ci, avec la bataille arrogante du Medef contre la seconde loi pour les 35 heures. Il s’agit d’un engagement que la gauche doit respecter. Or, on peut craindre comme l’a dit récemment Maxime Gremetz que « les propositions gouvernementales ne correspondent pas aux ambitions affirmées de voir ce grand projet de société libérer du temps pour la citoyenneté, augmenter le pouvoir d’achat source de meilleure croissance et de relance économique, s’attaquer résolument au chômage et améliorer les conditions des salariés par une nouvelle organisation du travail ». Dans un article de L’Humanité, Yves Dimicoli a avancé plusieurs propositions précises concernant notamment le financement de cette loi. Nous proposons la revalorisation du smic horaire, que les aides ne soient pas accordées sans contrepartie chiffrée contraignante et vérifiable en termes d’emploi, que la baisse des charges financières soit une alternative à la baisse des charges sociales.
Les 35 heures doivent se traduire par un progrès de civilisation, tel pourrait être un des points forts de débats et d’actions que nous proposons.
Il en est de même de la préparation du prochain budget de l’État. Disons-le franchement, celui-ci s’engage mal. Le Premier ministre propose en effet, en application du pacte européen de stabilité, de geler les dépenses publiques et sociales. Ce serait négatif. Nous proposons que le Parlement décide de dégager prioritairement des moyens pour l’éducation et la formation, le logement social, les minima sociaux, les petits salaires et les petites retraites, les transports, la santé, le cadre de vie et la promotion des services publics.
Avec les parlementaires communistes, nous proposons de définir quelques grands axes pour aller vers plus de justice fiscale et sociale. Parmi ceux-ci nous réclamons d’intégrer les actifs financiers des entreprises dans le calcul de la taxe professionnelle, d’intégrer les biens professionnels dans l’impôt de solidarité sur la fortune ; d’abaisser les impôts indirects notamment la TVA pour développer la demande intérieure ; de taxer les mouvements de capitaux spéculatifs ainsi que les revenus financiers dans le cadre d’une harmonisation fiscale de l’épargne et du capital dans l’Union européenne ; de réformer la taxe d’habitation pour qu’elle tienne compte enfin des ressources ; de réformer l’ensemble du système des aides publiques accordées aux entreprises afin qu’elles servent réellement l’emploi.
Évidemment, il faudra exprimer ces propositions de manière simple et concise.
Nous appelons de nos vœux une modernisation de notre système de protection sociale qui implique le refus de sacrifier le système de retraite par répartition ou l’allongement de la durée des cotisations ou encore la mise en place des fonds de pensions. Par contre, nous demandons que les revenus financiers participent au financement de la protection sociale.
Nous refusons les privatisations et nous agissons pour une modernisation, une démocratisation des services et secteurs publics en les humanisant par des créations d’emplois comme cela est décidé pour la SNCF ou à EDF. Nous agissons pour la modernisation du système éducatif avec les moyens financiers et humains permettant à chaque enfant d’accéder à une formation de qualité.
De même, on ne peut plus accepter que les grandes entreprises qui dégagent des milliards et des milliards de profits continuent de supprimer des milliers et des milliers d’emplois.
Voilà pourquoi nous demandons que le Parlement soit saisi de la proposition de loi des députés communistes visant à refuser les licenciements collectifs. Une politique gouvernementale de gauche devrait mettre au centre de son action la question de la création d’emplois stables et bien rémunérés. Le débat et l’action contre les licenciements et pour le développement de l’emploi devraient être l’un des points forts de nos activités.
L’impulsion de ces initiatives visant à développer l’intervention citoyenne devrait permettre d’articuler plus efficacement les mouvements sociaux, l’activité des militants communistes, celles des parlementaires communistes et des ministres communistes pour bouger la situation de telle sorte que nos concitoyens perçoivent les effets concrets des changements.

Rendre plus lisible l’apport des Communistes
Ces initiatives seront aussi l’occasion de montrer concrètement le rôle original du Parti communiste français qui, en participant à la majorité de la gauche plurielle et au Gouvernement, n’a qu’un souci : améliorer la situation de nos concitoyens en participant activement et loyalement au débat dans cette majorité et dans la société et en faisant des propositions novatrices pour bouger les choses. Cette démarche, partie intégrante de notre fonction communiste d’aujourd’hui, fera mieux percevoir l’apport original et positif des Communistes à la majorité de gauche mais aussi, à la société.
Elle montrera à des millions de nos concitoyens aujourd’hui dégoûtés par la politique, telle qu’elle se pratique, à quel point leur intervention dans le débat et l’action citoyenne, dans l’intervention politique relayée par un Parti porteur de leurs exigences est utile et efficace.
Nous vous proposons, après la discussion du Comité national, de dégager des propositions fortes pour le débat et l’action ; à partir de ces grands dossiers nationaux sans évidemment évacuer les autres problèmes qui se posent comme celui de la sécurité, celui du droit au logement pour tous, celui de la politique de santé et du refus de la fermeture d’un certain nombre d’hôpitaux et de maternités, celui du respect de l’environnement, de la régularisation des sans-papiers, celui d’une ruralité vivante en préservant une agriculture moderne de type familial assurant la qualité alimentaire.
C’est pour en débattre et pour agir que nous proposons que dès les prochains jours et durant tout l’été jusqu’à la Fête de L’Humanité que les responsables du Parti notamment les membres du Comité national, les parlementaires, les élus locaux, départementaux et régionaux aillent à la rencontre des populations dans les quartiers, sur les lieux de travail, dans les villages pour débattre de ces enjeux et aider nos concitoyens à intervenir. Cette initiative nationale doit être visible partout. Elle pourrait prendre la forme de l’organisation de caravanes à travers les départements ou de l’organisation d’une multitude de journées de rencontres conviviales sur les lieux d’habitation et de travail, où nous débattrions des moyens d’amplifier les réformes progressistes tout en assurant le succès de la Fête de L’Humanité avec la diffusion de la vignette.
Dans chacune de ces rencontres, nous mettrions à la disposition des habitants, des salariés, des cahiers pour exiger les changements tant attendus où ils noteraient leurs besoins, leurs attentes. Ces cahiers seraient ensuite portés dans les préfectures ou sous-préfectures par des délégations construites avec les habitants eux-mêmes, les représentants des mouvements sociaux et associatifs. Un regroupement de toutes ces demandes pourrait être fait au cours de la Fête de L’Humanité avec des délégations d’habitants du maximum de quartiers et de salariés du maximum d’entreprises qui pourraient participer à un débat sur le même thème de la réussite du changement à gauche, avec des parlementaires et des responsables communistes.
En même temps, nous voulons discuter avec tous ceux qui veulent que le changement réussisse de la question du rapport des forces politiques à créer et donc de celle de la nécessité d’une influence plus grande du Parti communiste. Nous voulons proposer à tous ceux qui refusent l’ultralibéralisme et qui aspirent à une autre société faite pour les êtres humains de s’organiser dans un Parti communiste moderne, dynamique, utile pour eux et pour la transformation sociale. Nous invitons aussi celles et ceux qui veulent rénover la politique à prendre leur place au Parti communiste. Nous leur proposons de nous rejoindre tels qu’ils sont avec leurs idées et leurs motivations pour enrichir la mutation communiste afin de rendre le Parti communiste français plus efficace pour la transformation de la société.
Cher(e)s camarades, j’arrive au terme de cette introduction qui visait à faire le point du débat dans le Parti ; à dégager de premières pistes de réflexions, d’actions et de propositions pour la prochaine période et à lancer une vaste consultation pour décider des formes et du contenu de notre prochain congrès.
Chacune, chacun d’entre nous, l’ensemble des Communistes et bien au-delà, nous savons l’importance exceptionnelle que revêt notre réunion. Je suis convaincu que nos travaux, la richesse de notre discussion vont nous permettre de faire face à toutes nos responsabilités.

 

Robert Hue - Intervention au Comité national 24 juin 1999

Si j’interviens à ce moment de notre discussion, ce n’est évidemment pas pour clore le débat engagé depuis ce matin, et qui va se poursuivre demain. Tout au contraire, je souhaite dans le prolongement de la lettre que je vous ai adressée, et à partir de ce que j’ai entendu dans vos interventions, vous faire part de quelques réflexions et vous soumettre des propositions qui pourront déboucher sur des décisions de notre Comité national.
Cette session du Comité national est importante à plusieurs titres. D’abord parce que nous procédons à l’analyse des résultats d’une élection qui aura des conséquences marquantes, sur la vie de notre pays, de notre continent.
Mais précisément, ce scrutin important est marqué par une abstention record. C’est évidemment lourd de signification. Pour l’Europe et pour la vie politique française.
On nous dit, depuis le 13 juin, qu’après tout ce n’est pas si grave, il y a toujours beaucoup d’abstentions aux élections européennes. Mais pourquoi faudrait-il considérer cela comme « normal » ? C’est au contraire tout à fait préoccupant.
Et puis le phénomène de l’abstention massive n’est pas limité aux seules élections européennes. Cette abstention croît en effet d’élection en élection depuis plusieurs années.
C’est une question politique d’importance majeure, qui devrait préoccuper tous les responsables politiques du pays. Or, il n’en est rien. Une fois passés les premiers commentaires sur ce fait, qui constitue tout de même le trait marquant du scrutin du 13 juin, on en est vite arrivés à l’ignorer pour se livrer aux délices des spéculations politiciennes à partir du résultat du vote de 47 % seulement des électeurs inscrits.
En fait, on peut se poser la question de savoir s’il n’y a pas là le signe d’une acceptation - voire pour certains d’une satisfaction - de voir la vie politique française évoluer « à l’américaine », avec plus de la moitié du corps électoral « hors-jeu » et des décisions prises par des représentants élus par une minorité de la population.
Pendant la campagne électorale personne n’a été avare de discours sur « le défaut démocratique » d’une Europe si éloignée des citoyens. De même depuis plusieurs années, il est de bon ton de s’inquiéter de la profondeur du fossé qui se creuse entre politique et citoyens. Mais une fois l’élection passée beaucoup s’en accommodent ! Il serait dangereux pour la démocratie qu’un consensus s’établisse pour considérer que la seule élection qui vaille et qui compte est l’élection présidentielle, et que les autres scrutins sont finalement d’une importance secondaire.
En tout cas, nous, Communistes, ne serons pas de ce consensus ! C’est à l’opposé de tout ce qui fonde notre identité politique, notre conception de la politique. Une conception qui fait de l’investissement citoyen le moteur de la vie et de la transformation sociale.
Le Comité national revêt une grande importance aussi parce que nous avons entrepris de tirer les premiers enseignements du résultat plutôt décevant de la liste « Bouge l’Europe ! », que nous avions pris l’initiative de constituer avec pour tête de liste le secrétaire national du Parti communiste.
Chacun a noté la tonalité inhabituelle de notre réaction à l’annonce de ce résultat le 13 juin au soir. Nous avons reconnu sans ambages qu’il ne correspondait ni à nos espérances ni à notre investissement dans la campagne. Nous avons souligné l’importance de tout ce qui a pu empêcher la campagne de se dérouler comme elle l’aurait dû. Mais sans cacher que ces difficultés imprévisibles et exceptionnelles n’expliquent pas tout. Et que le problème de fond qui nous est posé est celui de notre capacité à convaincre de l’importance, des enjeux et de l’utilité du vote pour notre liste.
J’y reviendrai. Ce que je veux pour l’heure souligner c’est le sérieux avec lequel les Communistes ont entrepris l’analyse de ce qui s’est passé et leur volonté de mener par eux-mêmes cette analyse jusqu’au bout, sans complaisance, et de façon constructive, afin de dire les conclusions qu’ils souhaitent que leur Parti - et d’abord ses premiers responsables - en tire pour l’avenir.
On est loin du psychodrame annoncé. Et loin des déchirements dont certains faisaient par avance leurs choux gras. Nous sommes confrontés à un problème sérieux, grave, Qui va bien au-delà d’un résultat décevant, dans le cadre d’un scrutin qu’une majorité d’électeurs a boudé.
Nous ne voulons pas relativiser ce résultat. Il est grave que nous n’ayons pas su faire partager à l’électorat communiste notre conviction qu’il lui fallait intervenir dans la construction européenne. Ce qui l’a emporté en fin de compte, c’est la prise de distance avec cette construction européenne, voire le refus de s’y engager, et pas la démarche à la fois critique et constructive que nous avions proposée à notre électorat.
Or, le choix de cette démarche ne nous a pas été dicté par des calculs électoralistes - qui auraient été, au demeurant, bien peu sérieux ! Nous savions qu’il nous faudrait produire de gros efforts pour convaincre. Constatons sans fard que nous n’y sommes pas parvenus comme nous l’avions ambitionné.
Ce résultat, au-delà de l’objet même du scrutin et des conditions assez peu ordinaires dans lesquelles s’est déroulée la campagne, souligne deux questions majeures auxquelles nous sommes confrontés !
En premier lieu, si notre orientation fondamentalement, radicalement antilibérale est bien perçue, elle reste pour nombre de Françaises et de Français comme suspendue dans le vide, car ils ne perçoivent pas un autre projet identifiable comme alternative non capitaliste, c’est-à-dire communiste, au libéralisme.
On ne peut pas, je crois, sur ce point incriminer la liste telle qu’elle a été constituée, en suggérant que ce défaut de perception tenait au fait que tous les candidats n’étaient pas Communistes. Tout au contraire, ceux qui ne l’étaient pas ont constamment manifesté le souci non pas de se ranger derrière ou de se rallier à un projet communiste, mais de pouvoir s’appuyer sur un tel projet dans un esprit de dialogue, de confrontation d’idées et de propositions, d’apport des uns et des autres à une démarche commune que toutes et tous plaçaient sous le signe de l’antilibéralisme et d’une volonté transformatrice affirmée.
D’ailleurs, si un tel projet communiste avait été clairement perceptible, la constitution de la liste serait naturellement apparue comme une illustration vivante dynamique, de la capacité à rassembler sur ce projet.
À l’inverse, j’ai la conviction que si la liste avait été composée exclusivement de Communistes, la question aurait été la même : celle d’une alternative communiste clairement lisible, au capitalisme et au social-libéralisme, qui a fait une irruption fracassante dans la campagne à la veille du vote, avec la publication du « manifeste » de Tony Blair et Gerhard Schröder.
Beaucoup de camarades, dans les réunions tenues depuis le 13 juin et ici même depuis ce matin, sont intervenus pour souligner l’importance de cette question. Il nous faut pousser au bout les réflexions engagées. Pour ma part, je considère que nous n’avons pas bien pris la mesure de la profondeur des traces laissées par l’assimilation de notre projet communiste, pendant plusieurs décennies, à ce qui s’est fait à l’Est sous le nom de « communisme », et qui s’est écroulé avec toutes les conséquences que l’on sait. Pour des millions de gens - et c’est même ce que les enfants apprennent à l’école - cet écroulement a laissé les Communistes sans projet voire sans identité. Et de fait, dans nombre de pays, il a été suivi de la disparition des Partis communistes.
Ainsi, pour beaucoup, les Communistes n’auraient le choix qu’entre la nostalgie ou la disparition. Qu’on le veuille ou non, cela influe sur le regard porté sur nos prises de position, nos initiatives.
On l’a bien vu à propos du Kosovo. Notre opposition aux bombardements de l’Otan a été immédiatement assimilée à une manifestation de « solidarité » communiste envers Milosevic, présenté comme le dernier avatar du communisme dans les Balkans.
Et à l’inverse, il s’est trouvé des Communistes, intériorisant le discours les enfermant dans le choix entre nostalgie ou disparition et choisissant la première pour refuser la seconde, qui ont marqué des hésitations ou des réticences devant notre condamnation de Milosevic. J’ai en mémoire certaines interventions lors des débats publics de la campagne électorale. Le moins qu’on puisse dire est qu’elles n’ont certainement pas contribué à rendre clair et lisible notre choix d’un nouveau communisme, rejetant sans appel ce qui l’a défiguré, d’un communisme moderne et rassembleur pour réussir la transformation sociale nécessaire.
Par ailleurs, peut-être nous faut-il réfléchir aux effets réels de l’argument que nous utilisons depuis plusieurs élections : voter communiste c’est peser pour infléchir à gauche la politique actuellement menée.
Reconnaissons d’abord que cet argument n’a pas l’effet escompté sur l’électorat puisque, même si nous enregistrons parfois des progressions, le vote communiste reste à un niveau qui ne correspond pas au rôle que nous ambitionnons de jouer. Faut-il pour autant abandonner l’argument ? Ce n’est pas cela que je suggère. Mais je dois dire que j’ai moi-même ressenti le besoin de lui donner un contenu nouveau - particulièrement en fin de campagne - par exemple lors de la conférence de presse à la veille du sommet de Cologne, ou dans le discours au Zénith de Paris. J’avais en effet le souci d’éviter qu’il soit compris comme le signe, donné par le Parti communiste lui-même, que son utilité se résumerait à sa capacité à infléchir une politique qui n’est pas la sienne propre. Ce qui accréditerait, à notre corps défendant, la thèse de l’absence de projet, d’identité communiste.
C’est pourquoi je me suis efforcé de montrer l’utilité du vote communiste pour ancrer à gauche la France et l’Europe, avant tout comme le moyen efficace pour l’intervention citoyenne, pour le mouvement social afin de faire avancer les solutions novatrices dont il est porteur dans l’action.
Le vote communiste peut avoir cette efficacité parce que justement les Communistes ne se conçoivent pas seulement comme des « relais » plus ou moins passifs ou comme chargés de « traduire » dans le champ de la politique ce qui émerge et se développe dans le mouvement social, mais qu’ils ont l’ambition de le valoriser, de le dynamiser, par leur apport politique, leurs propositions, leur vision de la transformation sociale, leurs initiatives.
Évidemment, de cette inflexion apportée « en marchant », et en liaison avec la réalité du travail opéré avec la liste depuis deux mois, on ne pouvait sérieusement attendre des miracles électoraux… D’autant que le problème demeurait entier : il ne suffit pas d’affirmer l’apport politique des Communistes à l’intervention citoyenne, au mouvement social. Cet apport doit être visible et reçu comme un réel atout pour l’efficacité du mouvement.
Pourtant, font remarquer à juste titre des camarades : nous ne manquons pas de propositions fortes identifiables comme communistes. C’est vrai. Un important travail a été accompli lors des derniers congrès, et par différents départements du Comité national.
Mais si, mises bout à bout, toutes les propositions élaborées peuvent faire un programme, elles ne peuvent apparaître comme un projet. Comme le « nouveau projet communiste » nécessaire, qui doit répondre clairement à des questions fondamentales : quelle société ? Quelle place, quel rôle de l’individu dans cette société ? Quelle conception de la vie sociale, en relation avec les problèmes, mais aussi avec les potentiels de la société française moderne ? Quel projet collectif dans cette vision d’un « nouveau communisme » libérateur d’énergie, mobilisateur ?
Au demeurant, posons-nous la question : quel est le moyen le plus efficace pour pousser à gauche ? N’est-ce pas d’offrir à la gauche une alternative qui lui permette de choisir une autre voie que celle de l’enlisement social-libéral ou d’une social-démocratie de régulation du capitalisme, limitée dans ses ambitions et ses résultats par le fait qu’elle pose dans ses principes même le recul devant les réformes de structures qui permettraient de s’affranchir de la domination des marchés financiers. N’est-ce pas le problème posé à la majorité plurielle pour répondre aux attentes des Français ?
Intervenir efficacement pour ancrer à gauche les choix politiques implique que soit perceptible l’existence d’un projet communiste, réellement novateur, adapté aux réalités d’aujourd’hui, et apte à contribuer à rassembler pour réussir les progrès de civilisation tellement nécessaires aujourd’hui.
En outre, les propositions immédiates, si bien élaborées soient-elles, ne sont crédibles et porteuses d’une dynamique que si elles s’inscrivent dans un projet de société.
Il s’agit donc bien de montrer dans les faits un Parti communiste qui ne limite pas ses propositions à ce qu’il pense pouvoir obtenir dans la majorité plurielle, ni qui multiplierait les surenchères pour marquer une identité, qui alors serait d’autant plus étriquée qu’elle serait réduite à celle d’un « monsieur plus » de la gauche, sans vision ni projet. Il n’y a pas d’avenir pour nous de ce côté-là. L’échec de l’opération trotskyste visant à nous devancer sur cette base vient d’en faire la démonstration.
Vous le comprenez, cette question de la nécessité - urgente - de rentre lisible un projet communiste nouveau est pour moi essentielle, je dirais même existentielle.
Je ne la pose pas seulement depuis le 13 juin au soir. Rappelons-nous ce que nous avons dit au lendemain des élections régionales, ce que j’ai moi-même avancé dans le livre que j’ai publié cet hiver, dont je rappelle qu’il a pour titre : Communisme : un nouveau projet.
Alors ne faut-il pas se poser la question : pourquoi avons-nous tant de mal à définir ce projet, alors que nous en affirmons régulièrement la nécessité, et que nous en avons accumulé les « matériaux » permettant de le construire ?
N’y a-t-il pas, derrière, une autre question : un projet communiste est-il possible alors que ce qui était identifié comme « le communisme » s’est effondré ? Et derrière cette question n’y a-t-il pas au fond un doute sur l’existence d’un autre choix possible que celui du repli identitaire nostalgique, ou de l’alignement derrière la social-démocratie ?
Ces interrogations ne sont-elles pas présentes dans la réflexion des Communistes sur le sens et l’efficacité de la participation au Gouvernement, que de moins en moins de Communistes remettent en cause, mais qui n’en continue pas moins à susciter, on le sait, nombre de questionnements ?
Avons-nous mené au niveau nécessaire le débat sur ces questions, dans le Parti, au-delà de ce que nous avions fait pour préparer notre dernier congrès, ou lors de l’université d’été d’août 1998 face aux pressions fortes du PS suggérant comme seule perspective un alignement à terme derrière une social-démocratie à la française « rénovée » ?
Pour ce qui me concerne le choix est clair : je refuse de me laisser enfermer dans une telle alternative suicidaire pour le Parti communiste. Et je mets toutes mes forces à empêcher que le Parti s’y laisse enfermer.
Nous n’avons d’autres choix, c’est ma conviction, que d’opérer sur nous-mêmes le travail révolutionnaire d’élaboration du projet communiste de notre temps, du « nouveau communisme » sortant « par le haut » du faux dilemme qu’on nous suggère. Et je suis sûr que c’est si nous nous nous refusions à ce travail révolutionnaire que nous nous trouverions pris au piège, sans autre choix que l’évolution vers une secte aussi bavarde qu’inefficace ou vers le ralliement à la social-démocratie. Il n’y a aucune intention polémique dans ce propos. Je ne pense pas ici à ceux qui ont choisi de combattre leur Parti parce qu’ils refusent la mutation. C’est aux nombreux Communistes qui s’interrogent que je pense. La réalité de la vie du Parti est telle qu’ils ne trouvent pas toujours des informations, des arguments, des propositions leur permettant de trouver les réponses à leurs interrogations. Quelquefois, ils ne trouvent pas même le lieu ou le moment pour poser leurs questions. Ces Communistes, dans leur majorité sont pour la mutation. Car ils en perçoivent la nécessité dans ce qu’ils vivent et dans le constat qu’ils font de l’image que ceux qui les entourent se font de leur Parti.
Mais comment ne s’interrogeraient-ils pas sur le contenu, le sens de cette mutation s’ils n’en sont pas dans les faits partie prenante ? S’ils ne participent pas eux-mêmes à l’élaboration d’un projet identifiant bien ce qu’est ce « nouveau communisme », dont nous parlons, et si de surcroît ils ont le sentiment que cela ne change pas, ne « bouge » pas beaucoup dans le Parti, tel qu’ils le vivent ? Il nous faut, je crois, apporter sans retard des réponses fortes et claires à ces questions.
L’autre problème mis en évidence par le résultat, c’est que nous n’avons pas su faire partager concrètement aux Communistes la démarche de la liste. Je dis : partager concrètement, car ce que j’ai en vue ce n’est pas l’accord avec la composition de la liste - je partage ce qu’a dit ,sur ce point Jean-Paul Magnon dans son rapport - mais bien plutôt l’adoption d’initiatives, de comportements traduisant en actes « lisibles » par les électrices et les électeurs, la démarche d’ouverture et de dynamique sociale et démocratique qui a inspiré la constitution de « Bouge l’Europe »
Nous y avons beaucoup insisté lors du Conseil national et de plusieurs comités nationaux : le choix de la double parité n’avait rien à voir avec un coup médiatico-électoral. Il n’avait rien de conjoncturel. Il s’inscrivait dans la mise en œuvre des choix stratégiques de nos derniers congrès. Dans notre volonté de construire du neuf en politique pour s’attaquer à la coupure entre politique et citoyens, entre politique et mouvement social. C’est la même démarche qui nous avait conduits à avancer l’idée d’un pacte unitaire pour le progrès, à lancer les « espaces citoyens », à appeler au lendemain des élections régionales, au développement d’une dynamique majoritaire de changement.
La constitution de la liste, et le style de campagne ont suscité un élan prometteur dans le Parti. Souvent même l’enthousiasme de militants, d’élus, de responsables de cellules, de sections, de fédérations.
Dans le même temps, nous avons tous rencontré des doutes, des réticences, voire des démarches et des comportements qui en contredisaient le sens. Au point d’en amoindrir la signification et la portée chez ceux qui nous regardaient. Le doute a même pu s’installer alors chez eux sur la sincérité de notre démarche, et sur notre capacité à l’assurer et à la mener à bien.
On s’interroge quelquefois : « Cette démarche n’était-elle pas en avance sur le Parti ? » « N’allons-nous pas trop vite ? » Je ne le pense pas. Et j’ai dit pourquoi dans la lettre que je vous ai adressée. En même temps, je pense qu’il y a bien quelque part un décalage préoccupant. C’est, je le crois, le décalage entre la mutation au plan des idées, de la stratégie politique, qui avance, et la mutation du Parti lui-même, dans sa vie, dans son organisation, qui piétine.
Qu’on me comprenne bien. Il ne s’agit pas de se retrancher derrière une soi-disant « résistance » des Communistes à la mutation. Ce qui est en cause, selon moi, c’est notre capacité, à nous, comme premiers responsables, de mettre en œuvre dans toutes leurs dimensions, les orientations que nous proposons. Et je ne cache pas que le temps nous est compté pour réduire le décalage que je viens d’évoquer. Sous peine d’être condamnés à avoir, peut-être, de bonnes idées, de bonnes initiatives, sans avoir les moyens de les mener à bien. Là encore je ne me pose pas cette question seulement depuis le 13 juin au soir ! Il suffit là encore de se reporter à ce que j’ai écrit sur ce sujet dans mon livre.
Permettez-moi de me citer : « Le dixième chantier, celui de l’organisation, du débat, de l’action, de la vie politique des Communistes est inséparable des neuf autres » qui concernaient, eux, le projet communiste de transformation sociale.
« Je le dis sans ambages - écrivais-je alors - si l’on ne bouge pas dans ce domaine - et sérieusement ! - les Communistes ne seront pas en mesure d’assumer leurs responsabilités, de déployer pleinement leur politique. J’entends ce qu’ils disent - leurs critiques parfois vives et souvent justifiées. J’entends leurs attentes et je sais l’urgence qu’il y a à y répondre. »
J’évoquais dans ces mêmes pages certains appels à la prudence qu’on m’avait prodigués lorsque je suis devenu secrétaire national du Parti : « Attention - me disait-on ici ou là -, les Communistes sont attachés à leur façon d’être, de travailler, de s’organiser. Il ne faut rien bousculer. Le Parti serait désorienté si l’on voulait introduire trop de changements dans ce domaine. Il ne laisserait pas faire. » Et j’ajoutais : « Aujourd’hui, parce qu’ils veulent déployer leur politique d’ouverture, de rassemblement pour le changement, les Communistes demandent du changement, « de la mutation » dans le Parti. »
Tel est bien en effet un des défis majeurs que nous ayons à relever dans la toute prochaine période.
Dans ma lettre, j’essaie de tirer les enseignements - y compris pour moi-même - de ce que disent les Communistes - à propos de la consultation pour la constitution de la liste. Oui, une majorité d’entre eux ont eu le sentiment de ne pas avoir été correctement informés et consultés. Ce serait se rassurer à bon compte que d’invoquer des problèmes de circonstances et de délais…
Saisissons ces interpellations pour réfléchir à l’organisation du Parti, à son mode de vie, au rôle des directions, à ce qu’impliquent l’investissement citoyen des Communistes, leurs exigences et leurs attentes. Ce qui est rapporté ici même est, pour moi, très encourageant pour aller de l’avant.
L’analyse du résultat, les questions soulevées, la qualité de la réflexion engagée renforcent ma conviction qu’il est nécessaire que notre 30e congrès soit un congrès réellement « fondateur », avançant dans la définition d’un communisme nouveau bien identifiable par notre peuple, par le mouvement social, par la gauche.
Un 30e congrès prenant à bras le corps le chantier de la transformation du Parti en une organisation communiste moderne, dynamique, répondant aux attentes de ses adhérents.
Et j’y insiste, car j’en reçois quotidiennement les témoignages : beaucoup attendent cela. Il ne faut pas les décevoir.
De qui cela dépend-il. De nous, ici, d’abord. Pas de faux-fuyants, d’échappatoires. Et, surtout qu’on ne cède pas à la tentation de « forcer le destin », en passant « par-dessus » les Communistes, ou à côté. On transformera ce qui doit l’être avec les Communistes ou on ne transformera rien. Et cela vaut pour ce qui concerne ce que nous avons appelé « la force communiste », avec tous ces hommes et ces femmes qui se vivent comme Communistes sans être adhérents du Parti : c’est la transformation du Parti par ses adhérents qui fera de lui le moteur de la mise en mouvement de cette force.
J’en veux pour confirmation les attentes exprimées par nos colistiers. Pour eux il n’y a pas de doute, le Parti communiste doit être à l’initiative dans ce domaine, comme il l’a été pour constituer la liste.
Des dizaines, des centaines de milliers d’hommes et de femmes ont envie que le Parti communiste réussisse sa mutation. Nous pouvons nous adresser très largement à eux, et leur proposer de venir dans le Parti pour la réussir avec nous.
J’entends bien qu’on dit de ma démarche qu’elle a pour priorité l’ouverture du Parti à la société - et je vous avoue que j’en suis fier. Mais c’est pour moi inséparable de l’ouverture du Parti à ces adhérentes et ces adhérents potentiels pour qu’ils soient partie prenante et ô combien dynamique de notre démarche novatrice. Chacun le comprend : j’accorde beaucoup d’importance à cet appel aujourd’hui en leur direction.
J’ai insisté dans ma lettre sur l’importance de la consultation des Communistes, sur la nécessité d’un débat sérieux et approfondi. Pas seulement un moment où l’on dit « ce qu’on pense », comme un défoulement, précédant un retour pur et simple au mode de vie antérieur.
Ce que nous disent les Communistes - et plusieurs d’entre vous l’ont évoqué ici - c’est leur volonté d’être consultés, non seulement pour donner leur avis, peut-être, le cas échéant, pour répondre par oui ou par non, mais surtout pour participer à l’élaboration des décisions.
Le Bureau national propose donc de lancer la consultation afin que les Communistes définissent la façon dont ils souhaitent préparer le 30e congrès, et les questions qu’ils veulent y discuter.
Une telle consultation ne peut évidemment être limitée à la période estivale. Ce ne serait pas sérieux. Nous avons besoin de temps et de travail. Prenons ce temps. Engageons ce travail.
Si le Comité national en est d’accord, nous pouvons décider que cette consultation sera placée sous la responsabilité du Bureau national qui en assurera le suivi semaine après semaine. Il devra vous informer de ce qui se dit. Et il en rendra compte au Comité national le moment venu - peut-être en octobre - avec des propositions de décisions sur la meilleure manière de préparer le congrès.
Pour favoriser réellement la consultation, le Comité national doit prendre ses responsabilités en proposant des pistes, des repères permettant à chaque communiste de travailler et de se déterminer en toute connaissance de cause.
Si le Comité national en est d’accord, nous pourrions décider de la création de groupes de travail qui soumettent à la discussion de premières réflexions.
Un premier groupe pourrait être chargé de la question « quelle alternative communiste au libéralisme et au social libéralisme ? Quel projet et quelle stratégie ? »
Deux groupes pourraient approfondir des questions structurantes, illustrant le contenu concret de ce projet.
Le premier pourrait avoir pour thème : « quelle politique pour déboucher sur une société de plein emploi, de pleine activité ? » avec en particulier la question du contenu de notre projet de « sécurité d’emploi et de formation ».
Le second : « quel contenu à « l’âge nouveau de la démocratie » que nous proposons ? »
Enfin, un groupe serait chargé de travailler à des pistes de réflexion sur le thème « quel Parti, quelle formation politique communiste du XIXe siècle faut-il fonder ? »
Les textes produits devraient être simples, suscitant le débat. Ils se doivent d’être stimulants par une réflexion créative. Ils devront être soumis aux Communistes à partir de la mi-juillet.
Les groupes de travail pourraient être composés de la manière suivante :

