Texte intégral
FEN Hebdo : 19 septembre 1997
Jean-Claude Tricoche
Sortir du silence
Dès l'installation du nouveau ministère de l'éducation nationale, la FEN était reçue sur le dossier de la formation professionnelle. Elle a demandé l'ouverture d'une négociation.
Une délégation de la FEN (Françoise Riss, Marie-Paule Collet, Jean-Claude Tricoche) a été reçue le 18 juillet par Jacques Perrin, conseiller au cabinet de la ministre Ségolène Royal. À l'ordre du jour de cette rencontre : la formation professionnelle. Après avoir dénoncé la vacuité coupable du précédent ministère sur ce dossier, la délégation fédérale a fait part de ses priorités.
La dégradation depuis 1993 de l'activité des GRETA remet en cause la mission de formation continue des adultes de l'éducation nationale et se traduit par des licenciements de personnels contractuels.
En tenant compte des modifications intervenues dans le champ de la formation professionnelle, la FEN fait quatre propositions pour renforcer l'action du service public :
- mise en œuvre par les recteurs d'une politique académique concertée, articulant formation initiale et formation continue ;
- modification du statut des GRETA permettant une mutualisation des ressources humaines et financières ;
- préparation des personnels pour des interventions en formation continue en associant l’UFM, MAFPEN, CAFA, CAFOC ;
- reconnaissance de la professionnalité des intervenants (postes à compétences particulières) et création d'emplois de direction, de gestion, de CFC.
Le développement tout azimut de l'apprentissage et le silence coupable de l'éducation nationale ont relégué au second plan l'alternance sous statut scolaire. Celle-ci doit être réactivée, ce qui nécessite une négociation avec les branches professionnelles sur les places d'accueil en entreprise et le développement du tutorat.
Enfin, le lycée polytechnique doit permettre la complémentarité entre les différents statuts de l'alternance ainsi qu'entre formation initiale et formation continue.
Au cours de cette audience, où le conseiller de la ministre a surtout écouté nos propositions, ont été plus particulièrement abordés le rôle du corps d'inspection dans le cadre de la formation continue des adultes, l’avenir des CAFOC, la situation des CFC, la gestion des GRETA.
Après cette rencontre, le ministère connaît l'essentiel de nos revendications. Il lui faut maintenant rompre avec le silence précédent et proposer une politique ambitieuse pour que la formation professionnelle retrouve toute sa place à l'éducation nationale. Affaire à suivre…
FEN Hebdo : 19 septembre 1997
Jean-Claude Tricoche
L’UNSA reçue au cabinet Aubry
L'UNSA a été reçue le 10 septembre au cabinet du ministre de l'emploi et de la solidarité. Au menu de cette rencontre : formation et promotion sociale, validation des compétences, alternance et tutorat, emplois-jeunes. Autant de sujets que l’UNSA inscrit dans sa revendication d'une formation tout au long de la vie.
Après une première audience le 21 juillet sur les emplois-jeunes, auprès de Denis Champain, conseiller du ministre Martine Aubry, l'UNSA a été reçu le 10 septembre sur le dossier de la formation professionnelle. La délégation de l’UNSA (Dominique Bailly, Jean-Pierre Le Guinio, Jean-Pierre Rulie, Jean-Claude Tricoche, a rencontré Madame Anne Hidalgo, conseillère technique au cabinet du ministre de l'emploi et de la solidarité.
L’UNSA quatrième organisation syndicale
La délégation a rappelé le caractère interprofessionnel de l’UNSA et la réalité de sa représentativité, secteur public et secteur privé confondus, qui la place au 4e rang des organisations syndicales françaises, derrière la CGT, la CFDT et FO, et devant les confédérations CGC et CFTC.
Notre demande de représentation de l’UNSA dans les instances nationales de la formation professionnelle par substitution à la FEN, a reçu un avis favorable sous réserve d'une faisabilité technique. Affaire à suivre avec les services du ministère.
