Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Il semblait que le XXe siècle dut être celui de l'affaiblissement de l'Europe.
Après avoir dominé le monde, le vieux continent a dû payer le prix de deux guerres tragiques puis celui de la division, et enfin de la résignation face à une crise prolongée.
Aujourd'hui encore, pour vous, américains, l'Europe – je parle ici de la communauté économique européenne – donne d'elle-même sur le plan politique une image de désunion et d'indécision.
Et il est vrai qu'elle parait souvent bien lente à réagir aux événements. Sa timidité pendant la guerre du Golfe et sa difficulté à régler la crise yougoslave, laissent parfois à l'Européen que je suis un sentiment d'amertume.
Mais soyez conscients que la communauté européenne est allée aussi loin que possible, dans les limites actuelles des compétences dont elle a été dotée par ses fondateurs avec les quelques aménagements intervenus depuis lors.
Et pourtant l'Europe, notre Europe, progresse chaque jour, en dépit de certaines résistances nationales, des incertitudes nouvelles à l'Est et de rapports quelques peu difficiles avec les États-Unis et le Japon.
Après l'Europe économique, l'Europe sociale, l'Europe politique. Celle des citoyens est en effet en train de naitre sous nos yeux.
Laissez-moi évoquer devant vous les avancées de la construction communautaire avant d'examiner les relations avec les États-Unis, et le reste du monde.
I. – La construction de l'Europe communautaire
Les États membres de la communauté se sont donnés programme en trois points : la constitution d'un marché intérieur, la création d'une monnaie européenne et l'établissement d'une union politique dont les négociations doivent se conclure au début du mois de décembre au sommet de Maastricht.
1. D'abord le marché unique
Il sera achevé le 1er janvier 1993, puisqu'à partir de cette date, l'espace européen ne connaîtra plus de frontières, mais une liberté complète de mouvement pour les hommes, les biens, les services et les capitaux.
Beaucoup de décisions ont déjà été prises dans cette voie la transposition des directives européennes dans le droit interne des États membres progresse, même si bien sur des difficultés subsistent çà et là.
La signature de "l'ace unique" en 1985 a donné un élan formidable à la réalisation d'un grand marché de maintenant 340 millions de consommateurs.
L'activité des grands secteurs de l'économie européenne en est bouleversée.
À l'origine, c'étaient le charbon, l'acier mais aussi l'atome qui étaient les symboles de la construction communautaire.
Aujourd'hui, ce sont les transports, les télécommunications, les services financiers qui bénéficient de nouvelles libertés, et de nouvelles possibilités d'expansion au service des consommateurs.
Et les résultats sont là : après l'europessimisme du début des années 1980, la croissance en Europe s'est accélérée.
La recherche de l'efficacité et le dynamisme de l'investissement sont au rendez-vous de 1992.
L'ouverture à la concurrence dans un espace sans frontières internes ne saurait toutefois être le seul fondement de cette intégration communautaire.
Il reste encore à la communauté, sur la base de ce grand marché, à construire une véritable puissance économique, à donner à ses entreprises les moyens de se battre à armes égales dans un monde où la concurrence ne peut s'apprécier qu'au niveau mondial.
L'espace européen est ouvert concrètement, cela veut dire pour vous, Américains, que vos entreprises y ont accès et qu'elles y sont les bienvenues.
Mais cela doit aussi vouloir dire pour nous Européens, que la concurrence et la performance ne peuvent s'apprécier dans le seul champ clos des frontières européennes.
C'est pourquoi, sans prendre parti sur l'intérêt technique même de l'opération, je me suis élevé contre les motivations du commissaire européen Brittan lorsqu'il a interdit le rachat de l'avionneur canadien de Havilland par les Européens aérospatiale et Aliana.
Ensuite cet espace ne peut être seulement économique. Aucune modernisation ne peut être durablement réussie sans l'indispensable accompagnement social car sinon, les citoyens, – producteurs et consommateurs – s'en sentent exclus. L'Europe sociale est à mes yeux une étape essentielle, elle permettra l'appropriation de l'Europe par les travailleurs et leurs syndicats.
2. L'Europe sera donc un grand marché. Mais le processus en cours est plus profond, puisqu'il tend vers l'union économique et monétaire.
L'union économique et monétaire sera mise au service d'une politique de croissance et de stabilité monétaire. Son but, tel qu'il a été fixe par le conseil européen, est de supprimer, dans le cadre d'une politique de croissance et de stabilité monétaire, toutes les variations de taux entre les monnaies des douze pays, de mettre en place une banque centrale européenne chargée de conduire la politique monétaire et enfin de remplacer les monnaies nationales par une monnaie européenne unique, l'écu.
Ce programme est ambitieux
Je le crois pourtant non seulement souhaitable mais nécessaire et je souhaite pour ma part que cette monnaie unique voie le jour avant l'an 2000.
Car cette union est le complément indispensable de la disparition des frontières commerciales et économiques.
À défaut, de puissants facteurs d'inégalités et de fragilité – de déstabilisation – subsisteraient entre les États membres. L'objectif ne pourrait alors être atteint parce que les rancœurs et la désunion remplaceraient notre volonté commune d'un partage équitable des fruits de l'intégration.
Vous le savez bien vous-mêmes, d'ailleurs !
Imagineriez-vous aujourd'hui la coexistence d'un dollar californien et d'un dollar texan à l'intérieur des États-Unis ?
L'union monétaire est indispensable pour cimenter la cohésion de l'Europe, pour en faire une zone de prix stables, pour donner toute ses chances à la croissance.
Elle est en même temps un puissant facteur de cohésion qui permettra aux États membres de la communauté européenne de recouvrer ensemble une souveraineté qu'ils ont perdue au profit.
De l'un d'entre eux, dont la monnaie et les règles qui la gouvernent ont échappé pratiquement à leur contrôle.
Elle aura aussi pour effet d'apporter une plus grande lisibilité aux flux financiers internationaux : l'agilité des marches qui offre tant d'opportunités aux allocations de capitaux a besoin d'un horizon stable.
Enfin, en renforçant la globale stabilité financière internationale, l'union monétaire contribuera grandement au processus de développement du tiers monde, qu'a gravement pâti depuis près de 20 ans des errements d'un système monétaire international de la gestion duquel il est totalement – ou presque – exclu.
3. Enfin, nous construisons une union politique.
L'Europe ne confortera son destin qu'à la condition d'affirmer plus portement les contours de son projet.
L'unification allemande, le retour des nations d'Europe centrale et orientale au sein de la communauté démocratique l'ont poussée à dépasser la conception purement économique de son projet et à aborder résolument la question de son intégration politique.
L'ambition majeure pour les européens est de se doter d'une politique étrangère et de sécurité commune, menant à terme à une défense commune, seule capable de permettre aux douze de jouer sur la scène internationale un rôle à la mesure de leur puissance économique et de répondre aux défis qui leur sont posés.
En même temps, l'Europe a besoin d'une légitimité constitutionnelle renouvelée.
Dans un futur que je souhaite personnellement connaître, je sais qu'il n'y a pas d'autre avenir pour la puissance de l'Europe qu'une vocation fédérale à laquelle je suis personnellement attache.
