Texte intégral
Mieux vivre dans la ville. Mieux vivre la ville. Voilà une aspiration tout à fait légitime de nos concitoyens.
Aujourd’hui, la gestion de la cité suppose une forte implication sur cette question essentielle de la qualité de la vie dans un monde de plus en plus urbain. Le bruit, le temps perdu dans les embouteillages, la pollution, les atteintes à l’environnement, à l’espace sont devenus des préoccupations majeures. Laisser faire est inacceptable.
Une politique volontariste et cohérente rassemblant dans une démarche de partenariat l’ensemble des collectivités publiques est indispensable. Dans ces conditions, les transports et la gestion de l’espace constituent de vrais enjeux de société, de civilisation.
Ces dernières semaines, l’actualité a été marquée par les pics de pollution et sur les conséquences préjudiciables à la santé et à la qualité de vie dans nos villes de l’usage trop élevé de l’automobile.
Le gouvernement a pris des mesures d’urgence : demi-tarif pour l’utilisation des transports collectifs lorsque le niveau 2 a été atteint au mois d’août puis, tout récemment, gratuité et circulation alternée. Cela a été apprécié positivement par les Franciliens auxquels nous devons rendre hommage, à leur civisme et aussi à l’excellente réactivité des entreprises de transport et des services de police. Les résultats sont positifs : augmentation de l’usage des transports collectifs – +10% à 20% selon les réseaux – et réduction sensible de la circulation automobile dans Paris – +17% – et les 22 communes limitrophes.
Mais cette actualité a surtout mis en évidence l’impérieuse nécessité de développer les transports collectifs dans les villes. Il s’agit d’une composante essentielle de l’écologie urbaine que je souhaite promouvoir. Cela signifie que nous devons définir une politique des transports sur le long terme, nous inscrire dans le développement durable, afin de plus avoir à prendre « des mesures d’urgence dans l’urgence ». J’ajoute que ces dernières ont un coût financier et, pour ma part, je préfère consacrer celui-ci au développement des réseaux de transports en France.
Toutes les enquêtes d’opinion mettent en évidence l’adhésion des populations à la promotion des transports collectifs. Récemment, un sondage SOFRES montrait que, pour réduire la pollution de l’air, 96% des personnes interrogées étaient favorables à un fort développement des transports en commun, de leur fréquence et de leur confort.
L’existence d’un bon réseau de transports, c’est bien sûr la possibilité d’assurer le droit au transport. Mais c’est aussi le meilleur moyen de mieux vivre dans nos villes et d’assurer leur essor. Les transports permettent aux usagers de se déplacer plus vite, de bénéficier d’une bonne accessibilité aux emplois, aux activités sociales et culturelles. C’est aussi pour les automobilistes la possibilité de voir réduits les embouteillages et de circuler dans de meilleures conditions.
Les seuls critères de rentabilité financière à court terme sont évidemment totalement inadaptés pour justifier les investissements en infrastructures de transport. La justification des réseaux, la construction de nouvelles lignes ne peuvent s’appuyer que sur une démarche reposant sur l’efficacité économique et sociale mettant en évidence les avantages pour l’ensemble de la collectivité. Qui peut nier aujourd’hui que davantage de tramways, de bus, de métros, par les gains de temps et d’accessibilité qu’il génèrent, c’est le meilleur moyen de réduire l’usage de l’automobile, ce qui se traduira pour les habitants de nos villes par une qualité de vie améliorée avec moins de pollution, moins de bruit et moins d’accidents de la circulation ?
Les chiffres sont d’ailleurs éloquents, dans Paris intra-muros, où il y a un bon réseau de transport, les deux tiers des déplacement motorisés sont effectués par les réseaux de la RATP et la SNCF. En banlieue, où les transports en commun sont insuffisamment développés, l’automobile assure 80% des déplacements. Voilà pourquoi lors du XIIe plan, je suis pour privilégier le développement de l’offre de transport en banlieue sur des lignes de rocade. Cela correspond à la réalité de l’agglomération parisienne, qui est passée d’un hypercentre à une organisation polycentrique. Il convient donc de rattraper les déséquilibres et retards accumulés ces dernières années dans la desserte des banlieues. Ces orientations sont également en adéquation avec l’attente des Franciliens puisque 54% d’entre eux y sont favorables et chez ces derniers 71% préconisent le tramway ou le bus, c’est-à-dire des modes légers. Je partage totalement ces aspirations et je voudrais dire tout l’intérêt que je porte au tramway.