La formation tout au long de la vie
Pour ce premier contact, nous avons présenté à Madame Hidalgo nos revendications pour une formation tout au long de la vie. Pour cela, formation initiale et formation continue doivent être décloisonnées et les allers-retours entre travail et formation encouragés.
Pour l'UNSA, le droit à la formation inscrit dans le code du travail (livre 9) doit être effectif pour tous les salariés, quels que soient la nature de leur contrat de travail, leur niveau de qualification, leur sexe, leur place dans la hiérarchie, la taille de l'entreprise ou le secteur d’activité.
Le droit individuel à la formation doit se développer bien au-delà des chiffres du CIF (20 000 congés individuels formation par an).
Les pouvoirs publics doivent assurer une part des financements et l’État jouer son rôle régulateur. Enfin l'UNSA a rappelé son attachement à la négociation collective et aux accords contractuels.
La conseillère du ministre constate comme nous, que le système de formation professionnelle né de la loi de 1971 a progressivement dérivé de son objectif initial : la promotion sociale, vers le traitement du chômage et la lutte contre l’exclusion.
Néanmoins, ce dossier n'est pas la priorité immédiate du gouvernement. Le ministère veut se donner le temps d'analyser les dysfonctionnements, de réfléchir au contenu d'une réforme. Celle-ci devrait permettre d'éviter les ruptures entre la formation première et la formation continue et favoriser le droit individuel à la qualification, notamment par la constitution d'un capital de temps de formation.
Une méthode de travail, privilégiant la concertation, sera proposée début 1998.
La validation des compétences
Développer la formation professionnelle nécessite parallèlement que ce soient validées les qualifications.
Pour l'UNSA, les compétences acquises dans l'exercice professionnel doivent être reconnues. Pour cela, la validation des acquis professionnels, introduit par la loi du 20 juillet 1992, doit trouver un prolongement dans le code du travail, notamment pour permettre le financement des formations d'accompagnement ou de complément.
Pour Madame Hidalgo, il ne sert à rien d'opposer les diplômes de l'éducation nationale et les certifications élaborées par les branches professionnelles. Les deux doivent offrir aux salariés une sécurité sur un marché du travail qui privilégie la mobilité. Dont acte.
La formation en alternance
L’UNSA regrette que la loi du 6 mai 1996, sur le financement de l'apprentissage, n'ait pas été l'occasion de remettre à plat l'ensemble des formations jeunes en alternance en recherchant un équilibre entre les divers statuts (contrat de travail, scolaire ou étudiant) et en rendant plus transparents les financements.
L'UNSA constate que le développement des formations en alternance bute sur l’insuffisance du tutorat et la non-reconnaissance des tuteurs.
La conseillère du ministre rejoint nos préoccupations sur ce problème et souhaite que se concrétise la fonction de tuteur en entreprise. Sur les financements, le ministère poursuivra la mise en œuvre de la réforme Barrot de la taxe d’apprentissage. La préparation du décret sur le fonds national de péréquation est en cours.
Les emplois-jeunes
La délégation a regretté l'absence de dispositions concernant la formation dans le projet de loi Aubry sur les emplois-jeunes et rappelé sa proposition d'amendement à ce sujet.
Tout en reconnaissant la nécessité d'offrir une formation aux jeunes bénéficiaires de ces nouveaux contrats de travail, le ministère ne souhaite pas de confusion avec les contrats emploi-formation. La conseillère précise que les dispositions relatives à la formation professionnelle inscrites dans le code du travail (livre 9) s’appliquent aux contrats emplois-jeunes. Le ministère sera très vigilant sur le volet formation des conventions.
Cette réponse ne peut nous satisfaire, car comme le reconnaît notre interlocutrice, il y a une relation évidente entre la professionnalisation des bénéficiaires de ces contrats et celle des emplois dits émergents. Comme toujours dans notre pays, de la structuration de l'offre de formation dépendra la reconnaissance sociale de ces nouveaux emplois.
