Interviews de M. François Léotard, président de l'UDF, dans "Le Journal du dimanche" du 2 novembre 1997 et dans "Paris-Match" du 6, notamment sur sa mise en cause dans l'affaire Yann Piat.

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Circonstance : Publication chez Flammarion du livre "L'affaire Yann Piat, des assassins au coeur du pouvoir" de André Rougeot et Jean-Michel Verne début octobre 1997 - publication du livre de réponse de François Léotard "Pour l'honneur" chez Grasset, le 28 octobre.

Média : Le Journal du Dimanche - Paris Match

Texte intégral

Le Journal du Dimanche le 2 novembre 1997

Q. – Pour vous le mal est-il fait ou, au contraire, en voie de réparation ?

R. – Le mal est fait en partie. Je crains que cette mauvaise action en laisse dans l’opinion un mélange d’inquiétude et de déception vis-à-vis du monde politique. Et que, bien sûr, l’extrémisme n’en tire profit.

Q. – Mais d’un mal peut venir un bien, vous pouvez sortir grandi de l’épreuve ?

R. – Très franchement, je n’en sais rien. Je pense avoir la réponse après le combat des élections régionales.

Q. – Vous abandonneriez la politique ?

R. – Le climat de délation et d’insultes que je viens de connaître dénature tous les enjeux et tous les combats. Parfois, je me demande s’il n’est pas possible de s’engager autrement.

Q. – Mais pour faire quoi ?

R. – Il y a mille façons de témoigner et d’agir pour ses convictions.

Q. – Parfois, on a dit que vous étiez égaré en politique…

R. – Peut-être égaré, mais en tout cas élu quatorze fois de suite sans avoir été battu. J’y ai consacré l’essentiel de ma vie, mais il est vrai que j’ai toujours été passionné de littérature. C’est une part de mon bonheur et de ma vie.

Q. – Qu’avez-vous appris de nouveau dans cette épreuve ?

R. – Pour la première fois, la presse, si corporatiste, s’est désolidarisée de deux individus qui défigurent la profession. Le paradoxe est que je respecte peut-être davantage aujourd’hui le métier de journaliste quand il est exercé de façon digne et authentique. Je ne fais aucun amalgame. Autre paradoxe : j’ai repris confiance dans la capacité de la justice à agir vite et juste, pour peu que l’on trouve une procédure adéquate. C’est ce qu’on fait intelligemment mes avocats. Sans leur inventivité et l’attitude courageuse des magistrats, le troisième millénaire serait engagé que mon procès en diffamation n’aurait pas encore trouvé sa conclusion. Aujourd’hui, il est de salubrité publique que la lumière soit faite. Qui a fait quoi ? Quand ? Et pourquoi ? Il est inquiétant de penser qu’un officier de police judiciaire ai pu, si j’en crois la presse, proposer 1 million de francs pour faire parler, ou pour faire taire, quelqu’un. D’où vient l’argent ?

Q. – À travers votre cas, voulez-vous réhabiliter l’ensemble de la classe politique ?

R. – Je suis très préoccupé de la dégradation profonde l’esprit public au sens où jadis, il désignait les relations sociales entre les gens. Mais je ne veux pas entretenir une sorte de lamentation personnelle, qui n’aurait aucun intérêt. Les chômeurs, les jeunes subissent des injustices beaucoup plus graves. En ce qui concerne le monde politique, je souhaiterais qu’on retrouve ce respect des élus sans lequel aucune démocratie ne peut fonctionner. J’espère que les jeunes vont rompre avec une certaine culture de la dérision et du mépris qui développe la haine et, insidieusement, détruit les structures de la République.

Q. – La droite classique n’est-elle pas déjà envahie par l’avancée du FN ?

R. – Non. Rien n’est perdu. La tentation de passer des alliances existe. Elle est mortelle, et il faut y résister. Cela concerne aussi la gauche : Jospin n’a jamais récusé le slogan de Le Pen, « Plutôt Jospin que Chirac ». Et maintenant Jospin est à Matignon, voilà la réalité ! Le maintien de la gauche au gouvernement est suspendu à la progression du Front national.

Q. – Quand Jospin déclare que la sécurité des citoyens est une des priorités nationale, ne combat-il pas le FN ? Le RPR parle d’un pillage de ses idées…

R. – Le combat contre l’insécurité est une évidence priorité politique. Il exige des réponses concrètes. Mais la réponse des socialistes est archaïque. Ce n’est pas en injectant sans arrêt des moyens nouveaux qu’on règle les problèmes. Le « mammouth » de la police est comme celui de l’éducation nationale : il s’est étouffé lui-même. Dans les deux cas, les syndicats veulent gouverner à la place du ministre et il y a une grande confusion sur le mot « national ». La tranquillité publique, par exemple, c’est l’affaire des maires. Dans les deux cas, on ne s’en sortira que par la décentralisation. Pendant la dernière campagne législative, j’ai fait des propositions très concrètes sur la sécurité. Ce qui est national, c’est la protection des frontières, la police judiciaire et le maintien de l’ordre. Le reste doit être décentralisé, sous l’autorité des maires et des procureurs de la République.

