Interview de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, à "Yediot Aharonoth", à la télévision israélienne et à La chaine info le 24 novembre 1997, sur la relance du processus de paix entre Israël et les pays arabes, sur la nécessité pour le Liban de retrouver sa souveraineté, sur le désarmement en Irak et sur l'inquiétude d'Israël face à l'armement de l'Iran.

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Circonstance : Voyage de M. Védrine au Proche-Orient du 24 au 26 novembre 1997-à Tel Aviv et Jérusalem (Israël) le 24, Ramallah (Autorité palestinienne) le 25, au Caire (Egypte) le 26

Média : La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral

Entretien avec la chaîne de télévision « LCI » (Jérusalem, 24 novembre 1997)

Q. On vous a entendu juger la politique de M. Netanyahou « catastrophique ». Vous êtes ici, deux mois et demi plus tard. Avez-vous changé d'avis ?

R. À l'époque, j'avais répondu à une question de parlementaires qui était une question extraordinairement critique sur la politique menée par le gouvernement israélien par rapport au processus de paix de façon générale. J'avais fait part en effet d'une très vive inquiétude devant une série de mesures qui donnaient le sentiment par accumulation de remettre en cause le principe même du processus de paix. Or, pour des pays comme la France en particulier, qui sont attachés de façon indéfectible à Israël et à sa sécurité, seul un processus de paix véritablement conduit, avec sa dynamique propre, est de nature à surmonter les différents obstacles et blocages et aboutir un jour à une solution stable qui garantisse la sécurité d'abord pour les Israéliens, et pour les Palestiniens, et pour les peuples de la région. J'en ai parlé longuement avec M. David Levy, le ministre israélien des Affaires étrangères que j'ai vu à New York fin septembre. Lors d'un contact immédiatement très chaleureux, très amical, celui-ci m'avait dit : « Venez, nous allons continuer à parler. Nous savons très bien que beaucoup de gens à l'extérieur se posent des questions, venez chez nous, venez parler. Il y a des choses qu'on comprend mieux sur place ». Je suis là pour cela, je suis là pour écouter.

Q. Et vous trouvez toujours cette politique catastrophique après vous être entretenu avec certains responsables israéliens ?

R. D'abord, je ne fais qu'arriver. J'ai commencé à discuter. J'ai eu un déjeuner très intéressant avec David Levy. Les positions françaises et l'attachement de la France au processus de paix sont bien connues. Mais nous ne sommes pas non plus les négociateurs. Donc, ce n'est pas à nous de trancher dans le détail des choses. Mais à l'intérieur de cet attachement général à une solution politique fondée sur le respect mutuel, sur la reconnaissance des uns et des autres. On connaît bien la position française sur le conflit israélo-palestinien. À l'intérieur de cela, il y a naturellement place pour un dialogue amical et franc. C'est ce que nous avons eu aujourd'hui et pour le moment, il y a des critiques à faire, mais dans les deux sens. Je veux dire que les Israéliens ne se privent pas de critiquer la politique française quand ils ne la comprennent pas et, pourquoi pas. Alors, on se rencontre. On en discute. Et cela doit être vrai dans les deux sens. L'essentiel étant de savoir si les efforts des uns et des autres peuvent converger pour que ce processus se remette en marche. Il n'est pas tout à fait en bon état. Donc, il faut les efforts des uns et des autres, je parle là des Israéliens et des Français, mais aussi de tous les Européens qui ne cessent de se concerter sur ce sujet.

Q. Alors justement, êtes-vous porteur d'un message européen de fermeté ?

R. Non, il n'y a pas de message au sens propre du terme. Pas de lettre, non. Je ne sais pas d'où vous avez eu cette indication. Mais ce qui est vrai, c'est qu'il y a une concertation permanente. Avant de venir, j'ai longuement vu l'envoyé européen, M. Moratinos, j'ai longuement parlé avec le ministre luxembourgeois M. Poos, qui était le président en exercice et qui a fait un voyage ici récemment, j'ai parlé avec M. Cook, qui va venir lui, l'an prochain, avec la ministre finlandaise. Mme Albright m'a appelé avant ce voyage. Ce qui est vrai, c'est qu'il y a une concertation très étroite entre les Européens d'une part et les Américains et que la concertation a comme point commun cette inquiétude. Ce processus, pour de multiples raisons, est quand même très en panne. Il faut absolument, absolument, le relancer.