Organismes collecteurs agréés
Dernier point de cette rencontre, la délégation de l’UNSA a attiré l'attention du cabinet du ministre de l'emploi et de la solidarité sur les difficultés rencontrées par deux OPCA (organismes paritaires collecteurs agréées).
L’AFDAS, qui collecte les fonds de la formation professionnelle du secteur du spectacle, des loisirs, du cinéma, de l'audiovisuel et de la publicité, connaît un fonctionnement contraire aux règles du paritarisme institué par le législateur. Cette situation est préjudiciable aux intérêts des salariés.
Dans le secteur de l'économie sociale, le collecteur Uniformation doit licencier une partie de ses salariés en raison du refus de la direction départementale du travail d'appliquer la loi Robien sur la réduction du temps de travail.
La conseillère du ministre s'est engagée à étudier avec bienveillance ces deux dossiers, qui feront l'objet, dans les prochains jours, d'une audience auprès de la délégation à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEPF).
En conclusion, cette audience marquée par un climat d'écoute réciproque, a permis de mesurer des convergences non négligeables, mais aussi de comprendre que la formation professionnelle n'était pas d'urgence du ministre.
FEN Hebdo : 19 septembre 1997
Jean-Claude Tricoche
Le principe des vases communicants
Avec une progression de 11 % du nombre des nouveaux contrats signé en 1996, l'apprentissage confirme son essor. Mais ce développement, qui s'effectue au détriment des autres formations d'insertion, masque une quasi stabilité de l'alternance en France. Dans le même temps, en Allemagne, le système dual s’essouffle et Bruxelles propose d'améliorer l'efficacité de l'apprentissage en Europe.
Amorcé en 1993, l'essor de l'apprentissage s'est poursuivi en 1996, avec près de 200 000 nouveaux contrats (1).
Le nombre des apprentis, tous niveaux et années de formation confondus, a dépassé les 300 000, CFA agricoles compris (2).
Progression de l’apprentissage
Cette progression touche tous les secteurs, hormis l'automobile. Pour autant les trois quarts des contrats d'apprentissage sont signés dans les secteurs totalisant moins du quart des effectifs salariés du secteur marchand. Le recours intensif à l'apprentissage concerne surtout l'artisanat agroalimentaire, certaines spécialités du commerce de détail, la coiffure, l’hôtellerie-restauration, la réparation et le commerce automobile, les travaux de couverture, d'installation et de finition dans le bâtiment, soit au total 63 % des apprentis.
Sur cinq ans, la part de ces secteurs tend cependant à diminuer (72 % en 1992).
Avec l'élévation de la formation, les secteurs de faible implantation traditionnelle de l'apprentissage, comme les industries de biens d'équipement et de biens intermédiaires, et les services aux entreprises en font un usage plus élevé.
L'apprentissage reste l’affaire des petites entreprises : 72 % des employeurs d'apprentis ont moins de 10 salariés. D'une manière générale, l'élévation du niveau de formation des apprentis se poursuit, avec la construction de filières (2 à 6 ans de formation) et le développement des formations supérieures, notamment dans l'industrie et les services aux entreprises. La part des femmes parmi les apprentis s’élève aussi (29 %), mais reste inférieure à celle constatée dans les lycées professionnels.
Effectifs 1996-1997 de l’apprentissage et variation par rapport à 1995-1996
CAP: 181 552 : + 0,4 %
BEP : 38 397 : + 17,8 %
Mention complémentaire : 7 565 : + 17,9 %
Total niveau V : 227 514 : + 3,5 %
Bac professionnel : 18 013 : + 17,2 %
Brevet professionnel : 26 093 : + 15,6 %
Total niveau IV : 44 109 : + 19,3 %
BTS : 14 306 : + 34,1 %
DUT : 3 207 : + 19,3 %
Total niveau III : 17 513 : + 31,1 %
Niveaux II et I : 6 692 : + 40,1 %
Total général (hors CFA agricoles) : 295 828 : + 7,2 %
CFA Agricoles : 20 000 : + 13 %
Régression des contrats de qualification et d’adaptation
Le développement de l'apprentissage s’est en partie effectué au détriment du contrat de qualification. Ces derniers reculent de 4 %, passant sous la barre des 95 000 entrées en 1996. Un recul que le ministère de l'emploi et de la solidarité (DARES) impute pour une grande part au secteur du commerce, notamment grandes surfaces et pharmacies.