1/ Le groupe « Alternative communiste, projet et stratégie » serait animé par
Dominique Grador avec
Sylviane Ainardi
Philippe Arcamone
François Auguste
Joël Biard (Paris)
Claude Billard
Paul Boccara
Gilles Bontemps
Nicole Borvo
Claude Cabanes
Daniel Cirera
Patrice Cohen-Seat
Roland Favaro
Nadine Garcia
Claude Gindin
Serge Guichard
Alain Hayot
Jean-Paul Jouary
Jacqueline Léonard
Jean-Claude Mairal
Henri Malberg
Sylvie Mayer
Jack Ralite
Bernard Vasseur
Marie-Pierre Vieu
Francis Wurtz

2/ Le groupe « Pour une société de plein emploi, de pleine activité » serait animé par
Michel Duffour avec
Jean-Paul Boré
Daniel Brunel
Jean-Claude Danglot
Richard Dethyre
Yves Dimicoli
Mireille Elmalan
Maxime Gremetz
Richard Gispert
Patrick Hatzig
André Lajoinie
Patrick Malavieille
Jean-Marie Martin
Annick Mattighello
Bernard Violain
Pierre Zarka

3/ Le groupe « Pour un nouvel âge de la démocratie » serait animé par
Roger Martelli avec
Jean-Louis Bargero
Joël Biard (93)
Alain Bocquet
Jean-François Gau
Élisabeth Gauthier
André Gérin
Michèle Guzman
Gérard Lalot
Michel Laurent
Lucien Marest
Pierre Mathieu
Jean-Pierre Page
Rémy Perrot
Claude Pondemer
Gérard Streiff
Sylvie Vassalo
Marie-France Vieux
Michel Warcholack

4/ Le groupe « Quel Parti, quelle formation politique communiste du XIXe siècle ? " serait animé par
Paul Lespagnol avec
Alain Blanchard
Bernard Birsinger
Patrick Braouezec
Pierre Blotin
Bernard Calabuig
Denis Cohen
Jean-Marc Coppola
Brigitte Dionnet
Martine Durlach
Denis Duvot
Jean-Claude Gomez
Manuela Gomez
Joëlle Greder
Jackie Hoffmann
Roland Jacquet
Sylvie Jan
Francette Lazard
.Jacques Le Digabel
Patrick Le Hyaric
Jean-Louis Le Moing
Nicolas Marchand
Charles Marziani
Jean-Charles Nègre
Jacques Perreux
Piero Rainero
Jean-Paul Salon
Alain Zoughebi

Chers camarades,
Vous avez pu le constater : mes propos ne visaient pas à conclure la discussion. Je voulais vous faire ces propositions de travail, afin qu’elles puissent être débattues et que nous puissions fixer immédiatement notre cadre de travail pour les semaines à venir, en lien étroit avec les exigences qui s’expriment dans le Parti. Je considère pour ma part que le débat est d’ores et déjà bien engagé. Sur des bases très encourageantes. À nous toutes et tous de créer les conditions pour qu’il se développe de façon créative. C’est de l’avenir du Parti communiste, de l’avenir du communisme en France qu’il s’agit.

 

Discussion
Suite au rapport de Jean-Paul Magnon au Comité national des 24 et 25 juin 1999

Le rapport de Jean-Paul Magnan

Interventions de :
Bernard Vasseur, Alain Gerin, Paul Boccara, Francette Lazard, Antoine Casanova, Jean Wlos, Jean-Paul Salon, Gérard Streiff, Marc Bellet, Annick Mattighello, Henri Garino, André Lajoinie, Jean-François Gau, Yves Dimicoli, Sylvie Mayer, Lucien Marest, Liberto Civit, Alain Pieri, Guy Buecher, Michel Laurent, Catherine Margate, Philippe Arcamone, Daniel Surieu, Pierrette Joachim, Jean-Marc Coppola, Alain Bocquet, Marie-Christine Burricand, Bernard Calabuig, Éric Dubourgnoux, Bernard Violain, Sylvie Jan, Jackie Hoffmann, Maxime Gremetz, Robert Hue, Jean-Claude Danglot, Danièle Sanchez, Roger Martelli, Jean-Pierre Page, Alain Hayot, Martine Durlach, Alain Zoughebi, Michel Dauba, Gérard Lalot, Serge Guichard, Nicolas Marchand, Sylviane Ainardi, Henri Malberg, Jean-Claude Gayssot, Rolande Perlican, Claude Billard, Roland Favaro, Nicole Borvo, Guy Carassus, Élisabeth Gauthier, Jack Ralite, Patrice Cohen-Seat, Pierre Zarka, Brigitte Dionnet, Charles Marziani, Francis Wurtz, Sylvie Mayer (2), Éric Dubourgnoux (2), Claude Pondemer, Dominique Grador, Paul Baccara (2), Claude Cabanes, Jean-Marie Martin, Jacques Perreux, Gilles Bontemps, Maxime Gremetz (3), Pierre Zarka (2), Paule Gecils, Claude Cabanes (2), Marie-Pierre Vieu, Raymond Schwenke, Patrick Braouezec, Richard Dethyre, fin du débat : propositions pour les initiatives de l’été et le congrès
Bernard Vasseur souhaite faire part de son opinion à partir de deux exemples de difficultés que nous n’avions pas prévues. La première tient à l’articulation neuve que proposait notre liste entre « mouvement social » et intervention politique. Ce n’est pas d’aujourd’hui, indique-t-il, que le Parti affirme : « rien ne changera si l’on n’entend pas les aspirations du mouvement populaire, du mouvement social, et nous Communistes nous voulons être les meilleurs représentants, les meilleurs relais de ces aspirations au plan politique ». Mais cette fois, le Parti a fait un choix inédit, novateur : non plus seulement prétendre représenter, lui, les aspirations du mouvement social, mais permettre au mouvement social et de les exprimer lui-même sans intermédiaire. Une manière non seulement de dénoncer dans les mots la « crise de la politique », mais de la combattre en passant à l’acte.
Cette démarche, remarque Bernard Vasseur, est féconde et novatrice. Elle permettait au mouvement social de sortir du rôle de simple pression sur le pouvoir économique et politique et d’avancer sur le terrain politique de la citoyenneté. Cette démarche fut saluée mais pas toujours bien reçue par des acteurs du mouvement social lui-même. À ce propos l’intervenant fait état de ce que lui ont dit plusieurs enseignants syndicalistes « je ne voterai pas pour vous parce que vous êtes au Gouvernement avec Allègre ». Leur ayant répondu « mais sur notre liste il y a Michel Deschamps ». Ils dirent qu’ils ne l’avaient pas remarqué et que cela, de toute façon, les choquait au nom de l’indépendance syndicale ! Ainsi Michel Deschamps était visible et légitime comme anti-Allègre tant qu’il était syndicaliste. Il ne l’était plus, et même en « choquait » quelques-uns dès lors qu’il intervenait au plan politique comme candidat ! Et l’orateur ajoute qu’il a pu vérifier la solidité de ce tabou devant le quasi-échec à obtenir pour le Comité national d’animation des noms de responsables syndicalistes enseignants, parfois même Communistes, tant l’idée qu’il puisse y avoir une intervention politique - et donc une place légitime du mouvement social sur une liste - a été refoulée, en quelque sorte de l’intérieur même du mouvement social.
Mais alors comment faire ? s’interroge Bernard Vasseur. Comment d’un côté se plaindre d’être abandonné, mal relayé, mal représenté, voire « trahi » par la gauche au pouvoir, et de l’autre se dérober quand un parti de cette gauche propose d’entrer en campagne et en politique sans renoncer à être soi-même. Et de faire vivre cette idée que la politique n’est pas le monopole des partis politiques, des professionnels de la politique, mais l’affaire des citoyens acteurs des grands combats qui marquent notre société. Notre liste s’est ainsi heurtée à une culture, venu de loin : celle d’un certain type de partage des tâches entre parti et syndicat, parti et association. Nous avons, avec la liste, avancé dans une voie nouvelle poursuit-il : celle de la « démocratie de participation ». Il dit sa conviction que l’idée n’a pas donné tous ses fruits dans notre résultat parce qu’elle est neuve, mais que loin d’y renoncer, il faut en discuter et l’approfondir.
Bernard Vasseur aborde ensuite entre ce qu’il appelle la seconde question nouvelle posée par la liste décidée par notre Parti - « Bouge l’Europe ! » Elle fut le refus en acte de l’impuissance de la politique, qui marque si fort notre société, puisque - dit-il - on y déclare tous les jours et partout que le « pouvoir des marchés » prend le pas sur le pouvoir politique, les citoyens et les États. La liste fut l’affirmation que la volonté en politique pouvait retrouver sa vigueur si ceux que l’on a écartés du pouvoir, ceux à qui on l’a confisqué, décident de s’emparer de la question. Elle fut celle non seulement de la parité homme-femme, mais celle du combat féministe. Elle fut non pas une « liste-paillettes », mais une liste où des artistes-citoyens affirmèrent que la culture n’est pas ce supplément d’âme, mais l’autre nom d’un épanouissement humain maîtrisé, c’est-à-dire centré sur la liberté. En ce sens, indique l’orateur, la vraie alternative à l’Europe du fric et de la finance n’est pas seulement l’Europe sociale, mais l’Europe de la culture. Car la culture c’est le social, plus la liberté des individus.
Cette liste ne fut pas un « discours de plus à la jeunesse », mais la décision d’y inclure douze jeunes dont certains en position éligible. Cette liste ce fut aussi la décision de permettre à quelques membres du plus grand parti non politique de France - celui des ex-Communistes - d’intervenir à nouveau en politique. Cette liste, ce fut encore une liste qui donnait son vrais sens à l’ouverture. Car « l’ouverture » est surtout en son fond, une ouverture en acte à la société. Cette liste, nous l’avons voulue comme l’équipe de France de football : « black-blanc-beur », parce que la société française est ainsi, métissée, parce que les forces populaires sont ainsi, et parce qu’un Parti communiste qui sut en d’autres temps intégrer les ouvriers en les agrégeant au combat politique, se doit aujourd’hui, s’il veut être de son temps, d’intégrer en son sein - de la cellule au Comité national - cette France populaire et métissée qui est celle du « nouveau communisme ». Prise en ce sens sociétal, « l’ouverture » n’est pas le risque de la dilution de l’identité communiste. Elle en est l’avenir. Un avenir qu’il est grand temps de regarder en face et vers lequel il est urgent de se hâter.
Cette liste, conclut Bernard Vasseur, fut à bien des égards - on le voit encore mieux au terme de cette campagne - la mise en acte de la mutation communiste, parce qu’elle visait à donner à la politique de l’humanité, de l’authenticité, de la jeunesse et aussi de la simplicité. Il indique enfin que les candidats qui la construisaient et bien des membres des comités d’animation de la campagne ont souhaité continuer l’expérience après l’élection. Robert Hue leur a dit : « d’accord ». Bernard Vasseur souhaite que nous nous y engagions aussi. Et résolument.

André Gerin indique qu’il y a besoin d’un débat approfondi, au grand jour, public, pour analyser les résultats avec tous les Communistes et au-delà sur la durée. Cela est d’autant plus nécessaire à ses yeux que depuis 1984, nous observons une tendance de fond qui met en cause notre légitimité populaire et politique. Il considère que le résultat obtenu est un échec pour le Parti et que la question de son avenir comme force politique de premier plan est en question. Il plaide donc pour que le temps soit pris avant de lancer la préparation du congrès pour examiner, avec tous les adhérents, nos méthodes, nos structures pyramidales, nos modes de fonctionnement pour aller vers une avancée sans précédent de la démocratie, de notre mutation.
L’orateur considère ensuite que si la consultation pour notre participation ou non au Gouvernement a été une initiative innovante, cela a été vécu différemment, avec beaucoup de défiance pour celles qui ont suivi concernant les régionales, L’Humanité, la liste « Bouge l’Europe ! ». « Nous devons nous interroger » lance André Gerin, « car nous sommes à un moment crucial et il existe un immense espace dès lors que nous sommes capables de poursuivre la mutation sans mutiler ce que sont les points forts de notre Parti, de son histoire ». Nous devons nous interroger aussi sur ce qui dépend de nous et considérer que ce n’est pas seulement la faute des autres. L’avenir et le renouveau d’une force communiste au XXe siècle dépendra de son enracinement populaire, de sa radicalité positive et constructive, porteuse d’une nouvelle identité communiste. Après avoir évoqué l’abstention sanction contre la politique gouvernementale mais aussi de Communistes en désaccord, il faut, poursuit l’orateur, repréciser le sens de notre participation gouvernementale pour endiguer la tentation libérale, donner une lisibilité, une liberté politique du Parti, sans se fondre et se confondre. André Gerin évoque ensuite la nécessité sur toutes les grandes questions que sont les privatisations, les services publics, la sécurité, la santé, la sécurité sociale, les choix budgétaires de la nation, qu’il faut bouleverser pour tout ce qui touche à la vie quotidienne des gens, aborder les questions autrement avec l’idée de rendre plus percutante notre intervention en conjuguant l’activité des députés communistes, l’activité du Parti et de ses dirigeants. Dans cet esprit, proposer des objectifs de choix budgétaires de la nation réorienter sur les 3 à 5 ans à venir. Il propose par exemple que la proposition de loi contre les licenciements soit l’objet d’une grande campagne de pétitions dans les entreprises.
Appelons les habitants, les salariés à conquérir les pouvoirs partout où il y a des pouvoirs à conquérir, à intervenir sur le champ politique. Il considère que le Parti communiste français peut apporter un regard renouvelé et susciter d’autres comportements pour revaloriser la politique en mettant l’accent sur les grands combats de notre temps et faire reculer une relation dégradée chez les plus jeunes entre les citoyens et la politique.
En conclusion de son intervention, André Gérin appelle au travail ensemble, dans la fraternité pour porter notre projet de la visée communiste, une organisation communiste du XXIe siècle où l’adhérent doit avoir le dernier mot. C’est dans le bouillonnement d’idées, et dans l’action, que nous devons nous ouvrir et travailler avec tous les Communistes et au-delà avec toutes celles et tous ceux qui pensent qu’il faut à la France une force communiste. Le moment de l’électrochoc est venu.

Paul Boccara estime que le choc du résultat de notre liste interpelle sur notre mutation et sur notre orientation stratégique. Il en tire deux convictions : d’abord notre mutation et notre ouverture pour la transformation sociale doit se développer. Mais aussi nous souffrons de déséquilibres : d’une part entre avancées de forme et timidité des avancées de fond, des propositions et d’interventions sur elles, d’autre part entre le besoin d’union à gauche et le besoin de critiques fortes par des propositions alternatives afin de dépasser les contradictions du Parti socialiste au Gouvernement entre objectifs sociaux et moyens financiers suivant les injonctions des marchés financiers.
Le PS a besoin du PCF. C’est ambivalent. Cela peut ouvrir une marge. Mais aussi il cherche à nous intégrer et nous pouvons porter le chapeau. Critiquer les tendances au social-libéralisme du PS, en avançant des propositions constructives à partir de mobilisations de terrain, ce n’est pas faire le jeu de la droite, au contraire. Rappelons-nous comment Chirac est passé aux présidentielles sur la « fracture sociale » développée par le PS.
Certes, nos propositions de fond ont été mises en avant dans la campagne mais trop peu et trop tard. Heureusement, il y a eu la conférence de presse de Robert Hue sur l’Europe sociale et l’emploi à la veille du sommet de Cologne, mais tardivement et mal utilisée. Il a proposé trois volets : des objectifs d’emploi et de formation contraignants, des moyens financiers, et surtout une construction politique nouvelle : des interventions sur les objectifs et les financements depuis le plan local, jusqu’au plan national et européen.
Trop souvent on n’a retenu, comme L’Humanité, que les objectifs sociaux, oubliant les moyens financiers et surtout la construction politique. Dans le débat télévisé à quatre, est venue la question de ce que l’on a appelé un « Grenelle social européen » à propos des propositions de la conférence de presse de Robert Hue. Arlette Laguiller a dit : « Grenelle oui, mais avec les luttes » et François Hollande : « Grenelle oui, nous le faisons ». Mais au sommet de Cologne, c’est le contraire de ce que nous proposons qu’ont organisé les ministres socialistes avec les autres : des rencontres de sommet des ministres et de la Commission avec les partenaires sociaux, prétendument pour l’emploi, pour continuer les réformes libérales. C’est tout à fait différent de l’intervention politique à tous les niveaux des travailleurs, des citoyens, des élus, sur des propositions précises d’emplois, de mises en formation, de financements avec des engagements contrôlables.
De la même manière, les luttes traditionnelles soutenant des négociations au sommet, c’est autre chose et cela ne fait pas le poids face aux tentatives d’intégration au sommet et face aux aspirations à intervenir.
Le projet d’une « sécurité d’emploi et de formation » est sous-estimé. Il va bien au-delà du plein emploi traditionnel, avec l’importance primordiale de la formation, et la suppression du chômage. Mais il faut le concrétiser sur le terrain pour transformer les situations de minima sociaux, insuffisants et sans insertion, de stages bidons, d’emplois dits aidés, précaires, etc., avec les intéressés.
Au sommet de Cologne, L’Humanité, suivant les médias dominants, a fait apparaître Jospin comme isolé, alors que sur le fond des politiques monétaires et budgétaires il a participé aux options dominantes. Cela ne nous a pas aidés à montrer l’utilité des Communistes. De même, à propos du manifeste social-libéral de Blair et de Schröder, ce n’était pas une « peau de banane » pour Jospin qui s’en est servi pour dire : « Votez pour nous, car nous sommes très différents », alors qu’il est d’accord avec eux sur beaucoup de points importants.
L’orateur précise qu’il est en accord avec la consultation de tous les Communistes mais selon lui celle-ci doit se faire en lien avec l’organisation des expérimentations de luttes nouvelles sur le terrain. D’accord aussi pour nous associer avec nos amis, mais pour le dialogue entre leurs idées et les propositions des Communistes pour avancer sur le contenu rassembleur.

Francette Lazard relève tout d’abord un double paradoxe. D’une part, alors que nous avons mis au centre de notre mutation la promotion de la capacité d’initiative des individus en valorisant le rôle primordial du militant, nous n’avons pas réussi à impliquer la majorité des Communistes dans la réussite du pari de la liste. D’autre part, concernant notre projet communiste, alors que nous y travaillons comme jamais, jamais il n’est apparu aussi flou.
La puissance des questionnements qui s’expriment dans le Parti est considérable, dit-elle. Elle porte sur le sens même du choix communiste, sa raison d’être, pour soi personnellement et pour l’avenir, avec bien des doutes sur la possibilité d’ouvrir un espace d’influence nouveau qui donne corps à la visée communiste. L’échec de notre pari n’invalide pas la démarche de novation politique, mais à condition que l’expérience enseigne. Mieux vaut en effet une expérience qui incite jusque dans ses limites à avancer qu’un immobilisme qui enfonce dans le repli et la sclérose. Mais cela suppose une réflexion très exigeante pour nous tous ici, pour que chaque militant dégage mieux le sens de l’ambition d’un communisme pour le XXIe siècle. Ambition qui est elle-même un pari car nul, nulle part, n’y a encore répondu. Nous explorons à bien des égards en pionniers, ajoute-t-elle. Cela ne simplifie pas les choses ! Nous avons choisi de continuer l’immense aventure humaine d’un communisme enraciné dans l’histoire nationale française. On ne construit pas à neuf sans les hommes et les femmes d’aujourd’hui, et donc sans mémoire. Les motivations et les aspirations les plus personnelles des militants s’inscrivent dans une expérience collective, une culture. Nous pouvons mieux voir maintenant avec quoi il nous faut rompre pour avancer : tout un ensemble de conceptions, de représentations et de pratiques formé dans la période charnière de la fin du XIXe siècle aux années 1920. Nous sommes confrontés à un changement de phase majeur, à une nouvelle charnière de l’histoire, avec le télescopage de l’ère de la révolution industrielle qui s’achève et de celle de la révolution informationnelle qui s’accélère, avec toutes les contradictions qu’expriment les ravages d’une mondialisation sous hégémonie capitaliste. L’alternative, poursuit-elle, réside dans des propositions qui prennent sens dans et par leur articulation avec l’affirmation de notre projet communiste. Ce pari d’un nouveau projet, il nous faut le rendre intelligible, lisible, actif ; et cela dans le quotidien d’une conjoncture politique hautement contradictoire. Une fonction communiste nouvelle se cherche pour œuvrer en tous terrains à des avancées positives. Mais personne ne dispose d’un décodeur qui garantirait la clarté de l’image. Et ce n’est pas d’abord un problème de communication mais bien d’une conception du Parti et de responsabilité des directions. À propos de la promotion de l’activité militante, elle relève que les pesanteurs, le poids des conceptions d’hier, des pratiques inadaptées, ne sont pas seulement présentes dans les zones de vieilles implantations électorales ou dans les échelons intermédiaires de l’actif militant du Parti ou de ses cadres. Ne nous le dissimulons pas, nous sommes concernés ici comme direction.
Nous avons besoin, insiste-elle, d’un effort organisé de partage des motivations, des attentes, des expériences, des sensibilités et des idées pour une construction commune vivante. Cette valeur de partage est essentielle. Elle transforme les priorités de la responsabilité des directions, car il s’agit d’abord de partager l’expérience, d’inciter à cerner les contradictions et les obstacles, à saisir le pourquoi de l’évolution des positions, et de motiver pour imaginer. Autrement dit, il s’agit de transparence. Nous sommes encore loin du compte à tous les niveaux.
Rompre avec des décennies de pratique est une démarche grosse de contradictions et de tensions. Nous sommes à un tournant où nos anciennes façons de diriger tendent à ne plus fonctionner comme hier et où les nouvelles ne sont pas encore là. Francette Lazard suggère en conclusion d’inventer déjà un mode de préparation qui contribue à ce grand effort de novation dans toute la vie du Parti.

Pour Antoine Casanova le niveau atteint par l’abstention, en France, mais surtout dans l’ensemble des pays de l’Europe, est l’expression d’un profond malaise face aux politiques dominantes. Il est en même temps et par ailleurs le signe des exigences et des attentes qui sont celles des peuples dans les domaines comme ceux de la justice, de l’emploi, des besoins sociaux. Des pratiques convergentes et libératrices pourraient être mises en œuvre pour les faire aboutir, alors qu’il est plus nécessaire que jamais de donner à comprendre les processus politiques concrets et globalisés, pour tout un chacun, pour le présent et l’avenir, et que se pose parfois de manière aiguë, parfois de façon difficile et déchirante, la question du sens et des contenus concernant la vie humaine en société.
C’est ce type de questions éthiques et politiques qui s’est posé à l’occasion de la guerre en Yougoslavie. Au travers de la condamnation de la politique criminelle de Milosevic, la question posée était : quel sera l’ordre du monde ? Le président Clinton a d’ailleurs indiqué hier que la méthode des bombardements appliquée au Kosovo était de portée planétaire universalisable. Quelle voie en effet sera retenue pour faire respecter les droits de l’homme et ceux de chaque peuple dans la vie mondiale ? Celle de l’ONU (faisant toute leur place au droit des peuples) ou celle de l’Otan (assurant l’hégémonie américaine et des capitaux financiers) dans un univers de « guerre économique » comme Javier Solana l’a lui-même précisé ?
Dans ce mouvement conflictuel, c’est un des aspects crucial, d’autant que nous avons affaire à une grande bourgeoisie (et plus précisément « la communauté financière » pour reprendre un terme du Figaro), qui démontre sa capacité à construire, à élaborer et conduire un projet de société en partie novateur, mais cruellement régressif, et à faire vivre sa stratégie au quotidien, notamment en travaillant à lui donner les aspects de l’évidence et à la présenter comme une nécessité, une irrésistibilité qui serait celle de la modernité scientifique et technique contemporaine. Les gouvernants socialistes (surtout en Grande-Bretagne et en Allemagne, mais aussi en un autre contexte et sur d’autres modes en France) concourent pour leur part à présenter le néolibéralisme comme une réponse incontournable qui serait dictée par « la » mondialisation. Cela alors que beaucoup, dont le pape, disent maintenant avec force qu’il est nécessaire d’ouvrir une autre voie que celle que veulent les marchés financiers.
Notre rénovation, passe par un partage des expériences : celles concernant le contrôle populaire des capitaux évoqué par Paul Boccara. Celles des formes nouvelles de mobilisation, illustrées, par exemple il y a quinze jours à Cologne. Le mouvement des associations chrétiennes et des églises du COE, du catholicisme, s’est appuyé, avant la tenue du G8, sur une pétition qui se poursuit et qui a déjà recueilli plus de douze millions de signatures de par le monde et plus de 550 000 en France. Ce mouvement souligne la place de l’intervention politique des peuples par son contrôle des ressources de la planète et une autre répartition de la richesse, au travers de la question de la suppression de la dette. Il montre d’autres voies de développement que celles des impératifs des ajustements structurels nécessaires au développement du capital financier.
Nous gagnerions à contribuer au développement de telles initiatives. Le G8 a dû commencer à en tenir compte. Cela confirme les possibilités qui existent pour développer des démarches larges et ouvertes, partant des réseaux de la vie concrète et portant en même temps sur des points centraux.