Cette vocation ne se traduira pas forcément dans des structures telles que nous les connaissons.
La solution juridique qui émergera de la rencontre de Maastricht pourrait être sans précédent historique.
Ce que nous sommes en train de créer préfigure peut-être une nouvelle donne dans les relations internationales.
Le débat en Europe porte essentiellement sur le degré, l'intensité, de l'union que nous voulons réaliser.
Que construisons-nous exactement ?
Un certain nombre de pays dont la France souhaitent que la réponse soit : une Europe intégrée.
Ils pensent que les problèmes du monde moderne ne peuvent plus être résolus dans le cadre des États-nations et que la poursuite de buts purement nationaux n'a plus grand sens.
De l'autre cote, certains critiquent cette approche et la rejettent, soit parce qu'ils pensent que les institutions européennes imposeront aux citoyens européens une bureaucratie omniprésente, soit simplement parce qu'ils demeurent avant tout attachés à leurs traditions nationales et qu'ils ne ressentent pas profondément leur appartenance à la communauté des peuples européens.
Il y a dans cette description un peu de caricature : "l'Europe contre les États", "l'Europe contre les Nations" sont des thèmes exploités par tous ceux qui se nourrissent de l'inquiétude engendrée par les changements très rapides qu'a connus le continent européen, en particulier depuis deux ans.
Une nouvelle répartition du pouvoir naît sous nos yeux. Elle a pour conséquence de modifier les compétences des États Nations, à la fois trop petits à l'échelle globale et trop lointains des préoccupations quotidiennes des citoyens.
C'est ainsi que nous allons vers davantage de pouvoirs au niveau européen pour faire face aux exigences de la compétition internationale et dans le même temps, vers la dévolution de pouvoirs de plus en plus nombreux et réels aux régions et aux collectivités locales afin de répondre mieux et plus rapidement aux attentes des citoyens.
Cela implique des limites aux compétences des États et des partages de souveraineté.
Comme beaucoup de français, j'y suis favorable, j'y suis prêt.
J'en tire cependant au moins une conséquence. Le partage des décisions au niveau non plus national mais européen suppose – de rendre le système de décision interne à la communauté beaucoup plus efficace et plus démocratique qu'il ne l'est aujourd'hui.
L'une des grandes incertitudes actuelles est que l'on ne sait plus très bien qui décide pour l'Europe et au nom de quelles valeurs.
Si nous décidons de transférer des responsabilités au niveau européen, et bien il faut s'en donner les moyens en créant une véritable puissance publique européenne et en lui donnant les attributs de la souveraineté. C'est bien là un des enjeux des négociations qui se sont ouvertes sur l'union politique, économique et monétaire et qui doivent se conclure début décembre à Maastricht.
Je leur souhaite pour ma part sans réserve, un plein succès.
II. – L'Europe et les États-Unis : de nouveaux partenaires
Aujourd'hui, l'Europe est plus assurée de son projet, et de ses ambitions. Elle poursuit avec sérénité ses objectifs propres sur la scène internationale.
Et son premier souci est de trouver les bases d'une association et plus tard d'une adhésion avec les pays d'Europe de l'Est.
Respectueuse du cadre multilatéral des échanges, elle est aussi à la recherche d'un nouveau partenariat avec les États-Unis, de relations plus équilibrées avec le Japon et d'une solidarité plus grande avec les pays du Sud.
Je n'évoquerai ici que les deux premiers aspects, en ce qu'ils touchent aux relations euro-américaines.
1. Le débat sur l'élargissement de la communauté aux pays de l'Est est intimement lié à celui sur l'intégration européenne.
Aujourd'hui, l'Autriche et la Suède sont candidates à l'entrée dans la communauté. La Suède pourrait être bien suivie par la Norvège, la suisse pourrait se déclarer, et la Finlande n'est pas loin, sans parler des pays d'Europe centrale et orientale qui, tous, veulent un jour en devenir membres.
Et je n'ai pas évoqué les anciennes républiques soviétiques...
Les demandes d'adhésion sont réjouissantes et flatteuses. Elles traduisent une adhésion grandissante des peuples aux idéaux démocratiques et aux valeurs de la liberté politique.
C'est aussi un hommage rendu au succès de la communauté. Qui a su assurer à ses populations le développement et la prospérité, la liberté et le respect scrupuleux des Droits de l'Homme ainsi qu'un système de protection sociale unique au monde.
Mais en même temps, elles nous posent quelques problèmes.
Tout d'abord, un problème de taille. Nous étions 160 millions quand nous avons commencé à six, à la fin des années 50. Nous sommes maintenant 340 millions. Voulons-nous, pourrons-nous être 500 ou 600 millions et continuer à bénéficier des mêmes avantages?
La question des mécanismes de décision se pose également à nous : comment la Commission européenne, le conseil des ministres pourront-ils travailler efficacement avec un nombre de plus en plus important de membres ? L'efficacité de la gestion ne va-t-il pas disparaître et l'ensemble du système se bloquer ?
Enfin, plus fondamentalement, comment mettre en commun les intérêts et les espoirs de 15 ou 20 pays, et d'encore plus de peuples et de sensibilités ? Comment concilier les élargissements avec les ambitions définies par les douze pour la monnaie unique, la politique étrangère et de sécurité commune ?
Voilà beaucoup de questions, auxquelles quelques réponses peuvent être apportées.
Nous souhaitons que la communauté garde sa cohésion tandis qu'elle gagnerait en nombre.
Nous ne souhaitons pas qu'elle s'affaiblisse dans une simple zone de libre-échange incapable d'assumer sa destinée politique.
La question est particulièrement difficile pour les anciens pays communistes comme la Hongrie, la Tchécoslovaquie et la Pologne, qui sont très proches de nous et attendent déjà beaucoup de la communauté.
Mais si ces pays, et leurs peuples, son très proches de nous par leur histoire et leurs cultures, leurs niveaux de développement économique les différencient encore beaucoup.
Nous sommes donc devant un dilemme.
Ces pays font partie intégrante de l'Europe. Ils ont donc une vocation naturelle, s'ils le souhaitent, à entrer dans la communauté.
Mais ils ne pourront le faire sans trop de dommages pour leurs économies sorties presque exsangues de longues années de dirigisme et de mauvaise gestion que lorsque les progrès enregistrés avec le retour à l'économie de marché leur permettront d'affronter les obligations qui vont de pair avec l'entrée dans la CEE. En attendant, les formules d'association offertes ainsi que l'aide consentie, en particulier grâce à la nouvelle Banque européenne pour la reconstitution et le développement, permettent à la CEE de témoigner de sa solidarité.
Et celle-ci est indispensable pour ne pas laisser sans réponse l'attente bien compréhensible de populations qui viennent de se débarrasser, par elles-mêmes, de régimes oppressifs.
La loi du marché est dure pour les plus faibles. Prenons garde de ne pas laisser les peuples de l'Europe libérée du communisme dans un État de frustration qui leur ferait regretter le temps et les régimes passés.
Pour autant la structure communautaire n'épuise sans doute pas la question de l'organisation économique du continent européen. Des formes de coopération souples, adaptées aux acteurs et aux domaines d'intervention restent à inventer, par exemple dans les domaines de l'énergie et de l'environnement.