Par le passé, avec les Trente Glorieuses et l’essor de la motorisation des ménages, les politiques publiques ont trop souvent cherché à adapter la ville à l’automobile. Aujourd’hui, on mesure mieux les erreurs commises. Le tramway est à nouveau reconnu comme un mode de transport moderne parfaitement adapté aux besoins des agglomérations : non polluant, pas bruyant, peu consommateur d’espace, il est également moins coûteux car circulant en surface. À budget identique, il est possible de construire quatre à cinq fois plus de kilomètres de tramway que de métro, desservant ainsi plus de population et d’emplois. J’ajoute que le tramway bénéficie aujourd’hui d’avancées technologiques avec le TVR qui circulera prochainement, à titre expérimental, sur la ligne Trans-Val-de-Marne en mode guidé électrique et en mode non guidé thermique. Les villes de Caen et de Clermont-Ferrand sont les deux premières villes françaises engagées pour la réalisation d’un site propre exploitant un TVR. Mais, nul doute que d’autres villes en France seront également candidates pour développer ce nouveau mode de transport particulièrement innovant et qui offre des opportunités de requalification urbaine très appréciées par les populations et les élus.
Pour l’Île-de-France, en partenariat avec la Région et les départements, je souhaite que soit engagée la réalisation de 40 à 60 km de tramway supplémentaires lors des XIIe et XIIIe plans, qui s’ajouteront aux lignes de Saint-Denis-Bobigny et TVS dont le succès est indiscutable. Pour la province, je sais que plusieurs agglomérations pensent également accroître leur réseau ou se doter d’une ligne de tramway. Au total, les projets portent sur plus de 150 km de lignes de tramway, ce qui est évidemment audacieux, mais indiscutablement à la hauteur des enjeux.
Mais bien sûr, dans les années à venir, nous n’allons pas développer que des tramways. Je sais qu’il y a aussi des projets d’extension de lignes de métro de VAL, de RER et de chemins de fer qui sont tout à fait justifiés comme les études l’ont démontré. Le maillage des radiales avec les nouvelles rocades sera largement favorisé. Et puis, il y a aussi l’indispensable concertation avec les élus que je souhaite favoriser. C’est ainsi qu’en Île-de-France, où le rôle de l’État est déterminant pour la politique des transports, je souhaite une large concertation avec tous les acteurs politiques, économiques et sociaux de transport afin d’établir un projet qui soit optimal, répondant véritablement aux aspirations des Franciliens tout en étant la transcription de l’intérêt général.
J’ajoute que cette réflexion doit également comporter un volet financement afin de dégager des ressources nouvelles, avec l’idée de transposition à la province. La réforme des transports parisiens, envisagée depuis plus de 20 ans, doit être remise à l’ordre du jour avec l’objectif d’associer tous les acteurs.
Vous le voyez, le développement de l’offre des structures sera un axe majeur de ces prochaines années. Dans le même temps, il faut être attentif au qualitatif, c’est-à-dire aux conditions de déplacement des voyageurs. J’y attache autant d’importance que le développement, sinon à quoi cela servirait-il de développer des lignes de tramway et de métro si les utilisateurs ne sont pas au rendez-vous ? Là encore, toutes les enquêtes d’opinion le confirment, il y a une grande attente des voyageurs.
54% des personnes interrogées, utilisateurs et non-utilisateurs des transports collectifs, mettent la sécurité contre les agressions comme l’amélioration du service en priorité ; viennent ensuite la propreté, l’information donnée aux voyageurs, la ponctualité.
Le sentiment d’insécurité éloigne du transport collectif nombre de ses utilisateurs potentiels. Les voyageurs nous disent aussi comment le combattre : par le renforcement de la « présence humaine » sur les réseaux, à l’accueil, dans les véhicules et aux abords des lieux du transport. Il faut aussi rendre plus accueillant certains de ces lieux du transport public trop souvent inhospitaliers, enrayer la dégradation des stations, ou des cheminements piétonniers qui conduisent aux haltes et aux gares ; et aussi parfois traiter simplement une question d’éclairage de couloirs souterrains. Je le dis très nettement : le transport public ne doit plus être le mode de déplacement imposé à celles et à ceux qui n’ont pas d’autres choix. Il doit être choisi pour son efficacité, sa rapidité, son confort, sa sécurité. Reconquérir cette image de marque pour le service public du transport, c’est dans le même mouvement reconquérir, en trafic voyageurs, donc en recettes. Mais, surtout, c’est contribuer à rendre la vie quotidienne plus humaine pour des millions de gens.
Plus de présence humaine, c’est évidemment le moyen le mieux adapté pour s’attaquer au sentiment d’insécurité. C’est aussi permettre un bon accueil et une meilleure information. Les efforts engagés dans cette direction et qui sont appréciés par les usagers doivent être poursuivis. Les effectifs concernés de la SNCF et la RATP seront augmentés afin de répondre à ces objectifs tout en permettant le développement du réseau. Par ailleurs, ces entreprises s’impliqueront avec dynamisme dans la démarche des « emplois jeunes » souhaitée par le Gouvernement. J’ajoute que la perspective de réduction du temps de travail doit évidemment trouver un champ d’application dans les transports en France. Cela sera créateur d’emploi tout en répondant à une forte aspiration des salariés.