Jean Wlos fait état des premières discussions qui ont commencé dans le Parti sur l’analyse des résultats des élections. D’après son expérience, elles sont « sérieuses et approfondies, nuancées, parfois divergentes, mais se déroulent dans un climat serein ». Il appelle aussi à relativiser le résultat d’élections spécifiques et toujours difficiles pour le Parti. Mais ces résultats peuvent jouer sur notre influence de façon négative. Pour lui, la première question est de savoir si le choix de l’ouverture a été le bon. Si le résultat n’a pas été celui escompté, la liste à double parité aura été un des événements de la campagne, répondant dans le principe au besoin de changer la pratique politique qui s’exprime sous diverses formes.
L’analyse des résultats permet de penser qu’une liste plus traditionnelle n’était pas la solution. Ainsi, au vu des sondages portant sur les nouveaux électeurs, « des électeurs qui, lors des législatives auraient voté PS (18 %) ou se seraient abstenus (10 %) ou qui, pour des présidentielles, auraient voté Jospin (25 %), se sont portés sur la liste “Bouge l’Europe !” Notre recul est plus marqué là où notre influence est forte, mais ce n’est pas général puisque nous progressons dans 50 villes importantes ayant ou ayant eu un maire communiste, contre 125 villes du même type où nous reculons ».
La principale déperdition provient incontestablement de l’abstention. Si les transferts des électeurs Communistes vers la liste LCR-LO sont mis en évidence par les sondages, les transferts dans l’autre sens existent. Le transfert de voix communistes vers la liste Cohn-Bendit est marginal, celle-ci bénéficiant surtout de l’apport d’abstentionnistes de 1997 (32 % de son électorat). Pour l’orateur, il s’agit d’un vote conjoncturel, le vote Waechter en 1989 à 10,6 % n’ayant pas été confirmé aux élections suivantes. Les élections européennes ne donnent pas, jusqu’à maintenant, une nouvelle structuration des forces politiques.
Les Verts expriment tout à la fois le souci de l’écologie et de problèmes sociétaux sensibles, dans certaines catégories sociales, le désir de construction européenne et l’ambiguïté face au libéralisme, et aussi une certaine distance envers la politique gouvernementale. Enfin, certains électeurs communistes ont pu être tentés par la liste des chasseurs exprimant leur mécontentement de façon concrète sur la construction européenne mais aussi leur souci de l’aménagement du territoire et des questions de la ruralité.
Pour Jean Wlos si les camarades étaient majoritairement d’accord avec le principe de la liste, beaucoup ont eu le sentiment d’être insuffisamment écoutés et associés. Il faut sans doute mieux prendre en compte cette attente. Dernière question abordée par l’auteur : quelle suite et quelles propositions pour l’avenir ? « Nous ne sommes plus seuls sur le constat des ravages du libéralisme, sur un nouveau rôle de l’argent. » Il en veut pour preuve la réaction, en paroles, de Lionel Jospin à propos du manifeste de Schröder et de Blair. Mais nous avons du mal à récolter les fruits électoraux de nos positions pourtant souvent partagées pour éviter leurs dérives vers le social-libéralisme. Certains essaient, au contraire, de nous y intégrer. Cela montre que pour faire avancer notre vision de la visée communiste beaucoup reste à faire, pour en préciser les objectifs. Cela dépend de nous et de notre capacité à développer notre politique novatrice avec tous les Communistes.

Jean-Paul Salon, de la salle, souhaite qu’un débat s’engage sur les questions de fond et les pistes de réflexions évoquées par Paul Boccara et Francette Lazard.

Toujours de la salle, Gérard Streiff intervient, sur l’interprétation du scrutin. Il trouve le rapport de Jean Paul Magnon « mesuré » quant à la lecture des résultats des élections. Il s’agit, en effet, selon lui, de ne pas faire dire à cette élection plus qu’elle ne le fait. Cela dit, « la tranquillité n’est pas de mise non plus parce que les résultats de la liste “Bouge l’Europe !” ne sont pas bons et surtout parce que 80 % des Français les ressentent comme un échec ».
Gérard Streiff se déclare donc d’accord avec les propositions d’actions à lancer dès cet été. Il relève aussi que l’élection offre une image de l’opinion française. Il y a cette grande indifférence (près de 60 % d’abstentionnistes). Et puis souligne-t-il : « On ne peut pas dire que la société soit traversée par un formidable mouvement social ni par un énorme appétit citoyen. » Les gens n’apprécient pas le libéralisme contre lequel ils demandent protection. « Mais ils doivent nous trouver bien présomptueux à vouloir changer la France et le monde. » Le score est donc à lire aussi à travers ce décalage entre les ambitions du PCF et cet état de l’opinion.

Marc Hellet intervient lui aussi de !a salle. Il partage en partie la remarque de Gérard Streiff sur la nécessité de ne pas survaloriser les résultats des élections européennes. Il rappelle que d’autres élections de ce type ont déjà produit des bouleversements politiques : la poussée du Front national en 1984, celle des Verts en 1989, le score de Tapie en 1994. L’attente d’une nouvelle « surprise » de cet ordre, relayée par les médias, a marginalisé les vrais enjeux tels que l’Europe sociale, les institutions communautaires… L’abstention constitue un rejet de la politique telle qu’elle se vit aujourd’hui, un refus préoccupant, mais elle est aussi l’expression d’attentes fortes porteuses d’espoirs, de possibilités. Il faut entendre ces 60 % de citoyens qui se sont exprimés en boudant les urnes et les listes. Le résultat n’est pas à la hauteur de nos espérances et les Français le voient comme un échec. Certes. Mais il n’y a pas à s’auto-flageller pour autant.
Le rapport de Jean-Paul Magnon, la lettre de Robert Hue et d’autres interventions ont bien posé le problème comme un défi à relever qui interpelle directement le Comité national. Il s’agit de construire une intelligence des faits en osmose avec la société, non en se constituant comme un relais de celle-ci, mais comme une force politique partenaire, avec le mouvement social comme il est. Il s’agit de considérer la mutation de notre Parti comme un développement naturel, révolutionnaire de notre propre politique, offrant un terrain à l’épanouissement militant. Nous devons travailler à un nouveau corpus théorique, plus dense, avec l’ambition, dans une visée communiste moderne, de faire des forces progressistes convergentes au niveau européen, une référence universelle.
C’est vers une restauration de l’idée même de communisme qu’il nous faut poursuivre notre mutation. Celle-ci n’a rien d’une « croisade » contre ceux qui doutent et s’interrogent. La tâche est rude, certes, parce que nombre de nos repères ont été perdus ces dernières décennies avec les idées qui les fondaient. Cette conception neuve portée par la liste « Bouge l’Europe ! » est gage de réussite et nous permettra d’avoir une politique plus autonome. Cela a des effets concrets dans la mise en œuvre de la politique du PCF qui exige un débat plus approfondi.

Annick Mattighello réagit avec son expérience de candidate. La campagne électorale a été difficile. « Nous avons eu du mal à être compris quand nous avons parlé de crise de la politique. Nous avons dû beaucoup nous justifier par rapport à la participation gouvernementale, aux votes de nos députés ou encore sur l’ouverture proposée. » D’ailleurs, sur celle-ci, le mouvement social ne s’est pas retrouvé : « Trois mois, c’est un peu court pour expliquer notre démarche, même si c’est la bonne. » Une des choses essentielles sur lesquelles nous avons buté, c’est la lenteur des changements en France l’ampleur des problèmes sociaux et le manque de lisibilité d’un projet alternatif.
La guerre du Kosovo a été aussi facteur de troubles. Elle a paralysé nombre de Communistes que les déclarations « tonitruantes » de certains candidats n’ont pas aidés. « Notre position actuelle sur l’Europe, opposée au rejet européen de nos campagnes électorales précédentes, a contribué à notre manque de lisibilité. Dans le Nord, lors du référendum sur Maastricht, 56 % des votants s’étaient portés sur le “non” », poursuit Annick Mattighello. Enfin, le combat interne avec des Communistes, « qui ont marqué contre leur camp », en rajoute aux difficultés rencontrées lors de la campagne. Sans tout ramener au Parti communiste, il y a besoin de tout examiner dans ces résultats. L’abstention est forte, notamment où nous sommes implantés. « Par rapport à l’électorat le plus touché par la crise, nous avons pu paraître plus fades avec la difficulté majeure pour nous d’articuler le pour et le contre par rapport à la politique gouvernementale. » Enfin, à la sortie de ce scrutin, le rapport de forces n’est pas bon, en témoigne l’arrogance de Seillière sur les 35 heures, conclut l’orateur.

Henri Garino ne partage pas l’idée que le résultat de « Bouge l’Europe ! » est un échec, même si « cela nous pose nombre de problèmes ». Pour lui, « nous n’avons pas réussi notre pari et la déception est grande chez les Communistes ». Mais le sentiment qui domine aujourd’hui n’est pas l’abattement : « Il n’y a qu’à voir le succès de la fête fédérale de l’Aude qui a suivi le scrutin à laquelle plus de 7 000 personnes ont participé. Dans la fête, ceux qui n’avaient pas voté “Bouge l’Europe !” étaient malheureux, du rapport des forces qui sortait des élections. » « Ils nous demandaient de continuer. » Il est d’ailleurs intéressant de noter qu’une élection cantonale partielle se déroulait aussi le 13 juin dans l’Aude. « Notre candidat a réussi à maintenir notre score (+ 0,8 %), alors que Verts et socialistes ont baissé sensiblement. Même si ces élections européennes sont ressenties comme un choc il nous faut en voir aussi les aspects intéressants. »
Enfin, chez les salariés, notamment ceux qui sont dans la lutte de l’usine Myris, « nous perdons beaucoup. L’abstention est massive. Ces salariés considèrent que nous baissons la garde en participant au Gouvernement. Pourtant ils comptent sur le Parti. Si l’on fait ce qu’il faut en réussissant la consultation proposée, en rendant notre projet plus lisible, plus radical, il y a vraiment des motifs d’espérer pour l’avenir. »

André Lajoinie formule deux observations à partir de la réunion du conseil national de l’Association des élus Communistes et républicains. Tout d’abord sur le comportement des adhérents et des électeurs Communistes traditionnels : incontestablement, « nous avons une perte dans leur participation et dans leur vote ; souvent, ils disent “ne pas avoir été consultés sur la liste”, ou “on écoute plus les non-Communistes que les Communistes…” » C’est pour cela, dit-il, que « j’approuve totalement la proposition d’organiser une consultation de tous les Communistes, profonde, sérieuse. Par ailleurs, et parce que cela m’inquiète, je veux dire que dans cette réunion, une ou deux voix se sont élevées pour dire : “Il faut passer en force.” »
« Je ne partage pas cette idée, indique André Lajoinie. Non, il ne faut pas s’arrêter dans notre démarche et même avec les résistances qui existent. Il faut la faire partager (comme l’a dit Francette Lazard) réellement avec tous les Communistes. C’est un énorme effort. Sur la question de nos propositions, de la visée communiste, il note : « Cela peut être abstrait, cela s’exprime dans les propositions que nous faisons et qui déterminent la société que nous voulons, la transformation sociale. Un exemple : la sécurité emploi-formation. C’est un projet formidable et nous ne sommes pas compris, pas plus que sur la question des licenciements ou celle de l’utilisation de l’argent. Parce que nous Participons au Gouvernement, nous avons en quelque sorte un devoir de réussir pour faire passer des choses transformatrices et démontrer notre utilité. Il faut que nos propositions soient crédibles et portées avec les gens. Il y a urgence à faire partager pour avoir un rapport de forces suffisant. »
« Il faut que les gens s’en emparent, ajoute André Lajoinie. C’est important. Le Gouvernement est majoritairement pour un social-libéralisme. Nous ne pouvons pas affirmer que nos propositions vont réussir. Mais si elles sont portées par de plus en plus de gens, nous pourrons obtenir quelque chose d’une façon ou d’une autre. » Sur ces deux questions, André Lajoinie évoque à la fois : « l’attitude des Communistes qui est un peu préoccupante », et « notre capacité à avoir des propositions dont les gens puissent s’emparer ».

Jean-François Cau intervient dans le débat pour noter qu’insister sur la spécificité des européennes ne signifie ni que leur résultat soit sans effet structurant, ni que nous n’ayons pas à en tirer des enseignements fondamentaux. La donnée primordiale de ce scrutin, c’est l’abstention. 57 % de gens ne se sont pas exprimés. Le « grand gagnant » de cette élection -le PS - rassemble moins de 10 % des inscrits. Et nous ? Notre résultat, c’est 97 personnes sur 100 inscrits qui n’ont pas voté pour nous. Si ç’avait été 96, nous aurions « fait » 9 %. Et avec 95, nous faisions plus de 11 %. Voyons bien où on en est, de qui et de quoi nous parlons, sur quoi nous raisonnons. C’est un énorme problème posé à l’ensemble des forces politiques.
Il y a d’abord la crise de la citoyenneté. De plus en plus, on ne vote que si on a le sentiment que ça vaut le coup, que ça sert. Or, il y a un gros problème de crédibilité de ces élections. Il n’y a pas moins d’intérêt pour l’Europe, mais c’est précisément parce que les gens ressentent que l’Europe a de plus en plus de poids et se construit sans eux qu’ils ont eu le sentiment que ces élections européennes, au fond, ne servaient à rien. En proposant de « Bouger l’Europe ! » - et, ce faisant, nous n’avons pas mis la barre trop haut -, nous nous sommes heurtés à un vrai problème de crédibilité.
Et puis, il y a la crise de la politique elle-même, de la représentation politique. Notre liste a été faite pour essayer de répondre à cette crise, en se donnant pour ambition de favoriser l’intervention citoyenne, de donner un cadre électoral et une expression politique aux exigences du mouvement social. Il y a plusieurs raisons qui ont conduit à ce que nous ne réussissions pas. Le fait est que nous n’avons pas convaincu sur la possibilité d’une intervention politique électorale efficace, qui soit à la portée des citoyens et qui permette de faire bouger les choses. Nous l’avons tous entendu : « La politique, je n’y crois plus… »
Peut-on imaginer une autre politique et faire quelque chose, concrètement, pour aller en ce sens ? Est-ce qu’on peut faire la politique autrement ? Ce sont ces questions fondamentales que posent, une fois de plus, ces élections européennes. Elles nous renvoient à deux questions clés : le projet communiste - contenu et construction politique - et le Parti.

Yves Dimicoli réagissant aux propos de Gérard Streift : qui estimait « qu’une élection européenne, c’est une élection européenne », pense que ce scrutin n’intervient pas dans le même contexte politique, économique et social qu’auparavant. L’euro a été lancé il y a peine cinq mois. On lui donne d’ailleurs sens en Allemagne et en Grande-Bretagne en affirmant que les orientations sociales-libérales de Tony Blair et Gerhard Schröder ont été sanctionnées. En France aussi, les résultats ont un sens. Les sondages sur les motivations de vote traduisent l’irruption nouvelle, très fortes et irréversibles des préoccupations relatives au projet européen dans les débats de politique interne.
Les trois premières motivations qui semblent avoir déterminé le vote des citoyens sont le chômage, puis l’Europe et les acquis sociaux. Les électeurs ont voulu aussi à la fois s’exprimer sur l’Union européenne et porter une appréciation sur le Gouvernement. On retrouverait donc, assez fortement articulées, des attentes renvoyant à un besoin d’Europe sociale et des exigences pour que les moyens politiques soient mobilisés à répondre à ces attentes, avec la question sous-jacente de l’orientation des moyens financiers. On avait d’ailleurs pointé nettement cela au conseil national, dans le rapport de Francis Wurtz, pour lancer les Communistes dans la campagne.
L’ampleur du nombre d’abstentionnistes n’indique pas seulement un progrès du sentiment de fatalité. Il exprime aussi un mécontentement du politique, un ras-le-bol du gouffre qui existe entre promesses sociales et réalisations effectives, car les moyens financiers continuent de jouer contre. Il y a donc une dimension active, « dédélégataire » de ce refus de laisser instrumentaliser son vote par des partis politiques qui s’avèrent incapables - ou qui refusent - d’aider à construire, avec des propositions, précises et un projet politique pas trop flou, les solutions vraiment nouvelles dont ils ont besoin. C’est donc une invitation pour les Communistes à être beaucoup plus inventifs, cohérents et rigoureux, pour être mieux ouverts, avec des propositions réalistes mais radicales, capables d’intéresser aussi bien ceux qui sont d’emblée soucieux de construction que ceux qui protestent.
L’orateur souligne que les résultats sont mauvais, mais « la barre n’a pas été placée trop haute ». L’initiative était forte et nouvelle quant à la forme. Toutefois, elle appelait une grande audace sur les propositions marquant vraiment l’ambition d’une alternative par rapport aux politiques actuelles. Ce qui amenait à rentrer dans les contradictions de la politique du Gouvernement de « gauche plurielle » en France. Le résultat est ressenti comme un échec souvent. Nous avons à apprendre de cette tentative pour rebondir, en corrigeant et en développant jusqu’à innover vraiment.

Sylvie Mayer dit avoir beaucoup apprécié la lettre de Robert Hue, sa volonté de débattre, de ne pas baisser les bras. Échec électoral, oui, mais cet échec vaut pour la totalité des forces politiques. Et pour ce qui nous concerne, rien ne permet de dire que c’est un échec de la mutation. Il ne faut pas extrapoler sur un nouveau rapport de force qui se serait créé à gauche. Par contre, c’est vrai, ces élections expriment de forts enjeux structurants sur la qualité de la vie, la sécurité dans la vie, le besoin de laisser à nos enfants une planète non polluée. Ces enjeux sont en train de jouer en profondeur. Les enjeux européens auraient-ils été dévoyés pendant la campagne ? Je ne le pense pas. Le Kosovo, par exemple, était bien une question au cœur de ceux-ci. Il s’agissait de savoir si l’Europe devait subir la volonté américaine, d’aborder la dimension politique de l’Europe. Est-ce fondé de dire que nous n’avons pas pu faire la campagne comme nous aurions aimé la faire parce que des urgences se sont produites ? Oui, il y a eu des urgences, mais cela ne pose-t-il pas la question de notre aptitude à bien lier nos campagnes électorales avec les questions du quotidien ? Quant à la cause de notre échec électoral, sans doute provient-il pour beaucoup d’un moindre déploiement par les militants Communistes de leurs réseaux. Lors du référendum sur Maastricht, ils étaient tellement convaincus que ces réseaux ont été activés à bloc. Pour la campagne des européennes, nous avons fait beaucoup d’initiatives, mais elles ont été tirées d’en haut, les Communistes ne se sont pas déployés de la même manière. Cela doit nous conduire à tout mettre en œuvre pour que chaque Communiste participe bien à l’élaboration de la politique du Parti et des décisions prises.

Lucien Marest dit partager tout particulièrement l’intervention de Bernard Vasseur. Un repli sur une opposition stérile, incapable de construire à partir des processus contradictoires de la réalité, signifierait à long terme la disparition du Parti. Nous avons gagné, dit-il, beaucoup d’électeurs qui n’ont jamais voté communiste de leur vie. Pour des gens, pour des jeunes en particulier et qui n’ont pas, cette fois encore, voté, la liste a eu un impact réel qui peut payer dans les élections à venir. Je continue de partager l’esprit du Zénith. Quant aux abstentionnistes, ne leur faisons pas dire par exemple qu’ils condamnent la mutation du Parti communiste.
Parlant du résultat sur Aubervilliers, il note que l’attitude du groupe de militants autour de Jean-Jacques Karman, n’a fait que porter l’abstention à 63 %, qu’immobiliser une partie de l’électorat communiste dans l’abstention ou le vote blanc, que donner un plus à Lutte ouvrière, pour finalement faire passer, certes de peu, le résultat du PS devant celui de la liste « Bouge l’Europe ! »
À propos de notre crédibilité, il faut qu’on se parle franchement, dit-il. Si l’on ne s’appuie pas sur tout ce que font bouger nos militants de la vie sociale, nos députés, nos élus locaux, si on ne dit pas le rôle que jouent aussi nos ministres au sein du Gouvernement, si nous accréditons nous-mêmes l’idée que nous ne faisons rien bouger ou presque rien, ici en France, comment ferons nous croire que nous pourrions bouger quelque chose de cette Europe ultralibérale ? Mesurons bien combien cela peut nous handicaper de ne pas savoir faire vivre, lorsqu’il y en a, les avancées que nous provoquons. Pour prendre dans l’actualité récente, ce sont bien des ministres communistes qui viennent de faire capoter le projet de libéralisation sur le rail au plan européen ou qui réussissent dans le sport à faire reculer les forces de l’argent et le dopage.

Pour Liberto Civit, qui est d’accord avec l’analyse équilibrée du rapport, les tassements, les reculs électoraux ne doivent pas masquer les progrès. Ils sont insuffisants certes, mais existent partout. L’orateur s’appuie sur les résultats de Seine-et-Marne où le score de « Bouge l’Europe ! » est en progression de 0,57 % sur 1994. « Nous progressons dans 38 cantons sur 43 et en particulier de plus de 1 % dans neuf cantons, tous dans le même secteur, au centre-ouest du département, où se trouvent les deux villes nouvelles et où le développement démographique, avec des catégories sociales plus qualifiées, plus stables, plus jeunes, est le plus important. Il s’agit d’un secteur où le PS a une grande influence, mais où il subit de fortes variations électorales.
Ces progrès dans ce secteur sont liés à ce qu’a su faire le Parti : Liberto Civit cite l’adresse aux salariés des entreprises, le fait que pour la première fois il ait été mené une bonne campagne politique à la Snecma avec les Communistes et l’existence d’un large comité d’initiative pour la liste "Bouge l’Europe !", les efforts avec la JC en direction des lycées et de l’université, mais aussi à une meilleure réception du message politique émit par Robert Hue par ces catégories. Pour lui cette démarche est à développer mais il faut tenir compte des débats dans le Parti, en particulier tout le monde ne met pas la même chose derrière le terme de mutation. Souvent des adhérents l’interprètent comme une perte d’identité communiste alors que massivement ils veulent être des Communistes de leur temps. De très fortes convergences de valeurs existent. Il faut donc créer les conditions pour les dégager.

Alain Piéri formule quelques remarques à partir du résultat et une première opinion sur la question de la mutation et la validité de la demande de la liste double parité. Le résultat en Corse du Sud malgré une progression de 2,54 % par rapport à 1994, s’il ne constitue pas un bon résultat, il n’est pas mauvais par rapport à la moyenne nationale. Il doit être lu dans un cadre où de fortes Particularités et où l’effet de taille interdit une transposition mécanique au niveau national.
Toutefois, sa caractéristique première et incontestable est une mouvance sensible de l’électorat. Les entrées ont plus que compensé les sorties permettant ainsi une légère progression. Ce résultat marque le soutien à la démarche de la double parité et une adhésion à une autre façon de faire de la politique, dans une région où la perte de repères est très forte. Ce résultat est remarquable d’autant plus que nos difficultés ont été grandes pour engager les Communistes dans la campagne.
Nous n’y sommes pas parvenus pour beaucoup d’entre eux, certains n’ont probablement pas voté.
« J’ai la faiblesse de croire », dit-il, que ce résultat tranche la question de la mutation qui doit être donc poursuivie et valide le choix et l’initiative politique de la double parité. La mutation doit être poursuivie ; la société, pour une grande part, en fixera le rythme et le contenu. Mais, tient-il à préciser, « sans passage en force, bien au contraire, en n’évacuant aucune question » : la visée communiste, la participation au Gouvernement, l’action immédiate et la perspective, les alliances électorales, les spécificités locales et régionales. Bien entendu, cela exige des efforts sans précédent des directions pour modifier les comportements et s’il le fout, l’organisation, car la question posée est bien celle de la démocratie dans le Parti.
Les Communistes veulent participer à la construction des solutions dans un environnement local, national et international dans les conditions d’aujourd’hui. L’une des questions centrales reste pour l’orateur, notre capacité collective à combler le fossé entre cette demande forte et incontournable de démocratie et nos pratiques et organisation actuelles.

Guy Buecher réagit à l’intervention de Lucien Marest. Dans son département, le Haut-Rhin, où 57 % des électeurs se sont abstenus, le département, le Haut-Rhin, où 57 % des électeurs se sont abstenus, le Parti communiste progresse légèrement. Pourtant, ce résultat a été réalisé avec une minorité de Communistes. « Quel est l’obstacle à l’action de tous ? », interroge-t-il. « La mutation est appréciée mais la participation gouvernementale reste un handicap majeur. Il faut réellement entendre ce que disent les Communistes. » Pour l’orateur, il existe une contradiction difficile à dépasser. « En 1995, lors de l’élection présidentielle, nous avions réussi à mettre sur pied un très bon comité de soutien pour Robert Hue. Cette année, cela a été impossible. Les salariés, syndicalistes ou autres, ne souhaitaient pas apparaître comme devenant de fait des soutiens à la politique du Gouvernement. »
Guy Buecher formule une autre remarque sur « notre façon de s’adresser aux gens. Ce que nous proposons est parfois trop compliqué, mal compris. Avec les vacances, si l’on veut que la consultation des Communistes soit une réussite, il va falloir faire un effort de clarté pour que le maximum d’entre eux y participent.

Pour Michel Laurent, la discussion est révélatrice des problèmes auxquels nous sommes confrontés. D’abord sur l’abstention, « notre liste se fixait l’objectif de combler le fossé entre la politique et les citoyens. Nous n’y sommes pas parvenus ». Il nous faut continuer. Au vu du fossé qui s’est creusé, il y a besoin de travail. La question de la proximité de notre action est posée ». Aujourd’hui notre organisation ne permet plus ce travail de proximité. Il convient de réfléchir à cet état de fait.
En Seine-Saint-Denis, globalement, nous perdons dans les villes communistes et nous gagnons dans les autres. « Nous avons perdu dans notre électorat dit “traditionnel”. Nous ne pouvons pas nous résigner à cette situation. Nous ne regagnerons qu’en améliorant le travail de proximité. C’est à tous les niveaux de notre organisation qu’il faut regarder, du local au national. D’ailleurs dans certaines villes, dans certains quartiers populaires, nous gagnons lorsque le Parti vit et agit au quotidien. »
Notre liste, poursuit l’orateur, fut une initiative novatrice, mais « nous avons rencontré deux problèmes qui ne sont toujours pas réglés. Des critiques ont été faites sur certains candidats. Certes, nous ne devons pas faire l’impasse sur les désaccords de gens avec qui nous avons besoin de travailler, mais ces débats ne doivent pas nous empêcher de travailler ensemble : Nous avons besoin de nous tourner vers la société pour assumer nos responsabilités de Communistes. » Michel Laurent termine son propos sur le débat autour du « partage de la décision » en référence à la formule de Francette Lazard.
« Si l’on veut que le Parti construise un projet communiste alternatif, il nous faut y travailler le plus en amont possible avec tous les Communistes. C’est très difficile aussi bien en termes de contenu que de méthode. On a besoin de s’interroger sur les obstacles pour y arriver. Examinons nos problèmes de fonctionnement, travaillons effectivement sur les points structurants de notre projet, et cela à tous les niveaux. » Dans la consultation des Communistes qui commence, l’objectif est de les faire tous participer. Or, « certains n’y croient pas. Comment les motiver, les convaincre qu’ils ont un rôle à jouer ? Enfin, dans nos réflexions, « associons les non-adhérents. Trop de gens qui ne sont pas adhérents partagent nos interrogations, veulent contribuer à nos réflexions, espèrent en notre réussite. Ne sont-ils pas des adhérents potentiels ? Réfléchissons à comment nous allons les intéresser. »

Catherine Margaté considère que la liste a été une bonne initiative qui a notamment permis aux candidats qui y figuraient un réel succès, mais malheureusement devant peu de monde, dans les réunions organisées à Malakoff.
Commentant l’évolution de nos reculs électoraux dans les quartiers populaires, Catherine Margaté juge nécessaire de ne pas faire l’amalgame entre tous les quartiers. Elle constate que c’est dans ceux où logent les plus pauvres et où les conditions de vie sont le plus difficiles que nous perdons le plus de voix. Mais, partageant l’avis de Michel Laurent, le principal constat de ces élections que fait Catherine Margaté, c’est la faible implication d’une majorité de Communistes. Dans les premières discussions s’est exprimé un doute à propos des consultations menées dans le Parti (en particulier concernant celle de L’Humanité et le caractère de la liste) et sur le fait qu’ils ne se sont pas sentis impliqués. Il ne suffit pas de consulter mais de tenir compte des avis des Communistes. Catherine Margaté rapporte par exemple les propos de l’un d’eux lui disant qu’il avait besoin de « propositions concrètes » et non pas d’entendre Robert Hue lui répéter à la radio que le Parti était un Parti ouvert.
Catherine Margaté regrette aussi la méconnaissance qu’ont beaucoup de Communistes des propositions de leur Parti, comment leur donner envie de se les approprier. D’autres pensent que ces propositions sont en retrait à cause de notre participation au Gouvernement. Nous avons à. débattre davantage du contenu de nos propositions, des initiatives des Communistes, des votes de nos députés. Ces difficultés appellent de notre part un effort important visant à une plus grande lisibilité de notre politique et à définir quelques mots d’ordre et propositions claires. Aujourd’hui il faudrait le faire sur le problème des 35 heures.

Selon Philippe Arcamone, les choix inédits qui ont été faits sont un début de réponse à la crise de la politique. Si nous avions fait dans le « ringard » peut-être qu’aujourd’hui les choses seraient plus confortables. La liste à double parité est un défi à tout ce qui domine la vie politique française. Il décline son point de vue selon les trois points suivants. Premièrement celui de la participation au Gouvernement qui est un véritable défi innovant de la vie politique dans la mesure où nous voulons en même temps y être utiles, tout en affichant la volonté de faire jouer au Parti son propre rôle dans la société. Même si telle ou telle mesure gouvernementale ne nous convient pas, nous devons pouvoir agir pour peser et faire évoluer les décisions avec l’aide des Communistes et de la population.
Deuxièmement, l’importance de l’abstention crée un réel climat d’inquiétude et a assommé l’opinion publique. C’est dangereux. Il ne faut pas s’y résigner et continuer à travailler à combler le fossé entre la politique et les aspirations, proposer du neuf dans les pratiques politiques, d’autant que les autres forces politiques minimisent cet aspect (« c’était les Européennes »).
Troisièmement, enfin, nous devons persévérer à cultiver le débat. Avec les espaces citoyens et tout ce qu’ils ont d’innovant, mais aussi en prenant garde, comme ce fut le cas, à ce que la consultation des Communistes ne se traduise pas par le sentiment, pour nombre d’entre eux, d’avoir été dépossédés des choix qui ont été faits. Ce serait dangereux pour la suite. Les Communistes dans leur diversité ont besoin de sentir à leurs côtés les membres du Comité national pour élaborer, comprendre, et mettre en œuvre les propositions retenues. Il n’y a pas d’un côté le Comité national, la mutation, etc., et de l’autre le Parti, qui maintenant est « lourd ». Il lui faut du temps et des moyens nouveaux. En ce sens Philippe Arcamone apprécie la décision d’envoyer un bulletin à chaque adhérent loin de court-circuiter les directions. Il va permettre d’éviter les manipulations, voir les filtres nuisibles « au travailler ensemble ». Par contre, il déplore l’édition de certaines publications qui viennent saper la crédibilité de tout ce qui concourt à faire vivre la démarche engagée. Il ne partage pas ces méthodes qui n’ont pas lieu d’être dans le débat.