2. C'est avec le même désir d'invention et de négociation que l'Europe aborde ses relations avec les États-Unis.
Nous connaissons la valeur du multilatéralisme parce que la construction européenne s'est précisément élevée sur le socle de la coopération internationale.
Elle doit d'ailleurs beaucoup, je tiens à le dire ici, d'abord au courage admirable du peuple américain pendant la terrible seconde guerre mondiale, ensuite à la solidarité non démentie des États-Unis dans la période de reconstruction qui a suivie.
Et pourtant, dans ce domaine, de trop nombreux malentendus se sont développés.
D'un côté, nos amis américains comme les japonais d'ailleurs sont portés à se demander si l'Europe nouvelle, celle de l'après 1993 que j'ai décrite sera ou non ouverte au monde.
De l'autre, les européens s'inquiètent à l'idée que les négociations multilatérales pourraient déboucher sur de nouvelles contraintes difficilement acceptables qui leur seraient imposées notamment dans le domaine agricole, sans contreparties notables dans d'autres domaines auxquels ils sont attachés, comme les services financiers.
En caricaturant un peu, les Américains craignent que la construction européenne ne déclenche une vague de régionalisme qui menacerait l'esprit et les acquis du GATT, tandis que les Européens considèrent que le GATT a plus bénéficié depuis près de 50 ans, aux États-Unis qu'au reste du monde.
Cette opposition – globalisme contre régionalisme – touche à la caricature. Elle ne résiste pas à l'analyse.
La communauté économique européenne est d'ores et déjà le plus vaste ensemble de marchés libres existant sur la planète et l'accord récent entre la CEE et les pays membres de l'AELE, qui créé un "espace économique européen", l'élargit encore.
Ce grand ensemble de 19 pays est très ouvert aux échanges avec l'extérieur et en particulier aux pays en voie de développement, c'est ainsi que l'Europe au "système de préférences généralisées" le plus favorable.
Ce qui vaut pour le commerce vaut d'ailleurs aussi pour l'investissement. Les investissements transfrontières ont connu au cours de la décennie des années 80 une croissance rapide, notamment pour les investissements transatlantiques, et ce, dans les deux sens.
L'Europe est, elle aussi, accueillante.
La mauvaise réputation de certains pays – dont la France – n'est plus justifiée.
Il est aujourd'hui plus facile d'acquérir une entreprise en France qu'en Angleterre que ce n'est le cas en Allemagne ou en Suisse.
D'abord parce que les chiffres montrent que les échanges internes aux trois ensembles régionaux majeurs qui se dessinent dans l'économie mondiale – l'Amérique du Nord, l'Europe, l'Est de l'Asie – croissent plus vite que leurs échanges avec l'extérieur.
Et ce phénomène pourrait s'accentuer avec l'approfondissement de chacun de ces ensembles : élargissement et intégration de la Communauté européenne ; création du marché commun Nord-Américain autour des États-Unis ; émergence d'une communauté des États du Pacifique autour du Japon.
Ensuite, parce que chacune des régions regarde, pour des raisons certes différentes, les deux autres avec une certaine appréhension.
Le Japon s'inquiète de la multiplication des freins mis à l'expansion de ses ventes ou de ses investissements dans le reste du monde développé, dans un contexte ou l'ampleur de ses succès stimule l'ardeur des critiques.
Les États-Unis, parce qu'ils y existent une vraie foi dans le libre-échange, et parce qu'ils considèrent que les Européens ne jouent pas toujours le jeu de la concurrence et élèvent des barrières artificielles à l'abri desquelles ils espèreraient retarder leur entrée dans le libéralisme mondial.
Enfin, pourquoi ne pas le dire, la réussite éclatante, parfois arrogante, de l'Europe provoque, de ce côté-ci de l'Atlantique, un peu d'Amérique à l'égard d'un vieux continent qui aurait trop vite oublié ce que sa prospérité doit à l'Amérique.
De son côté, l'Europe souhaite elle aussi se doter d'une industrie puissante, et gérer sans convulsion la réduction progressive de son agriculture et de sa population rurale, elle se refuse à se voir imposer par d'autres le rythme et les méthodes qu'elle a choisis pour se développer et se renforcer.
Les États-Unis qui pressent le pas, ont eux-mêmes acquis – avec l'appui des budgets publics, notamment de défense – des positions dominantes dans certaines activités, comme l'aéronautique ou l'informatique, et ils continuent eux-mêmes de subventionner considérablement leur monde agricole.
Leurs critiques de l'immobilisme européen agace donc par ce qui est perçu comme une illustration du célèbre "fais ce que je dis, pas ce que je fais".
Face au Japon, Américains et Européens se rejoignent pour dénoncer les élus excessifs d'exportation, l'absence d'ouverture aux importations, et surtout un refus d'assurer des responsabilités politiques internationales au prix d'une surcharge pour ses partenaires.
Que penser de ces critiques réciproques ? Pour parler vrai, je les crois toutes fondées, en même temps.
Mon approche de ces questions est donc pragmatique : pour dépasser les blocages, il faut éviter les débats généraux ou théoriques et négocier.
Nous construisons sur de bonnes bases : il n'y a guère de précédents dans l'histoire de l'humanité que de grandes nations aient des relations économiques aussi libres aussi longtemps que celles qui existent entre l'Amérique du Nord et l'Europe.
L'expérience montre que lorsque l'on en arrive aux vraies négociations, sur les vrais enjeux, en se donnant de vraies bases de discussions, des accords sont toujours possibles.
Je crois que l'une des raisons du retard pris par l'Uruguay Round tient à ce que nous avons, les uns et les autres, mis trop de temps à mettre sur la table les vrais dossiers, à se dire franchement ce qui aurait dû l'être – peut-être parce que l'affirmation brutales des règles d'un libre-échange absolu conduisait d'emblée les Européens à une crispation dont nous ne nous sommes pas encore libérés.
Je ne suis pas pessimiste sur le futur, il y aura, dans les faits, des grands ensembles de plus en plus intégrés – les trois grandes régions. Mais cela ne veut pas dire pour autant que le mouvement d'abaissement des barrières entre ces ensembles se ralentira.
Je souhaite à ce propos vous faire part de trois idées :
Premièrement, l'Amérique n'a pas à craindre une Europe prospère ; au contraire, les firmes américaines profiteront pleinement de l'unification du marché intérieur européen parce qu'elles sont puissantes, en particulier dans les services, et qu'elles ont, avant d'autres, compris la dimension européenne.
Deuxièmement, nous avons des projets à réaliser en commun, la création de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement en est un, couronne de succès. L'avion supersonique de transport, la télévision haute définition, la lutte contre la drogue, la préservation de l'environnement, l'industrialisation de l'espace ne se feront pas sans coopération transatlantique, facteurs de prospérité pour les citoyens, ces projets fourniront en plus une activité économique considérable.
Troisièmement, le temps est-il venu de formaliser, au délai de la récente déclaration CEE-États-Unis, des relations qui ne l'ont jamais été ? Des rencontres plus fréquentes entre les responsables de la communauté et les membres de l'exécutif américain aideraient sans aucun doute à éviter de nombreux malentendus.