Q. L'Europe donne ici l'impression d'une grande impuissance, en particulier comparée au grand frère américain qui est très important pour les Israéliens...

R. Je ne sais pas à quels résultats américains vous comparez les faibles résultats européens dans ce cas d'espèce. De toute façon, je ne rentre pas dans ces jeux de compétition. Il ne s'agit pas de hiérarchiser les actions, de mesurer, de donner une note aux actions des uns et des autres. Ce qui est intéressant, c'est de savoir si ces actions convergent. Est-ce que les actions et les forces de paix en Israël, dans les pays arabes, dans les pays européens, aux États-Unis, est-ce que l'ensemble de ces actions convergent ? Est-ce que les gouvernements responsables trouvent une façon de travailler ensemble qui donne, qui redonne une perspective de solution politique qui permet de surmonter les risques, les obstacles ? Voilà la question. Je suis venu. On n'est pas dans une situation très heureuse. Tout le monde le sait. Ce n'est pas moi qui invente cette situation qui n'est pas très bonne, qui est évidemment préoccupante, mais il n'est pas non plus question de se décourager, de baisser les bras ou de cesser de parler. Donc, je suis là pour parler pour écouter, pour faire part de mes inquiétudes, de celles des autres Européens qui les expriment d'ailleurs eux-mêmes, puisque je viens d'en parler récemment avec eux à Luxembourg. Et c'est intéressant de s'en faire l'écho. Il y a aussi les questions américaines ; Mme Albright me racontait la discussion qu'elle a eue à Londres avec M. Netanyahou. Donc voilà, je pose les questions, j'écoute les réponses, c'est un dialogue de bonne foi. Si on n'est pas d'accord, on se le dit. S'il y a des éléments d'incompréhension, on le répète et on continue. On ne peut pas cesser le dialogue et on ne peut pas baisser les bras. On ne peut pas cesser les efforts pour qu'un véritable processus redémarre et redonne un élan, une perspective de solution qui comporte et la satisfaction des aspirations politiques des uns des autres, et une perspective de vraie sécurité.


Entretien accordé au quotidien israelien « Yediot Aharonoth » (Tel Aviv, 24 novembre 1997)

Q. Qu'attendez-vous de votre prochaine visite dans la région ?

R. J'ai déjà été à plusieurs reprises en Israël, comme dans les autres pays de la région, à titre privé (lors des vacances de l'hiver 1995) ou professionnel. Je suis heureux d'y revenir comme ministre. D'abord parce que M. David Levy m'y a invité. Ensuite, parce que mon pays très engagé politiquement et sentimentalement vis-à-vis de votre pays, de votre région et du processus de paix, est inquiet au sujet de ce dernier. Enfin parce que, pour pouvoir être utile, il me paraît indispensable d'aller sur place pour mieux comprendre comment les problèmes sont ressentis par les intéressés eux-mêmes ce qu'avec l'éloignement on mesure peut-être mal. C'est dire que si la France a des principes généraux, des objectifs, des recommandations bien connues sur la paix au Proche-Orient, elle ne prétend, pour autant, et je ne prétends pas disposer de solution préfabriquée.

Q. Il y a une très jolie page inscrite entre les deux pays. Mais il existe aujourd'hui, au sein de l'opinion publique israélienne. Et parmi les dirigeants, une certaine méfiance dès que la France se mêle à un problème. Certains disent même, en Israël, qu'il y a un renouveau de la politique arabe de la France depuis les élections présidentielles. Que voudriez-vous répondre à ces mêmes personnes qui disent cela ?

R. Le fond des relations entre nos deux pays est en effet l'amitié et le respect. Cela dit, il n'y a jamais identité de vues complète entre la politique étrangère de deux pays même très proches. Il ne faut pas être heurté par ces différences qui sont tout à fait normales, ni encore moins s'en méfier, dès lors qu'on en parle franchement et avec confiance. Je suis là pour cela. Quant à la « politique arabe » de la France, c'est-à-dire aux bonnes relations que le président et le gouvernement français, comme tous les autres occidentaux, entretiennent avec le plus grand nombre possible d’États arabes, je n'y vois aucune contradiction avec l'amitié franco-israélienne, au contraire.