Daniel Surieu estime que l’on ne [peut ?] pas se satisfaire des résultats obtenus même si une série de facteurs objectifs ont joué négativement, il s’agit de réfléchir à notre campagne, ce qu’elle a suscité. Il considère qu’après les élections le débat ne peut se réduire à poursuite ou pas de la mutation, car il faut avancer avec les Communistes.
L’activité du Parti dans son département, la Nièvre, n’est pas étrangère aux 10,3 % obtenus. Mais il faut voir le décalage entre la liste du mouvement social et la réalité du terrain et la façon dont nous sommes perçus, ce dont nous sommes porteurs au regard des préoccupations du mouvement social. « Nous sommes peut-être apparus flous sur notre démarche visant à faire bouger le Gouvernement et la majorité. »
Autre aspect évoqué par Daniel Surieu, « n’a-t-on pas laissé penser que la liste suffisait en elle-même pour obtenir un bon résultat ? » Pour conclure il indique que dans le débat actuel des Communistes, il faut savoir écouter et aider les militants sur les lieux de travail, confrontés à des régressions fortes et qu’il y a besoin de beaucoup d’efforts car rien ne peut remplacer nos organisations dans les entreprises.
Pierrette Joachim considère qu’il ne faut pas réduire l’abstention à un désintérêt pour les élections. « Dans les débats, les gens viennent, ce qui montre leur intérêt pour les questions qui touchent à leur vie quotidienne. » Elle considère qu’un message n’est pas passé avec la liste, car les gens attendaient justement que l’on parle de leur vie quotidienne en prenant en compte des colères justifiées sur la politique gouvernementale.
L’ambiance actuelle des discussions dans le Parti est caractérisée par beaucoup d’écoute, de sérénité. Les Communistes veulent qu’on les écoute et qu’on les entende. Il n’y a à écarter personne, il faut aller au-devant de tous les Communistes quels qu’ils soient. Parmi les critiques faites sur la liste et sa campagne, l’intervenante se dit déçue par l’initiative « Femme » du Cirque d’hiver, car il n’y a pas eu de réel débat sur les questions concrètes que se posent les femmes, pas d’échange avec la salle et parce que le Parti n’a pas été associé à sa préparation.
Concernant les structures du Parti et notamment les cellules jugées souvent inadaptées, Pierrette Joachim considère que l’on peut inventer toujours d’autres noms mais ce qui reste déterminant c’est le lien entre les hommes et les femmes qui font le Parti communiste.

Jean-Marc Coppola estime que si les résultats électoraux n’ont pas bougé l’Europe, ils ont bougé le Parti communiste. Ils indiquent à la fois des pertes et des gains. Dans certaines communes des Bouches-du-Rhône, nous enregistrons des progrès de 5 points ; de 10 points dans un quartier d’un arrondissement très défavorisé de Marseille. Ses habitants n’ont pourtant pas vu leur quotidien s’améliorer avec la gauche au pouvoir. Mais ils pensent que les Communistes ne les abandonnent pas. Les résultats positifs obtenus proviennent d’un travail de proximité permanent et efficace de militants et d’élus. Car lorsqu’une distance s’établit vis-à-vis des citoyens, ce n’est pas une liste qui la rattrape. Le rapport du PCF avec les salariés et le mouvement social est trop distant. C’est un vrai souci. Là où l’on réussit à établir des pratiques nouvelles, on obtient des résultats. C’est encourageant, mais l’effort est à confirmer.
La guerre au Kosovo a certes plombé la campagne. Nous avons perdu ceux qui auraient voté pour « Bouge l’Europe ! » si elle n’avait pas eu lieu. Nous avons aussi perdu ceux qui n’ont pas accepté les différences de points de vue des candidats à propos des bombardements de l’Otan. Les abstentions comme les votes exprimés ont indiqué de la défiance vis-à-vis de la « classe politique », de la gauche qui ne répond pas aux attentes et du PCF qui ne semble pas offrir de perspectives. Il faudrait davantage valoriser les avancées obtenues au Gouvernement.
Jean-Marc Coppola se dit satisfait qu’un candidat non-communiste comme Kamel, qui a fait une très belle campagne, veuille continuer l’aventure et estime que même un résultat moins bon n’aurait pas mis en cause la justesse de la démarche. Mais il critique certains comportements dans le PCF. « Interrogeons-nous » poursuit l’orateur qui exprime son accord avec la consultation des Communistes et souhaite que le militantisme n’apparaisse pas comme un sacerdoce, « ce qui décourage, surtout les jeunes ».

Alain Bocquet considère que si on peut trouver beaucoup de raisons aux résultats des élections, elles ne sont pas toutes égales. Il ne pense pas qu’on ait perdu pour n’avoir pas assez discuté de la liste dans le Parti, car, dit-il, « des problèmes de fond qui ne datent pas d’aujourd’hui ne pouvaient pas être réglés en quelques mois ». Il y a un vrai problème avec le monde du travail, quand les ouvriers votent à 8 % pour le PCF, à 16 %, pour le PS, et à 18 % pour le FN et les employés à 7 % pour le PCF et 25 % pour le PS. Il faut bien affronter ces questions qui se poseront lors d’autres échéances électorales. L’orateur souhaite que des priorités soient fixées, l’espace politique défini, le champ d’intervention précisé. Et que les Communistes s’y tiennent !
Il réagit ensuite à l’intervention de Lucien Marest en précisant que s’il y a des ministres communistes, c’est au sein d’un Gouvernement inscrit dans un pacte de stabilité dans le cadre de Maastricht. Les Communistes doivent expliquer qu’il n’y a pas de signe égal entre Gouvernement et pouvoir. Le pouvoir, c’est aussi la commission de Bruxelles, des multinationales dont les budgets dépassent le budget de certains États, c’est le poids du capital financier. Le pouvoir réel du Gouvernement n’a plus rien à voir avec ceux du Front populaire ou de la Libération. Notre rôle c’est de rendre le pouvoir au peuple.
Bien sûr, le Gouvernement et le Parlement peuvent obtenir des avancées, mais les privatisations des entreprises et les plans de licenciement leur échappent. Alain Bocquet demande que les Communistes ne cherchent pas des solutions en eux-mêmes mais là où elles sont, pour aller au débat et à l’action, pas pour déléguer aux députés, mais pour établir un rapport de force qui fasse pression sur la puissance publique et sur les puissances financières. Il faut cesser de réduire le débat aux institutions dans lesquelles se trouvent les Communistes et voir ce qu’est le pouvoir aujourd’hui pour valoriser le mouvement populaire et sa primauté.

Marie-Christine Burricand intervient dans le débat parce que dit-elle : « Je n’ai pas du tout envie de me rassurer à bon compte, dans un moment où je me pose des questions depuis longtemps, où je cherche des solutions, sur la question de la permanence de l’abstention d’une grande partie de l’électorat, et à un moment où il y a beaucoup de questions dans le Parti, où je vis des décrochages du militant. Il ne faut pas exagérer mais je prends au sérieux ce résultat électoral parce que cela me préoccupe beaucoup. » Elle poursuit en défendant l’idée que le résultat ne s’est pas seulement joué dans les deux mois de campagne ; les électeurs n’étaient pas appelés à se prononcer ni sur la mutation du Parti communiste ni sur l’ouverture, mais sur la conception de la construction européenne, sur le projet politique des Partis, sur la question de l’utilité des députés européens. C’est, à son point de vue, là-dessus que nous avons eu des difficultés à nous faire comprendre. Beaucoup de Communistes ont fait référence à la qualité de la campagne de la liste, à la qualité et au nombre des initiatives tenues, l’oratrice partage cette analyse. Mais ce n’est qu’une partie de la réalité. Mais elle précise que la participation active des militants a été très difficile ; le nombre d’habitants et de salariés concernés est au total limité et nous avons rencontré, pour l’essentiel, des gens déjà connus. Le vote lui-même a été gagné à l’arraché ; des électeurs ont indiqué que sans un appel téléphonique, une rencontre au dernier moment, ils n’auraient pas voté.
L’oratrice exprime ensuite sa préoccupation sur la capacité à construire, à développer, à reconstruire des liens de proximité avec les gens à l’entreprise, dans les quartiers, d’autant qu’il existe, là où les urgences sociales sont les plus grandes, un grand scepticisme de la part de gens pour qui, depuis deux ans, rien n’a bougé.
Par ailleurs, il s’agit, pour elle, de donner un contenu à la mutation et à notre projet politique.
Marie-Christine Burricand poursuit en indiquant que la question de quitter le Gouvernement est peu ou très peu présente chez les Communistes et chez les gens. « Nous sommes au Gouvernement et il faut que le Parti joue pleinement son rôle. C’est sur ce rôle qu’il y a débat dans le Parti. Oui à une grande consultation, mais il faut sortir du formalisme : je ne veux pas être consultée sur le fait de savoir si je m’approprie ou pas la politique du Parti, si je suis d’accord ou pas avec une décision du Comité national, mais pour participer à l’élaboration de la politique du Parti et des décisions. »
Il faut faire des efforts pour construire et reconstruire des liens de confiance avec tous les Communistes.

Bernard Calabuig partage l’avis général sur l’abstention. Elle a été massive et populaire. Et elle a constitué des pertes importantes pour nous d’autant plus que nous étions bien implantés dans ces quartiers populaires. Mais, en même temps, on a pu constater des gains de voix dans des couches socio-professionnelles « plus stables ». Si l’on examine plus en profondeur les résultats, l’on remarque que nous avons gagné des voix, y compris dans certains milieux populaires où les liens avec le PCF sont plus solides. De la même façon, dans les quartiers où nous perdons des voix, on assiste là aussi, si on regarde au nom par nom, à des gains de nouveaux électeurs.
De façon plus générale, l’orateur se déclare persuadé qu’il existe une rotation au sein des abstentionnistes, et que de la même manière notre électorat n’est pas stable, il subit aussi une rotation. Revenant sur la démarche, le responsable du Val-d’Oise pense que le PCF souffre d’un manque de crédibilité sur la sincérité. Il ne suffit pas d’affirmer que la liste est celle du mouvement social pour être cru. Encore aurait-il fallu relayer partout cette démarche, créer les conditions pour que la campagne soit portée elle aussi par le mouvement social.
Les Communistes ont pu être troublés, mais cela ne signifie pas le rejet de la mutation. Ils posent la question « la mutation, pour faire quoi ? » Est-ce que cela ne signifie pas que l’élaboration d’un projet communiste est déterminante à la fois pour notre électorat et notre Parti ? Notre utilité n’est pas seulement d’ancrer le Gouvernement à gauche, il s’agit aussi de mettre le projecteur sur nos buts afin de fédérer les énergies militantes.
En ce qui concerne notre fonctionnement actuel, il ne permet pas la consultation de tous les Communistes. Nous butons désormais sur des obstacles de mode de vie et pas simplement sur un manque de volonté. Nous devons nous donner les moyens, et des formes de vie permettant d’associer en permanence tous les adhérents à l’élaboration de notre politique.

Éric Dubourgnoux estime qu’il faut être équilibré et nuancé dans les analyses. Nous avons certes mobilisé un électorat nouveau, mais nous avons eu beaucoup de mal à convaincre les camarades d’aller voter. Les citoyens ont radicalisé leur position en choisissant des candidats avec un message clair. Nous ne sommes pas apparus avec un message lisible et un projet mobilisateur alors que c’est ce qui a déterminé le vote dans les quartiers populaires et les entreprises.
Il faut que nous ayons une réflexion et une aide de la direction nationale qui est beaucoup trop insuffisante à ce jour afin de développer notre activité dans les entreprises. Nous devons aider à faire évoluer des luttes de révoltés en luttes plus conscientes, politiques et qui gagnent. Ce qui est en jeu, c’est la place des hommes dans l’entreprise comme dans les quartiers populaires c’est le lien entre précaires et privés d’emploi d’une part et salariés d’autre part. Nous devons aider à montrer les intérêts convergents entre les uns et les autres, investir les luttes contre la souffrance au travail et pour créer des emplois comme conditions d’un progrès de société et pour l’avenir de la jeunesse.
Dans ce sens, la bataille sur les moyens est importante. Il faut aider les salariés à gagner des droits pour intervenir sur l’utilisation de l’argent. En cela, notre proposition de loi contre les licenciements et notre volonté de réformer le crédit sont cruciales. Elles sont des éléments pour rendre concrète notre proposition de sécurité-emploi-formation. Il faut rendre accessible ce que nous avançons sur l’argent en simplifiant notre argumentation. Ainsi nous refusons la baisse des charges sociales patronales parce que ce serait donner plus de profits aux patrons pour la spéculation et ce serait diminuer les moyens de la protection sociale. C’est pourquoi à l’opposé nous proposons de baisser les charges financières pour soustraire cet argent à la spéculation et l’investir dans les projets créateurs d’emplois. Ceci doit être rendu crédible et concret par les luttes et les initiatives de débats et de rassemblement que nous devons construire avec les salariés. Par exemple, les élus Communistes du conseil régional d’Auvergne ont avancé l’idée de bonifier, avec les fonds publics, les taux d’intérêt des crédits d’autant plus que les investissements ainsi financés font plus l’emploi, de formations. Cette proposition a été adoptée en session du conseil et constitue un point d’appui pour les batailles futures.

Pour Bernard Violain, ces élections sont certes particulières mais révèlent l’ensemble des problèmes auxquels nous sommes confrontés. Dans ce cadre, il apprécie la lettre de Robert Hue qui invite à aller au-delà du seul constat des résultats. Il évoque d’abord la difficulté dans cette campagne à mettre en mouvement les adhérents même si nous avons réussi à faire aussi avec eux des choses remarquables. Il faut qu’on leur parle en toute franchise et en toute fraternité. « Ils ont besoin d’entendre ce que la direction a à dire et veut faire avec eux. » Il regrette que nous soyons plus sur une conception de direction qui aide les adhérents à s’approprier notre politique, alors que nous avions décidé au congrès de faire des Communistes les auteurs et les acteurs de la politique du Parti, ce qui est tout autre chose. Dans ce sens, la consultation proposée doit être « vraie » et permettre de se dégager d’un cycle infernal de face à face entre Communistes et direction.
À propos de la mutation, il trouve qu’elle est trop vécue « en interne » comme un point d’équilibre entre deux conceptions qui s’affronteraient.
« Nous accréditons ainsi l’idée qu’elle ne se réaliserait pas alors que des progrès palpables ont été réalisés. Il faut continuer à avancer et à la mettre en œuvre. Le débat ne peut pas être “a priori” mais accompagné de ce qui se fait. » Il s’interroge ensuite sur les moyens de faire identifier l’utilité communiste. Il cite ainsi l’article de Nicolas Marchand dans L’Humanité sur les résultats que, avec leur ministre, les Communistes sont arrivés à obtenir sur un dossier comme celui de l’aéroport d’Orly. Cette identification de l’utilité communiste par les résultats obtenus, permet, selon lui, d’une part d’être en permanence dans la société et avec elle, d’autre part, elle montre l’existence d’autres alternatives politiques. Mais cette démarche bute sur deux réflexes : aller d’abord là où nous sommes dans une démarche d’opposition ; hésiter à montrer que les Communistes pourraient faire des choses importantes dans un Gouvernement et une majorité dominés par les socialistes.
Bernard Violain revient ensuite sur le résultat électoral en Pays de Loire. Sur l’ensemble de la région, notre score progresse en voix et en pourcentage par rapport à 1989 et 1994. On y retrouve une ligne de progression qui se confirme depuis plusieurs élections et qui montre qu’un électorat communiste nouveau se structure, avec lequel nous devrions avoir d’autres ambitions pour pousser la mutation et construire le Parti de type nouveau dont on voit bien la nécessité. Il fait part de son impatience de voir dépasser le décalage entre la perception de l’opinion des changements du Parti et celle des Communistes qui sont sur la réserve. Par rapport au thème de la crise de la politique, l’orateur reconnaît qu’elle existe mais s’interroge sur la manière dont on prend la question. Il ne s’agit pas d’une verrue poussant sur un tissu sain, mais de croisement de phénomènes et de comportements. Les sujets dits « sociétaux » viennent disputer de plus en plus la priorité aux questions sociales, et nous avons une difficulté à prendre en compte l’ensemble de cette situation nouvelle.

Sylvie Jan réagit à partir de son expérience de candidate. Elle demande d’abord que le Comité national organise autrement ses débats afin que ceux-ci soient plus interactifs pour mieux « approfondir et construire les idées ». Elle pense aussi qu’il y a eu durant cette campagne un manque de lisibilité de nos propositions. Il aurait été plus efficace de cibler deux ou trois idées fortes facilement repérables. « Nous avons été confrontés à une autre question. Nous avons passé notre temps à expliquer le sens de cette liste. On vérifiait que les militants se l’appropriaient au fur et à mesure de la rencontre directe, concrète, avec les candidats, jusqu’à la fin, jusqu’au Zénith. À chaque fois la conviction progressait mais le plus souvent il y avait peu de monde dans les débats. »
Pour faire reculer le déficit de citoyenneté et faire évoluer le rapport des forces politiques il est nécessaire de travailler à créer des repères sur le contenu et des références en termes de succès. Le Parti communiste doit être mieux perçu comme un apport au débat politique. Par exemple contre le travail à temps Partiel il ne suffit pas de diffuser l’information du collectif droits des femmes. Il faut engager le débat sur les choix de société, que cesse l’encouragement aux employeurs qui développent la précarité et proposer une autre utilisation de l’argent pour la création d’emplois stables. Nous avons besoin d’authenticité politique dans nos relations avec les associations, le mouvement social.
À propos de la réflexion qui doit s’engager sur le fonctionnement du Parti et les changements à apporter, Sylvie Jan a fait remarquer qu’elle ne venait plus au Comité national depuis un an et demi parce qu’elle n’y trouvait pas sa place. Elle cite une parole indienne sur la liberté : « Regarde-toi, tu es la musique et la danse, alors n’attends pas qu’on t’invite, danse ! » Sylvie Jan veut bien « rentrer dans la danse “à condition” qu’on élargisse les espaces ».

Jackie Hoffmann intervient sur l’idée de l’écoute des Communistes. Elle appelle à préciser : « Écouter, oui, il faut le faire, mais ça ne suffit pas : il faut mieux entendre, au sens où il faut en tirer profit à tous les niveaux, jusqu’au CN ou au BN, sur notre façon de travailler. Dire par exemple que le Parti joue tout son rôle en étant au Gouvernement, ça n’est pas si simple que ça : est-ce vraiment vécu comme ça par nombre de nos électeurs et par les Communistes ? »
Elle fait le lien avec le scrutin européen : convaincue qu’il faut tenir compte de la spécificité de ces élections dans nos analyses, le message majeur de l’abstention massive nous avait .déjà été décliné sous différentes formes depuis fin 1998. Elle rappelle que nous notions à l’issue des élections régionales, certaines évolutions marquées par des mouvements sociaux et des comportements électoraux exprimant une volonté grandissante que soient apportées des réponses plus nettes et plus déterminées aux problèmes des Français, et un doute grandissant sur l’idée « le Gouvernement fait-il bien tout ce qu’il faut pour que de réels changements aient lieu, notamment sur l’emploi ? »
Il nous faut bien identifier, dit-elle, les difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Il nous faut débattre de la principale d’entre elles, sans la déconnecter du contexte de notre participation gouvernementale, ni d’une situation où il y a tant d’urgences sociales : à savoir ce que disent les militants des entreprises, la réalité des relations humaines, la vitesse de la dégradation des relations sociales, « le mal-vivre, la souffrance qui doit nous pousser à mieux apparaître comme le Parti qui se bat pour une entreprise moderne, libérant l’individu, à mieux prendre en compte, les camarades qui nous disent qu’on n’est pas assez visibles sur l’aggravation de l’exploitation, le renforcement des inégalités, ou ont le sentiment que le Parti délaisse les entreprises, ou ne fait pas assez.
Pour l’oratrice, nous avons beaucoup à faire ensemble pour expliciter dans la clarté et la transparence sur la façon dont la politique du Gouvernement se fait aujourd’hui. Et il n’est pas vrai qu’on fait tout bien ; vouloir le démontrer à tout prix serait contre-productif. Notamment sur de grands dossiers qui renvoient à des réformes de structures. Elle prend l’exemple des caisses d’épargne : à chaque fois qu’on ne pousse pas ensemble - Parti, groupes parlementaires - la réflexion, et qu’on ne donne pas tous les éléments du débat aux Communistes et aux salariés, il y a un manque à gagner considérable, car le mouvement social dont on parle « voit nos qualités mais aussi nos défauts et sur ce dossier, notre attitude a compliqué la tâche aux militants qui ont engagé un travail de construction en lien avec le mouvement social. C’est de nature à les décourager, et ça n’aide pas à faire grandir dans la vie le rapport de forces ».
En conclusion, Jackie Hoffmann pointe l’idée qu’on a tout intérêt, pour éviter la multiplication des malentendus, pour resserrer les liens avec le mouvement social ; à être capables ensemble, au plus haut niveau, de fournir cet effort de transparence et de démocratie, pour que nous débattions mieux des grandes questions posées dans la vie, et que le Parti le voie.

Maxime Gremetz tient à souligner la qualité du débat de ce Comité national qui n’a rien à voir avec un éditorial caricatural de Claude Cabanes dans L’Humanité qui étiquetait les clivages entre « mutants » et « non-mutants », ce qui ne correspond pas à la réalité qui est beaucoup plus complexe. Il veut aussi faire part de ses interrogations sur quelques aspects de l’intervention de Lucien Marest. La question du sens de la politique gouvernementale est pour lui bien réelle, forte, et la poser n’est pas marquer forcément la volonté de rupture. Il apporte ensuite quelques enseignements sur les résultats dans son département, et souligne que, malgré la présence des chasseurs, le Parti progresse à Amiens et il apparaît clairement qu’il progresse dans des catégories nouvelles. C’est perceptible dans des quartiers d’Amiens et dans la Somme.
Selon lui, par ailleurs, l’analyse montre que dans des quartiers populaires les progrès sont sensibles, là où le Parti a une activité de proximité proche des gens. Dans d’autres quartiers de même composition, l’abstention augmente. Les progrès dans le département et notamment à Amiens ne sont pas sans rapport avec les succès obtenus après des années de lutte, pour faire classer le site Valéo à Amiens dans le dispositif national « amiante », permettant à 200 salariés de partir de retraite anticipée à 55 ans, de même avec la victoire de la lutte sur la gratuité de la rocade d’Amiens au prix d’un rassemblement dont le PCF a été à l’initiative. Quant à l’importance du vote pour la liste des chasseurs dans son département, il précise que la décision du Conseil d’État mettant en cause le droit traditionnel de chasse de nuit, un mois avant le scrutin, a permis indirectement à ce milieu - notamment chez les jeunes chasseurs de gibier d’eau - qui considèrent cette activité comme un véritable élément de leur mode de vie, de motiver et de rassembler 27 % des voix y compris en attirant une partie de l’électorat communiste… Il estime que ce vote est apparu utile pour défendre un droit républicain et de le faire respecter.
L’orateur pense, tout en réaffirmant la justesse de la conception de la liste, son utilité pour l’avenir de la démarche d’ouverture, que son élaboration a été trop souvent perçue par les militants de base comme venue d’  « en haut ». Sur la grande question de l’abstention, en particulier celle d’une partie de notre électorat, il constate qu’elle montre la profondeur inquiétante de la crise politique, et que notre campagne sur l’utilité du vote pour faire bouger l’Europe et peser pour ancrer la France à gauche n’a pas percé… Il s’agit bien, selon lui, de la question de l’utilité réelle de ce vote, et d’une certaine impuissance s’appuyant sur l’idée que quoi qu’on fasse, les dirigeants n’en tiennent jamais compte, tant au niveau européen qu’au niveau du Gouvernement.
De ce point de vue, l’orateur trouve que Lionel Jospin se trompe quand il affirme que l’élection est un signe de confiance adressé au Gouvernement, et que les 60 % d’abstentionnistes et bulletins blancs et nuls n’ont pas exprimé des messages divers, mais expriment l’urgence des attentes sociales, et la volonté que les engagements soient tenus, qu’il s’agisse de la deuxième loi sur les 35 heures, de la réforme des retraites, du projet de budget. Il indique que Lionel Jospin ne veut pas rompre avec le libéralisme car les choix faits sont marqués par le refus de s’en prendre aux revenus du capital, aux profits financiers, afin de mettre une politique sociale, démocratique et citoyenne en place. C’est pourquoi il propose de lancer une grande campagne autour de propositions pour stimuler le mouvement social et peser sur les choix gouvernementaux : il faut une autre utilisation de l’argent et du crédit, alors qu’il y a 2 136 milliards de profits, 6 229 milliards de capitalisation financière, et en même temps la baisse de l’impôt sur les sociétés, de l’ISF et l’augmentation des grandes fortunes. Mme Bettencourt voit la sienne progresser de 29 %. Elle perçoit 32 smic par minute alors qu’on augmente de 2 francs par jour le smic…
Enfin, il y a nécessité impérative, ajoute-t-il, de travailler à un projet communiste alternatif, d’être plus une force de protestation, de rébellion devant la société libérale, d’avoir un contenu identitaire communiste refusant le « consensus mou », d’être une force de proposition d’initiatives et d’actions. Il donne son accord pour la proposition de « grande consultation » dans le Parti. Il préfère le terme d’élaboration collective de la politique du PCF, ce qui implique un changement effectif de nos méthodes de travail, ce qui implique de rassurer les Communistes, d’écarter ce qui peut semer le doute quant au devenir du Parti, en réaffirmant qu’il n’est pas question de devenir un Parti social-démocrate ou une secte. Il demande qu’on réaffirme clairement que la nécessité pour la transformation sociale d’un grand Parti communiste moderne, et que le potentiel existe pour celui-ci. Cela exige un grand travail d’élaboration de créativité, d’initiative et d’action. « La lettre de Robert Hue aux membres du Comité national montre l’utilité de travailler à développer un PCF utile, moderne. C’est une première étape », conclut Maxime Gremetz.

Jean-Claude Danglot estime que le rapport insiste sur la nécessité du débat dans le Parti. Pour cela il faut éviter de prendre les Communistes à contre-pied en déclarant qu’il n’est pas question de remettre en cause la mutation. Le trouble des militants doit pourtant nous interroger dans la mesure où ils ont été dessaisis de l’élaboration de la stratégie pour les élections. Cela n’a pas créé les conditions du rassemblement des Communistes.
Dans L’Humanité du 15 juin, l’éditorial affirmait qu’il y a recul du Parti là où la tradition l’emporte sur la novation. Les militants et les municipalités communistes seraient-ils devenus des obstacles à la remontée du Parti ? Ces raccourcis entre tradition et novation ne permettent pas d’avoir la lucidité et la responsabilité nécessaires pour examiner la situation.
Jean-Claude Danglot porte ensuite une appréciation sur les résultats électoraux. L’abstention doit nous interpeller car elle ne traduit pas un désintérêt des citoyens pour l’Europe mais un rejet de sa politique dont ils connaissent bien les méfaits. Dès lors, la nouvelle démarche euroconstructive du Parti a pu être incomprise. L’orateur y voit là une part de nos difficultés. Bien sûr, nous avons contesté le libéralisme mais quelle crédibilité, avions-nous alors que nous peinons à faire bouger le Gouvernement ? N’avons-nous pas cédé le terrain de la contestation populaire ? Comment s’étonner des résultats obtenus par Pasqua et les chasseurs dès lors que nous bannissions les mots Maastricht, Amsterdam et euro de notre vocabulaire de campagne ? Notre recul ne profite pour autant pas au PS qui n’a pas à pavoiser dans le Pas-de-Calais. Les Verts n’emportent pas de succès dans notre département même s’ils ont profité du vote des jeunes sans expérience sociale et matraqués idéologiquement.
La politique européenne n’est pas la seule cause de l’abstention. Nous avons aussi notre responsabilité alors que d’aucuns ont enterré la classe ouvrière, bien que celle-ci existe. Elle s’interroge maintenant à notre égard. Est-ce un hasard si notre Parti recule dans les départements industriels et où se concentrent les services publics ? Ce n’est pas la tradition qui fait baisser le Parti mais l’action du Gouvernement qui déçoit notre électorat. Notre campagne a en outre donné l’impression d’accorder plus d’importance aux faits de société qu’aux grandes questions sociales. Ces élections nous font payer le prix de notre participation au Gouvernement et de notre démarche d’accompagnement du PS. Il faut y réfléchir. Par ailleurs, la nature de la liste a renforcé le trouble et s’est traduite en soustraction plutôt qu’en addition.
Maintenant, les Communistes attendent des réponses concrètes et des changements de la part de la direction du Parti. D’abord sur la vie démocratique qui doit être améliorée, ensuite en reprenant notre activité contre Maastricht, Amsterdam et en lançant une grande initiative pour fa souveraineté nationale et le maintien de notre monnaie. En luttant également pour l’emploi, le pouvoir d’achat, la réduction du temps de travail et !es retraites. En contestant la politique gouvernementale qui va dans le mauvais sens. Pour finir, l’orateur évoque la question du Parti lui-même et la nécessité de revaloriser l’action militante dans les entreprises et les quartiers populaires, en permettant à l’Humanité d’animer les campagnes politiques du Parti. Celui-ci, a en outre le droit de savoir où il s’engage alors que sa direction ne répond pas à l’affirmation d’un article du Monde sur la tenue d’un deuxième congrès constituant.