Mais il ne faut pas que les États-Unis en attendent un treizième siège dans la communauté, il y aurait là un contresens fondamental autant qu'une lourde erreur d'appréciation.
Depuis deux siècles, l'Europe et les États-Unis échangent plus que de l'argent, des biens ou même des hommes : nous nous empruntons mutuellement, en toute amitié, nos valeurs politiques dans un dialogue incessant des modèles.
Par ricochet la chute du communisme et de son cortège de fausses valeurs pourrait redonner aux débats entre le libéralisme et la sociale démocratie, entre l'organisation anglo-saxonne et les modèles allemand, japonais voire français, une vigueur renouvelée.
Quelle valeur attachons-nous à l'intervention de l'État sur le marché, à la cohésion sociale d'une économie, à son insertion non seulement dans les échanges internationaux mais aussi dans l'écologie de la planète, ou encore à son respect des hommes ?
Voilà autant de questions qui prennent avec la disparition des dogmes une acuité nouvelle.
Aujourd'hui, la communauté européenne a le regard tourné vers l'Atlantique et les valeurs américaines, lorsqu'elle imagine le grand marché de 1992 et ses règles de concurrence, ou qu'elle prévoit la création d'une banque centrale.
Nous ne serions pas surpris qu'un jour prochain nos amis américains viennent chercher en Europe des idées, en matière par exemple de sécurité sociale ou de gestion de l'environnement.
Nous échangerons bien volontiers avec eux nos expériences et notre savoir-faire.
Mais gardons-nous de pousser l'analogie trop loin, 1990 n'est pas 1776 et les États-Unis d'Europe sont encore loin devant nous.
D'ici là, je sais que nous pouvons compter sur l'aide des États-Unis pour nous aider dans cette construction, juste retour de l'histoire…
21 novembre 1991
Lors de mes précédentes interventions, je me suis arrêté sur deux aspects particuliers des relations actuelles et futures entre les États-Unis et la nouvelle Europe.
Je voudrais aujourd'hui prendre du recul et examiner dans quel contexte international ces relations prendront place.
Le monde connaît depuis deux ans des bouleversements considérables : les minorités nationales s'affirment, le libéralisme économique s'impose, les dictatures s'effondrent, les valeurs démocratiques triomphent.
Dans le même temps, de nouveaux défis apparaissent tandis que le lancinant problème du sous-développement s'aggrave.
Quel doit être notre attitude face à cette évolution ?
En quoi les relations internationales vont-elles changer ? En quoi les États – et les hommes d'État – devront-ils adapter leurs modes de pensée et d'action ?
Je voudrais devant vous tenter d'apporter quelques premières réponses et ouvrir quelques pistes pour tracer les contours de la planète sur laquelle vivront nos enfants.
Introduction
Nous avons vécu pendant près de 50 ans dans un monde bipolaire, dont l'équilibre reposait sur la menace d'une déflagration nucléaire.
Situation inacceptable s'il en fut, et pourtant certains éprouvent aujourd'hui, alors qu'il est enfin possible d'en sortir, une inquiétude réelle.
Confiants dans l'équilibre de la terreur, qui nous avait assuré la paix depuis 1945, ils ont peur de lendemains dont ils ne savent pas très bien de quoi ils seront faits.
Et il est vrai l'actualité nous le montre tous les jours, que le processus de désagrégation du bloc de l'Est est si brutal qu'il présente le risque d'échapper à tout contrôle.
Mais quelle myopie dans cette attitude !
Comment croire qu'un frein pourrait être mis à l'enthousiasme de peuples qui se libèrent ?
Comment nier le besoin d'un changement radical dans beaucoup de pays, dont l'urgence est si bien illustrée par l'État de délabrement des sociétés sorties du communisme ?
Croit-on qu'il suffise d'une phrase pour décréter du rythme de l'histoire ?
Je souhaite pour ma part célébrer la disparition d'un monde partage en pôles antagonistes et me réjouir sans réserve de la chute de ce "mur de la honte" qui pendant 30 ans a symbolise la coupure en deux de l'Europe.
Avec les centaines de millions d'hommes, de femmes et d'enfants qui retrouvent enfin la liberté, je préfère m'affranchir d'un passé de tristesse et mettre mes convictions et mon énergie au service d'un avenir que je crois prometteur.
Parce que le monde d'aujourd'hui est avant tout un monde d'espoir.
Oui, il nous est peut-être enfin possible de jeter les bases d'une véritable communauté planétaire.
Pour y parvenir, il n'existe à l'évidence pas de recette miracle, pas de solution toute faite, et même dans nos pays, les moyens ne sont pas illimités.
Pourtant, il est essentiel d'agir, maintenant.
En prenant conscience du lien entre les situations nationales et l'évolution du monde tout entier.
Car il serait vain d'imaginer pouvoir construire, à l'abri des frontières, des cocons protégés des influences extérieures, des îlots de prospérité dans un monde de misère.
C'est donc collectivement qu'il nous faut réfléchir à l'organisation et au fonctionnement de la communauté mondiale.
En refusant l'égoïsme et le nationalisme réducteur, en mettant notre imagination au service de notre générosité.
I. – Le désordre international
1. le monde de la guerre froide
Le monde change et va changer plus encore, après avoir traversé depuis la dernière guerre mondiale une longue phase d'immobilisme politique et surtout de cloisonnement.
Car le monde était divisé.
Partage du monde d'ailleurs assez étrange quand on y réfléchit, puisque nous avons vécu à trois – Ouest, Est et Sud – dans un monde bipolaire !
Bipolaire, ce monde l'était au point de nous imposer une vision manichéenne des choses, vision contre laquelle, dois-je le rappeler, nous avons été quelques-uns – notamment en Europe – à nous opposer sans faiblir.
Mais, dans le même temps, ces valeurs en opposition perpétuelle, défendues par l'Est comme par l'Ouest avec une foi de croisés, se trouvaient étrangement dénaturées lorsqu'elles s'appliquaient au tiers-monde.
Apparu d'abord comme le champ privilégié de la rivalité des deux "super puissances", il est rapidement devenu un pur enjeu de pouvoir, ou les échelles de valeurs étaient accommodées avec complaisance.
Le monde dit "libre", a ainsi longtemps admis sans grands états d'âmes que l'idéal démocratique – qui constitue pourtant son fondement idéologique – était une denrée finalement moins consommable au Sud qu'à l'Ouest ou à l'Est.
J'ai même souvenir de doctes discussions sur le rôle des pouvoirs forts comme facteur de développement, le monde était alors divisé en deux camps hostiles et la fin, n'hésitaient pas à dire certains, justifiait les moyens.
Il est vrai d'ailleurs que les régimes autoritaires n'ont pas toujours été imposés de l'extérieur aux pays du tiers-monde.
Nous vivions une époque de simplifications : le mot même de démocratie paraissait à certains trop associé à celui de capitalisme et donc à celui de colonialisme. Ils le récusaient donc au nom du combat anti-impérialiste.
Nombre de dirigeants – souvent issus des luttes pour la décolonisation et l'indépendance – ont écarté les principes démocratiques pour mettre leurs espérances dans un modèle "socialiste" qui promettait un avenir radieux à l'humanité.
