Texte intégral
Date : lundi 13 octobre 1997
Source : Ouest-France
Ouest-France : Pourquoi y a-t-il toujours une faible participation aux élections des représentants des parents d’élèves ?
Ségolène Royal : Un nouveau partenariat est à promouvoir pour remplacer, ici ou là, une certaine méfiance réciproque. Les enseignants sont parfois sur la défensive et souhaitent se protéger des pressions des parents. D’autres estiment que les parents ne relaient pas assez leurs efforts éducatifs. Ceux-ci ne s’impliquent pas assez lorsqu’ils connaissent mal le rôle des délégués et que les réunions de parents se bornent trop souvent aux questions d’organisation : emploi du temps, fournitures scolaires ou autres ; rarement pour évoquer des problèmes de fond, de pédagogie. Il faut faire en sorte que les sujets lourds – procédures d’orientation, mise en valeur des atouts des enfants, débouchés professionnels, etc. – soient abordés en dehors du champ clos des conseils de classe. J’agis pour renforcer la confiance entre parents et enseignants afin d’améliorer la réussite scolaire des enfants.
Ouest-France : Cette confiance ne passe-t-elle pas d’abord par l’information ?
Ségolène Royal : Bien sûr. Les familles se sentent mal informées sur le système éducatif – un sondage de mai dernier l’a encore montré –, surtout les plus modestes qui éprouvent un rejet devant la complexité de l’institution scolaire. Les enseignants doivent être encouragés à mieux communiquer, mais les délégués des parents ont aussi à mieux jouer leur rôle. Très peu nombreux sont ceux qui rendent compte des décisions aux autres parents. Pour informer les parents et les inciter à participer plus activement aux élections de leurs représentants, j’ai adressé aux directeurs d’école des modèles d’affichette expliquant le rôle du conseil d’école et du conseil d’administration. L’un comme l’autre prennent des décisions importantes pour le fonctionnement des établissements, et donc aussi pour les conditions de vie des enfants.
Ouest-France : Quelles autres recommandations faites-vous aux enseignants et aux parents d’élèves désireux de s’impliquer dans le fonctionnement de l’école ?
Ségolène Royale : Notre objectif, avec Claude Allègre, ministre de l’éducation nationale, c’est de remettre l’enfant au cœur du système éducatif. Pour cela, il faut d’emblée veiller à l’accueil, en début d’année. Puisque les enseignants regrettent de voir toujours les mêmes parents, eh bien, fixons les conseils de classe à des heures accessibles aux familles, et ne limitons pas les réunions de parents à des questions matérielles. Il faut aussi améliorer les procédures d’orientation. Une réflexion s’avère tout à fait nécessaire sur le statut de représentant de parents d’élèves. Je vais d’ailleurs créer une « semaine nationale des parents d’élèves ».
Ouest-France : L’école, c’est aussi l’apprentissage du « vivre ensemble », sans violence…
Ségolène Royal : Oui, et c’est très important d’associer les parents à cet apprentissage de la citoyenneté et de l’initiation à la morale civique. C’est pourquoi j’ai décidé d’organiser, dans la semaine du 24 au 28 novembre, des « initiatives citoyennes ». Pour apprendre à vivre ensemble et faire reculer l’incivisme.
Date : 22 octobre 1997
Source : La Croix
La Croix : Pourquoi souhaitez-vous rétablir l’enseignement de la morale civique à l’école ?
Ségolène Royal : L’incivisme se manifeste à tous les coins de l’école comme il se manifeste trop souvent hors de l’école. On le reconnaît à des gestes et à des paroles non respectueuses des lois du « vivre-ensemble ». Et celles-ci ne s’expriment pas seulement dans des établissements catalogués « à risques ». L’autre jour, on me racontait que dans un établissement fréquenté par des élèves sans problèmes, un jeune garçon avait craché sur son cahier de correspondance avant de le remettre au professeur qui le lui avait demandé. On ne peut tolérer pareil comportement.
La Croix : Que proposez-vous concrètement ?
Ségolène Royal : En premier lieu, j’ai institué une semaine d’« initiatives citoyennes à l’école, pour apprendre à vivre ensemble » qui aura lieu du 24 au 28 novembre. Et, dès à présent, ont été adressées à tous les chefs d’établissement et directeurs d’école des instructions très précises qui expliquent le sens de cette initiative et permettent de préparer ces journées.
La Croix : Que souhaitez-vous faire de cette semaine ?
Ségolène Royal : Elle sera un temps de réflexion et d’actions pour chaque école et chaque établissement, dans chaque classe. Selon leurs besoins, les contraintes de leur environnement, leur culture, il sera conçu un projet d’initiatives sur l’année. Pendant cette semaine, les élèves pourront déjà prendre des initiatives concrètes.
La Croix : Ce n’est pas en une semaine que vous réglerez tous les problèmes de violence que connaît l’école…
Ségolène Royal : Non, bien entendu, et le ministère n’a pas la naïveté de le croire ! Je pense qu’il ne fait pas faire d’amalgame systématique entre la violence et l’incivisme. Si l’apprentissage de la citoyenneté est une bonne réponse à la violence des élèves, les fruits de cet apprentissage ne se réduisent pas à cela. Il y a un civisme positif, une manière d’être et de prendre sa place active dans la société démocratique. C’est cela aussi que nous devons apprendre à nos enfants. La politesse, le respect des différences, l’interdiction de voler, de mentir. Choisir le bien en général est une valeur que tous les enfants doivent recevoir.
La Croix : N’est-ce pas d’abord à la famille à transmettre ces valeurs ?
Ségolène Royal : Si, bien sûr. Mais l’institution familiale est, elle aussi, secouée par le chômage, le divorce et d’autres difficultés. Il nous fait relégitimer l’enseignement de la morale par l’école.
La Croix : Vous voulez remettre les leçons de morale au programme ?
Ségolène Royal : Attention à la connotation passéiste de l’expression « leçons de morale ». Nous sommes au contraire en pleine modernité quand nous formons nos enfants et nos jeunes à prendre une place active dans la société, quand nous leur apprenons à vivre en bonne intelligence avec les autres et à distinguer les permis de l’interdit, le bien du mal. Un tel enseignement passe notamment par un meilleur exercice de la démocratie à l’école et le respect de la parole de l’élève.
La Croix : Vous allez inscrire la morale comme nouvelle matière au programme ?
Ségolène Royal : Il n’y aura pas de professeur de morale nu de cours supplémentaires ! Cet apprentissage du bien-vivre ensemble est déjà inscrit dans les programmes, il suffit de savoir les lire ! Certes, a priori, on pense aux cours d’instruction civique qui permettent à travers l’étude des institutions de comprendre les règles de la démocratie. Mais il faut également penser à l’enseignement de la littérature, du français, de l’éducation physique, aux sciences, à la biologie, etc. En maternelle, cet apprentissage passe par des petites histoires, des contes, l’apprentissage des formules de politesse, etc. Je fais confiance aux professeurs pour trouver les moyens de participer à cette « éducation nationale ».
La Croix : Quelles qualités faut-il pour être un bon citoyen ?
Ségolène Royal : Celles qui se réfèrent aux valeurs universelles, communes à toutes les pensées. La principale de ces qualités est pour moi celle qui consiste à vouloir rendre heureux et à défendre celui qui est en situation de faiblesse.