Texte intégral
Nice-Matin, mercredi 2 juin 1999
Var Matin : Comment fonctionne le couple Pasqua – de Villers ?
Philippe de Villiers : Nous avons des convictions communes, des souvenirs communs, des projets communs et… une amitié ancienne. Je suis heureux et fier de faire campagne auprès de Charles Pasqua qui a un instinct « charnel » de la France. Il représente la résistance à la pensée unique.
Var Matin : Lors de votre dernière venue dans le sud, comme témoin au procès de Yann Piat, vous n’aviez guère été tendre pour la région, ses élus, ses affaires. Avez-vous la même opinion aujourd’hui ?
Philippe de Villiers : Cette région a besoin d’un renouveau et je n’oublierai pas que le meurtre de Yann Piat n’a jamais été élucidé. Notre liste est en rupture contre cette classe politique qui a déshonoré le Var. La présence de Jean-Charles Marchiani dans nos rangs est un signe et un symbole.
Var Matin : Vous êtes aujourd’hui sur une terre sensible. Comment la nommeriez-vous : terre d’accueil ou terre d’immigration ?
Philippe de Villiers : Le drame de la France aujourd’hui, c’est que les gouvernements successifs n’ont pas pris en compte le contrôle de l’immigration. La France n’a pas à accueillir toutes les misères du monde. L’accueil des réfugiés du Kosovo, par exemple, est une politique dangereuse et inhumaine : on accueille des immigrés musulmans qui vont errer comme des déracinés. Il ne faut pas mettre cette région en situation de « Kosovo bis ».
Var Matin : Serez-vous partisan du maintien du franc en parallèle avec l’euro ?
Philippe de Villiers : On ne peut que constater l’échec de l’euro. On nous avait promis qu’elle serait la première monnaie du monde et elle se traîne aux pieds du dollar. Nous avons subi ce mensonge et il est urgent de ne pas céder à la tentation de faire disparaître le franc.
Var Matin : Le soir des élections, où souhaitez-vous que votre liste soit comptée : à droite, à l’extrême droite, ailleurs ?
Philippe de Villiers : Tous seuls ! Je ne me trompe pas d’adversaire : je veux seulement sortir la France de l’ornière et du socialisme.
RTL, lundi 7 juin 1999
RTL : Face aux difficultés que connaît l’Europe, la défense européenne, l’affaire du Kosovo, affaire des aliments à la dioxine, vous n’apportez pas de réponses si ce n’est un repli sur soi de la France. Est-ce que les frontières et les barrières peuvent éviter les difficultés ?
Philippe de Villiers : Je m’inscris en faux évidemment contre ce que vous venez de dire. Nous, avec Charles Pasqua, bous voulons une France qui rayonne, qui soit ouverte sur le monde. Je pense que l’Europe actuelle, c’est une Europe qui justement nous enferme dans nos problèmes. Regardez l’affaire du poulet à la dioxine : c’est le double résultat d’une politique européenne libre-échangiste, mondialiste, qui conduit à une course folle au prix le plus bas de la matière première, de la farine animale, etc. Et c’est le résultat aussi de ce principe absolu de la liberté de circulation. On voit bien aujourd’hui, avec l’arrêté pris par le Gouvernement français pour stopper les importations en provenance de Belgique, que les frontières, c’est utile. Donc, nous disons : nous voulons une Europe dans laquelle les Nations contrôlent Bruxelles et non pas cette Europe dans laquelle Bruxelles contrôle les Nations. Parce qu’elles ne nous apportent rien de bon.
RTL : C’est bien ce que je disais : vous voulez les frontières et les barrières.
Philippe de Villiers : Non, je pense qu’il vaut mieux deux frontière qu’une.
RTL : Double frontière donc.