Malheureusement, de cet idéal merveilleux, beaucoup d'entre eux n'ont retenu que le recours à l'autoritarisme politique et au dirigisme économique.
À ce partage politique entre trois mondes aux valeurs divergentes des clivages économiques se sont superposés : à l'Est, le choix de la puissance collective, à l'Ouest, celui de la liberté et du bien-être individuel.
Au Sud, un système d'exploitation des richesses naturelles qui n'a pas empêché un processus d'appauvrissement continu, pratiquement partout.
Un seul recours dès lors, la coopération internationale, sensée combattre les effets pervers de cette lutte entre deux idéologies, entre deux modèles.
Beaucoup lui a été demandé trop sans doute.
2. Les coopérations Nord(s)-Sud(s)
Dans le contexte de la guerre froide, la solidarité entre Nations s'est tout naturellement organisée au sein des blocs : l'OTAN, l'OCDE, la Communauté économique européenne et l'AELE pour les pays occidentaux, le COMECON et le pacte de Varsovie pour les pays communistes.
Refusant les blocs, mais pas les alliances, les pays non-alignés ont tenté de promouvoir un développement autocentré, destiné à réduire leur dépendance par rapport aux aides extérieures et au commerce international, juge trop inégal.
Mais seuls les plus grands d'entre eux – la Chine et l'Inde – ont atteint l'auto-suffisance alimentaire, et par la même ont préservé une marge d'indépendance économique, rapidement réduite d'ailleurs par les problèmes démographiques.
Pour les autres, il a fallu se résoudre à passer avec les régions riches des accords de coopération ou d'association, accordant une aide financière plus ou moins conditionnelle.
Les sommes en jeu aujourd'hui sont considérables : l'aide fournie en 1990 par l'ensemble des pays de l'OCDE dépasse ainsi 35 milliards de dollars.
Elles attestent de l'ampleur des besoins mais aussi de l'incapacité de la plupart des États du Sud à les satisfaire par eux-mêmes, malgré des ressources naturelles et humaines parfois considérables.
L'Afrique aujourd'hui offre de tristes exemples de ce fantastique gâchis qui a fait retomber le niveau de vie des populations en-dessous de ce qu'il était il y a 30 ans : près de 10 % de la population du monde, mais 2 % des richesses mondiales, 1 % des échanges mondiaux !
Les dirigeants du tiers monde portent aujourd'hui une lourde responsabilité pour leur irresponsabilité d'alors.
Même s'il est vrai que les États du Sud sont longtemps restés le lieu privilégié de "guerres limitées" à travers lesquelles les deux super puissances tentaient d'élargir leurs sphères d'influence.
Même s'il est vrai aussi que l'exploitation coloniale s'est prolongée par la constitution de sociétés transnationales dont les décisions ne prenaient pas toujours en compte les intérêts des États.
Même s'il est vrai enfin que l'organisation des échanges au niveau mondial n'a guère tenu compte des problèmes spécifiques des États du tiers monde, malgré des années de négociations internationales.
3. Le "nouvel ordre économique international"
Paralysée dans ses fonctions de maintien de la paix par l'opposition des deux grands, l'organisation des Nations unies aurait pu devenir le lieu privilégié d'un véritable dialogue Nord-Sud.
L'ONU se transforma malheureusement en champ clos d'affrontements parfois violents autour des revendications des pays en développement, qui réclamaient des compensations pour les séquelles de la colonisation et la poursuite d'une exploitation de leurs ressources qui leur échappait toujours en grande partie.
Souvenez-vous de ces longues négociations, à partir de 1973-1974, pour la définition d'un "nouvel ordre économique international", plus juste et plus équitable, censé établir, dans tous les domaines, une première forme de solidarité planétaire.
Dans ce qui devint assez vite un dialogue de sourds, les pays communistes restaient muets, camouflant sous une commisération de bon aloi pour la "juste cause des combattants anti-impérialistes" leur incapacité à fournir la moindre aide économique, ou la moindre idée neuve.
J'avoue avoir cru, moi aussi, a une part de ces combats d'alors.
Car je ne pouvais me satisfaire de l'attitude de la plupart des dirigeants des pays riches, qui rejetaient en bloc les demandes du tiers-monde au prétexte que certaines d'entre elles étaient excessives.
Il y avait de la révolte chez nos amis du Sud, et la révolte est souvent pure.
Mais les "négociations globales" de 1980-81 échouèrent, malgré le sommet de Cancun, marquant la fin de cette approche globale, fondée trop exclusivement sur la confrontation.
L'échec était largement imputable à la défense presque théologique du principe de non-ingérence, consubstantiel a ces véritables combats Sud-Nord et Est-Ouest, auxquels rien ni personne n'échappait.
La diplomatie internationale en est restée partiellement paralysée, jusqu'à une période très récente.
Elle avait montré qu'elle n'était pas en mesure de faire émerger des pratiques ou des concepts originaux, permettant d'envisager des solutions différenciées et adaptées aux problèmes du monde.
II. – Nouveaux enjeux, nouveaux défis
Quels sont ces problèmes ?
Je n'évoquerai ici que trois des grandes questions que nous devrons affronter dans l'avenir et qui, en réalité, se posent déjà à nous
1. Le paradoxe de la liberté
Le monde reconnaît progressivement la supériorité de l'économie de marché, avec des régulations qu'il appartient à chaque état de définir, pour soutenir un développement économique durable.
L'effondrement du marxisme a, en parallèle, convaincu presque tous les pays non développés, au Sud et au Nord, que la démocratie – et l'État de droit – devaient obligatoirement accompagner l'instauration de la liberté économique pour lui donner ses pleins effets.
Le mur de Berlin est tombé sous la pression d'une population qui aspirait à plus de démocratie, mais qui attendait aussi de celle-ci une amélioration de son niveau de vie.
Le mouvement s'est propagé et il se développe aujourd'hui en Afrique et en Asie. La dictature n'a plus que quelques forteresses assiégées.
C'est là à l'évidence un mouvement positif.
La démocratie est un bienfait en soi – vérité que trop de citoyens des pays riches oublient hélas – et son lien avec la prospérité d'un pays est totalement justifié.
Car, j'en suis convaincu, il ne saurait y avoir de développement durable sans démocratie.
Parce que toute dictature implique le repli sur soi alors que dans nos sociétés de plus en plus complexes la formation de richesses passe par le mouvement et l'échange, donc par la liberté.
Il faut certes tenir compte des lenteurs et des blocages inévitables et s'attendre à des convulsions.
L'effondrement brutal des régimes autoritaires aux économies dirigées entraîne une désorganisation économique et des ruptures sociales oui se traduisent au moins dans un premier temps par des taux de croissance négatifs et des baisses généralisées des niveaux de vie.
De ce fait, il y a un risque grave dans les pays qui connaissent une transition démocratique –au Sud comme à l'Est – qu'a l'attente, à l'espoir, succède la désillusion et peut-être un jour le rejet des valeurs de liberté et de démocratie.
Meilleure mais elles peuvent devenir synonymes de misère et d'inégalités si les bénéfices n'en deviennent pas rapidement perceptibles par tous.