Q. En tant que Français, ressentez-vous des a priori de la part de dirigeants israéliens ou de politiciens ?

R. Des a priori ? Il y en a sans doute, dans un sens comme dans l'autre. Notre dialogue a précisément pour but de les dépasser. Mais ce que je ressens surtout, c'est que la démocratie israélienne est d'une extraordinaire richesse et vitalité, et que l'on y débat beaucoup, de tous les sujets. Les arguments y sont très aiguisés. Je demande à mes amis israéliens d'examiner la politique étrangère française et ses motivations sans idée préconçue.

Q. Concernant votre déplacement en Israël lundi, allez-vous venir avec des propositions concrètes ?

R. Comme je vous l'ai dit, je n'arrive pas avec des solutions toutes faites. Mon pays croit que seul un vrai processus de paix conduisant à une solution politique équitable garantira aux Israéliens, comme aux Palestiniens, une sécurité durable et la satisfaction de toutes leurs autres aspirations légitimes. D'où notre attachement aux engagements pris à Oslo, qui avaient provoqué dans mon pays une immense espérance, aux redéploiements, au gel des implantations, à une lutte concomitante et constante contre toutes les formes de terrorisme, à la mise en œuvre des Accords d'Hébron. Comment exactement ? Ce n'est pas à mon pays d’en décider.

Q. Pour vous, est-ce que la France ou même l'Europe peuvent compléter le rôle des Américains ou au contraire, dans certains cas, jouer sur certains volets de ce conflit un premier rôle ?

R. L'engagement des États-Unis me parait indispensable et je souhaite que Mme Albright poursuive le remarquable travail entrepris.

Je pense que la France, la Grande-Bretagne, d'autres pays européens, la Présidence européenne en exercice, la Commission européenne, l'envoyé spécial Moratinos, les Russes peuvent aussi apporter beaucoup. Le problème n'est pas la hiérarchisation des rôles, mais la convergence des efforts dans l'intérêt de la paix, et donc de la sécurité.

Q. Lorsque je vous ai posé la question, je pensais par exemple au problème libanais.  On a parfois l'impression que le gouvernement israélien actuel ainsi que les autres dans le passé, n'ont pas de solution. Là, certains pensent justement que la France pourrait jouer un rôle, pas moins important. Peut-être même plus important que les Américains. Seriez-vous d'accord ?

R. Je crois en effet que sur le volet libanais, comme sur le volet syrien, il y a une action possible de la France grâce à ses bonnes relations avec les Israéliens, les Libanais et les Syriens, et à son rôle de coprésident du Comité de surveillance des accords sur le Sud Liban.

Q. Les Israéliens de leur côté, vous ont déjà demandé, en tant que ministre français des Affaires étrangères, d'intervenir sur le problème libanais avec des messages au Hezbollah, aux Syriens, aux Israéliens ?

R. Oui, la France l'a déjà fait et elle le refera : faire passer des messages à la demande des uns et des autres.

Q. C'est surtout pour l'opinion publique israélienne que je vous pose cette question. On connaît très bien la position de la France concernant les troupes israéliennes au Liban. Dites-vous aussi la même chose aux Syriens concernant les troupes syriennes au Liban ? Quelle est votre position à l'égard de la présence syrienne au Liban ?

R. Notre position est celle de l'unité, de l'indépendance et de la souveraineté du Liban. Tous les responsables dans la région le savent. Ce qui suppose une solution d'ensemble qui fournira des garanties de sécurité et des relations de bon voisinage aux uns et aux autres.

Q. Au sujet de l’Iraq, je pense que vous avez rencontré M. Tarek Aziz la semaine dernière à Paris ? Qu'est-ce que les Américains en ont pensé ?

R. J'avais vu M. Tarek Aziz, de passage à Paris, pour lui dire franchement que l’Iraq n'avait pas d'autre solution que de revenir sur sa décision et de reprendre sa coopération avec l'UNESCOM.

Vous savez que c'est finalement ce que l’Iraq a fait, après que ce message très clair lui ait également adressé par les Russes qui ont fait un travail remarquable. J'avais parlé de tout cela avec Mme Albright avec qui j'ai un contact très amical et très constant sur tous les problèmes du Proche et du Moyen-Orient.

Q. Avez-vous eu un autre moment pour parler d'autres choses ? Du processus de paix ?

R. Avec Tarek Aziz, non.

Q. Le président de la République, tout en condamnant l’Iraq, a bien dit qu'il espérait (j'ai lu cela dans le Figaro) que l'Iraq intègre la communauté internationale. D'après vous, aujourd'hui, est-ce le souci des Américains ?