Danielle Sanchez évoque, suite à la lettre de Robert Hue et aux interrogations de Francette Lazard, les contradictions entre le résultat de la liste « Bouge l’Europe ! » et les conditions politiques actuelles. « Notre souhait, depuis des années, est de sortir d’une conception dépassée : « au mouvement social, la rue et aux politiques, la représentation dans les institutions. »  Nous ne sommes pas apparus comme porteurs de changements, pour la construction de l’Europe sociale, avec les 35 heures et le « smic européen » malgré l’engagement des candidats de la liste. Nous avons eu certes peu de temps, mais… »
Danielle Sanchez a le sentiment que, pour lever le scepticisme, il faut passer à l’acte, comme nous l’avons fait avec la constitution de la liste, mais pas seulement. Les pratiques nouvelles ne peuvent être dissociées du contenu transformateur (c’est-à-dire des objectifs que l’on se fixe) ni ne gomment les responsabilités du Parti politique. Il nous revient d’entendre les insatisfactions et de travailler concrètement à définir avec les acteurs eux-mêmes les solutions. Elle rappelle que les sondages révèlent qu’une majorité de l’opinion donne la priorité à l’Europe sociale. Mais l’abstention record se veut l’expression d’une protestation, d’une alerte. vis-à-vis des Partis politiques dont les réponses ne sont plus celles attendues. Celles-ci sont perçues dans l’opinion comme marquées d’immobilisme et d’inefficacité face aux préoccupations urgentes que sont la lutte contre le chômage, la précarité, les inégalités.
En ce qui concerne le PCF et les conditions à réunir de la reconquête électorale, Danielle Sanchez précise que nous sommes toujours sur les mêmes questions que celles soulevées lors du 29e Congrès, des raisons de l’écart entre sympathie et vote. La question qui secoue l’opinion demeure. Peut-on peser sur le cours des choses, donner la priorité aux hommes et non à l’argent ? Ou seulement résister pour finalement s’adapter aux marchés financiers ? « Notre Parti est perçu comme proche des gens, très social, mais nous n’avons pas convaincu sur nos réponses et notre capacité à peser sur la situation. Comment le Parti communiste peut-il faire le lien en permanence entre ce que nous vivons et les décisions politiques nationales, européennes, face aux contraint es internationales ? ».
Danielle Sanchez partage l’opinion de Francette Lazard. « Jamais notre projet communiste n’est apparu aussi flou. » Il est nécessaire d’être plus que jamais dans la construction et la démonstration au pied à pied, avec les acteurs du mouvement social et les gens eux-mêmes plutôt que dans l’affirmation et l’exclamation. Sinon on renforce l’idée de fatalité et de s’adapter.

Roger Martelli considère que la liste « Bouge l’Europe ! » a voulu avec raison porter une démarche innovante et ambitieuse. Mais si l’opinion a perçu que nous changions de tonalité à propos de l’Europe, elle n’a pas vu que l’inflexion « euroconstructive » était un moyen de conforter l’engagement populaire contre l’Europe libérale. Quant à l’ouverture, on n’a pas vu que, en cherchant à réarticuler la construction politique et mouvement social, elle, voulait bâtir un projet.
Après avoir à grand trait analysé l’état de la gauche et des différents positionnements de ses listes à cette élection, Roger Martelli souhaite maintenir une critique qu’il avait déjà mis en avant et qu’il formule ainsi « nous avons sous-estimé les effets négatifs d’une concurrence entre les différentes expressions de la radicalité, alors que la politique socialiste conserve l’essentiel de sa crédibilité. Nous n’avons pas assez mesuré les risques à laisser s’installer, avec le duo Arlette-Alain, une conception de la radicalité, étroite et vouée à l’isolement politique. Nous n’avons pas assez considéré qu’il nous fallait sans sous-estimer les contradictions, travailler à recoudre et rapprocher ces différentes formes de critiques radicales ou alternatives et non pas nous satisfaire de leur éclatement et donc de leur minoration politique. Enfin, estime-t-il, nous avons trop tardé à mettre en œuvre la démarche qui a abouti à la constitution de la liste : nous n’avons pas ainsi [pu ?] convaincre suffisamment de Communistes et nous n’avons pas préparé notre électorat, et à notre discours sur l’Europe, et à la novation de la liste ».
Ces critiques étant faites, Roger Martelli souhaite en venir à ce qui à ses yeux est essentiel, à savoir : quelle perspective allons-nous définir. Nous devons en premier lieu. indique-t-il, être plus fort encore sur notre projet stratégique. Toute notre action est portée par une seule question : quel projet bâtir, pour la société de notre temps, avec la société elle-même ? Ni projet libéral, ni social-libéral ; il faut clone bâtir un projet radical, mais radical de façon moderne, ancré dans les attentes de la société tout entière, critique, mais plus prospectif que contestataire. Notre objectif est de rassembler toutes les idées, toutes les sensibilités, toutes les contributions, toutes les forces qui nourrissent aujourd’hui un tel projet. « Ne nous laissons pas piéger par les mots, poursuit-il, nous ne voulons pas d’un pôle de mécontents, ni d’un cartel des alternatifs. Nous ne sommes pas tournés vers les seuls forces politiques ; mais nous ne sommes pas non plus les porte-parole privilégiés du mouvement social. Pour tout dire nous ne nous accommodons pas d’une gauche éternellement vouée à être déchirée entre une gauche « gestionnaire », oublieuse de ses valeurs et une gauche dite « morale » cantonnée dans l’opposition.
Et parce que nous voulons une gauche à la fois plus critique, plus transformatrice et plus efficace, nous devons dire plus fortement encore que nous visons deux objectifs en même temps : une mobilisation politique du mouvement social, et dans le même moment, nous voulons une convergence des sensibilités politiques les plus radicales, non pas contre le PS, mais pour que la gauche tout entière soit le plus à gauche possible. Nous voulons l’un et l’autre de ces objectifs. souligne l’orateur, parce que sans avancée dans cette double direction la « gauche plurielle » ne parviendra pas à ses objectifs. La société ne sera pas transformée et la politique restera en crise.
En deuxième lieu Roger Martelli insiste sur l’idée que de son point de vue la question la plus stratégique à court terme est celle du Parti lui-même. Il considère que le communisme a une place décisive à occuper dans la [manque un mot ?] d’un projet transformateur moderne. Mais pour qu’il puisse s’y atteler efficacement, il faut que sa culture et ses formes d’organisation le lui permettent pleinement. Or, la conception qui a dominé le XXe siècle ne le permet plus. Parce que nous ne sommes plus au temps de la grande espérance soviétique ; parce que le monde a changé ; parce que les vieux combats contre l’exploitation, la domination, l’aliénation ont pris d’autres visages. Le communisme est une visée d’avenir ; être communiste est un choix raisonnable ; mais il faut l’être au rythme de notre temps. La question est d’inventer le communisme du siècle qui vient. Le 30e congrès du PCF s’essaiera-t-il à le faire ? Tel est l’enjeu.
Si l’orateur est d’accord avec l’idée que la priorité doit être donnée à l’élaboration des contenus de la novation communiste, il souligne que pour la mener à bien notre conception de l’organisation doit être repensée pour correspondre aux exigences de notre temps.
Il reconnaît cependant qu’il n’est pas facile de concevoir une formation politique qui soit à la fois diverse et cohérente, immergée dans la complexité sociale et politiquement organisée. Personne, à ce jour, n’a trouvé de réponses convaincantes, mais il faut avoir la volonté de la surmonter ; et il faut avoir la patience d’expérimenter et de réfléchir aux expériences engagées.
« Les Communistes décideront » affirme l’intervenant mais pour ce qui le concerne il souhaite que le 30e congrès annonce son désir d’aller vers la création d’une nouvelle formation communiste, en y associant les militants du mouvement social, les intellectuels… tous ceux qui se sentent partie prenante du devenir communiste. Les membres actuels du Parti communiste français, ceux qui en ont été écartés, les Communistes d’autres traditions, les jeunes qui sont réticents devant les partis traditionnels, tous sont potentiellement les protagonistes de cette construction. Et chacun doit être convaincu qu’il est un acteur à part entière et pas un figurant ou un faire-valoir.
Pour cette raison un temps suffisant doit être donné à la redéfinition d’un espace communiste organisé. Pour ce faire Roger Martelli propose que le 30e congrès décide de formes transitoires, en élisant pour un an une direction provisoire. Elle aurait pour mandat d’animer l’expérimentation de formes nouvelles et d’engager des discussions avec l’ensemble des composantes de la « force communiste », pour aller vers la constitution d’une formation politique neuve qui soit de façon authentique la maison commune de tous les Communistes.
Au bout d’un an des assises pour une nouvelle formation communiste tireraient le bilan de ce processus. À la fin de leurs travaux, le Parti communiste français aurait accompli sa mission ; un « Parti communiste » moderne pourrait voir le jour.
En conclusion de son intervention, l’orateur indique « qu’il n’y a pas de novation sans racines ; que l’élaboration de contenus nouveaux est inséparable d’une réflexion sur l’expérience du siècle qui s’achève. J’ai la conviction que l’on ne dépasse pas un passé que l’on n’a pas su analyser. Nous devons veiller à ne rejeter aucun de ceux qui continuent de garder la passion du communisme. À ceux qui continuent de rêver à un Octobre qui ne peut plus advenir, nous pourrions dire que l’espérance toujours s’épuise quand elle ne sait pas renouveler son impulsion. À ceux qui hésitent devant le changement, parce qu’ils continuent de craindre une social-démocratisation du Parti, nous pourrions rappeler que l’immobilisme est la meilleure façon de laisser la visée communiste au rayon des utopies. À ceux qui restent dans l’expectative parce qu’ils ne veulent pas lâcher le connu vers l’inconnu, nous pourrions arguer qu’il est des moments où le sens de la rupture est la manière la plus forte de demeurer fidèle à l’idéal.
L’assimilation critique n’est pas de l’irrespect pour l’engagement communiste de ce siècle ; elle n’est pas un reniement ; elle est le signe d’un changement radical d’époque. Elle est l’autre face de la fidélité.
Il y aura l’an prochain quatre-vingts ans, les délégués du congrès de Tours décidèrent de renoncer à ce qui s’appelait encore le Parti socialiste, pour rester fidèle à la tradition révolutionnaire. Ils choisirent d’adhérer à l’Internationale communiste puis de changer le nom du Parti. Ils abandonnèrent la lettre pour conserver l’esprit ; ils renoncèrent à la forme, pour faire vivre les valeurs. Le moment est venu, non pas de faire le congrès de Tours à l’envers, mais de décider d’une nouvelle fondation communiste. Un autre “Tours”, pour un communisme autrement. »

Jean-Pierre Page, à l’écoute du rapport, estime que nous parlons de changer de faire de la politique quand le peuple veut changer de politique. Notre orientation, à travers ses traductions concrètes, ne répond pas à ces attentes. Un fossé est en train de grandir entre ce qui s’exprime dans le PCF et une direction qui pense qu’elle a raison mais qu’elle est incomprise. En effet, si nous parlons d’alternative, nous apparaissons toutefois au Gouvernement, comme dans la majorité, comme n’ayant qu’une influence à la marge. L’alternative dans ces conditions est loin d’être évidente, d’autant que notre radicalité communiste n’apparaît pas.
Si l’on prend l’exemple de la Yougoslavie, alors qu’il fallait mettre en cause l’illégitimité de la guerre, la direction du PCF, tout en condamnant les bombardements, a questionné leur efficacité et refusé de se donner les moyens de la mobilisation. Avec l’intervention terrestre de l’Otan. Clinton a précisé que celle-ci pouvait intervenir ailleurs : En fait, nous sommes entrés dans une nouvelle période marquée par un aiguisement des enjeux, des contradictions formidables à l’échelle planétaire, entre le capital et le travail, entre les besoins des hommes et la puissance des institutions financières. Comment prenons-nous tout cela en compte ?
Avec la Yougoslavie, c’est une victoire de la force sur le droit. Ce pays est en ruine, le droit international est en ruine, la vérité est en ruine. Une chose est d’être lucide quant à Milosevic, une autre est de se taire sur l’arrogance qui consiste à imposer l’économie de marché à un peuple par le chantage. La France est engagée dans ce processus sous domination américaine. Allons-nous prendre le contre-pied de cette logique hégémonique, en proposant de réorienter la politique française à l’égard de l’Otan ou en exigeant notre retrait de ce qui est une opération militaire offensive : la plus formidable machine de guerre au monde chargée d’imposer la volonté des sociétés transnationales ?
On rencontre les mêmes enjeux sur l’Europe. Nous assistons au même alignement sous le leadership américain. C’est tout à fait flagrant dans le cadre du partenariat économique transatlantique qui dépossède notre pays de la possibilité de définir une politique industrielle et sociale propre… De la même façon, alors que Robert Hue a parlé pendant la campagne électorale d’une coordination commune des politiques de défense, c’est Javier Solana, secrétaire général de l’Otan, qui est proposé pour être le monsieur politique étrangère et sécurité de l’Union européenne.
Quant à l’euro, bien que rien ne soit irréversible actuellement, et après le désaveu cinglant des peuples d’Europe. comment travaillons-nous à la réappropriation de l’idée de souveraineté en relançant l’exigence d’un référendum sur la monnaie unique ?
Nous accordons beaucoup d’importance au rôle du mouvement social mais n’est-ce pas à lui de définir son propre rôle ? Assiste-t-on à la naissance d’un acteur autonome ou doit-il au contraire se garder de toute immixtion dans la sphère politique. Ne donnons-nous pas à penser que nous cherchons à instrumentaliser celui-ci ? Cela ne renvoie-t-il pas au rôle politique du PCF singulièrement à l’entreprise pour contribuer à construire les rapports de forces avec les contenus qu’imposent les enjeux. L’orateur trouve significatif à cet égard que dans la lettre de Robert Hue il ne soit fait à aucun moment mention du mot « entreprise ». Enfin, Jean-Pierre Page se déclare en accord avec la consultation de tous les Communistes mais il estime que le PCF et sa direction sont à un tournant et qu’il est nécessaire d’élever le contenu de classe de notre politique. Ce débat suppose donc d’écarter étiquetages, amalgames et caricatures. Nul ne saurait prétendre au monopole de l’innovation.
Maxime Gremetz, réagissant aux propos de Jean-Pierre Page, se déclare pour le débat. Celui-ci doit être mené sans déformation des déclarations de Robert Hue. Il rappelle que nous ne proposons pas une défense commune européenne ni une armée européenne mais tout au contraire de substituer à l’Otan un pacte de sécurité, de coopération et de prévention des conflits.
Nous avons avancé cette idée, en s’appuyant sur les défenses nationales, d’une politique de coordination des moyens de défense des pays européens. C’est indispensable si nous voulons être réellement indépendant des États-Unis et de l’Otan.
Jean-Pierre Page précise à son tour que Robert Hue s’est prononcé publiquement pour une coordination des politiques de défense. Et qu’en ce qui concerne le reste des propositions, il ne partage pas l’opinion exprimée par Maxime Gremetz.

Alain Hayot souhaite contribuer au débat lancé par Robert Hue dans sa lettre aux membres du Comité national. Constatant que si la démarche politique de la mutation n’a été ni censurée ni invalidée, il faut reconnaître que le Parti est à un tournant, où le manque de lisibilité de notre projet politique représente un frein. Y remédier devient une question vitale pour notre existence politique et les chances de la transformation progressiste de la société. En ce sens, Alain Hayot pense qu’il est nécessaire de travailler dans le cadre d’un triptyque solidaire dont chaque élément, projet, stratégie, organisation communiste, s’articulerait autour d’une question politique centrale : l’alternative au capitalisme. La crédibilité de notre projet politique, c’est-à-dire de notre utilité dans la société française, passe en effet par la construction théorique et pratique d’une perspective concrète alternative au libéralisme. La crise de la politique souvent évoquée n’est pas seulement une crise du lien social, elle est aussi indissociablement une crise de perspective, qui n’est d’ailleurs pas propre au seul Parti communiste, mais à l’ensemble des forces politiques, tant en France que dans le monde. Elle peut expliquer fondamentalement les formes actuelles de la recomposition politique et la volatilité des comportements électoraux. Dans les votes comme dans l’abstention, c’est la recherche sous diverses formes (désespérée, dans le repliement, dans la fuite en avant), d’une issue à la crise de la société sous ses différents aspects.
Alain Hayot est pour notre engagement offensif dans l’action mais aussi dans les idées, dans le débat européen sur la troisième voie : comment échapper aux formes insupportables du libéralisme sans tomber dans un étatisme qui a prouvé son, inefficacité économique et démocratique. Cette véritable troisième voie équivaut à ce que nous appelons le dépassement du capitalisme. Mais il faut pour cela ne pas isoler les terrains les uns des autres, n’en retenir que certains aspects (le social par exemple au détriment de l’ensemble du champ sociétal) contre lesquels on se battrait en élaborant des propositions adaptées à chaque cas. Non, nos propositions ne peuvent être élaborées ou portées que si elles sont resituées dans une analyse et une démarche globale, dans une visée d’ensemble.
Faute de temps pour développer les points suivants, Alain Hayot pense néanmoins nécessaire de travailler, et d’approuver outre celle du libéralisme et du social libéralisme, la question du nationalisme républicain. Pour sa part, Alain Hayot ne croit pas que la nation soit la réponse à la crise de la société. Selon lui le nationalisme républicain qui bétonnerait des valeurs historiquement construites n’apporte aucune réponse aux grands défis modernes. C’est même une forme de repli identitaire. Ce nationalisme poussé aux extrêmes de sa logique peut même être une bouée de sauvetage du libéralisme. Puis, Alain Hayot se dit d’accord avec Sylvie Jan pour souligner qu’il a fallu « ramer » pour mener la campagne avec la liste « Bouge l’Europe ! » qui, malgré son caractère profondément novateur, porte la trace des limites qu’impose la vision persistante d’une culture du refus, notamment dans le monde syndical.
Enfin, concernant le débat sur le Gouvernement, Alain Hayot dit ne pas être d’accord pour en faire un débat pour ou contre. Si nous voulons être crédibles dans notre critique des dérives libérales, nous devons en même temps assumer notre participation au Gouvernement, sauf à ne pas vouloir travailler pour nous. Nous nous devons de mieux porter l’action de nos ministres et de ce qui va dans le sens de nos idées et de nos propositions dans une dynamique d’ouverture et de construction d’une politique transformatrice riche de contenus. Dans cette voie, Alain Hayot plaide pour une préparation ouverte du congrès qui puisse déboucher sur une organisation, communiste nouvelle, moderne, en rupture avec les pratiques qui sont encore les nôtres, en phase avec le mouvement de la société, véritable relais d’un projet communiste dont la visée serait celle d’une civilisation de la coopération, du partage et de l’émancipation de chaque individu.

Pour Martine Durlach. le rapport de Jean-Paul Magnon reflète bien le débat de qualité qui s’ouvre dans le Parti communiste. Elle approuve la large consultation et la prise d’initiatives politiques. C’est nécessaire « si l’on veut éviter que la déception ne se structure en découragement ». On n’en a pas fini avec l’analyse de ce scrutin, il faut continuer ce travail sans « tourner la page ». Concernant l’abstention, « je n’y crois plus » fut une phrase beaucoup entendue dans cette campagne. Mais au-delà quelle part de colère et quelle part de résignation ? Cela réclame de l’écoute, du dialogue, du travail.
À Paris, quels débats ? Quelles sont les questions qui se posent ? Beaucoup de Communistes qui souhaitent la mutation ne sont pas très à l’aise avec sa mise en œuvre. La situation, notre participation au Gouvernement sont très complexes. Cela suscite nombre d’interrogations qu’il ne faut pas confondre avec le combat de quelques-uns contre notre Parti. En bref, l’exigence de clarté et de transparence compte pour les Communistes et la société. La mutation engagée n’est pas seulement une correction du passé. mais aussi une nouvelle façon de faire. « Nous sommes entre l’ancien et le nouveau » résume l’oratrice. Il y a des tâtonnements et parfois des dérapages. « On a besoin d’avoir ensemble tous les éléments pour avancer, sans se cacher que la tâche est difficile. La volonté de transparence se retrouve dans l’aspiration à une vie politique plus intense à tous les niveaux du Parti y compris au plus haut niveau. C’est le fil rouge de la démocratie que l’on retrouve ».
Pour Martine Durlach, notre pays est en panne d’un projet mobilisateur. « Nous nous sommes donné l’ambition de le construire. Or. on a parfois tendance à dissocier le projet, la visée communiste et le combat politique actuel. Nous avons besoin d’ancrer notre bataille politique dans la construction de l’alternative, de la transformation de la société. Il nous faut manier à la fois propositions et valeurs dans un constant va-et-vient avec la population. La crédibilité de notre projet est liée à la crédibilité de notre attitude politique avec la population. C’est notre démarche citoyenne porteuse de transformation. Il y a une demande de fermeté vis-à-vis du Gouvernement mais aussi un besoin, je le répète, de clarté et de transparence. Les Communistes ont besoin de débattre de tous les termes du débat qu’il s’agisse des décisions de nos ministres ou de celles des députés. Il faut faire valoir ce qui va et dire ce qui ne va pas… Et comment fait-on avec les gens ? »
Enfin concernant le budget en préparation qui se présente mal, « déléguons-nous tout à l’activité des députés ? En faisons-nous une question politique pour tous les Communistes et les gens ? Cela s’inscrit dans ce que propose le rapport pour l’activité d’été », conclut-elle.

Alain Zoughebi, dans son intervention « spontanée, préparée à l’avance », pose en premier lieu la question de la forme du débat du Comité national. Cela dit, pour l’orateur, nous avons eu raison de faire le choix de la double parité. Bien sûr, le résultat est décevant. Pour autant cela n’engendre pas découragement, voire remise en cause de notre mutation. « Ce qui domine, c’est la volonté de comprendre ce qui s’est passé. Malgré nos efforts, nous ne sommes pas parvenus à convaincre, notamment chez les Communistes. »
Pour les gens, l’expérience de l’Europe, c’est plus de libéralisme, plus de chômage. Le déficit d’information est criant. Par exemple, qui connaît le rôle de nos députés alors que leur bilan n’est pas négligeable ? « Il nous faut réfléchir à articuler l’Europe telle qu’elle se fait à celle à laquelle nous aspirons. » Des amis nous interpellent. Ils nous disent : « Vous avez changé, nous avons changé, c’est bien, mais que proposez-vous ? »
Il y a là beaucoup de travail pour nous, y compris avec d’autres, pour construire dans le débat « sans passer en force ».
Alain Zoughebi témoigne de son expérience au siège de « Bouge l’Europe ! » qui, pour lui, fût riche d’enseignements. Il a rencontré beaucoup de gens étonnants, sensibles et respectueux des autres, des Communistes bien sûr mais pas seulement, proposant des idées, que je qualifierais de communisme de notre temps. Il serait dommage de ne pas poursuivre dans les formes appropriées cette expérience riche d’enseignements. L’orateur termine son propos en faisant trois remarques. D’abord au niveau des entreprises. Il regrette comme d’autres précédemment le manque d’actes forts envers ces salariés.
À propos des jeunes, chacun connaît le résultat. Pourtant avec cette campagne et la composition « black blanc beur » de notre liste, il y a des acquis qui nous permettront de capitaliser pour l’avenir. Enfin, en ce qui concerne le Parti communiste, il nous faut voir les problèmes de fonctionnement qui perdurent. Encore aujourd’hui, tout apparaît descendre d’en haut. Le Parti a besoin de plus de mieux de démocratie.
Nos statuts actuels permettent les rencontres, les réflexions transversales par-delà les départements, les régions. Pour autant, « nous faisons le constat que cela n’avance pas concrètement. C’est malheureusement vrai pour le fonctionnement de notre Comité national ». Pour terminer, « regardons l’état de nos cellules, avec lucidité. Nombreuses sont celles qui ne vivent plus depuis des mois et des mois, et d’autres ont des ordres du jour digne des années 1930. Il nous faut les faire vivre dans leur époque et trouver des lieux de construction nouveaux de débat social, sociétal. La consultation des Communistes doit nous permettre d’avancer dans cette direction ».

Michel Dauba revient rapidement sur le constat, « largement partagé par le Comité national », du meilleur score de la liste dans les secteurs et catégories sociales où le PCF est peu implanté, que dans son électorat traditionnel. Il met aussi en parallèle l’investissement des Communistes et la progression de leur liste. Pour lui, « ce n’est pas la mutation qui est en cause : elle a déjà porté ses premiers fruits électoraux auprès d’un électorat nouveau ». Il soulève en revanche le problème des doutes dont elle fait l’objet chez les Communistes en l’absence d’un projet de société suffisamment précisé et en rapport avec l’expérience gouvernementale.
Un des enseignements qu’il retient de ces élections, comme de toute la période récente, est la nécessité d’un « souci plus conséquent de la vie du Parti et des Communistes ». Il attire donc l’attention sur la façon de mener le débat et refuse toute volonté de le présenter en « pour » ou en « contre » la mutation. Il cite la lettre de Robert Hue et soutient sa façon de poser la question du « déficit démocratique » pour la composition de la liste, ou la question de la façon dont le PCF a traité le problème du Kosovo.
Tout ceci d’autant. que la conception de la liste était dans la logique de la réflexion du PCF depuis plusieurs années. Michel Dauba soutient au passage l’idée de prolonger l’expérience de la liste au-delà des élections. Dans un deuxième temps. l’orateur intervient sur le débat autour du projet communiste et de sa lisibilité. Il refuse là aussi tout débat figé. et appelle à la réflexion sur la « pratique concrète » de la participation gouvernementale. Il rappelle que l’opinion sur le PCF découle directement de « ce que l’on nous voit soutenir, dire ou faire dans la majorité plurielle ». Il appelle à réfléchir sur « le rôle du Parti, ses rapports aux groupes et aux ministères ». Il prend quatre exemples : le manifeste Blair-Schröder. le débat sur les caisses d’épargne, la directive sur l’électricité et le texte du PCF sur les services publics, où il voit pour chacun un décalage entre les « principes retenus lors des débats » et la position publique du Parti.
En conclusion, Michel Dauba souhaite que ces problèmes aient plus de place dans la réflexion des Communistes, et interpelle le CN pour que le débat qu’il s’apprête à lancer dans le Parti tienne compte de ces expériences, à défaut de quoi il ne pourrait plus assumer d’être comptable des déclarations exprimées, notamment sur le secteur public.

Gérard Lalot commence son intervention en précisant que les résultats des élections permettent de tirer des enseignements politiques importants. Si le Parti socialiste arrive en tête, cela est dû essentiellement aux divisions de la droite. Si le rapport des forces a été intéressant, pour la gauche plurielle, cela n’indique pas une adhésion « dynamique » des Français à la politique gouvernementale. Ça n’est pas surprenant car même si des choses positives ont vu le jour, il reste que des millions de gens continuent de connaître le chômage, la précarité, la vie difficile. Gérard Lalot constate que dès le début de la campagne les difficultés avec les Communistes, les syndicalistes, les salariés se sont senties.
Le contexte dans lequel s’est déroulée la campagne ne nous a pas aidés, mais notre résultat montre que nous n’avons pas été crédibles sur l’idée que nous pouvions infléchir sur la politique gouvernementale pour contribuer à changer le cours des choses. Nous sommes vécus, malgré le travail positif des ministres Communistes, comme accompagnant la politique gouvernementale elle-même accompagnant les objectifs des forces de l’argent, et pas assez efficaces dans la lutte contre le chômage, les injustices. Nous sommes vécus comme un Parti qui se transforme et qui en même temps baisserait les bras dans le combat pour dépasser le capitalisme.
Nous sommes dans une situation de perte de repères. Il y a recul de la conscience de classe. Il faut dire et redire qu’avec les nouveaux contours la lutte des classes continue d’exister. Par exemple, le patronat s’engouffre dans les failles de la loi sur la réduction du temps de travail et nous devons donc mener une vraie bataille sur cette question et de ne pas être perçus comme timides.
Gérard Lalot précise que nous avons. une difficulté à différencier notre participation utile au Gouvernement et l’engagement urgent du Parti contre les projets d’inspiration capitaliste et pour des propositions politiques qui peuvent devenir majoritaires dans le pays, en créant un rapport de force favorable à leur prise en compte.
Il est urgent qu’en créant des rapports de forces dans le pays avec l’engagement, par exemple, contre les privatisations, du Parti que nous obtenions des résultats tangibles, que les citoyens perçoivent qu’on le doit à l’engagement du Parti communiste français dans le pays, faute de quoi ils peuvent avoir le sentiment que l’on ne sert pas à grand-chose.
Nous devons travailler dans ce sens tout en travaillant à la visée du nouveau communisme pour dépasser le système capitaliste. L’intervenant conclut qu’il est nécessaire de poursuivre la mutation. Néanmoins, celle-ci est vécue plutôt comme une série d’abandons alors que son objectif c’est des avancées révolutionnaires modernes. C’est pourquoi il est impératif d’avancer dans cette voie mais avec l’ensemble des Communistes.
Nous sommes dans un moment où se joue l’avenir du Parti. Il existe de grandes possibilités. Tous les Communistes sont concernés car la responsabilité est partagée.