À l'inverse de l'apprentissage, les utilisateurs des contrats de qualification sont très majoritairement des entreprises de plus de 50 salariés.
Les contrats d'adaptation régressent de 19 % en 1996. Cette tendance semble s'inverser pour 1997. C'est dans l'automobile et dans la construction que le contrat d'adaptation recule le plus (42 à 35 %).
La DARES remarque, que de façon générale, les bénéficiaires des contrats d'insertion en alternance sont de mieux en mieux formés. Pour le contrat de qualification, les entrées de niveau Bac sont aussi nombreuses que celle de niveau CAP.
On peut néanmoins s'interroger sur une tendance qui tend à exclure une partie des publics non qualifiés, initialement destinataires de ces dispositifs d’insertion.
L’alternance sous contrat de travail stagne
Le développement de l'apprentissage ne saurait masquer une relative stagnation de l'ensemble des effectifs des formations en alternance sous contrat de travail.
D'après les chiffres fournis par le ministère de l'emploi et de la solidarité, le cumul des entrées en alternance (apprentissage, qualification, adaptation, orientation) s'établit à trois 331 000 pour 1995 et à 334 000 pour 1996, soit 3 000 contrats de plus. Les effectifs globaux de ces quatre types de contrats c'est établissent à 452 900 en juin 97, soit près de 16 000 de plus en un an.
Au regard du tapage médiatique et surtout des efforts financiers consentis ces dernières années pour l'alternance, le résultat est pour le moins modeste.
Le principe des vases communicants, qui bénéficie à l'apprentissage, met en évidence le faible intérêt des entreprises pour la formation des jeunes et la recherche par les employeurs des dispositifs financièrement les plus avantageux (la récente réforme du financement de l'apprentissage le rend plus attractif que les autres formations en alternance). Cette situation inquiète même le CNPF, qui n'est pas certain de tenir son objectif de signer 400 000 contrats en 1997, soit 20 % de plus par rapport à 1996.
Le système dual s’essouffle
Depuis quelques temps, le système dual allemand donne des signes d’essoufflement. La DEP (3) constate que la pénurie des candidats à l'apprentissage dans certains secteurs traduit de la part des jeunes allemands « une inclinaison croissante pour des études supérieures ».
D'un autre côté l'offre de places d'apprentissage est insuffisant. Le CEDEFOP (4) constate que « deux tiers des entreprises ne forment pas d'apprentis ».
Face à cette pénurie menaçante des postes de formation, le gouvernement fédéral et les employeurs ont lancé un programme qui reprend des slogans similaires aux actions de promotion de l'apprentissage en France.
Rompant avec l'habituel consensus à l'allemande, les syndicalistes d’outre-Rhin ne participent pas à cette campagne, reprochant aux employeurs de ne pas avoir tenu leurs engagements de créations de postes d’apprentissage.
Entrées dans les contrats de formation en alternance
1994 :
Apprentissage : 161 403
Qualification : 115 556
Adaptation : 61 098
Orientation : 6 507
Total des entrées : 344 564
1995 :
Apprentissage : 173 569
Qualification : 99 275
Adaptation : 55 201
Orientation : 3 067
Total des entrées : 331 052
1996 :
Apprentissage : 192 413
Qualification : 94 828
Adaptation : 44 868
Orientation : 2 095
Total des entrées : 334 204
(Source : DARES - Bulletin mensuel des statistiques du travail
Rémunération des jeunes
La rémunération des jeunes en contrat de formation par alternance est calculée en % du SMIC, la revalorisation de 4 % au 1er juillet 1997 modifie la grille des salaires.