Dans le domaine de la régularité, il faut saluer les efforts de la SNCF sur plusieurs lignes de banlieue, comme la ligne C du RER où des progrès ont été enregistrés. Il faut bien sûr les améliorer encore. J’ai noté que la SNCF dans son projet industriel vise moins de 4,5% de retards : chacun des réseaux et notamment la banlieue doit évidemment concourir à atteindre cet objectif.
Je n’oublie pas la RATP. Mais pour diverses raisons – les contraintes d’exploitation ne sont pas les mêmes – la régularité sur ses réseaux ferrés ne pose pas les mêmes problèmes. En revanche, pour la RATP – et plus généralement d’ailleurs pour tous les services routiers – l’effort doit porter sur les bus de banlieue.
L’amélioration des services de bus de banlieue est en effet une des priorités du transport public en Île-de-France car, quels que soient les moyens financiers qu’on y consacrera, tout le monde ne pourra pas être desservi par une gare ferroviaire à proximité ! Il faut donc impérativement réconcilier les habitants de la banlieue avec le bus et pour cela il faut que celui-ci aille plus vite, arrive à l’heure et que l’usager soit informé des éventuelles situations perturbées.
J’attache une grande importance à l’amélioration des conditions de circulation des bus de banlieue et au développement des aides à leur exploitation, notamment le système Altaïr de localisation par satellite qui peut aussi informer l’usager, comme le font les systèmes SIEL et info-gares sur les réseaux ferrés.
Le confort est également une grande attente des usagers.
Cette intéressante visite nous a permis de découvrir Altéo, le RER que nous venons d’emprunter. À l’évidence, nous avons tous pu constater qu’il contribuera au confort des usagers de la ligne A. Non seulement parce que ce matériel est confortable, au sens immédiatement perceptible du terme, mais aussi parce que la capacité accrue des voitures et leur excellente accessibilité depuis les quais favoriseront la régularité de l’exploitation qui constitue une exigence essentielle des voyageurs du transport public.
L’absence de confort, « l’entassement » dans les véhicules, est souvent invoquée par les non-utilisateurs des transports collectifs. Il est vrai que de ce point de vue la concurrence de l’automobile est très forte. Là aussi, j’invite les entreprises de transport à répondre à l’attente des usagers en prenant les dispositions adaptées visant à améliorer les fréquences, particulièrement en dehors des heures de pointe, et à mettre en service des matériels performants en termes de capacité et de confort visuel.
Le coût du transport supporté par les voyageurs est également une question centrale. Des tarifs trop élevés c’est évidemment le meilleur moyen d’augmenter l’usage de l’automobile, donc davantage de bruit, de pollution et de coût de consommation d’espace, c’est-à-dire l’inverse des objectifs recherchés.
La politique tarifaire doit être plus attractive et adaptée aux différentes catégories de population. C’est aussi un moyen de promouvoir le droit au transport pour tous.
À partir de janvier prochain, les chômeurs bénéficieront d’un chèque transport. Je souhaite que des avantages tarifaires soient également accordés aux jeunes. D’autres adaptations sont souhaitables et j’ai demandé au Syndicat des Transports Parisiens de piloter un groupe de travail et de me présenter des recommandations avant la fin de l’année.
Bien sûr, tout ce que je viens de vous exposer s’intègre dans la définition d’une politique de transport pour laquelle les Plans de Déplacements Urbains sont déterminants. Pour l’Île-de-France, où l’élaboration du PDU est de la compétence de l’État, je viens de demander au préfet de région d’inscrire le PDU dans une perspective de réduction de la circulation automobile tout en favorisant la complémentarité entre les modes. Pour cela, j’ai recommandé les axes suivants :
- amélioration de la circulation des bus rendue possible notamment par des sites réservés et la priorité aux feux ;
- mise en place d’une politique globale et cohérente de stationnement en développant les parcs relais en périphérie et une stabilisation voire une réduction des places dans le centre ;
- évolution des règles d’urbanisme local concourant aux objectifs recherchés, telles les dispositions à intégrer dans les POS concernant les parkings mais aussi la densification de l’habitat et de l’emploi auprès des pôles de transports collectifs.
Vous avez sûrement remarqué qu’à plusieurs reprises, j’ai souhaité m’appuyer sur des enquêtes d’opinion pour établir des recommandations. C’est parce que je souhaite vraiment que les voyageurs soient au cœur de nos préoccupations. Dans le même temps, j’attache une importance particulière à ce que les salariés des entreprises soient également partie prenante des options retenues.
La journée du Transport public est aussi leur journée et c’est la raison pour laquelle je suis allé ce matin dans l’atelier de maintenance de Sucy où sont entretenus les RER de la RATP et la SNCF. J’ai souhaité rendre hommage au travail quotidien des ouvriers, techniciens, employés et ingénieurs dont je connais l’attachement au service public et qui, à tous les niveaux, dans les ateliers, mais aussi dans les stations, les gares, les bureaux, jouent un rôle irremplaçable pour le bon fonctionnement de nos réseaux de transports.