R. Le président de la République et le gouvernement souhaitent que l'Iraq accomplisse jusqu'au bout l'élimination des armes de destruction massive édictée par les résolutions du Conseil de sécurité, ce qui lui permettra de réintégrer la communauté internationale, et à nous de lever l'embargo. Quant aux États-Unis ils ont vraiment recherché au cours de la crise récente une solution politique et diplomatique qui obtienne par la fermeté et l'unité du Conseil de sécurité un changement de position de l'Iraq. C'est cela qui a réussi, la France y ayant participé très activement. Fermeté ne signifie pas automatiquement recours à la force.

Q. Depuis deux ans, il existe une section d'intérêts français à Bagdad et une section d'intérêts iraquiens à Paris. En quoi cela consiste-t-il ?

R. En l'absence de relations diplomatiques, les sections d'intérêts servent, comme leur nom l'indique, à veiller aux intérêts du pays qu'elles représentent. Dans le cas de l'Iraq, hormis les questions administratives et consulaires, elles sont utiles pour recevoir et transmettre des messages aux autorités politiques.

Q. Est-ce qu'aujourd'hui, en tant que ministre des Affaires étrangères de la France, vous pensez que c'était une erreur d'avoir eu dans le passé une coopération nucléaire avec l'Iraq ?

R. C'est de l'histoire ancienne. Les relations que la France entretenait avec l'Iraq dans le domaine nucléaire ont été interrompues il y a presque 20 ans ! Il s'agissait au surplus d'une coopération en matière civile, couverte par les inspections de l’Agence internationale de l'énergie atomique.

Q. Au sujet de l'Iran, je pense que vous avez rencontré M. Barak, le chef de l'opposition au mois d'août ici à Paris. Il vous a parlé aussi de l'inquiétude d'Israël à l'égard de l'armement non conventionnel de la part de l'Iran. Partagez-vous cette inquiétude israélienne ? M. Primakov était là récemment, il disait autre chose.

R. Les Israéliens ont sans doute des informations que nous n'avons pas, puisque nous n'avons pas les mêmes indications. Cela dit, nous sommes tout à fait sensibles et attentifs au problème posé par les Israéliens. Ainsi à partir des démarches israéliennes, nous avons questionné les Russes. Cela a été fait par le Président de la République, par le Premier ministre, par moi-même. J'ai fait de même du côté iranien.

Q. Avec qui du côté iranien ?

R. Avec mon homologue que j’ai rencontré à New York à l'Assemblée générale des Nations unies.

Q. Comme il n'a pas eu l'occasion de rencontrer son homologue israélien, que vous a-t-il dit à vous ?

R. Je vous répète ce qu'il m'a dit : que tout cela était inexact, qu'il n'y avait aucune coopération entre la Russie et l'Iran dans ces domaines.

Q. A-t-il parlé en général du désir de son pays de se doter d'armes non conventionnelles ?
 
R. Non, bien sûr ! J'ajoute que mon pays est très vigilant envers les transferts de technologies dangereuses et très actif, et depuis longtemps contre la prolifération. C'est d'ailleurs son intérêt bien compris.

Q. Depuis les élections en Iran, ressentez-vous un changement ?

R. Un changement, pas encore. Un désir de changement de la part des électeurs iraniens, oui. S'il y a à partir de là une possibilité que l'Iran évolue, que le gouvernement iranien infléchisse la politique iranienne, cela ne doit pas être découragé. Il me semble que les Américains aussi observent la situation avec intérêt, tout en restant comme nous prudents car la situation demeure compliquée.

Q. Suite à votre rencontre avec votre homologue iranien, que faut-il d'après vous qu'il se passe afin que l'Iran aujourd'hui approuve, soutienne, du moins ne critique pas, ne condamne pas le processus de paix au Moyen-Orient ?

R. C'est difficile à dire. Peut-être l'Iran évoluera-t-il aussi en fonction du rôle qui lui sera reconnu.

Q. Pour les États-Unis et Israël, l'Iran est perçu comme un État terroriste. Qu'en est-il pour la France ?

R. Tout cela n'est pas un problème de qualification. La France sait bien, parce qu'elle l'a éprouvé, ce qu'est le terrorisme. La France le combat, où qu'il soit, d'où qu'il vienne, et quels qu'en soient les auteurs, et essaye d'en éradiquer les causes.