Philippe de Villiers : Je suis pour une frontière extérieure à l’Europe, ce qu’on appelle « la préférence communautaire ». Par exemple, une barrière sanitaire, parce que je ne suis pas, moi, de ceux qui pensent que la viande aux hormones, le maïs transgénique, « la vache folle » britannique, et le poulet à la dioxine, ça doit être obligatoire pour nos consommateurs. Donc une frontière sanitaire extérieure, une frontière douanière extérieure. Et puis, en plus, des frontières internes qui permettent des contrôles. Car, si on avait ces contrôles-là, eh bien on n’aurait pas les difficultés qu’on connaît aujourd’hui avec l’affaire de la dioxine. Dans « Le vent des globes » qui est la course autour du monde en solitaire, il y a une obligation dans le règlement pour tous les skippers qui font le tour du monde : c’est d’avoir sept compartiments étanches sur leur bateau. Pourquoi ? Car quand vous avez une voie d’eau dans un compartiment, le bateau continue de flotter. C’est exactement le même problème pour l’Europe aujourd’hui. L’Europe oui, l’Europe à 15, demain à 20, 25, 35. Mais l’idée d’avoir une Europe sans frontière, un territoire unique, une monnaie unique, un marché unique, un impôt unique, un État unique, une administration unique, ça c’est une folie qu’on a déjà connue au cours du siècle : c’est la folie soviétique ! C’est la folie d’une Europe fusionniste, centraliste, bureaucratique, et finalement socialiste !
RTL : Quels enseignements tirez-vous sur l’Europe de la défense, de ce qui vient de se passer au Kosovo ? Vous souhaitez vous, une Europe de la défense ?
Philippe de Villiers : Je dirais même qu’elle est indispensable. Moi, je suis pour que l’Europe s’occupe du bouclier spatial alors qu’elle s’occupe de nos fromages. Or, actuellement, il n’y a pas de bouclier spatial ; il n’y a pas d’Europe de la défense pour ne prendre que cet exemple. Je ne crois pas à une armée européenne, mais je crois, par exemple, à une agence d’armement commune. Ce qu’on peut quand même dire sur l’affaire du Kosovo, c’est qu’on est revenu à la case départ, et qu’aujourd’hui ce que nos partenaires acceptent, nous ne pouvons pas l’accepter, nous les Français, à savoir : de devenir un protectorat américain. Nous sommes en train de devenir, l’Europe aujourd’hui, un protectorat économique, un protectorat militaire et politique des États-Unis, avec l’OMC d’un côté sur le plan économique et l’OTAN sur le plan militaire. Et le paradoxe, c’est que ceux qu’on appelait « les eurosceptiques » - les gens comme Pasqua et moi -, nous sommes les derniers défenseurs d’une Europe indépendante alors que les euro fédéralistes, là, tous les « eurobéats », les « eurofrappadingues », les « eurocontrits », les « europenauds » nous ont précipités dans les bras de l’Amérique. Et sur le plan économique et sur le plan culturel et sur le plan militaire.
RTL : Si les sondages confirment dimanche un bon score pour votre liste, il faudra l’attribuer à qui, à quoi : au désordre au sein de la droite parlementaire, à la division de l’extrême droite ?
Philippe de Villiers : Je crois qu’il faudra l’attribuer au fait que les gens voient un tandem harmonieux – Pasqua-de Villiers – et c’est un tandem qui marche.
RTL : Votre « tandem harmonieux », après le 14, il va continuer ?
Philippe de Villiers : Oui, tout à fait.
RTL : sous quelle forme ?
Philippe de Villiers : Je vais vous dire ce que j’aime chez Charles Pasqua, c’est qu’il a un instinct charnel de la France et ça me change de tous les autres, de tous les technocrates de la politique politicienne française. L’ambition de Pasqua, c’est la France et leur ambition, c’est de faire carrière, c’est la course aux places. Ça, c’est un premier point. Les Français le ressentent bien. Ensuite, il y a la cohérence du message, l’idée aussi que, nous, on veut une vraie rupture avec les appareils, avec un système politique qui n’est plus au service de la France et des Français et avec le mensonge. Nous, quand on siègera là-bas, on siègera dans un groupe qui défendra les intérêts français. On ne siègera pas comme les gens de chez Sarkozy et les gens de chez Bayrou dans le même groupe parlementaire – ce qu’ils n’ont pas dit aux Français et qui est le groupe parlementaire qui a inscrit dans sa charte constitutive la fin des Nations.