Il serait dangereux, pour la pérennité du processus démocratique, que se creuse l'écart entre les aspirations et les réalités, qu'une minorité de spéculateurs et de profiteurs apparaissent comme les uniques bénéficiaires de la toute nouvelle liberté, symbolisée par le droit de vote et l'économie de marché.
La communauté internationale doit donc se mobiliser, vite et sans marchander son effort, j'y reviendrai.
2. La dégradation de l'environnement
L'environnement de la planète est aujourd'hui gravement affecté par l'activité des hommes et les risques technologiques majeurs s'accroissent; par leur nombre et leur ampleur.
Que l'on songe seulement au désastre de Tchernobyl, à l'amincissement de la couche d'ozone, au réchauffement dramatique du climat !
Ou encore aux pollutions accidentelles ou provoquées qui deviennent des faits divers de nos sociétés – ce n'est même plus toujours de l'information.
Et que dire de la dégradation des sols agricoles surexploités des pays de l'hémisphère Nord et de la désertification terrifiante qui menace certains pays du Sud ?
Enfin peut-on éviter de mentionner la véritable catastrophe de l'urbanisation, qui progresse partout, partout désordonnée, excessive, incontrôlée et peut être déjà incontrôlable ?
Il y a là des défis auxquels nous ne pouvons plus nous soustraire, sauf à condamner les hommes à contempler leur propre déchéance.
Il y a là danger de mort pour notre planète.
Il est urgent d'organiser, au niveau mondial, une réponse concertée débouchant sur une action résolue.
C'est en ce sens que les plus hauts responsables politiques du monde doivent agir, car seul leur engagement personnel et politique permet d'espérer des décisions contraignantes et d'élaborer des mécanismes de suivi efficaces.
L'opinion publique a aussi un rôle essentiel à jouer pour une meilleure prise de conscience de leurs responsabilités par les gouvernements.
Enfin, les organisations non-gouvernementales ont une contribution majeure à apporter à la réflexion et à l'action.
La gravité des enjeux actuels et leur nature appellent un dialogue global et une action globale, ce qui nécessite que les pays en développement participent à l'effort collectif, même si leur contribution doit être adaptée à leurs moyens.
La responsabilité plus grande des pays riches dans la dégradation de l'environnement et leurs ressources financières impliquent de leur part une contribution plus importante.
Le Nord doit aussi parfois accepter des engagements unilatéraux, parce qu'il faut prêcher par l'exemple.
De premiers succès ont été remportés : je pense en particulier aux protocoles de Montréal sur la protection de la couche d'ozone et au récent accord de Madrid sur la préservation l'antarctique.
J'attends beaucoup de la négociation internationale d'une convention sur le climat, qui prolonge l'appel lancé à La Haye en 1989 par 24 chefs d'État et de gouvernement.
Il faut poursuivre dans cette voie, jusqu'à ce que l'homme et sa nature soient enfin réconciliés, jusqu'à ce que la terre redevienne un facteur de richesse et non d'appauvrissement.
3. La pauvreté et les migrations
Dernier défi que je voudrais évoquer : les hommes.
Nous avons, depuis longtemps, développé une conception très restrictive de la liberté des échanges.
Or, celle-ci ne signifie pas seulement la liberté du commerce mais aussi la liberté de circulation de l'information, du savoir et des personnes.
Car c'est grâce au mouvement des hommes et des idées que s'organise la circulation des connaissances, théoriques et pratiques, facteur essentiel du processus de développement.
Aujourd'hui, dans tous les pays riches des voix s'élèvent – sinistre écho d'un passé dramatique – pour appeler au refus des autres, de l'autre, et ériger l'exclusion en dogme fondateur de nouvelles forteresses policières.
Pourtant, nous le savons, la planète n'aura pas d'avenir s'il n'est commun à tous les hommes.
Il ne peut y avoir de véritable solidarité planétaire sans cette liberté fondamentale entre toutes : celle pour un homme de disposer de sa liberté.
Et ce mouvement ne peut pas être à sens unique.
Si le phénomène migratoire se réduit à une fuite des cerveaux et des individus les plus dynamiques des pays pauvres vers les pays riches, il ne fera que contribuer au mouvement d'accumulation des richesses dans les pays les mieux lotis.
Dans un monde ou l'information circule presque instantanément, ou les transports modernes ont réduit les distances, aucune frontière, aussi bien défendue soit-elle, ne protégera les pays riches contre l'attirance qu'ils exercent sur les populations des pays pauvres.
Alors que triomphent les valeurs de démocratie et de respect des Droits de l'Homme, il serait absurde que les pays les plus développés refusent la main qui leur est tendue.
Cela serait surtout indigné.
Parce que ceux qui nous lancent un appel à l'aide pressant ne font après tout que réclamer le bénéfice d'une liberté que nous leur avons si longtemps vantée et dont ils étaient privés par des régimes autoritaires et corrompus dont ils ont su se défaire eux-mêmes.
III. – Le droit en recomposition
Pour répondre à ces défis majeurs et changer le cours des choses, comment sommes-nous armés ? Comment évolue l'ordre juridique mondial ?
À mon sens, l'évolution majeure de ces dernières années est le glissement progressif d'un droit international fonde exclusivement sur les relations entre États vers un Droit dont l'homme – la personne humaine – devient à son tour un acteur direct.
1. Le droit et le fait
La vision politique des Droits de l'homme est enracinée dans la souffrance des peuples.
Toujours, dans notre civilisation, la réaction contre la misère humaine a conduit à réfléchir sur les conditions d'un monde plus équitable, plus juste et donc, pensait-on, plus pacifique.
Chaque fois, cette réflexion a abouti à doter l'individu de droits et a fait de leur respect et de leur promotion un objectif et un principe actif de la vie en société, qu'il s'agisse des nations ou de la Communauté des Nations.
Depuis la fin de la seconde guerre mondiale et la déclaration universelle de 1948, l'œuvre normative est considérable : plus de 60 instruments internationaux relatifs aux Droits de l'homme ont été adoptés.
Pourtant dans la réalité, en matière de Droits de l'homme, deux mondes coexistent : un monde théorique, idéal, fruit de négociations et de compromis élaborés avec patience par les diplomates et les juristes et un monde réel fait de passions et de haines, de violences et d'oppression, de misère et d'ignorance.
Ayons l'humilité de le reconnaître : ce ne sont pas les pactes des Nations unies qui ont fait tomber le mur de Berlin ou échouer le putsch soviétique ! Comme ils n'ont pas empêché les Chinois et les Yougoslaves de violer leurs engagements et de renier leurs promesses.
Faut-il pour autant stopper tout travail de codification ? Évidemment non.
Mais il faut réconcilier la pensée et l'action, le droit et le fait, la norme et son application.
Si le droit échappe au monde réel, à la vie, alors le risque est grand de voir ressurgir les vieux démons de la barbarie, de la négation du droit lui-même.
Nous devons trouver les voies et moyens d'un dialogue qui puisse s'engager avant que les drames ne se nouent.
Nous n'avons pas su éviter la guerre en Yougoslavie, au Libéria ou en Irak, mais la paix a été obtenu au Cambodge et gagnera peut-être demain l'ensemble du Proche-Orient.