Q. Que faut-il faire avec l'Iran ?

R. Être ferme sur ce qui touche à nos intérêts de toutes natures. Être clair et aussi parler avec eux. L'Union européenne en trouvant une issue convenable à l'affaire des ambassadeurs, s'est redonnée la possibilité de parler aux Iraniens. Cela ne peut pas être nuisible.

Q. Le dialogue critique ?

R. Il faut faire attention aux termes. « Le dialogue critique » était accepté à un certain moment. Ensuite, il a été suspendu. L'idée de base, c'est que, même avec des pays avec lesquels on a des désaccords graves, il faut avoir des canaux de discussion. C'est la base même des relations internationales.

Q. Sur le désaccord avec les Américains !

R. Il ne me paraît pas si fort que cela. Les Américains s'interrogent eux aussi à propos de l'Iran...

Q. Je crois que la France a fait beaucoup. L’affaire des disparus et de l'aviateur est un sujet qui a une grande importance pour Israël. Le président de la République, depuis de longues années, essaie de contribuer à aider. Avez-vous quelque chose de nouveau que vous pourriez nous dire ?

R. Je ne peux que vous confirmez que la France fait et fera tout ce qu'elle peut à ce sujet.

Q. Primakov aurait récemment lors d'un passage en Israël que Ron Arad serait mort ?

R. Nous avons, nous aussi, recueilli des indications qui vont dans ce sens, mais, tant qu'elles n'auront pas été confirmées, nous continuerons à rechercher la vérité.

Q. La France et la Belgique sont les deux derniers pays à ne pas avoir ratifié l'accord d'association entre l'Union européenne et Israël. Les Belges de leur côté prétendent que c'est pour des raisons techniques. Et la France ?

R. L'ancien gouvernement avait dû reporter la ratification, l'ancien président de la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale de l'époque ayant demandé qu'il y ait une enquête préalable des parlementaires sur la situation du processus de paix. Il y a eu ensuite la dissolution. L'accord donné par le Conseil des ministres est alors devenu caduc.

Le nouveau gouvernement a refait passer au Conseil des ministres le projet de loi de ratification de l'accord d'association. Le gouvernement français va maintenant fixer une date pour que ce texte soit soumis au Parlement en vue de sa ratification.

Q. Vous savez que vous avez fait une déclaration qui avait fait beaucoup de bruit à l'époque en Israël, à la veille de votre visite en Israël, que pensez-vous actuellement de la politique de Netanyahou ?

R. Ma déclaration de septembre était l'expression de la vive et sincère inquiétude d'un pays qui se considère comme un ami d'Israël, qui est, je le disais tout à l'heure, très engagé dans le processus de paix, qui y a beaucoup cru, qui en espère encore beaucoup, qui s'interroge sur la direction actuellement suivie et souhaite mieux comprendre où l'on va.

Q. Pour conclure, Monsieur le Ministre, pourquoi avez-vous fait une telle déclaration envers un leader israélien et non pas leader un leader d'un pays voisin ?

R. Mais tout simplement parce que les parlementaires socialistes m'avaient interrogé et fait part de leurs critiques sur sa politique à lui et pas sur celle des autres ! Mais, je viens en Israël avec l'espoir d'un vrai dialogue sincère, confiant, amical avec les dirigeants israéliens et les autres responsables que je rencontrerai.


Entretien avec la chaîne publique de télévision israélienne (Jérusalem, 24 novembre 1997)

Q. Monsieur le Ministre, il y a deux mois, vous parliez d'un processus de paix moribond, même mort. Est-ce que vous pensez qu'il est en train de ressusciter ou d'être réanimé ?

R. J'espère qu'il l'est, j'espère qu'il peut l'être et il y a une vraie préoccupation, notamment dans les pays qui se considèrent des amis indéfectibles d'Israël et qui ont placé beaucoup d'espérance dans ce processus de paix. La seule façon d'apporter la stabilité et la sécurité pour tous, c'est de l'amener à son terme. Il faut une solution politique équitable pour tous. C'est une préoccupation qui est forte en Europe, qui est forte en France, et un des buts de mon voyage est précisément d'essayer de comprendre les choses, de mesurer les obstacles qui subsistent encore, entravant une véritable relance du processus de paix, dans lequel j'espère quand même.