Serge Guichard partage l’idée qu’il faut montrer tout ce qui a bougé dans la campagne mais cela ne peut se faire en diminuant les questions qui posent problème, que notre mauvais résultat révèle ainsi que l’abstention. Il illustre son propos en évoquant la réunion des collectifs homosexuel et lutte contre le sida du Comité national pour préparer notre présence à la Gay Pride. Comme cela se fait habituellement, des non-Communistes étaient présents et deux d’entre eux ont annoncé qu’ils n’avaient pas voté pour la liste bien qu’ils souhaitent travailler avec nous. Il y a eu débat. Ils ont considéré, que nous étions sur le bon chemin mais ils n’étaient pas convaincus de notre détermination quant aux transformations que nous avons engagées. De même, des jeunes de son quartier lui ont affirmé après avoir lu les professions de foi des différentes listes, que celle des Verts leur apparaissait plus libre et créative. Cela confirme à ses yeux que nous n’avons pas totalement convaincu même si nous avons suscité de l’intérêt et une volonté de travail en commun.
Par ailleurs, l’orateur évoque notre difficulté à articuler les questions sociales et sociétales. Selon lui, nous hiérarchisons encore ces questions et cela entame notre crédibilité. Pourtant, dans la liste, des candidats comme Michela Frigiolini, Nadia Amiri, etc., nous ont aidés à percevoir que pour aborder les questions économiques et sociales il fallait prendre tout le champ des problèmes. Cela n’éloigne pas du social, bien au contraire, cela y ramène plus fortement en rendant visible, crédible le sens du mouvement. La séparation du social et du sociétal réduit le champ politique et contribue à l’éloignement des citoyens, à les dessaisir. Plus grave, à ne pas saisir les nouveaux espaces politiques en germe dans la société de manière Partielle évidemment minoritaires voire à la marge.
Ce débat traverse de nombreux sujets comme celui essentiel des droits de l’homme. Pendant longtemps, il faut bien l’admettre, nous avons considéré la conquête des droits fondamentaux et civiques comme secondaire par rapport aux enjeux de l’exploitation et de la lutte des classes. Il nous faut retravailler tout cela, les yeux ouverts sur notre histoire, pour gagner en crédibilité. Cela nous permettrait de combattre l’idée selon laquelle la liberté serait synonyme de libéralisme. La primauté à l’individu, l’ouverture des frontières et la libre circulation par exemple sont pourtant tout autre chose à condition que nous les prenions de façon offensive et que nous ne donnions pas l’impression de vouloir d’abord les borner et réduire leur portée au nom d’autres enjeux jugés plus importants comme ceux de la souveraineté nationale. Ce qui ne permet d’ailleurs pas de ressourcer, dans notre temps, la démocratie à tous les niveaux du local à l’international.
Serge Guichard rappelle par ailleurs que Michela Frigiolini a été la candidate la plus demandée par les Communistes. Les sans-papiers ont eu un énorme succès au meeting du Zénith. Cela révèle que les enjeux dont ils sont porteurs suscitent beaucoup d’intérêt chez les Communistes. Dès lors, nos difficultés à les aborder relèvent plus de nos craintes et de nos hésitations que d’un quelconque retard de la société et des militants sur ces sujets. Les questions sociétales ne sont pas un dérivatif, un supplément d’âme, aux questions sociales, elles en constituent le mode d’apparition, la source et l’objectif. Elles ouvrent des espaces qui aident à conjuguer conquête de libertés nouvelles et combat contre le libéralisme. Cela est d’autant plus utile pour nous que de nombreuses personnes qui travaillent avec nous sur ces questions adhèrent aujourd’hui à notre Parti, parce qu’ils savent aussi que le temps nous est compté.

Nicolas Marchand formule trois brèves remarques générales : 1) Pas de nombrilisme : le résultat du Parti n’est pas le fait majeur. S’il y a échec, c’est pour l’Europe actuelle et pour toutes les forces politiques. 2) Pas de catastrophisme : notre influence est plus élevée que les 6,7 % aux européennes et notre potentiel, bien plus large, demeure. 3) Pas de tranquillité : attaquons-nous franchement aux problèmes qui nous sont posés.
L’orateur pense qu’il y a deux erreurs à ne pas commettre. Celle de considérer que c’est toute notre politique, la nécessité de la mutation, de l’ouverture qui devraient être remises en cause. La deuxième serait de sous-estimer les problèmes qui nous sont posés, considérer que nous nous sommes heurtés à de l’incompréhension, que du point de vue de notre politique que de sa mise en œuvre, il n’y aurait rien à changer, mais à enrichir et à mieux expliquer et communiquer. Si la conclusion devait se limiter à « on continue, on accélère », elle ne répondrait pas aux attentes. Nous avons besoin d’un débat portant bien sur les questions de fond, sur notre politique, sur ce qu’il nous faut approfondir, améliorer, modifier dans sa mise en œuvre et notamment modifier, parce que dire seulement approfondir, améliorer ne serait pas à la hauteur. La mutation du Parti est nécessaire et vitale. Elle doit donc être poursuivie. Mais nous sommes confrontés à un problème dont les conséquences sont lourdes : il y a dans le Parti du doute sur son sens, et dans l’opinion du flou sur notre image.
Qu’est-ce qui se passe ? poursuit l’orateur. On nous trouve plus ouverts, mais plus mous. plus constructifs mais trop alignés sur le PS. Du point de vue de l’identité et du projet, il y a du flou. Ce n’est pas nouveau.
Robert Hue soulignait dans son livre : « L’exigence affirmée avec force que la participation gouvernementale n’entrave pas la politique du Parti, qu’il dise ce qu’il a à dire, qu’il affirme davantage ses positions, ses propositions, sa différence ; un discours perçu comme trop peu combatif. » Ces problèmes pour nos militants font problème aussi pour nos électeurs. Ils font obstacle à la fois au déploiement de notre potentiel militant et à la progression de notre influence. lis sont parfois niés ou minorés ; il faut les examiner avec soin, avec la volonté d’apporter des réponses adaptées. Qu’est-ce qui n’est pas clair ? Notre image seulement ? Ou nous-mêmes ? Son opinion est que nous devons nous concentrer beaucoup plus sur le fond. Nous devons apporter plus de contenu en terme de projet, de stratégie, de construction politique et, c’est essentiel, de lien cohérent entre nos actes immédiats et notre projet.
C’est ainsi que nous rendrons vérifiable, par des actes et du contenu, mieux que par des affirmations, que la mutation n’est pas une dérive, qu’elle n’a pas d’autre objet que de faire du Parti communiste français la force politique communiste adaptée au combat révolutionnaire d’aujourd’hui. Dans ce cadre, la question du projet, de son attractivité, de sa lisibilité est réelle. Mais il ne faut pas l’isoler. Tout aussi importante est la question de la mise en cohérence actes-projet, donc aussi celle de la lisibilité des actes.
L’orateur aborde la question de notre action dans le contexte de la participation gouvernementale. Sur ce terrain aussi des choses doivent bouger. Nous avons besoin de clarifier son sens, son apport, son rapport avec notre visée, de donner plus de cohérence à notre comportement.
Les gens apprécient majoritairement notre participation mais ils ne nous distinguent pas bien ; ils nous voient trop alignés. Les acteurs du mouvement social nous voient souvent un ton en dessous de leurs exigences et parfois pire. Nous donnons l’impression d’être trop tactiques, pas assez sur une ligne de fond, sur des objectifs identifiables, pour l’immédiat et en terme de visée, trop fixés sur le possible immédiat du rapport des forces, et sur les oscillations des sondages. Le rapport des forces est une donnée. Le tout ou rien n’est ni efficace ni révolutionnaire. La crédibilité immédiate des propositions est nécessaire. Mais tenir compte du rapport des forces n’est pas s’y soumettre. Est-ce que nous n’y sommes pas trop soumis ? Travaillons-nous suffisamment ces problèmes de rapport de forces pour les faire bouger ? Mettons-nous suffisamment, en terme de débat et d’action, les problèmes entre les mains des citoyens ?
Sommes-nous vraiment, toujours, à tous les niveaux, les relais du mouvement social (les relais et pas les remplaçants) ? Ne manque-t-il pas souvent un pan important de notre fonction politique nouvelle – fonction de construction, fonction de relais, d’accord, mais aussi fonction de critique et d’action. Cette faiblesse est contradictoire avec la recherche d’une jonction nouvelle mouvement social-politique. La question nous est fortement posée de déployer de façon beaucoup plus visible la politique, porteuse de propositions immédiates, de valeurs, et de projet sur ce terrain de l’action.
Enfin, nous avons besoin de parler vrai, tout le temps, d’être mieux nous-mêmes avec plus de constance. Pas de monter le ton. Mettre le ton et les actes au niveau réel de ce qui se passe. Mieux mettre en évidence notre apport et ses limites (et les raisons de ces limites). Notre participation et notre autonomie, de faire vivre, pour tous ceux qui attendent mieux, une perspective.
Car dans la majorité plurielle, les Communistes ne sont pas seulement une composante originale, ils ne doivent pas se réduire à un rôle de contrepoids, ils sont, et cela devrait se voir beaucoup plus, les représentants d’une alternative, pour la gauche, d’une voie politique de changement plus audacieuse et plus à la hauteur des attentes sociales. L’intervenant pense que comme direction nous devons marquer notre volonté de bouger dans la mise en œuvre de notre politique pour construire, reconstruire de l’unité et de la confiance, fonder une nouvelle dynamique militante de conquête, permettre l’avancée nécessaire de notre mutation.

Sylviane Ainardi souhaite exprimer ses préoccupations et ses remarques sur trois questions. Elle partage ce qu’a exprimé Robert Hue concernant le « décalage » entre la liste et sa perception, et aussi l’idée qu’on n’allait pas trop vite. Il ne s’agit effectivement pas de faire une pause, et surtout pas de se mettre en conclave. Mais « il nous faut quand même réfléchir au temps humain très court dans lequel plein de choses se bousculent ». Elle part de 1997 : décision de participer au Gouvernement, puis engagement dans une nouvelle conception de l’Europe, puis changement de L’Humanité avec tous les problèmes posés, puis une liste inédite. Il y a une cohérence dans toutes ces décisions, mais elle n’est pas du tout évidente. Et tout cela dans un cadre de crise majeure de la politique. Ce qui semble nécessaire à l’oratrice, c’est l’ouverture d’un large débat où on confronte les expériences, les réflexions pour avancer ensemble, en même temps que des initiatives pour les nourrir. Il lui paraît indispensable de revenir sur le sens de la mutation : sur quoi on bouge, pour quoi faire et comment ? « Plus la société bouge, dit-elle, plus on bouge, plus il y a besoin de repères. »
Sylviane Ainardi estime aussi que nous sommes à un moment charnière et que Robert Hue a raison de proposer d’élaborer un nouveau communisme. On n’en a pas fini avec le passé, des gens qui nous regardent de manière positive gardent encore un doute, et des Communistes pensent qu’on a abandonné le projet communiste. Ensuite il faut, dit-elle, travailler sur la crédibilité de ce que l’on propose. Cela nécessite de faire le lien entre projet et propositions identitaires, mais pas seulement : il faut en même temps qu’on réfléchisse sur les conditions pour les rendre crédibles. Avec qui construire ces conditions ? Comment ? Elle donne pour exemple la question de notre participation au Gouvernement. C’est un espace d’intervention pour construire tout ce qui est possible, sans perdre de vue ce qui est décisif : la détermination des forces sociales. Elle cite aussi l’Europe avec la nécessité de faire de celle-ci une ambition du Parti communiste dans la durée, travailler à crédibiliser l’intervention des députés de la liste, en lien avec les Communistes et le mouvement social, la société en général.
Enfin sur la façon de faire, Sylviane Ainardi souligne qu’associer les Communistes au processus de réflexion, les informer c’est très important mais insuffisant. Le déficit d’activité n’est pas né avec le Gouvernement de la gauche plurielle et avec la liste. Il faut un regard lucide sur l’état de nos forces, les relations entre Communistes, notre travail de direction. « Comment travailler avec les adhérents dans une société qui bouge, qui perturbe, qui exige une relation humaine qui fait beaucoup défaut dans notre façon de faire ? Toutes les réunions de la liste en double parité ont percuté. Des idées neuves se sont exprimées, Nous avons appris les uns des autres, beaucoup de Communistes présents étaient enthousiastes mais spectateurs, parce qu’ils n’avaient pas eu eux-mêmes cette expérience. Ce qui est apparu, c’est la richesse de l’apport individuel, qui donne toute sa portée au débat politique. Les jeunes présents sur la liste ont montré aussi leur apport original. Il y a besoin de leur faire toute leur place dans le Parti et dans les directions ». Elle conclut : « il existe une attente et un potentiel dans le questionnement autour des résultats. C’est une invitation forte à bouger nos pratiques de direction, notre conception du militantisme, notre travail sur le projet communiste. »

Henri Malberg se déclare déçu, inquiet mais pas du tout découragé. Il estime que le scrutin du 13 juin apprend beaucoup de choses sur la situation du pays et sur le PCF. Cela nous oblige à passer à une autre étape de notre mutation. « Nous avons réussi à nous défaire de l’image rattachée aux pays de l’Est et de beaucoup de choses négatives. Le PCF apparaît plus ouvert et ancré à gauche. Mais en même temps notre image est brouillée. On ne voit pas nettement ce que nous voulons. Nous devons être plus lisibles sur notre projet pour ne pas être enfermés dans l’alternative dont parlent Marc Lazar ou Anicet Le Pors, « le repli ou le reniement », « quitter le Gouvernement et mourir ou rester au Gouvernement et mourir ».
À cette contradiction, la réponse est vers l’avant. Le Parti doit contribuer dès maintenant à une mobilisation véritable des forces transformatrices dans les luttes sociales, le combat politique, et contribuer à une volonté de résistance et de luttes. Notre influence est un enjeu majeur pour tous ceux qui veulent empêcher la dérive de la gauche vers le « social libéralisme ». Mais il y a encore autre chose. Sans efforts acharnés pour dégager une perspective, on ne peut pas peser. On doit discerner nettement le PCF comme à la fois porteur d’une critique radicale de la société, d’une conception anticapitaliste communiste et d’objectifs atteignables, de réponses aux besoins immédiats dans le pays et au Gouvernement. Si nous devons tenir compte des faits, du rapport de forces, à la différence du PS nous n’existons que si un projet politique qui va au-delà du capitalisme est nettement visible. Assez précis pour montrer « pourquoi nous combattons » et assez convaincant pour ceux qui veulent changer la société : les exploités et les opprimés, les intellectuels progressistes. L’orateur se déclare d’accord avec les groupes de travail et les pistes proposées pour préparer le congrès.
Nous devons aussi être porteurs des idées les plus progressistes qui naissent dans la société, d’un positionnement qui refuse l’ordre actuel et qui croit que l’homme peut mieux faire. Il faut aussi continuer à réfléchir au rapport entre politique et mouvement social, progressiste, les syndicats, les sans-papiers, le féminisme, l’antiracisme… Ils sont essentiels. Il faut les respecter comme tels, s’allier avec eux et aller jusqu’où on a été avec la liste. Mais il faut faire attention à ne pas minimiser le moment propre de la politique qui a son champ spécifique : les projets, la pratique et la théorisation des enjeux les plus généraux, la gestion d’ensemble… La politique est une conquête historique des classes populaires contre les puissants. Stanislas Nordey, Michela Frigiolini, Michel Deschamps ou les évêques de France posent la question de l’engagement politique. Nous devons le valoriser ainsi que le militantisme, le sens de l’intérêt général. Nous devrions mener une contre-offensive contre le libéralisme car si le mouvement social est, pour une part, déstabilisé par le chômage et l’idéologie du moindre mal face au libéralisme, c’est le combat politique qui peut dynamiser ce même mouvement social en lui proposant des issues, une confiance, un espoir.
Pour conclure, le directeur de Regards estime que 7 % ne reflètent pas l’influence réelle communiste actuelle car, pour les citoyens, l’enjeu est apparu moins important que pour les municipales, les législatives… Nous pouvons rebondir. Dans le cadre de la préparation du congrès, le mensuel communiste envisage dès septembre un supplément spécial « dossier congrès-forum » pris sur le journal actuel, abordant les grandes questions dans un dossier de 8 à 16 pages.

Jean-Claude Gayssot dit son accord avec le rapport et avec l’intervention de Robert Hue. Il porte ensuite une analyse sur les élections. Celles-ci ont toujours été difficiles pour le Parti communiste. D’autant que cette fois-ci, la situation était particulière avec un manque de lisibilité et des novations concernant la liste. Cela a pu nourrir des doutes et des interrogations ainsi que des critiques. Raison de plus pour avancer en veillant à y impliquer en permanence les militants.
Par ailleurs, Jean-Claude Gayssot évoque la question du projet communiste. Il ne peut s’agir d’une addition de mesures, fussent-elles justes, mais de la construction d’une alternative à la domination du libéralisme sur l’Europe et le monde. Cette question du projet est, en outre, intimement liée à celle de notre stratégie d’union et de rassemblement pour parvenir à marquer des points dans cette bataille. Cela pose bien évidemment la question de notre utilité dans le cadre de la participation au Gouvernement. Alors que le libéralisme domine comme une sorte de fatalité sur tous les domaines de la société, peut-on d’ores et déjà le faire reculer tant au niveau des idées qu’au niveau des résultats. Même si cela est difficile la réponse est oui. C’est la raison pour laquelle Jean-Claude Gayssot appelle à combattre l’idée de la fatalité selon laquelle le capitalisme serait irrémédiablement plus fort que le politique. Le politique peut agir même si les rapports de force sont difficiles. Voyons ce qui s’est passé concernant la libéralisation du transport de fret en Europe. Voyons également au sujet d’Air France que la droite et d’autres aussi au PS continuent de vouloir privatiser ce qu’a permis l’intervention politique et le mouvement social avec la création de 5 000 emplois nouveaux alors que 9 000 avaient été détruits dans la période précédente. En revanche, Aérospatiale est privatisée. Il faut le dire et donner son avis : ce n’est pas une bonne chose.
Alors que tout pousse à la baisse du coût du travail et à la promotion des marchés financiers, il nous faut apprécier justement ce que nous avons réussi en isolant la présidence allemande sur la libéralisation du transport de fret en Europe, ce que nous avons réussi également en contrant les États-Unis, qui voulaient un accord « ciel ouvert » concernant le transport aérien. Quand on réussit cela, on montre qu’il existe bien une alternative à la libéralisation. C’est la première fois qu’on y arrive à l’échelle de l’Europe. Cette même conjugaison entre l’intervention du mouvement social et celle dans le Gouvernement a permis le résultat que nous connaissons à Orly. Ne faut-il pas se saisir de tout cela pour dire ce qui ne va pas, pour dire ce que nous faisons et pour continuer à aller de l’avant et pour dire aussi ce qui ne va pas.
C’est la raison pour laquelle il faut moins que jamais se replier, mais élargir et amplifier la mutation de ce nouveau communisme. En conclusion, l’orateur invite à ce que nous nous inscrivions dans cette démarche pour l’activité communiste et pour les prochaines échéances électorales, notamment les municipales.

Rolande Perlican intervient d’abord sur l’abstention record notamment dans les quartiers populaires. Elle estime qu’on ne peut se limiter aux seules comparaisons de pourcentages et qu’il est nécessaire de compléter l’analyse par l’étude des différences en nombre de voix et pas seulement ceux des précédentes européennes de 1994, car on fait alors l’impasse sur le fait que la « gauche plurielle » a eu la majorité aux législatives de 1997. Si on applique ces critères, on assiste à une perte substantielle d’électorat pour le PS et le PCF qui recule de 146 000 voix par rapport aux européennes de 1994, et 1 347 000 voix par rapport à 1997. Ce recul, selon l’oratrice, était déjà perceptible dans les cantonales de 1998 et il s’accentue dans les municipalités et les trois conseils généraux à direction communiste.
Elle observe aussi que la liste Laguiller-Krivine nous précède dans des quartiers populaires, dans vingt départements, ce qui doit nous interpeler, leur discours a mordu sur un terrain que nous laissons à découvert, et le total de voix de l’extrême droite dépasse de 140 000 voix la liste « Bouge l’Europe ! » Elle conclut sur ce point par le constat que le résultat de la liste est la sanction de l’orientation suivie par le direction du Parti. Depuis deux ans de participation au Gouvernement socialiste, on ne constate aucune amélioration, la vie des gens est devenue de plus en plus difficile. On a beaucoup de difficultés à distinguer ce qui sépare aujourd’hui le Parti du Parti socialiste.
Elle affirme ne pas être nostalgique d’un passé qui nous a conduits là où nous sommes. L’orientation actuelle a été initiée, selon elle, bien avant la direction actuelle qui ne fait que la poursuivre et l’accélérer, elle trouve qu’il est temps d’en tirer les leçons. Elle passe ensuite en revue le résultat de la liste des chasseurs, et dans une certaine mesure celui de la liste des Verts, qui expriment, de son point de vue, le vote « désarroi », le vote « errance politique » qu’elle relie au vote Tapie de 1994. Elle voit dans l’origine de la crise de la politique le fait que plus aucun Parti en France ne combatte résolument le capitalisme, et que la liquidation du mouvement révolutionnaire influence directement et de façon très importante la disparition des forces politiques existantes et à venir.
Rolande Perlican exige que les Communistes puissent débattre sans entraves toutes les questions qu’ils jugent importantes. Elle interpelle les membres du Comité national en jugeant que le rapport, avant toute discussion, amène une réponse qui veut être la réponse, elle en cite un court extrait : « Nos propositions n’ont pas été suffisamment perçues comme une alternative progressiste… La nécessité de la mutation engagée n’est pas en cause, c’est la mise en œuvre… » Elle trouve très significatif le fait de dire « on ne changera rien, on continuera », et ce refus du débat sur la stratégie du Parti, en laissant comme seule explication la mauvaise compréhension de notre position. Sur l’information des Communistes, elle se demande si c’est pour la favoriser que la direction décide la disparition annoncée des comptes rendus du Comité national de L’Humanité.
L’intervenante aborde ensuite le second point, à savoir le trentième congrès. Elle demande qu’on en fixe lors de ce CN la date. Elle considère que ce congrès doit être un congrès stratégique : la question qui se pose est ou on persévère dans la stratégie actuelle et c’est la liquidation du Parti révolutionnaire, ou on change de stratégie et on se place alors sur une ligne révolutionnaire correspondant à notre époque. Elle estime que les propositions de Robert Hue pour la réflexion des Communistes sont insuffisantes, qu’elles réduisent le champ de la réflexion.
Elle trace à grands traits les questions indispensables à mettre à l’ordre du jour : 1. La lutte de classes à l’échelle mondiale : quelle forme prend-elle de nos jours ? Quel est le rapport de forces, son évolution, la stratégie du capitalisme ? 2. L’Europe, quelle est la stratégie du capital ? Les rivalités intercapitalistes, le rapprochement des travailleurs européens en vue d’une Europe des coopérations et de solidarité. 3. En France, l’analyse de la politique du Gouvernement (action en faveur du capital ou en faveur des travailleurs ?), rester au Gouvernement ou le quitter ? La question de la lutte pour un changement politique implique-t-elle oui ou non la lutte contre la politique actuelle et contre ceux qui la mettent en œuvre ? 4. Le PCF, stratégie actuelle ou stratégie de lutte de classes, nécessité ou non d’un Parti révolutionnaire d’avant-garde pour aller vers un véritable changement de société ? La vie du Parti est à reconstruire : dans quel sens ? Celui proposé par la direction actuelle, c’est-à-dire la mise en place d’une force communiste qu’elle veut structurer sous le nom de « Bouge la gauche ! » pour remplacer à terme le Parti ou la reconstruction des cellules, celles d’entreprises en particulier, où les Communistes seront majeurs ?
Il s’agit, selon l’oratrice, de quelques questions essentielles qu’il sera indispensable de mettre avec d’autres questions au cœur des discussions dans les cellules. Le Comité national de septembre devrait lancer le débat de fond, stratégique, elle invite tous les camarades à faire connaître cette exigence dans leur cellule, leur section, leur fédération, au Comité national.
Claude Billard note que déception et inquiétude sont une réalité chez nombre de militants au lendemain des élections européennes. Ce caractère massif de l’abstention et l’importance des votes blancs et nuls
(plus de 6 %) en constituent les éléments les plus marquants et inquiétants, d’autant qu’ils touchent notre électorat, non pas le plus souvent par désintérêt de la politique comme c’est souvent le cas avec l’abstention traditionnelle, mais comme acte délibéré, réfléchi d’une volonté politique.
Parmi les raisons de la démobilisation constatée de notre électorat et par-delà les spécificités propres à cette élection, il y a certainement le sentiment d’une impuissance à modifier quelque chose dans la politique, tant celle menée en France par le Gouvernement de la gauche plurielle que pour la politique européenne. C’est une raison de fond. L’utilité du vote pour la liste n’a pas été ressenti. Notre message politique est apparu brouillé et difficilement audible, pour notre électorat qui en 1997 nous avait fait confiance pour mener à bien le changement. Les efforts pour valoriser la double parité l’ont été au détriment de la clarté du contenu de nos propositions. Notre participation pleinement justifiée au Gouvernement est une chose difficile qui rend encore plus nécessaire la clarté de notre discours et des actes qui doivent l’accompagner. Dans la vie quotidienne, pour nombre de Français, le changement est sans effet, d’où l’expression plus forte des attentes et des mécontentements à l’égard de la majorité et du Gouvernement. Des critiques nourries par la poursuite d’une dégradation de la situation sociale (licenciements, privatisations, délocalisations, smic, pressions sur la protection sociale et les retraites…) alors que dans le même temps la Bourse et les profits battent des records.
Pour Claude Billard, nous avons certes contribué à des avancées comme vient de le souligner Jean-Claude Gayssot, mais celles-ci ne sont pas suffisantes pour lever les interrogations sur notre capacité à influer sur la politique globale et mettre en valeur la crédibilité de nos propres propositions. De nombreux efforts doivent être faits pour valoriser l’autonomie d’action, l’indépendance et la libre parole du Parti, Les grands dossiers à venir tels ceux sur la seconde loi sur les 35 heures, le budget, l’âge de la retraite, peuvent être l’occasion de bien des réponses aux questions : à quelle place et pour quel rôle ? Quelle peut être notre utilité pour influer dans un sens progressiste, opposé au libéralisme, en étant au plus près des réalités, en particulier celles des entreprises ? C’est en effet dans celles-ci que se situe notre terrain, notre champ social que nous devons cultiver sur la base d’une intervention politique persévérante et conséquente pour gagner et regagner de nouvelles forces.
Enfin comme Parti politique, pour donner toute son ampleur à notre démarche d’une pratique politique citoyenne, nous devons donner corps à notre projet de transformation sociale, à notre visée communiste, afin de tisser les nouveaux rapports avec la société civile, la perspective politique et le mouvement social face aux conséquences du libéralisme et bien définir une alternative. C’est aussi une nécessité vitale pour un militantisme communiste renouvelé.
« Pour l’heure le débat proposé répond aux besoins d’une réflexion lucide, sur l’analyse et les difficultés qui nous ont conduits à de mauvais résultats électoraux. Nous devons le mener en veillant à être attentifs à faire pleinement vivre la démocratie. De nombreux efforts restent à accomplir en ce sens, pour plus de transparence, pour une meilleure circulation de l’information. Ne dit-on pas que « partager le pouvoir, c’est partager le savoir ? »

Roland Favaro revient sur les résultats de la liste « Bouge l’Europe ! » Ils sont décevants, notamment pour les Communistes qui ont eu parfois un engagement sans pareil pour des européennes marquées chez nous par des concours nouveaux et des retrouvailles stimulantes - comme la présence sur notre liste de Kriegel-Valrimont - qui ne seront pas sans lendemain. Ces résultats sont même préoccupants au regard du combat pour avancer dans la voie de la transformation sociale. Cela vaut pour la Lorraine et la Meurthe-et-Moselle, même si on fait un peu mieux qu’en 1994. Je crois qu’il faut dire que les résultats ne sont pas bons, pas pour dramatiser, mais pour se faire entendre et tirer lucidement les enseignements. L’abstention mérite une attention particulière. Ce n’est pas seulement un déficit citoyen, démocratique, c’est un acte politique délibéré. L’abstention n’est pas uniforme. Ceux qui s’étaient engagés dans le débat sur le traité de Maastricht se sont davantage abstenus, pas seulement dans les secteurs qui ont voté « non » mais aussi ailleurs, notamment dans des régions transfrontalières qui avaient voté « oui », de façon majoritaire en 1992.
L’abstention est un défi qui nous est posé. C’est un acte de défiance à l’égard la politique et de l’Europe, mais aussi le signe d’une attente inassouvie de solution alternative. L’abstention ne condamne pas notre démarche mais nous interpelle davantage sur notre résultat. Ces élections ont catalysé une série de malaises, de doutes, accumulés qui ont affecté notre crédibilité. Au-delà du contexte politique, marqué notamment par la guerre du Kosovo, notre électorat habituel a été désorienté et les électeurs potentiels qui nous regardaient avec sympathie n’ont pas été convaincus. Les électeurs voient ce que l’on ne veut plus mais pas encore ce que l’on veut. Au fond le malaise créé réside essentiellement dans le manque d’un projet communiste alternatif, critique constructif et lisible. Or nous sommes loin du compte même si nous avons avancé comme en témoigne le livre de Robert Hue ou encore le Manifeste des 87 candidats.
Dans la campagne, certains ont marqué leur refus de la mutation, ils restent campés sur des positions anciennes qui ont conduit au profond recul de la dernière décennie. D’autres pensent que la mutation va trop vite. L’orateur croit plutôt que le rythme, c’est le contenu, les objectifs et la méthode qui sont en cause, que nous avons souffert d’un manque de mutation plus partagé, maîtrisé pour faire valoir un projet communiste adapté à l’évolution de la société sur laquelle nous avions pris du retard qui continue à bouger plus vite que nous.
Roland Favaro illustre son propos à l’aide de trois exemples. D’abord, au moment où l’Europe montre ses carences, notre affichage euroconstructif et antilibéral a pris à contre-pied notre électorat traditionnel. La double parité est apparue comme un but en soi. Nous avons montré que nous avions changé au lieu de prouver que nous sommes le Parti du changement. Enfin, la formule « ancrer à gauche » a contribué à alimenter l’idée que nous sommes une force d’appoint et non pas un partenaire indépendant, à part entière indispensable pour construire une véritable politique de gauche. Nous avons ainsi invivé [invité ? avivé ?] les incompréhensions sur notre participation au Gouvernement. Nous sommes à un moment décisif pour la vie et l’avenir du Parti, tout retour en arrière serait suicidaire, mais il ne suffira pas seulement de continuer. Il faut avec le trentième congrès avancer vers la création d’un communisme moderne.