Comme en Nouvelle-Calédonie ou en Afrique du Sud, c'est bien autour du souci de l'homme, à partir d'une volonté de lui rendre parole et dignité, que les fils d'un dialogue qui paraissait impossible pourront être renoués.
Donnons plus souvent la parole aux hommes qui agissent, sachons reconnaitre les nouveaux acteurs du jeu international, tels qu'ils se sont définis et imposés d'eux-mêmes, parfois contre la doctrine, et osons élaborer de nouveaux concepts, plus opérationnels.
2. L'homme, acteur du droit international
De nouveaux acteurs jouent aujourd'hui un rôle majeur sur la scène mondiale : l'opinion publique, donc les médias, les associations privées et les organisations non gouvernementales, et les individus, trop longtemps objets et non sujets du droit international.
L'unité allemande, si longtemps réclamée, si longtemps espérée par les Allemands, n'a pas résulté de négociations internationales, même s'il est vrai que l'objectif en figurait dans la loi fondamentale de 1949 et que les deux états allemands avaient peu à peu organisé leur cohabitation.
Mais c'est la population de Berlin qui a fait tomber, il y a deux ans à peine, le sinistre mur qui écartelait les familles, et l'Europe.
Comme à Varsovie, à Budapest, à Prague ou à Bucarest, c'est le peuple qui, en Allemagne, a fait exploser le communisme et son appareil de répression et d'oppression.
Les hommes d'État en ont pris acte, à Bonn comme à Berlin, et le droit a suivi.
À Moscou, en septembre dernier, un putsch militaire, sinistre farce d'un autre âge, a échoué parce que le peuple de Moscou a résisté.
Certes, ils n'étaient que quelques milliers devant la Maison Blanche d'où le Président russe organisait la résistance
Mais souvenez-vous : alors qu'à peine rentré à Moscou, Mikhaïl Gorbatchev nommait un nouveau directeur du KGB, sous ses fenêtres, au même moment, le peuple victorieux déboulonnait la statue du fondateur de la police politique soviétique.
Après avoir vaincu les putschistes, les moscovites ne laissaient à personne le soin de décider de leur avenir.
Dernier exemple, l'antarctique.
Le processus diplomatique qui a conduit il y a quelques semaines à l'adoption d'un protocole interdisant toute exploitation minière du continent blanc a été amorcé par les organisations non gouvernementales.
Bien sûr, les gouvernements se sont ensuite engagés un a un, et il le fallait pour conclure un instrument juridique adapté. Ce faisant, ils ont pris acte de la volonté croissante de l'opinion mondiale.
Et ils ont défini un nouvel instrument intégrant précisément le rôle des partenaires non gouvernementaux, puisque depuis le traité de Washington de 1959, aucune souveraineté d'État n'est reconnue en antarctique.
Leur responsabilité l'est pourtant, dorénavant.
Autant de leçons pour les gouvernements, les juristes et les diplomates.
Il nous reste maintenant à inventer les concepts et les principes qui permettront de bâtir un ordre international différent.
3. Le droit d'ingérence
En URSS, la liberté est apparue portée par un simple mot : "glasnost", la transparence. Ce n'est pas un hasard.
Il nous faut lutter contre l'opacité, celle qui fait que l'on n'entend pas, que l'on ne voit pas, que l'on ne sait pas et qui justifie à nos yeux que l'on ne fasse rien pour changer ce qui doit l'être.
Il y a la tendance naturelle à l'opacité du pouvoir, de tous les pouvoirs et de ceux qui l'exercent. Il est tellement facile de croire, lorsqu'on possède l'expertise, que l'on sait mieux que les autres ce qui peut faire leur bonheur.
Car de leur malheur, il n'est jamais question.
Il y a aussi parfois l'opacité liée à l'abondance de l'information, dans nos sociétés médiatisées à l'excès.
Aujourd'hui, nous ne pouvons plus accepter ces oscillations permanentes entre l'indignation instantanée et l'amnésie récurrente.
Il nous faut codifier le droit à l'assistance pour les peuples en danger, le devoir d'ingérence dans les affaires du monde.
Depuis plus de 20 ans, des hommes courageux parcourent le monde pour porter secours et assistance aux hommes et aux femmes en situation de détresse.
Ils nous ont fait connaître la misère qui reste celle de notre monde, en brisant les tabous, en sautant les frontières, en forçant les résistances des gouvernements et des organisations internationales.
"C'était interdit, et nous ne le savions pas", disaient-ils, "alors nous l'avons fait". Ils étaient médecins, ils se devaient aux malades, ou qu'ils soient et quelle que soit la couleur de celui qui leur a v ait inflige leur souffrance.
Aujourd'hui, l'organisation des Nations unies a reconnu le droit d'assistance humanitaire, dont la codification est engagée.
Au printemps dernier, plus d'un million de kurdes ont pu, grâce à ce droit nouveau en formation, bénéficier d'une opération humanitaire d'une envergure exceptionnelle.
Au Cambodge, ce sont les Nations unies qui, pendant un an, vont, au nom de la communauté internationale toute entière gouverner le pays.
Notre conscience d'homme·nous commande de poursuivre l'œuvre ainsi amorcée.
Après le droit d'ingérence humanitaire, c'est le droit d'ingérence démocratique qu'il va falloir concevoir et mettre en œuvre, pour garantir partout le strict respect des Droits de l'homme.
Collectivement bien sûr, au nom du préambule de la charte de San Francisco, qui commence par ces mots formidables : "Nous, peuples des Nations unies...".
Pour qu'aucun tyran ne puisse plus compter sur notre silence, sur notre inaction.
Parce que tout homme a droit à la dignité, au bien-être et à l'épanouissement, parce que tout enfant a droit à la vie.
IV. – La bataille pour l'organisation de la planète
Dans ce contexte, comment et autour de quels thèmes prioritaires la diplomatie internationale devra-t-elle évoluer ?
1. Une solidarité renforcée entre riches et pauvres
La démocratie politique et l'économie de marché, tempérée par des mécanismes régulateurs, gagnent peu à peu tous les continents.
Pour la première fois, il est de ce fait possible d'espérer la formation d'un consensus international sur les voies et moyens d'amorcer un processus de développement véritable dans les pays du Sud et de l'Est.
Mais, dans le même temps, cette unification idéologique progressive nous fait obligation, à nous pays les plus riches, d'accroitre nos programmes d'aide, malheureusement indispensables pour de longues années encore, et d'en renforcer l'efficacité.
Les politiques d'ajustement structurel par lesquelles passe le redressement économique de ces pays entraînent presque toujours une diminution de l'emploi dans le secteur public et une baisse des dépenses de l'État.
Le coût social est donc énorme pour des pays où les structures publiques fournissaient une part considérable des revenus distribues. Les pays du tiers monde le savent et le vivent depuis déjà une dizaine d'années.
Les populations en situation d'exclusion pourraient donc se multiplier dangereusement, en zones urbaines notamment, avec de graves conséquences pour la jeunesse en particulier.
Les besoins à prendre en charge collectivement vont donc augmenter alors même que diminueront les ressources budgétaires qui pourront y être affectées.