Q. Mais vous, vous avez déjà plus ou moins fixé votre idée. Il y a deux mois, vous parliez de politique catastrophique de chaos.

R. Il faut y voir l'expression d'une inquiétude très grande, de la part, je le répète, d'un pays ami ne comprenant plus bien où on allait. Je suis là pour discuter, je suis là pour écouter. Et j'ai entendu M. Levy me dire que le processus de paix se heurtait à de très grandes difficultés, mais qu'il n'y avait pas d'autre politique possible. Et c'est par conséquent à l'intérieur de ces difficultés que ce gouvernement à sa façon, avec la politique qui est la sienne, essaie de trouver un chemin malgré tout...

Q. Mais ce que nous avons compris ici, c'est quand même que les obstacles au processus de paix viennent essentiellement d'Israël. Si vous avez qualifié la politique israélienne de la manière dont vous l'avez qualifiée, c'est que vous considérez que c'est Israël qui porte le chapeau.

R. Parce que je n'ai été questionné que sur ce point.

Q. Alors je vous pose la question sur l'autre : pensez-vous que les responsabilités soient partagées ?

R. Je ne sais pas, je n'ai pas de balance. Je ne suis pas venu avec une balance. Ce que je crois, c'est que le processus de paix ne peut avancer, réavancer, ne peut être relancé, aboutir un jour, qu'avec les efforts des uns et des autres. La situation n'est effectivement comparable que si elle porte sur les mêmes points. Or, je ne pense pas. Les positions ne sont pas les mêmes. Mais c'est un processus conjoint, naturellement. A un moment ou à un autre, quand il y a blocage, c'est l'un des deux partenaires qui est le plus à même de le surmonter. Cela dépend des sujets auxquels on pense. Quand j'ai été interrogé, la première question était extraordinairement critique, beaucoup plus que ne l'a été ma réponse d'ailleurs. A l'époque début septembre, les questions portaient sur une série de décisions, non-décisions, qui étaient spécifiquement le fait des Israéliens ; maintenant, si on met une vision d'ensemble du sujet, il est clair que chacun doit apporter sa participation. Qu'elles soient en termes politiques, ou en termes de sécurité, les concessions ne sont pas les mêmes, ne sont pas proportionnelles.

L'essentiel c'est de savoir si une dynamique en ressort…

Q. Il y en a une !

R. Non, c'est une espérance à ce stade. On ne peut pas dire encore si il y a une dynamique. Tout le monde le voit !

Q. Sur le Liban ?

R. Depuis lors, il y a eu le voyage de Mme Albright, que nous avons beaucoup soutenue.

Q. Est-ce que vous êtes coordonnés avec la politique américaine ?

R. Oui, nous sommes en relations très étroites. Mme Albright m'a encore appelé au sujet de mon voyage...

Q. Pas tellement sur l'Iraq ! Là, vous vous démarquez très nettement de la politique américaine...

R. Non, on ne peut pas dire cela puisqu'au contraire les très bons résultats qui ont été obtenus dans la crise actuelle, c'est-à-dire le fait que les Iraquiens soient revenus sur leur décision de ne plus coopérer avec la Commission de contrôle, est le résultat de l'unité du Conseil de sécurité. Et les Américains seraient étonnés de vous entendre dire cela.

Q. Revenons sur le Liban. Il a été question très longtemps plusieurs fois d'une présence militaire au Sud-Liban pour permettre le retrait de l'année israélienne. En avez-vous reparlé ? Est-ce que c'est toujours d'actualité ? Est-ce que vous espérez obtenir le feu vert syrien pour une présence militaire française au Sud-Liban ?

R. Non, c'est une idée qui a été mise en avant par certains responsables politiques israéliens qui ne sont d'ailleurs pas tous d'accord entre eux sur ce point. Mais dès qu'on creuse la question, même d'un point de vue israélien, pas d'un point de vue français, on voit bien que l'ensemble forme un tout inextricable : la question libanaise, le problème syrien, et par conséquent on ne peut pas, me semble-t-il, régler le problème morceau par morceau. Quant à une action éventuelle de la France, dans ce qui est pour le moment un échafaudage d'hypothèses, il est beaucoup trop tôt pour répondre à cela.