Nicole Borvo, sans revenir sur le résultat des élections, souhaite aborder quelques points. Elle note d’abord que si la liste « Bouge l’Europe ! » présentait beaucoup de novation, l’on ne peut pas dire que ce soit là la raison des difficultés que nous avons rencontrées. Elle plaide pour pousser plus au fond le pourquoi de celles-ci et pour que cela fasse l’objet d’une réflexion plus approfondie. Elle note à ce propos que si cette liste était le signe d’un meilleur rapport du Parti à la société, elle ne pouvait pas dire plus que la réalité et ne pouvait occulter les problèmes propres au mouvement social, les rapports difficiles entre celui-ci et la politique ainsi que nos propres difficultés.
Elle constate que beaucoup de militants du mouvement social ne se sont pas du tout sentis partie prenante, parce que nous n’avons pas encore réussi à progresser les uns et les autres dans le lien entre revendications sociales et rapports de forces. Nous n’apparaissons pas suffisamment comme relayant les mouvements sociaux. Or nous le savons, il ne peut y avoir, il n’y a pas d’un côté le ou les mouvements sociaux qui « expriment » l’urgence sociale et de l’autre le politique, les rapports de forces. L’autre point évoqué tient au fait que nous n’avons pas su mettre en valeur ce qu’il y avait de plus novateur et transformateur dans cette liste, et notamment les dimensions jeunes - femmes - chômeurs - immigration. Cela n’a pas « émergé ».
Nicole Borvo ne partage pas les propos qui visent à considérer que les problèmes de société sont « secondaires ». Elle considère que les questions dites de sociétés ne s’opposent pas loin s’en faut aux questions sociales (avec ce que l’on entend par là de contenu de classe et de transformations nécessaires). Au travers de celles-ci s’expriment les aspirations, les enjeux, les rapports de forces. Il y a un lien étroit entre les enjeux sociaux et les enjeux sociétaux. Comme direction et pour un nombre plus important de Communistes il y a un investissement plus grand mais ce qui nous est difficile c’est d’avoir une approche « sociétale » des problèmes de gens (35 heures, école, environnement…). Nous avons le plus souvent une intervention sur les structures. les professionnels, qui nous fait apparaître à juste titre les défenseurs de catégories de salariés, de populations, mais qui nous fait peu entendre sur les questions elles-mêmes.
Être en phase avec la société, poursuit Nicole Borvo, est indispensable. Nous avons très bien senti le besoin de travailler de façon nouvelle le rapport société-politique en initiant les espaces citoyens. Elle est convaincue qu’il fout continuer dans cette voie et faire beaucoup plus dans ce sens. En même temps, souligne l’oratrice, le Parti est attendu à ses propres objectifs : le changement de société, et nous avons du mal à rendre visible ce que nous voulons et la démarche.
Certes l’échec du modèle, les difficultés à passer d’une stratégie qui avait une forte cohérence à une autre, et la toute-puissance du capitalisme mondialisé ne rendent pas aisée la crédibilité d’une alternative. Mais il convient de ne pas sous-estimer que nous ne travaillons pas assez le projet dans sa cohérence de projet de société. Nous avons tendance à faire des propositions, mais le projet c’est autre chose, c’est le sens l’identifiant. Il faut que le Parti s’y implique davantage et avec d’autres parce que les contenus d’un projet alternatif sont en gestation dans le mouvement actuel de la société.
Le dernier point qu’aborde Nicole Borvo a trait au Parti. Les Communistes ont besoin, dit-elle, d’une vie politique plus riche, plus permanente ; pour cela il y a besoin de réfléchir sur nos pratiques, secouer les habitudes, les rapports hiérarchiques qui le plus souvent conduisent à faire « descendre » et « expliquer » les décisions de la direction. Il convient, souligne l’intervenante, de promouvoir des débats plus larges de contenu sur les questions que nous pose la vie, rendre les Communistes davantage auteurs et acteurs.

Guy Carassus indique d’emblée que, par notre résultat décevant, l’électorat communiste et progressiste a voulu signifier qu’il ne percevait pas clairement les tenants et les aboutissants de notre démarche. Il pense y lire une demande d’un plus grand partage dans la création et la mise en œuvre de notre stratégie. Cela appelle, selon lui, les conditions d’une coélaboration par chaque communiste et à travailler à une utilité qui fasse sens. Cela appelle à des efforts conséquents pour rendre plus visible, plus lisible et plus perceptible notre perspective politique.
Concernant les aspects de lisibilité de ce que nous faisons avancer dès à présent par notre activité militante, dans les débats parlementaires et au Gouvernement, il pense nécessaire de mieux les valoriser. Car il faut travailler de concert et à ce que s’affirme une nouvelle citoyenneté, consciente et active qui fasse reculer la délégation de pouvoir, capable de faire entendre ses réponses. Une citoyenneté, précise-t-il, qui accorde une égale dignité au social et au politique, et sache reconnaître leur singularité.
L’intervenant rattache ensuite la question de la lisibilité à celle de la construction du projet communiste. Pour indiquer que nous sommes confrontés dans cette tâche à quelques difficultés qu’il nous faut surmonter. La première tient dans le fait qu’il nous faut savoir opposer en permanence à la logique néo-libérale fondée sur la rentabilité financière, sur la concurrence exacerbée sur le marché toujours plus étendu et sur la confiscation des pouvoirs décisionnels, une logique de progrès social et humain assise sur un développement des personnes, sur la coopération et le partage, sur la démocratie Participative. Et ceci afin de crédibiliser une alternative communiste efficace et épanouissante. La seconde réside dans la relation qu’il nous faut savoir opérer entre les propositions immédiates que nous formulons et le projet de société, de civilisation nouvelles qu’elles contribuent à façonner. C’est le cas avec les 35 heures. La troisième difficulté qu’il est nécessaire de surmonter tient à l’insuffisante maîtrise des évolutions opérées dans les conceptions qui ont structuré la vision du communisme par le passé. Par exemple, la place et le rôle que nous accordons aujourd’hui à l’individu et à l’essor de ses capacités d’intervention, dans le processus de transformation de la société. Or, le projet communiste pour le XXIe siècle, devra avoir pour socle ces innovations s’il veut être une visée crédible d’émancipation humaine.
À propos de la question de la perceptibilité, Guy Carassus la relie aux pratiques politiques et au mode de fonctionnement qui peuvent rendre concrète et palpable notre mutation. À cet égard, il a le sentiment que la démarche et la conception de la politique que portait la liste « Bouge l’Europe ! » n’a pas toujours trouvé dans nos modes d’activité et nos modes d’organisation actuels les démultiplicateurs nécessaires. Il voit à cela deux raisons. Nous commençons seulement à apprendre à travailler avec la société. Nous ne faisons pas encore toute sa place à l’individu communiste. Aussi appelle-t-il à la mise en place d’une organisation plus souple parce que plus sensible aux personnes, plus efficace parce que plus interactive et plus ouverte, parce que mieux en prise avec le mouvement de la société.
En conclusion, il dit être convaincu de la nécessité d’affirmer un projet communiste qui nous identifie pleinement. C’est un des messages qui nous a été adressé. L’autre tient dans la volonté des hommes et des femmes qui aspirent à la transformation profonde de notre société d’y participer. C’est dans ce partenariat à nouer qu’il puisera sa crédibilité.

Élisabeth Gauthier précise qu’elle interviendra sur deux points : le projet et la démocratie. Sur la question du projet, elle était inquiète depuis un certain temps mais les orientations prises par le Comité national lui conviennent. La crise de la société et la crise de la politique sont impliquées. Le manque de participation des Communistes ne découle-t-il pas du fait que nous n’ayons pas assez travaillé sur le projet ? La nouvelle abstention correspond à un refus de vote. Les sociétés européennes telles qu’elles se sont constituées depuis 1945 sont minées, ravagées dans la phase actuelle d’un nouvel âge du capitalisme. Les déceptions politiques sont arrivées en série. L’euro sans perspective sociale, une guerre et des épurations ethniques en pleine Europe cette année.
Déception également provoquée par le type de réponse au néolibéralisme pour proposer la troisième voie : reconnaissance sans limites du marché, casse des concepts de solidarité dans l’action collective face aux forces économiques, destruction de la notion de « droits sociaux », redéfinition du rôle des pouvoirs publics qui auraient à améliorer les capacités des individus de se vendre sur le marché. Face à cette situation, où se situent l’espoir, le sens ? Où se trouvent les clés pour comprendre, changer ? Le débat autour de notre participation au Gouvernement cristallise toutes ces questions.
C’est, à partir d’une critique du capitalisme réactualisée qu’il faudra travailler le projet. Selon l’analyse que l’on fera de la société, de la propriété, du pouvoir, on n’appréciera pas de la même façon les exigences d’émancipation, les avancées possibles. La vision des aspects économiques et politiques de la mondialisation comptera dans la façon de poser les questions du pouvoir. La compréhension de ce qu’est la troisième voie de Blair et Schröder influera beaucoup sur la façon d’envisager les conditions politiques en France et en Europe dans lesquelles nous aurons à développer notre politique de transformation.
Dans l’intense travail à fournir dans lequel il est impossible de séparer contenu et pratique, projet et démarche politique, il faudra partager avec tous les Communistes non seulement les décisions mais aussi la connaissance, l’analyse, l’élaboration. Un bouleversement comme celui produit par la guerre aurait demandé une telle démarche. Souvent les Communistes ont eu l’impression d’être consultés a posteriori. Ce vers quoi il faut aller, c’est une démocratie d’élaboration.

Jack Ralite estime que les résultats électoraux, qui sont un échec, ne le sont pas tant par une absence de « communisme à l’ancienne » mais bien d’une insuffisance de « nouveau communisme ».
L’Europe était le corps du scrutin, la liste « Bouge l’Europe ! » et le PCF ont exprimé une ligne euro-constructive, enfin !
C’est tout nouveau car début janvier à la réunion du congrès de Versailles, sur la ratification du traité d’Amsterdam, nous en étions encore à une ligne eurosceptique. Avec quelques camarades nous n’avions pas pris part au vote, non pas que nous cédions sur le fond antilibéral, mais nous prenions en compte le cadre européen comme nouvel espace public dans lequel on doit se battre et développer des éléments d’un projet.
L’amorce du changement sur l’Europe a été réalisée rapidement. Dans ces conditions il n’a pas été audible pour la majorité des citoyens.
Pourtant, nous avons une expérience du possible à partir de pratiques intelligentes et courageuses qui mordent la fatalité. Il en est ainsi de l’exception sportive avec Marie-George Buffet, votée à l’unanimité par les ministres de la jeunesse et des sports de la Communauté européenne. Ne nous y trompons pas l’exception sportive comme l’exception culturelle ne sont pas des archaïsmes mais au contraire des modernismes qui donnent à l’Europe une espérance.
Sur le Kosovo l’orateur pense que le PCF est passé d’un anti-Otan sans évocation de Milosevic à un anti-Otan dénonçant Milosevic. Cela a beaucoup troublé. Cette question très complexe appelle à des réponses nouvelles. Le PCF ne peut se limiter à l’attitude : « Milosevic est un salaud, il ne fallait les frappes, elles ont d’ailleurs aggravé la situation. »
Cette argumentation est aujourd’hui difficile à tenir, car les frappes ont commencé à régler la situation. Cela pose beaucoup de questions celles de l’ONU, de l’Otan, de la présence russe, de la défense européenne, du droit d’ingérence, du TPI, de l’opposition démocratique serbe… Il est nécessaire que nous cessions de dire que nous avons eu raison sinon nous resterons sur la berge. Nous pourrons alors mener une réflexion tout à fait nouvelle pour aider à bâtir après Yalta une toute autre construction internationale avec la coordonnée capitale des droits de l’homme. Jack Ralite ne veut pas passer sous silence les charniers jour après jour découverts au Kosovo après le départ de l’armée serbe. Il est indigné du dessin de la dernière page de L’Humanité du 25 juin osant renvoyer dos à dos Kosovars et Serbes.
Le maire d’Aubervilliers souhaite enfin traiter de la question cruciale et grave des hôtels meublés. À Aubervilliers, Saint-Denis et Saint-Ouen il existe 893 chambres d’hôtel qui ne devraient pas être habitées car dangereuses et insalubres. Une sourde colère existe en région parisienne où 900 000 familles, soit 20 à 25 % de la population, sont dans la précarité, et représentent un marché de 20 milliards de francs. Il est nécessaire d’avancer des solutions urgentes et fortes pour aider à la sortie des poches de pauvreté, car il n’y a pas de petits détails dans la lutte antilibérale. C’est une responsabilité politique pour aider à l’émancipation humaine.
Par ailleurs, l’intervenant souhaite que des initiatives soient prises afin de traiter le problème soulevé par l’orientation de l’Organisation mondiale du commerce.
Enfin, il conclut en rejetant à la fois la politique du consensus mou et la politique du monde séparé, et en recommandant la tâche politique inouïe mais incontournable d’une construction habitée par l’émancipation analysée avec toutes ses données nouvelles.
Patrice Cohen-Seat, en prologue à son intervention, demande davantage d’organisation du travail des sessions du Comité national. Le déroulement spontané ne lui semble pas satisfaisant. Il propose que soient dégagés, avant les réunions, les principaux thèmes sur lesquels chacun souhaite intervenir, et d’organiser les discussions sur chacun des thèmes avec ouverture courte, quelques interventions structurées et puis un vrai débat.
Abordant ensuite les élections européennes, il rappelle que cela fait un quart de siècle que nous travaillons à sortir du « soviétisme » et six années que nous avons poussé cet effort avec la mutation. Depuis la présidentielle, un mieux semblait perceptible, que paraît démentir notre score. Si après tant d’efforts nous ne décollons pas, c’est que nous sommes confrontés à une exigence historique qui concerne d’ailleurs le courant communiste sur toute la planète. D’où l’inquiétude qui accompagne la déception : allons-nous réussir à inventer un nouveau communisme ou ne pouvons-nous que gérer un cadre politique en voie d’extinction. C’est difficile car nous vivons la fin d’un cycle historique ouvert par la révolution d’octobre, mais aussi d’un autre cycle, plus long, caractérisé, avec la domination du capital, par l’émergence des États nations, la révolution industrielle et la démocratie représentative.
Ce qui fut ainsi la « modernité » est remis en cause par la mondialisation, la révolution informationnelle et la crise de la représentation politique, d’où l’importance et la nécessité de la novation. C’est au regard de cet enjeu historique qu’il faut apprécier nos efforts et nos difficultés en ayant conscience de l’ampleur de la tâche et de notre responsabilité pour donner corps à une identité communiste d’un autre temps. Mais nous butons sur deux obstacles : d’un côté, nous essayons d’élaborer un projet communiste qui doit s’articuler sur des expérimentations sociales, qui ne se décrètent pas et qui sont rendues plus difficiles par le rapport de forces favorable au capital. D’un autre côté, nous sommes pris dans la contradiction réelle de vouloir bâtir une visée réellement communiste en remettant en cause des éléments qui étaient au cœur du projet communiste.
Pour l’orateur, le cœur de notre problème est l’articulation entre « dedans », le fait de travailler dans le réel pour des avancées possibles, et « dehors », vers une transformation communiste de la société. L’essentiel est donc de travailler et de rendre visible le lien entre les deux termes, la façon dont l’un vise à l’autre. L’orateur tient à marquer son soutien à l’idée de travailler davantage à notre projet, mais demande de s’entendre sur ce qu’on entend par là. Il ne s’agit pas de théorie, ni d’un programme, même si cela nécessite l’un et l’autre. Ce n’est plus la conception ancienne du projet communiste, prise du pouvoir par le Parti de la classe ouvrière, étatisation et société d’égalité, voire égalitaire. Pour l’orateur. il s’agit de répondre à la question : « Que voulez-vous aujourd’hui, vous, Communistes ? » Si nous avons, pour une part, réalisé le travail nécessaire pour y répondre, nous sommes encore loin du compte, estime-t-il. Il cite l’exemple de la nation et de la souveraineté où le Parti, collectivement, n’a pas assez travaillé, n’est pas assez intervenu autour de cette question.
Travailler au projet, c’est mobiliser le Parti en donnant corps à ce qui est sa spécificité et sa raison d’être, qui est notre seul espace politique. C’est le produit d’élaborations politiques, théoriques, idéologiques, mais inséparablement articulées à l’expérience sociale. C’est cet ensemble qui lui donne la crédibilité et peut en faire une force sociale. C’est une tâche longue qu’il fout organiser dans la durée.

Pierre Zarka insiste sur l’opposition permanente que nous n’arrivons pas à dépasser entre propositions immédiates et projet communiste ; opposition qui nous bloque depuis plusieurs années. Il considère qu’on traite davantage du projet de société comme une parenthèse que comme une référence politique. Beaucoup de listes, Pasqua-de Villiers, Verts, chasseurs, mais aussi Parti socialiste, ont été vécues comme portant des éléments fonctionnant comme projet de société. Or, les Communistes ont plus que d’autres besoin de rendre concrète, palpable, la conception qu’ils ont de la société, ne ‘serait-ce que parce qu’ils sont, et avec eux la plupart des Partis communistes européens, encore « accolés » à l’échec économique et social des pays de l’Est.
Il considère que ce manque coince la perception que l’on peut avoir du PCF entre du concret mais alors perçu comme l’énoncé de revendications dépourvues des moyens d’application et de l’abstrait lorsque nous parlons du communisme. Cela donne un côté incantatoire à ce que nous disons. Il rappelle que les attentes vis-à-vis d’un syndicat et d’un Parti politique ne sont pas de même nature.
Il rappelle qu’après le conseil national suivant les élections régionales de 1998 où nous avions fait le constat qu’il y avait d’une part la visée communiste et trop « à côté », « dix axes » perçus alors corne un programme inutilisable. À l’inverse, la proposition énoncée par Robert, en 1995, d’augmenter les salaires de 1 000 francs avait pris de l’ampleur à partir du moment où elle avait été liée à la reprise de la consommation, à la relance de l’emploi et donc à une ouverture vers la sortie de la crise. Nous étions là sur une dimension de projet de société.
Il conclut en soulignant qu’un projet de société n’est ni un catalogue de propositions ni un discours abstrait – une parenthèse pour intellectuels –mais un raisonnement qui lie des propositions entre elles et qui les relie aux effets qu’elles ont sur la société. Donner du sens permet de ne pas nous limiter au préalable à cause du rapport de force au sein de la gauche plurielle, au nom de ce qu’il est possible d’obtenir. Un projet, c’est « d’aller vers un but et le rapport des forces détermine non pas l’objectif mais ce qu’on obtient. Il devient un élément constitutif de la modification du rapport des forces. »

Brigitte Dionnet souligne que le projet communiste a une double dimension, celle de définir le sens de ce vers quoi on veut tendre et celle du chemin pour y parvenir. En ce sens, la question du pouvoir, de la place politique en constitue une dimension essentielle. Dans le projet lui-même nous avons à traiter de ce qu’est le pouvoir, de ce qu’est son exercice. Et cela concerne donc l’exercice du pouvoir au Gouvernement, à l’Assemblée nationale qui pèse sur la possibilité de transformer ou non la société.
En ce sens, les Communistes ne peuvent pas être des relais passifs du mouvement social, leur apport politique est indispensable pour que les modifications s’opèrent. La crise politique est une question majeure à travailler dans le concret pour notre projet communiste. Et ce projet il nous faut le faire grandir dans les conditions d’aujourd’hui, dans un rapport de force où on ne perçoit pas bien les ressorts pour s’opposer au libéralisme, où le débat entre « réguler » ou « dépasser » le capitalisme est décisif.
Et dans les axes pour dépasser le capitalisme est posée la question : comment travailler à des combats contre les dominations, et pas seulement économiques ? Comment s’appuyer sur le débat d’idées, sur les valeurs progressistes qui s’affirment ? Par exemple, ne devons-nous pas mieux faire mesurer ce dont est porteur le développement du féminisme au cours de ce siècle ? Et dans le projet communiste il y a aussi tout ce que nous avons dit sur la nécessaire modification de la vie du Parti, cela aussi en est partie intégrante.

Charles Marziani partage l’idée qu’il faut travailler plus sur des axes à développer dans la société, qui lient immédiat et futur. II faut travailler le lien entre les projets et la stratégie qui lui permet de vivre dans la durée. Nous avons, dit-il, une difficulté à traduire les attentes à la fois en termes d’objectifs immédiats et d’objectifs à long terme. Ce qui fait par exemple que les compromis que nous sommes amenés à passer, au Parlement par exemple, nous reviennent en boomerang et sont parfois interprétés comme s’ils étaient la totalité, la finalité, de notre projet. Il y a une question culturelle qu’il nous faut travailler, celle de la coupure entre immédiat et long termes. Nous avons toujours tendance à couper le revendicatif comme lutte immédiate et les projets politiques comme actions pour le lointain.
La question du lien entre le mouvement social et enjeux de société et notre projet est de même nature. Il nous faut travailler le contenu du projet et notre pratique quotidienne pour porter celui-ci. Être capable au quotidien de projeter la dimension de société et l’expression du projet de transformations, que nous portons. Par exemple, si on veut avancer et gagner sur les 35 heures, il nous faut au quotidien faire vivre aussi la dimension utilisation du temps libre gagné, enrichissement de la vie hors travail.
Cela doit aussi se retrouver dans l’animation de notre travail du Comité national, nous engager dans la durée sur ces grands, enjeux. Il faut des niveaux de cohérence complémentaires et notamment une cohérence nationale. La visibilité, la crédibilité, l’efficacité du Parti dans le champ politique tient à la fois au projet, à la pratique mieux articulée de sa stratégie et à sa capacité de compter comme Parti national. Et il nous faut aussi associer les Communistes en temps réel à ces débats et à cette réflexion, les mettre en situation de co-élaborer. Enfin l’orateur insiste sur une dimension clé de notre crédibilité : le fait que nous donnons une portée nationale à cette réflexion. Et il souligne, à cet égard, la nécessité de donner une dimension nationale à la démarche des espaces citoyens.
Francis Wurtz choisit d’intervenir sur le nouveau lien qui apparaît aujourd’hui entre notre projet alternatif et l’Europe. Tout le monde est d’accord sur le fait que l’Europe est une composante importante de cette recherche. « Soyons attentifs à cette question pour prévenir toute tentation de repli après ces élections, de retour à l’hostilité sur la construction européenne ».
Comme candidat, Francis Wurtz, lors de débats de proximité, a eu la confirmation de l’intérêt pour les enjeux européens, « d’une envie d’en savoir plus ». Il nous faut continuer dans cette voie une démarche constructive, dans une perspective alternative, intégrant une critique radicale de la logique néolibérale actuelle. Nous ne sommes pas seuls dans cette confrontation sur les projets de société. Quand Daniel Cohn-Bendit au lendemain des élections, dans Libération pose comme problème que « l’héritage des grèves de 1995 » est le frein principal à la société qu’il prône, il est à la fois sur son projet et sur les obstacles à sa mise en œuvre. C’est encore le cas des « souverainistes » dont le projet s’appuie sur le rejet de l’Europe. Enfin, le Parti socialiste, en se positionnant face au projet Blair-Schröder, relooke son propre projet.
Tout cela appelle une confrontation d’options sur le fond, qui nous ouvre un espace considérable. Pour nous, maintenant, la première priorité est de tirer enseignement de l’abstention massive dans toute l’Europe qu’il est plus crucial que jamais de construire l’Europe avec les citoyens. Trop de gens se sentent « largués, oubliés, méprisés ». Cela nous interpelle directement. L’exigence démocratique touche à une carence fondamentale de l’Europe actuelle. Y répondre est au cœur de notre stratégie. Cela renvoie également au contenu de notre projet européen. Francis Wurtz renvoie, à ce propos, aux réflexions du conseil national du Parti communiste français de mars dernier, offrant une utile base de travail sur les différentes dimensions des enjeux européens.

De la salle, Sylvie Mayer estime qu’il est difficile de traiter la question du projet communiste sans la lier aux « questions concrètes que l’on retrouve par exemple à travers le vote Vert et chasseurs. Comment pouvons-nous prendre en compte les aspirations que ces votes expriment concernant la qualité de la vie, le rôle des sciences et des technologies. Nous n’apparaissons pas assez porteurs de ces enjeux alors que nous ne manquons pas de propositions, d’initiatives de nos élus, nos militants. Pour faire vivre notre projet il ne faut pas le construire a priori mais à partir des problèmes tels que les ressentent les gens. À propos des enjeux environnementaux, cela pourrait se faire par exemple au sujet de l’eau (nous allons publier un projet de loi qui pourra être largement mis en débat) ou du problème de la taxe écologique pour financer les baisses de charges sociales dont le passage aux 35 heures.
Nous devons être plus fermes sur ces questions et associer les gens et les Communistes au travail sur un projet alternatif.
Par ailleurs Sylvie Mayer s’interroge sur les possibilités données au Comité national et aux Communistes de débattre à propos du bulletin intérieur et de l’association Bouge la gauche.

De la salle, Éric Dubourgnoux dit se retrouver dans les interventions de Pierre Zarka et de Charles Marziani. Pour lui, notre capacité à être offensifs dépend de notre capacité à porter un projet alternatif à partir de réponses concrètes et immédiates aux problèmes que vivent les gens.
Or, nous rencontrons deux obstacles : nous sommes trop craintifs devant les difficultés dans les entreprises parce que nous maîtrisons mal l’articulation entre un projet alternatif au capitalisme et notre participation au Gouvernement. D’autre part, nous ne nous sentons pas encore capables de prendre des initiatives différentes de par le passé avec les salariés. Or, plus nous attendons, plus les difficultés seront grandes. Nous devrions nous engager plus résolument dans la bataille pour conquérir des droits nouveaux de citoyenneté dans l’entreprise, et pour agir sur l’utilisation. de l’argent. Il faut s’engager maintenant de manière concrète dans des initiatives qui intéressent énormément les salariés en faisant vivre le lien entre attentes sociales (réduction du temps de travail, salaires, conditions de travail) et grands enjeux de société (insécurité, éducation, logement, environnement). Cela nous aidera en outre à dépasser le caractère trop revendicatif de notre activité.

Au point où en est la discussion, Claude Pondemer donne brièvement son opinion sur quelques aspects du débat. Pour rendre visible le projet politique, il est indispensable d’associer à son élaboration le potentiel d’électeurs, de citoyens qui doivent en être le « moteur » (dixit Robert Hue). L’expérience de la liste nous a montré qu’il ne suffisait pas d’y avoir des représentants pour que le mouvement social ou sociétal se sente concerné ou partie prenante. Notre projet ne serait qu’un objet d’archives s’il ne concernait pas dès son élaboration les forces politiques qui doivent le porter. Il n’est pas viable sans « citoyens actifs ».
Si nous voulons que les abstentionnistes nous voient, nous croient, participent, ne devons-nous pas nous-mêmes aller plonger les racines de notre projet politique dans les exigences concrètes susceptibles de motiver ces forces citoyennes en friche ? Il ne s’agit pas de « mobiliser » le mouvement social à la place des syndicats ou associations, mais ne peut-on inventer une pratique militante qui permette à tous ceux-là qui ne croient plus en la politique « d’écrire » avec nous le projet de changement qui part de leurs besoins et dont ils auront la garantie que nous le porterons en toutes circonstances ? Leur vote (l’élection aussi est un moment du projet politique) n’est-il d’abord déterminé par leur vie réelle ? Est-ce que ce n’est pas le chemin par lequel ils peuvent accéder au projet de transformation de la société ?

Dominique Grador se retrouve dans la citation « toute théorie est sèche mais l’arbre de la vie est fleuri ». Nous avons besoin d’élaborer eu effet, notre projet en lien avec l’expérience sociale. Dans la compréhension du vote communiste. les études montrent qu’il y a un partage égal entre ceux qui se sont exprimés « pour » et ceux qui se sont exprimés « contre » la construction européenne, ceux qui sont favorables au Gouvernement et ceux qui ont exprimé un mécontentement. Mais ce qui oppose doit-il diviser irrémédiablement ? L’oratrice ne le pense pas mais il faut donner à voir comment on passe du sentiment que le libéralisme verrouille tout, à la construction d’une alternative : c’est bien la question du projet communiste.
L’expérience menée par Marie-George Buffet intéresse beaucoup, car elle fait resurgir à travers le sport une question de société et de modèle de société. Nous devons tirer expérience de ce type de pédagogie dans l’élaboration du projet communiste. L’intervenante estime enfin que le texte et la consultation des Communistes devront faire appel à la diversité des approches.