Le maintien voire l'accroissement de transferts financiers important en provenance des pays riches est donc une nécessité impérieuse, pour de nombreuses années encore.
Et le traitement de l'endettement devient une priorité absolue, tout comme une ouverture accrue – même si je sais qu'elle est difficile – des marchés des pays les plus développés.
Il faudra d'ailleurs, dans le même temps, confirmer la capacité d'initiative et d'action que l'organisation a retrouvée depuis quelques années sous l'autorité de son actuel secrétaire général, un exceptionnel dont le mandat va malheureusement bientôt s'achever.
Cela passe certainement par une réforme de l'organisation et de ses principaux organes de décision.
Je crois enfin qu'il est temps que les États – et les hommes d'État – retrouvent l'habitude de prendre leurs responsabilités.
Les engagements internationaux, comme tous les engagements, sont pris pour être tenus.
Nous devrons donc nous habituer à signer des textes juridiques contraignants comportant des mécanismes explicites de suivi, de contrôle et même de sanctions.
C'est à ce prix que nous rendrons leur crédibilité et leur efficacité à des structures de dialogue et de coopération dont la tâche ne fera que croître.
3. Des espaces redéfinis
Dans le monde à venir, nous devrons probablement trouver le moyen de dépasser les structures politiques et économiques actuelles, créées et dans des conditions qui ne sont plus nécessairement pertinentes aujourd'hui.
Nos espaces de vie seront vraisemblablement plus larges que ceux des États, nous offrant peut-être enfin des cadres de référence a même de nous permettre d'apporter des solutions, conformes à nos idéaux, aux difficiles problèmes posés par les migrations internationales.
Car rien ne pourra arrêter le flux des hommes et des femmes poussés par la misère vers les pôles de richesse que constituent nos sociétés.
Nous devons chercher à les canaliser et à les organiser, plutôt que de tenter de nous y opposer.
On ne peut pas plus envisager l'État hors de son contexte international qu'on ne peut envisager l'individu hors de son contexte social.
C'est pourquoi je crois par exemple qu'il est finalement assez vain de s'interroger sur la viabilité économique des États nés du démembrement de l'union soviétique, question qui n'aurait de sens que si l'État constituait l'unique division pertinente.
Il est clair que de tels États ne peuvent être que des éléments d'espaces plus larges, sur le plan économique en tout cas. C'est d'ailleurs la voie qu'ils paraissent décidés à emprunter.
En ce sens, il n'y a pas forcement contradiction entre l'affirmation de l'identité nationale de minorités de plus en plus étroites et le mouvement d'internationalisation et d'unification du marché mondial qui s'accélère.
Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes va sans aucun doute connaitre dans les prochaines années de nouvelles applications, sans pour autant provoquer la juxtaposition de microentités ingérables.
La multiplication de structures plus larges – unions, fédérations, accords et organisations multi et supra –nationales permettra d'emboîter toutes les pièces du puzzle planétaire.
Il faudra tendre vers la définition d'espaces politiques fondés non sur l'unité étatique ou économique – ces dernières pouvant être plus larges ou plus étroites – mais sur la liberté de mouvement et d'établissement des hommes.
D'ailleurs, des communautés régionales, fondées sur des interdépendances et des solidarités concrètes, à l'intérieur ou autour desquelles la libre circulation s'organise, se constituent déjà.
Je pense évidemment à l'exemple – pour moi presqu'un modèle – offert par la communauté économique européenne, espace de libre circulation en même temps que d'intégration, même s'il lui reste à définir jusqu'où, sur le continent européen, va s'étendre son champ.
Mais je pourrais citer aussi le marché commun latino-américain ou la communauté des États du pacifique qui se forme peu à peu.
Et comment ne pas mentionner ici, a New York, le nouveau marché Nord-américain, qui innove en associant deux pays très industrialisés et un état encore en voie de développement ?
Cette initiative est à mon sens remarquable, car elle va peut-être constituer le premier cas concret d'intégration progressive dans un même espace de peuples aux cultures très différentes et aux niveaux de développement très inégaux, mais aux richesses matérielles et humaines très complémentaires.
Oui, pour moi, les espaces de demain seront des espaces de liberté pour l'homme.
Bien sûr, pour que l'évolution que j'ai tentée d'esquisser puisse être menée à terme sans conflit, il faudra que les responsables politiques sachent s'affranchir de conceptions politiques, économiques et philosophiques héritées du XIXe siècle.
L'imagination et la souplesse doivent l'emporter sur une volonté farouche d'étendre à l'ensemble de la planète des modèles absolus et rigides.
L'ambition est grande certes, puisqu'elle porte sur une réforme globale et en profondeur des relations internationales et qu'elle appelle la constitution progressive d'un embryon de gouvernement collectif des affaires du monde.
Mais je la crois raisonnable.
Elle doit en tout cas fonder notre action, si nous voulons préserver, et là est l'essentiel, le droit des générations futures à vivre bien sûr une planète habitable et accueillante pour tous.
Pour, accroître l'efficacité programmée de systématiquement les projets passant par les citoyens eux-mêmes et les associations qu'ils forment spontanément.
D'une manière générale, il nous faut multiplier les microprojets économiques et sociaux, bien différencies selon les collectivités, les communautés, les hommes auxquels ils s'adressent.
Dans le tiers monde, l'émergence de processus authentiques de démocratisation doit nous conduire à encourager la promotion du respect des Droits de l'homme et le soutien aux partis et organisations démocratiques.
L'aide à la constitution de véritables états de droit, ou la transparence et la liberté économiques sont garanties, devient une priorité.
En bref, il nous faut accepter, nous peuples riches et démocratiques, de considérer les peuples qui sortent de régimes oppressifs comme des peuples majeurs, libres de leurs choix, avec lesquels il est possible de travailler en partenaires égaux.
La différenciation entre catégories de pays, dans les négociations internationales, restera nécessaire pour un temps.
Elle devra avoir pour objectif une meilleure répartition des charges en vue d'un partage plus équitable des bénéfices tirés des progrès accomplis par l'humanité.
2. La gestion de la planète
Cela rend nécessaire une transformation du fonctionnement de la communauté des nations, et donc une réforme des organisations dont nous nous sommes dotés.
Il y a aujourd'hui, de par le monde, trop d'organismes, d'organisations, d'institutions charges de la réflexion et de l'action collectives.
Je ne doute pas un instant de la bonne volonté qui a présidé à leur création, mais il y a un moment ou la multiplication des responsables entraîne à la fois des gaspillages et des lourdeurs de gestion mais surtout une dilution des responsabilités.
Comment expliquer par exemple a des populations qui souffrent dans un conflit armé que leur sort ne dépend pas de leur situation concrète mais de leur statut au regard du droit de la guerre – la Croix Rouge peut être concernée – ou de leur âge – là c'est l'Unicef – ou encore de leur nationalité – ce peut être le HCR ou la croix rouge ?
Il faut résolument mettre de l'ordre dans tout cela, sans préjugé et avec pragmatisme.
Il est devenu impératif de regrouper ce qui peut l'être autour de quelques grandes fonctions – politiques, économiques, humanitaires, culturelles – et rendre à l'organisation des Nations unies son rôle central dans l'animation de la communauté internationale.