[Tableau non reproduit]
(1) DARES : Direction de l'animation de la recherche et des statistiques (ministère de l'emploi et de la solidarité) - Août 1997.
(2) DEP : Direction de l'évaluation et de la prospective (ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie).
(3) Éducation et formation (DEP - juin 1997).
(4) Centre européen pour le développement de la formation professionnelle - CEDEFOP-Info, 2.97.
FEN Hebdo : 19 septembre 1997
Christine Bonnefon
La presse s'est fait écho du débat sur le transfert des cotisations maladie sur la CSG.
Sur le principe, nous y sommes favorables puisque la CSG ne fait pas porter la solidarité que sur les seuls salariés.
Pour les salariés du secteur privé, le transfert des cotisations sur la CSG se traduit de plus par un gain de pouvoir d’achat.
Pour les fonctionnaires, les retraités et les chômeurs, il n'en est rien, parfois même cela se traduit par une perte de pouvoir d’achat.
En effet, pour les fonctionnaires, les cotisations sont calculées sur le seul traitement de base alors que la CSG est calculée sur l'ensemble des rémunérations.
Les agents ayant ainsi une rémunération annexe supérieure à 25 % (primes, indemnités, heures de nuit ou de dimanche,…) se trouvent pénalisés.
Alerté immédiatement par les fédérations de fonctionnaires et en premier lieu l’UNSA fonctionnaire, le ministre de la fonction publique est intervenu auprès du gouvernement.
Une solution doit donc être trouvée afin que l'opération ne se traduise en aucun cas par une perte de pouvoir d’achat.
FEN Hebdo : 3 octobre 1997
François Bottin et Jean-Claude Tricoche
L’impossible adéquation
Un salarié sur deux exerce un métier sans relation avec sa formation initiale. Faut-il conclure à l'inadaptation des diplômes ? Ce serait mésestimer les effets de la mobilité et des acquis professionnels, mis en évidence par la DEP et l’INSEE.
Une étude récente de la DEP (1), sur la liaison entre formation et emploi, révèle que la moitié seulement des actifs ayant un emploi exercent un métier en rapport avec leur formation initiale. À cela plusieurs causes : absence de diplôme professionnel à l'embauche pour quatre actifs sur dix, mais aussi expérience acquise, contraintes personnelles ou institutionnelles ainsi que fluctuations de la conjoncture. L'auteur dénonce le risque qu'il y aurait à orienter la formation professionnelle, en fonction des besoins instantanés des employeurs, en occultant l'importance de cette mobilité professionnelle.
De son côté, l'INSEE interroge les salariés sur l'adéquation emploi-formation (2). Réponse, ils sont 20 % à estimer que leur formation n'est pas adaptée à leur emploi.
Quatre actifs sur dix n’ont aucun diplôme professionnel
Plus de quatre postes de travail sur dix sont occupés par des personnes n'ayant aucun diplôme ou détenant un diplôme d'enseignement général, au maximum le baccalauréat. Mais la plupart d'entre elles ont acquis, au cours de leur parcours professionnel ou personnel, une compétence qui n'a pas été reconnue explicitement par un diplôme.
Cette relative déconnexion entre titre et emploi occupé constitue une spécificité française. En Allemagne, au contraire, posséder un diplôme professionnel est une condition d'accès aux postes qualifiés. Neuf ouvriers sur dix y ont un titre professionnel contre un sur deux en France où près d'un actif sur cinq juge que sa formation n'est pas adaptée à son emploi.
Si au total 40 % des actifs occupés ne détiennent pas de diplôme à caractère professionnel, l'absence de tout diplôme distingue fortement certains groupes de métiers. On retrouve des métiers ouvriers de l'industrie, qualifiés ou non, des transports et de la manutention et des métiers d'employés. Les actifs sans aucun diplôme sont également nombreux dans d'autres domaines : textile, services aux personnes, bâtiment et agriculture-marine (64 % de non-diplômés pour 32 % de l'emploi total).