Paul Boccara est d’accord avec Claude Pondemer : un projet qui n’est pas porté par les actes et les luttes, avec une dialectique entre les propositions et les mouvements sociaux, ne peut pas prendre. Il est aussi d’accord avec Francis Wurtz sur la question de la nécessité de ne pas lâcher sur une autre construction européenne. Mais il pense qu’on y arrivera que si nous organisons des campagnes européennes, avec d’autres en Europe, sur une question précise. Cela aidera le mouvement social à entrer dans la construction, par une lutte, dans l’Union européenne. Par exemple. il y a eu au sommet du Luxembourg, en 1997, des propositions non suivies d’effets pour réduire le nombre de jeunes chômeurs et de chômeurs de longue durée, et il existe en France et ailleurs des minima sociaux très bas qui ne débouchent pas sur l’emploi. Ne peut-on mener une campagne européenne avec les intéressés, les associations, etc., sur l’insertion des populations et des minima sociaux beaucoup plus élevés. et donnant droit à une formation de qualité pour déboucher sur un emploi ? Et cela en exigeant des mesures européennes n’empêchant pas mais incitant les dépenses des budgets et du crédit à cette fin. C’est ainsi que nous pourrons impliquer les gens pour construire une autre Europe.
Notre problème est d’articuler des luttes Partielles et le projet de société en inscrivant ces luttes Partielles dans une radicalité et une cohérence de projet, qui ne soient ni le totalitarisme ni la social-démocratie, c’est à dire un peu de correction étatique sans toucher le triangle : domination étatique, domination du capital, exploitation et aliénation sociale. Notre cohérence radicale pourrait porter sur le triangle : pouvoirs (c’est-à-dire intervention des citoyens et pas seulement délégation à l’État), utilisation de l’argent, objectifs sociaux. Nous voulons changer ces trois éléments dans chaque lutte Partielle nouvelle et dans une nouvelle construction d’ensemble. Mais attention, nous pouvons aller vers des positions « sociales-libérales » sans le savoir. Par exemple, penser qu’il s’agit principalement d’augmenter un « espace public » ou bien de « gratuité », car c’est ce que fait déjà l’État du capitalisme pour compléter la domination du marché capitaliste : de l’école à la prison, ce sont des espaces publics gratuits. Cela ne suffit pas tout. Ce n’est pas remettre en cause le pouvoir de l’État, l’utilisation de l’argent partout, l’écrasement par l’exploitation.
Enfin, l’orateur souhaite préciser que l’économie n’est pas tout, ce n’est qu’un moyen, le but c’est la vie elle-même, pour qu’elle soit plus heureuse. Mais ils se conditionnent l’un et l’autre. C’est pourquoi il faut articuler les deux avec ce qu’il y a de commun : gagner des pouvoirs pour maîtriser sa vie.
Claude Cabanes estime que pour construire une alternative au libéralisme, nous devons partir de la réalité, du monde où nous vivons dont la caractéristique est le mouvement incessant. Travaillons-nous assez sur le « nouveau capitalisme » qui se restructure pour le troisième millénaire ? Nous devons aussi beaucoup réfléchir sur le mouvement de la société lui-même : les aspirations des êtres humains ne sont plus les mêmes qu’il y a vingt ans avec les changements du travail, par exemple. Nous devons mieux cerner ces aspirations et leurs évolutions. Enfin, nous devons revenir sur la question du pouvoir. Comparant notre situation à celle de la République de Venise au Moyen Âge, où le Gouvernement de la cité avait été abandonné aux marchands les plus puissants, le directeur de rédaction de L’Humanité souhaite que nous repensions la question du pouvoir politique et donc de la démocratie.

Jean-Marie Martin considère qu’il faut prendre au sérieux les résultats obtenus par le Parti. Ils ne sont pas bons. Il faut prendre au sérieux également l’attitude des militants et des électeurs Communistes qui se sont abstenus, ont voté blanc ou pour d’autres listes. Sans dramatiser ces résultats au regard de la spécificité des élections européennes, il faut voir que si nous gagnons un peu de nouveaux électeurs, c’est loin de compenser les reculs dans certaines zones de fortes implantation, et que cette tendance s’inscrit dans la durée. Nous sommes devant des questions importantes pour le Parti, pour son devenir. L’orateur invite à regarder les choses en face, il y a, dit-il, une partie appréciable de nos militants, de nos électeurs qui ne s’y retrouvent pas (qu’il ne confond pas avec la petite minorité de Communistes qui sont engagés dans un combat de repli). Il observe qu’il y a une certaine attitude de défiance, un problème de confiance vis-à-vis de la politique du Parti et de sa direction.
Cette situation n’est pas nouvelle mais ces élections ont fonctionné comme un révélateur, un amplificateur d’un questionnement qui existait sur notre utilité, notre capacité à modifier le cours des choses, de notre rôle dans la majorité actuelle, notre identité, notre projet politique, notre « mutation ». Beaucoup de ces camarades qui ont voté avec « leurs pieds » expriment le sentiment d’être dépossédés de leur identité. Sans partager ce sentiment, Jean-Marie Martin y voit le besoin de débat et la nécessité d’avancer sur nos pratiques politiques avec tous ceux qui aujourd’hui dans la société sont disponibles pour travailler à son changement. Mais ce travail, poursuit l’orateur, est indissociable d’un examen de nos pratiques de direction.
Évoquant la participation gouvernementale (qui n’est pas majoritairement remise en cause), l’intervenant constate qu’il existe bien un problème de lisibilité de notre politique, des interrogations sur notre utilité. Cette utilité a besoin pour s’affirmer d’initiatives dans la durée, pour tenter de créer une dynamique sociale et politique pour faire avancer un certain nombre de grandes questions essentielles à la vie quotidienne et à la réussite de la majorité, et en même temps qui leur permette de donner à voir un projet politique novateur, une perspective alternative.
Il cite notamment l’emploi, la précarité, les conditions de travail, les 35 heures, les retraites, le développement durable, les privatisations… Autant de questions à prendre pour construire une dynamique vers des avancées immédiates qu’il convient d’articuler avec une perspective cohérente qui donne mieux à voir de notre projet politique. Cette question de la construction d’une dynamique pour avancer à partir des problèmes immédiats, mais qui s’inscrive dans le processus de construction d’un projet politique novateur lui semble décisive. Jean-Marie Martin considère que c’est la seule manière de nous situer de manière plus lisible, plus offensive sur la question de notre participation à un Gouvernement qui mène une politique trop soumise à la logique des marchés financiers.
L’intervenant plaide pour une intervention spécifique du Parti sur les dossiers immédiats, qui ne s’enferme pas dans les compromis incontournables et nécessaires auxquels nous sommes conduits à l’assemblée et au Gouvernement. S’agissant des propositions faites pour l’activité de l’été, l’orateur les trouve trop « fourre-tout ». Il y a besoin, dit-il, de faire des choix avec les Communistes, organiser un travail dans la durée et en visant à des résultats.
Jean-Marie Martin conclut son intervention sur le thème de la mutation du Parti en invitant à construire avec les Communistes. De ce point de vue il note que la mutation est encore trop vécue comme une destruction de nos points de repères, ainsi nos efforts devraient tendre davantage à une refondation des repères et du projet communiste. La question de notre mutation renvoie aussi aux mutations de la société, à leur analyse, non pas pour les subir toutes, mais pour avoir prise sur la réalité. Il cite plus particulièrement les mutations du travail et de l’entreprise, ainsi que celles auxquelles sont confrontés les jeunes. Nous avons vraiment besoin de travailler à la direction nationale, avec les Communistes avec d’autres, à tout cela, pour dégager des pistes d’intervention, d’action et avancer dans nos pratiques.

Jacques Perreux revient sur les résultats des européennes qui ont été vécus, notamment par ceux qui ont le plus cru à la démarche et aux valeurs diffusées par la liste, comme injustes. En même temps, ce résultat nous fournit une loupe qui permet de mieux voir ce qui est inadapté dans notre politique et nos pratiques.
Il prend quatre exemples : premièrement, la vie démocratique du Parti. Malgré les progrès très nets de ces dernières années, et grâce à eux, les Communistes demandent d’être non seulement consultés, mais auteurs. Ils ne veulent pas, dit-il, que la mutation se fasse « à leur insu, même si c’est souvent de leur plein gré ». C’est un levier pour le prochain congrès. Deuxièmement, si les « causes et les raisons de l’abstention sont multiples », Jacques Perreux y voit pour beaucoup le sentiment de l’impuissance de la politique à répondre aux besoins urgents. Et ce sont ceux qui auraient le plus besoin de ces réponses qui le ressentent le plus. « Dans ces cités où il y a jusqu’à à moins de 25 % de votants, le sentiment grandit chez les gens que leur sort leur échappe » : emploi, avenir des enfants, alimentation, sécurité, propreté de la cité. Mais, questionne-t-il, comment expliquer qu’on veut bouger l’Europe quand on a du mal à bouger la cité ? Prendre en main ces questions ce n’est pas adopter une position de repli du terrain politique mais au contraire en faire un tremplin. Il évoque le besoin d’approfondir la question de ce qu’est la politique et à rompre avec une conception prétentieuse de celle-ci vis-à-vis du mouvement social.
Troisièmement, il aborde la question du projet communiste : « On voit bien ce qu’on ne veut plus, moins ce qu’on veut » dit-il. Il en déduit la profonde nécessité d’un effort de travail d’élaboration collective, et notamment le besoin de retravailler nos valeurs et nos pratiques. Cette élaboration collective d’un projet qu’il n’hésite pas à qualifier de « chantier de siècle », est pour lui d’autant plus cruciale que « son identification se fera à partir de l’expérience que les gens en feront ».
Quatrièmement, à propos de la vie du Parti et de ses structures. Ce qui s’est passé durant la campagne, entre les candidats et des militants, doit selon lui nous amener à réfléchir sur nos pratiques. En effet, tout ce que nous avons expérimenté de partage, de brassage, de mélange où « chacun a plus reçu qu’il n’a donné » et où beaucoup d’entre nous ont retrouvé « le plaisir de militer ». Il y a à trouver, dit-il, un « style de vie communiste », plus généreux, plus ouvert, favorisant mieux la mise en commun des énergies. Cela passe aussi par une réflexion sur nos structures pour qu’elles deviennent des espaces de communisme.

Gilles Bontemps concentre son intervention sur quatre questions. D’abord ? Celle de la difficulté de l’investissement politique du mouvement social avec lequel on a besoin de poursuivre le débat politique en particulier avec ceux qui le représentent. Contradictoirement. il observe que les gens font preuve d’insatisfaction mais dans un cadre délégataire, et qu’ils attendent beaucoup de nous, mais ne sont pas prêts ou ne voient pas l’importance de nous donner les moyens politiques pour obtenir ce qu’ils demandent. Ces problèmes étant amplifiés par la contradiction apparente entre les questions immédiates et celles du projet communiste.
Il pense que pour avancer il y a besoin de rendre plus visible ce que nous réalisons partout dans les assemblées locales, régionales, nationale et au Gouvernement, afin de mieux montrer ce que nous empêchons et ce que nous obtenons. Il faut montrer aussi les obstacles et donc poser la question de l’évolution du rapport de force et pas seulement au moment des élections. Ce qui implique de rendre plus visible le sens de notre démarche et le fait qu’elle s’inscrive dans notre projet de société. Il faut bien montrer symétriquement comment notre projet s’inscrit inséparablement dans les questions de la vie quotidienne. Troisième point, L’Humanité – à propos duquel Gilles Bontemps fait part, au-delà des satisfactions réelles sur la nouvelle formule, de forts mécontentements quant au traitement dont bénéficient le Parti et ses idées, par exemple on y trouve plus souvent Cohn-Bendit que Robert Hue. Il invite à prendre très au sérieux le mécontentement des Communistes et trouve qu’il aurait été bien que la direction du journal fasse savoir au Comité national ce qu’elle envisage pour répondre aux inquiétudes des Communistes qui attendent à juste titre que L’Humanité joue son rôle de journal de la mutation. Enfin il tient à exprimer son accord avec les propositions d’initiatives pour l’été et pense qu’il y a besoin d’un véritable effort dans les fédérations et au niveau du Comité national pour les animer.

Maxime Gremetz intervient alors de sa place demandant à propos de L’Humanité un « débat vrai » qui n’a pas lieu. Alors que plusieurs camarades, dont lui-même, sont intervenus sur cette question, il s’étonne qu’il n’y ait pas de réponse de la part de Claude Cabanes. C’est « cause toujours », lance-t-il, « il n’y a pas de débat ».

Pierre Zarka prend à son tour la parole et s’étonne qu’on arrive à analyser calmement et avec modération les problèmes du Parti, en sachant éviter le psychodrame, et on voudrait que L’Humanité échappe aux mêmes problèmes et tâtonnements que rencontre le Parti. L’Humanité a investi les grandes questions politiques et idéologiques du moment, en permettant sur ces questions une intervention communiste. En même temps se pose pour le journal la nécessité d’approfondir ce qu’est notre nouvelle conception de la presse communiste et ce que cela implique du point de vue du traitement de la politique et particulièrement de l’activité du Parti.

Paule Gecils précise que, dans la Meuse, son département, l’effort militant durant la campagne électorale n’a reposé que sur quelques-uns, la majorité des Communistes ne s’étant pas investie pour la liste. Cette situation laissait augurer d’un fort taux d’abstention. Les raisons le plus souvent évoquées furent : « liste sympathique mais pas crédible », choix politique insatisfaisant et difficilement identifiable, utilité peu évidente sur la scène politique européenne, signification mal comprise de la composition de la liste avec des représentants du mouvement social et associatif.
À l’intérieur même du Parti, le travail de mobilisation a été difficile, des camarades refusant de participer à la campagne et/ou de voter pour notre liste sur la base d’un désaccord avec notre stratégie (de participation au Gouvernement, de justification de certains votes de nos députés, d’ouverture de la liste) ou pour exprimer leur révolte justifiée par leur situation qui ne s’améliore pas. D’autres ont été désorientés par la nouvelle Humanité. Le résultat s’est traduit par un taux d’abstention élevé sur l’analyse duquel Paule Gecils n’insiste pas puisque d’autres l’ont déjà fait.
Dans son département, malgré une légère perte de voix, le pourcentage est équivalent à celui de 1994. Cette apparente stabilité masque des inégalités, en particulier une légère progression de 1,5 à 2 % dans de petites communes dont les maires Communistes sont connus pour leur pratique d’ouverture, et un recul de 1,5 % dans une ville où certains militants avaient choisi de sanctionner la politique gouvernementale en ne votant pas pour notre liste.
Le Comité national, qui s’était réuni trois semaines avant l’échéance, a été informé de ces difficultés. Il convient aujourd’hui de porter un regard lucide et exigeant sur les conditions difficiles de cette campagne, sur la façon dont nous avons travaillé et qui a abouti au résultat que nous connaissons. Même si beaucoup de camarades sont déçus, la plupart de ceux rencontrés par Paule Gecils, même s’ils s’interrogent sur l’utilité du Parti, sur le bien-fondé de l’ouverture par le « haut » de la liste, alors que ce n’est pas la pratique des Communistes, ne remet pas en cause le principe de l’ouverture et plus largement la démarche du Parti. Ce scrutin nous a confrontés à de grandes questions : comment mettre en œuvre nos orientations concrètement ? Qu’est-ce qu’être communiste aujourd’hui ? Il souligne aussi la nécessité qu’il y a d’investir avec le mouvement social le terrain des luttes comme celles du féminisme, de l’antiracisme, de l’homophobie. Paule Gecils pense que les propositions faites pour préparer le congrès pourront y aider.
Beaucoup a été semé pendant la campagne, il convient maintenant de le faire fructifier en associant davantage tous les membres du Parti, en les écoutant et en prenant en compte la réalité de ce que sont les Communistes. En cela la consultation proposée par Robert Hue est une bonne chose, mais elle implique que nous soyons à même d’innover en termes d’organisation, de façon à gagner la participation du plus grand nombre d’adhérents, « d’éveiller chez eux l’intérêt autour de notre projet et à travailler à l’enrichir et à le rendre concret. Finalement, l’enseignement que tire Paule Gecils de cette campagne est qu’il faut dans un même mouvement continuer à travailler avec d’autres jusqu’à en faire notre pratique quotidienne et beaucoup travailler à faire partager cette nouvelle façon d’être communiste aux membres du Parti ».

Claude Cabanes interrompt le fil du débat pour répondre aux allusions faites par plusieurs camarades. Il rappelle que la phrase incriminée de son éditorial comportait un point d’interrogation. « Il ne s’agit pas d’une certitude, a-t-il dit, mais d’une question que j’ai dans la tête – et je l’ai entendue aussi ici. Je l’ai donc écrite. » Il parle ensuite du journal et de la phase de tâtonnement, propre au lancement d’une nouvelle Humanité. Il évoque les enrichissements qui pourraient être apportés au journal concernant notamment les rapports avec le mouvement social. Tout d’abord, le journal doit devenir une référence pour les acteurs du mouvement social avec la volonté de ne pas couper social et sociétal. Il constate que ces liens avec le mouvement social sont aussi difficiles à établir pour le journal que pour le Parti. Il prend l’exemple de l’absence dans les interventions au Comité national de la lutte des salariés de Daewoo et du congrès de la CGC qui a accueilli le patron du Medef avec des sifflets. Ensuite, il regrette les difficultés de la rencontre entre la nouvelle Humanité et la liste « Bouge l’Europe ! » alors que les deux démarches qui les animaient étaient de même nature. Pourtant, il ne partage pas l’idée selon laquelle il y avait plus de Daniel Cohn-Bendit que de Robert Hue dans les colonnes du journal.
Enfin, il formule une autocritique dans la mesure où L’Humanité est devenue un journal un peu froid. Il est donc indispensable que celui-ci retrouve le sens de la révolte. du combat, et de la vivacité de ton.

À la suite de l’intervention de Claude Cabanes, un bref échange a eu lieu dans la salle, le Comité national approuvant la proposition de Pierre Blotin d’ouvrir « un débat » sur L’Humanité lors de l’une de ses prochaines sessions.

Marie-Pierre Vieu revient sur les enseignements des européennes, soulignant qu’il nous faudra du temps pour « percevoir toute l’ampleur de notre initiative à l’aune de la pratique délégataire qui continue à peser dans le mouvement social ». mais que nous sommes là « au cœur du nouveau projet communiste que nous voulons construire ».
S’agissant de la relation mouvement social-politique, elle souligne que pendant des années nous avons contribué par notre pratique à pérenniser un clivage entre l’un et l’autre, banalisant l’idée qu’il y avait ceux qui revendiquaient et ceux qui portaient les perspectives. Cela a contribué à favoriser la délégation de pouvoir par rapport aux politiques et contribué à la crise de la politique que nous vivons aujourd’hui. Robert Hue pointe ce problème, quand il précise que « les Communistes ne sont pas des relais passifs chargés de traduire les exigences sur le plan politique, mais qu’ils doivent dynamiser le débat par leur apport ».
Travailler sur cet enjeu, dans la pratique, consiste à substituer à la formule « amplifier le mouvement social pour peser plus à gauche », le comment « construire ensemble pour changer » en revalorisant pour cela les relais Communistes, militants ou élus. À propos du mouvement social, Marie-Pierre Vieu formule une seconde remarque. Comme Sylvie Jan, elle observe que celui-ci est divers, mais aussi que son rapport à la transformation s’est modifié dans sa nature et dans son intervention. Quand on regarde de près la forte mobilisation de ces six dernières années, ce qui saute aux yeux, c’est la diversité des champs d’intervention smic jeunes, mouvements étudiants, plan Juppé, sans-papiers, chômeurs, lycées, etc.
Ce sont aussi des mouvements portés par les jeunes, parfois des combats minoritaires au début, qui ont fait basculer majoritairement l’opinion. Ces luttes remettent en cause la société dans des termes qui touchent à des valeurs essentielles pour l’avenir de chacun comme le respect, le libre arbitre. Enfin, leur manière de porter leurs exigences au-devant de la scène a aussi changé pour tenter d’intégrer parfois le déficit politique. Cela renforce la nécessité de rendre une alternative politique perceptible.
La troisième remarque porte sur le rapport des jeunes à la transformation sociale. Cette question essentielle devient préoccupante au regard des résultats électoraux. Si les 18-25 ans ont voté majoritairement à gauche et se sont moins abstenus que traditionnellement, ce n’est pas le cas des 25-35 ans qui, pour les deux tiers, se sont abstenus. Remarquons que cette génération, qui a porté Chirac au pouvoir sur le thème de la « fracture sociale », comme celle qui a permis la réélection de Mitterrand en 1988, a plébiscité la construction européenne. Aujourd’hui, cette génération peut basculer dans la désillusion politique. Il y a là un enjeu majeur pour nous comme Parti politique, même si nous avons marqué des points pendant cette campagne en prenant le Parti de la jeunesse avec douze candidats jeunes dont deux maintenant sont des députés européens.
« On ne changera pas le PCF sans les Communistes, travaillons donc maintenant à l’arrivée de nombreux jeunes dans un Parti qui leur corresponde. » conclut-elle.

Raymond Schwenke souligne que l’abstention est la caractéristique de l’élection européenne. 53,2 % d’abstentions sur le plan national doivent mettre tous les responsables politiques en réflexion et plus encore en Moselle, où nous atteignons le triste record de 61,4 % d’abstentionnistes : s’y ajoutent les 6,8 % de bulletins blancs et nuls, les exprimés ne s’élèvent qu’à 31,8 % de la population. Quel revers pour l’Europe certes, mais comment allons-nous pouvoir construire une autre Europe ? II est à noter que, hors la Corse et la Seine-Saint-Denis, les départements les plus abstentionnistes se situent sur la façade est du pays et, sur ces douze départements, neuf d’entre eux sont frontaliers. Ces derniers, et pour l’essentiel d’entre eux, sont des réservoirs de main-d’œuvre pour les pays limitrophes. S’agissant plus spécifiquement de la Moselle, le champ d’expérimentation offert à l’intégration européenne dans lequel évoluent le département et la région ne permet pas à nos concitoyens d’avoir une vision bénéfique de la construction européenne. En effet, celle-ci n’est pas vécue comme une aide permettant de résoudre les problèmes auxquels les gens sont confrontés. Les difficultés sociales et la fragilité économique qui perdurent dans notre région peuvent détourner les gens d’une entité dont ils ont le sentiment de ne pas retirer du positif. L’intervenant souligne que les travailleurs frontaliers, leur situation, a pu les conduire à créer le moins de turbulences possible pour éviter tout risque en direction de leur emploi. Il suggère de diligenter une enquête de l’opinion dans ces départements afin d’obtenir les réponses les plus précises possible à nos questionnements. Dans le même esprit, il propose que nous « constituions un groupe de travail rassemblant les départements frontaliers afin d’ausculter très sérieusement les populations pour mieux construire notre intervention dans ces zones singulières ». Concernant nos résultats électoraux, ils ne sont pas à la hauteur de nos espérances. On perd le plus de voix dans notre électorat traditionnel, qui dit « perdre ses repères » et s’interroge sur l’identité communiste. On gagne des voix chez de nouveaux électeurs qui ont apprécié la démarche d’ouverture de la liste. Des critiques ont été formulées sur la composition de la liste et l’insuffisante association des Communistes à sa constitution. Des manques de cohérence ont été perçus sur des sujets d’importance tout au long de la campagne. Des Communistes demandent un rapport d’étape sur la situation de L’Humanité, aujourd’hui. D’autres encore ont relevé l’enthousiasme partagé avec les candidats de la liste et notamment celles et ceux issus du mouvement social. Il se dégage l’idée largement partagée de poursuivre une démarche d’ouverture.
« Et ce qui est vrai pour l’Europe l’est aussi pour la visée communiste » poursuit l’intervenant. Il apparaît utile de travailler à un projet politique, un projet de société pour les humains du troisième millénaire. Il se retrouve totalement dans les pistes avancées et les travaux à entreprendre sans délai, notamment dans le cadre des groupes de travail proposés. Il partage aussi l’idée d’organiser une vraie consultation des Communistes – de tous les Communistes. C’est une impérieuse nécessité.

Patrick Braouezec partage beaucoup de choses de ce qu’ont dit Roger Martelli et Jack Ralite. notamment sur la question des hôtels meublés. Le résultat n’a pas surpris l’orateur car il ne pense pas que c’est forcément en créant un lien avec le mouvement social que l’on obtient un bon score. Mais plus certainement, c’est à partir d’un projet mobilisateur que nous aurions dû aider à fédérer. Cette insuffisance s’est traduite par l’absence d’appropriation par le PCF et le mouvement social de cette démarche et du moment des élections.
Il estime que nous payons aussi notre ambiguïté sur les questions de société. « Nous défendons du bout des lèvres des sujets comme l’immigration et l’homosexualité, mais en les mettant à part. » L’intervenant exprime son désaccord avec Alain Bocquet sur ce point : il n’y a pas, selon lui, à opposer les travailleurs, les immigrés, les homosexuels. Ce sont aussi des travailleurs, mais avec des spécificités qu’il nous faut traiter. Ainsi, si nous faisions le lien entre les sans-papiers et le monde du travail, nous aurions moins de difficultés sur cette question, y compris au sein du PCF. De la même manière, nous traitons mal les populations exclues, et ce notamment dans notre gestion où la pauvreté est souvent vécue comme un handicap. Dans ces conditions, il ne faut pas s’étonner de la désaffection à notre égard dans les quartiers populaires. Nous devons les considérer aussi comme des salariés potentiels. Nous sommes à la croisée des chemins en ce qui concerne l’évolution et le modèle de société qui prédomine en France. Ira-t-on vers une société à l’américaine ou vers tout autre chose ? Nous pouvons jouer un rôle particulier notamment au travers de l’élaboration de notre projet. Nous devons articuler, dans le discours, les initiatives, les revendications, la gestion, ce qui peut permettre des bougés significatifs des citoyens et ce qui est porteur d’une alternative radicale.

Richard Dethyre, après avoir dit sa perplexité sur la façon dont la discussion et le travail du Comité national sont organisés, aborde ce qui à son avis est au cœur de la crise de la politique : le rapport au réel. De quoi s’agit-il quand on parle du réel à propos du chômage ? Le chômage c’est l’enfer, littéralement, la précarité c’est l’angoisse, la course permanente. Portons-nous cette souffrance, cette réalité, au niveau d’indignation qui y correspond ? Non. Pourquoi ?
Parce qu’en réalité, par certains côtés nous avons encore à la fois la culture de la société d’hier. Cette réalité, centrale, est trop loin de nous. Elle n’irrigue pas notre quotidien, notre sensibilité. Elle est même, à mon sens, à la base d’une difficulté à définir un projet alternatif crédible. Si l’on met en rapport cette souffrance, cette urgence vécue dans leur chair, n’ont-ils pas à juste titre le sentiment d’être abandonnés à leur sort ? Car on ne nous juge pas sur ce qu’on dit mais sur ce qu’on fait, les résultats électoraux l’attestent sans conteste. Mais c’est aussi ce qu’ils disent, ce qu’ils ont dit, par exemple il y a environ un an à Saint-Denis, réunis à plus de 750 « vous nous avez abandonnés » a-t-on entendu. Rien n’est fatal en la matière.
« Mon expérience du mouvement des chômeurs me l’a appris. Mais à condition que l’on modifie à la fois notre regard, notre pratique, notre réflexion sur le sujet. Et même nos outils de lecture des éléments sociaux dont je parle. Ces nouveaux damnés de la terre ne sont pas de fiers prolétaires. Ils sont désignés en négatif : chercheurs, sans, demandeurs, présupposés coupables soumis à tous les contrôles et à toutes les enquêtes sociales. C’est même parce que nombre d’entre eux n’ont pas répondu aux convocations, souvent inutiles, de l’ANPE que les radiations ont progressé de 30 %. Ils symbolisent bien quelque chose de fondamentalement nouveau. Ils ne sont ni une classe ni un front homogène, pourtant pour la part de ceux qui se sont organisés et révoltés ils ont posé avec beaucoup d’enthousiasme l’idée de radicalité, le rapport entre la réponse à l’urgence sociale et le nécessaire changement social. »
Les Communistes investis dans ces associations ont largement contribué à la construction de ce mouvement et à ses orientations. Le débat dans ce mouvement est vif et riche. il est politique. On y aborde le travail et l’emploi. quel avenir pour le travail, la possibilité d’accéder pour chacun à un emploi, la question d’un revenu d’existence ou revenu universel. Il y a débat sur l’indemnisation du chômage. C’est au cœur même de cette situation de chômage que l’on peut trouver l’alternative à ces questions, conclut l’orateur.

À la suite de l’intervention de Richard Dethyre, qui clôt la discussion générale du Comité national, Nadine Garcia, qui préside la séance, propose que les membres du Comité national donnent leur avis sur les propositions contenues dans le rapport de Jean-Paul Magnon. Un échange s’instaure alors dans la salle à propos des initiatives de l’été. Auront-elles un caractère national ? Se présenteront-elles sous la forme d’un cahier ou d’une pétition ? Concerneront-elles seulement la préparation du budget 2000 ou aborderont-elles plus largement l’ensemble des questions économiques et sociales à l’exemple des 35 heures, des retraites, de l’emploi, de la loi de financement de la protection sociale, de la réforme des fonds structurels européens, ou encore de la question des aides à l’emploi ? Par ailleurs, des précisions sont demandées s’agissant de la date du prochain congrès du Parti.

Robert Hue intervient alors sur l’ensemble de ces questions. Concernant « nos initiatives d’été », il rappelle « que nous ambitionnons de foire bouger le débat parlementaire » afin d’obtenir des avancées significatives favorables à nos concitoyens. Un matériel national va être élaboré en ce sens : il pourra être décliné localement pour être le plus proche des préoccupations des populations. Il sera centré sur quatre ou cinq grandes questions autour du débat budgétaire et du contrôle de l’efficacité des fonds publics accordés au nom de l’emploi. Cela permettra de nourrir, dans la situation présente, l’action et l’initiative des Communistes avec l’ensemble des citoyens et des salariés. À propos de la tenue du 30e congrès, Robert Hue indique qu’il se tiendra à la date prévue statutairement. c’est-à-dire courant février 2000. Cependant, souligne-t-il, il n’est pas possible, selon les statuts, de décider aujourd’hui de la date qui sera retenue. Le Bureau national fera des propositions qui seront présentées lors d’un prochain Comité national.