Près de 32 % des non-diplômés jugent qu'ils étaient insuffisamment formés au moment où ils sont arrivés dans leur établissement actuel, contre 20 % des salariés diplômés.
Le baccalauréat général est le titre le plus élevé dont peuvent se prévaloir les titulaires de nombreux emplois des domaines tertiaire (bureau, finance-comptabilité-gestion, droit…).
60 % des actifs occupés détiennent un diplôme professionnel
Les plus diplômés, 80 % des actifs, se concentrent d'abord dans des professions pour lesquelles la possession d'un diplôme conditionne l'exercice d'un métier : santé, social, coiffure-esthétique, enseignement, droit, technologies industrielles, chimie-plasturgie. Ces domaines représentent 17 % de l'emploi total.
Mais on constate néanmoins que si les hauts diplômes préservent du manque de formation, ils exposent d'autant plus à la surqualification. 12 % des titulaires d'un diplôme de niveau bac + 3 se jugent surqualifiés contre 7 % des moins diplômés.
Les écarts entre ces catégories extrêmes ne tiennent pas compte de la force du lien entre spécialité de formation et spécialité d'emploi. Par exemple, dans le domaine des « technologies industrielles », les actifs sont diplômés professionnel à 85 %, mais seuls 22 % d'entre eux le sont dans une spécialité correspondant à leur emploi.
Certains domaines se distinguent de tous les autres par un lien très fort entre spécialité de formation et spécialité d'emploi. Il s'agit en premier lieu de la santé, viennent ensuite l'éducation puis la coiffure-esthétique et le travail social.
Bien entendu, lorsque le lien formation-emploi est fort, les diplômés se retrouvent dans leur domaine professionnel « cible » : 86 % des diplômés de la santé exercent effectivement des métiers dans cette spécialité, 63 % des diplômés universitaires exercent des métiers proches de l'enseignement. À l'opposé, les formations en chimie-plasturgie, technologies industrielles ou transport n'ont retenu que 20 à 25 % des diplômés dans leur domaine professionnel.
Le plus large spectre des emplois occupés concerne les actifs peu diplômés. On les retrouve dans tous les domaines, trois de ces derniers (textile, services, commerce) regroupant 50 % d'entre eux.
Les spécialités de formation les moins déterminantes, en terme d’insertion professionnelle, sont également les plus spécifiquement féminines. On peut supposer que sont dirigées vers ce type de formation les personnes dont le projet professionnel était le moins défini.
Le déplacement des actifs, d’un domaine de formation vers un autre d’emploi, peut s’expliquer par le fait que certains domaines d’emploi présentent un solde positif et sont donc attractifs pour les diplômes venus d’un autre domaine de formation. L’adéquation entre le nombre de diplômés et le nombre d’emplois correspondants traduit parfois simplement le fait que de nombreux diplômés ont quitté leurs domaines de formation d’origine et qu’un nombre identique venant d’une autre spécialité s’y soit au contraire inséré.
Formation et chômage
La formation occupe une place importante dans le débat autour du chômage, notamment en ce qui concerne les jeunes. Pour la DEP l’inadéquation de la formation aux exigences du système productif, souvent invoquée, est une explication insuffisante puisqu’il n’existe pas de correspondance rigide entre formation et emploi. D'autre part, certains diplômés étant contraint d'accepter des emplois déclassés, les jeunes les moins formés sont alors victimes d'un effet d'éviction. Le chômage résulte alors de la pénurie d’emploi.
Néanmoins, en cette période de chômage, les gestionnaires de l'appareil scolaire ne peuvent se dispenser de tenir compte des correspondances, même lointaines, entre spécialités de formation et types d’emplois.
De son côté l'étude de l'INSEE, permet de mesurer l'effet propre de la spécialité de formation « toutes choses égales par ailleurs ».
À caractéristiques d’âge et de sexe égales, le chômage des non-diplômés est nettement plus élevé que celui des diplômés, quel que soit le domaine de formation.
Avoir terminé ses études depuis moins de cinq ans pénalise aussi très fortement sur le marché du travail, alors que les générations présentes aujourd'hui sur celui-ci sont mieux formées que leurs aînées et que les problèmes de sous-qualification à l'embauche ont tendance à diminuer. Mais le domaine de formation initiale demeure néanmoins l'un des éléments significatifs. En effet, le risque d'être au chômage, à âge et diplôme identiques, est plus grand dans certains domaines de formation (bâtiment, coiffure-esthétique, commerce…) que dans d'autres (santé, enseignement, animation, informations…).
D’autre part, la hiérarchie des risques du chômage recouvre celle des catégories professionnelles. Les diplômés les moins touchés par le chômage occupent des emplois de cadres, à l'autre extrémité, les spécialités de formation dont les diplômés connaissent le plus de difficultés sont celles qui conduisent à des emplois d'ouvriers ou d’employés.
De plus, on constate que dans les domaines d'activité où les diplômés sont particulièrement exposés au chômage (services aux personnes, bâtiment, commerce, coiffure…) la flexibilité est de mise - CDD, rotation rapide, employeurs multiples - entraînant des périodes plus fréquentes de chômage.
Spécificité du chômage féminin
Les parcours professionnels des femmes comportent des périodes d'inactivité qui échappent à l'indicateur de chômage. Mais quand elle est active, une femme aura d'autant plus de risques de se retrouver au chômage qu'elle est sortie depuis peu du système éducatif et qu'elle est mère de famille, a fortiori de famille nombreuse.
Le diplôme favorise l'activité des femmes et protège relativement les actives du chômage. Mais, pour une catégorie assez large de femmes, la frontière entre chômage et inactivité reste peu claire, à la fois du fait de la difficulté à trouver un emploi, qui peut se traduire par un abandon de toute recherche, et de la contrainte, toujours présente, des activités domestiques. Cette propension inégale des femmes à quitter le marché du travail s’ajoute à la mobilité professionnelle pour nuancer une vision adéquationniste des besoins en formation.
Partenariat plutôt que dichotomie
L'INSEE conclut que c'est surtout en début de vie active, quelle que soit la période d'embauche, que les salariés peuvent ressentir une inadéquation entre leur formation et leur emploi, les salariés ayant le moins d'expérience professionnelle étant les plus concernés. D'autre part, les plus jeunes des salariés doivent accepter plus fréquemment de travailler dans un emploi qu'ils estiment inférieur à leur diplôme. Mais, avec l'ancienneté dans l'entreprise, des problèmes de sous-qualification peuvent apparaître : 60 % des salariés se jugeant sous-qualifiés estiment qu'ils ne l'étaient pas au moment de leur embauche.
La DEP, quant à elle, souligne la complexité du lien entre formation et emploi déjà évoqué dans l'introduction au rapport de la commission Fauroux, qu'elle considère toujours comme d’actualité : « L'école et l'entreprise doivent clairement définir leurs vocations : la première doit cesser de s'essouffler à courir derrière les demandes des entreprises… Il est plus conforme à la vocation et aux aptitudes de l'enseignement public… d'assurer à tous les enfants la formation générale et technologique préalable à l'acquisition d'un métier. L'entreprise aura la responsabilité de compléter cette formation de base par une vraie spécialisation professionnelle ajustée aux réalités du moment ».
Pour notre part, nous continuons à penser que l'école a toute sa place dans le processus d'accès à la qualification. Récusant la dichotomie : à l'école les bases générales, à l'entreprise le contenu professionnel, nous proposons un partenariat entre les deux entités pour construire le véritable parcours de formation professionnelle, dans le service public d'éducation, au plus près des besoins sociaux et économiques.
(1) « Formation-emploi, quelle adéquation ? » Economie et statistique n° 303.
(2) « Adéquation entre emploi et formation : ce qu'en pensent les salariés » INSEE Première n° 525.