Q. – Quand vous parlez d’une France fédérale, « une mais divisible », vous pensez à la décentralisation ?

R. – Le système jacobin est totalement vermoulu, tous les États modernes sont fédéraux. Si la France ne fait pas un choix pour la décentralisation, elle échouera. Il n’y a aucun risque de sécession aujourd’hui et l’Europe constitue un formidable garde-fou. Qu’on laisse s’exprimer les identités régionale, les pouvoirs régionaux, la démocratie locale !

Q. – Pensez-vous que la droite ait implosé ?

R. – Non. Le processus de refondation est long mais il est en cours. Il n’y a pas de crise l’opposition. Et il y a place pour tout le monde. Comme président de l’UDF, je me réjouis de voir les deux pôles, libéral et personnalité chrétien, enrichir notre message. L’affirmation de ces deux cultures, auxquelles se joint la culture radicale, honorent l’UDF. Nous avons aujourd’hui 80 000 militants. Les cotisations (par chèque) peuvent être vérifiées. Nous atteindrons le double l’an prochain et progresserons vers notre unité interne.

Q. – Comment abordez-vous les élections cantonales et régionales du printemps ?

R. – Pour la première fois, il y a trois pôles en France, la gauche, le FN et nous. C’est une situation difficile et dangereuse. Alors, vous connaissez la formule : mon aile gauche recule, mon aile droite s’effondre, le centre bat en retraite, j’attaque !

Q. – Si les libéraux étaient aux affaires quelle serait la première urgence ?

R. – Cesser de traiter l’emploi comme un problème moral. Il relève d’abord d’une action de libération de l’économie. Sous tous les gouvernements, on s’est trompé d’approche. Ce qui est moral, c’est la solidarité, ce n’est pas la même chose.

Q. – Que nous inspire le conflit des routiers ?

R. – Je ne trouve pas leurs revendications excessives.

Q. – À propos du procès Papon, privilégiez-vous la vérité des faits ou les mythes réconciliateurs ?

R. – J’ai approuvé Jacques Chirac en 1995 sur la question de la responsabilité de l’État français. Oui, il faut savoir ce qui nous a honorés et ce qui nous a discrédités. L’Allemagne a géré son passé avec plus de courage. Il ne faut pas être manichéen, la France était à Vichy, à Londres et dans le Vercors. La pire des attitudes serait le silence ou l’indifférence. Il faudra bien parler un jour de la guerre d’Indochine. Je me souviendrai toujours de ma honte d’adolescent quand, à Marseille, un navire, le Pasteur, devait débarquer de nuit les cercueils des mors de guerre pour éviter que les manifestants communistes ne leur crachent dessus.

* Pour l’honneur, par François Léotard (Grasset, 117 pages, 75 francs).


Paris-Match le 6 novembre 1997

Paris Match. – Que s’est-il passé dans votre tête lorsque vous avez appris qu’on vous accusait, vous et Jean-Claude Gaudin, d’être les commanditaires du meurtre de Yann Piat ?

François Léotard. – J’ai éprouvé un profond sentiment d’écœurement, de nausée, puis d’impuissance. Comment me justifier d’une telle monstruosité ? J’avais le souffle coupé. Au début, j’ai voulu réagir en traitant ce mensonge par le mépris, c’est-à-dire en me taisant. Puis, dans un deuxième temps, j’ai compris que s’il n’y avait pas de sanction ce serait de ma part un aveu profond d’impuissance.

Paris Match. – Pourquoi êtes-vous la cible d’une telle manipulation ? Si l’on croit les vieux adages, il n’y a pas de fumée sans feu...

François Léotard. – Je sais que l’on créé de la fumée pour faire croire au feu. Est-ce que j’empêche quelque chose ? À quelques mois des élections régionales, et juste après ma déclaration de candidature à la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, veut-on éliminer un concurrent ? Veut-on discréditer une stratégie ? C’est vrai que j’ai pris position contre le Front national à plusieurs reprises. Par exemple, je me suis opposé à la fermeture de Châteauvallon. Or il y a des gens qui sont favorables à l’alliance de la droite traditionnelle avec le Front national. Ils disposent de moyens considérables. Je dérange peut-être ceux qui disent qu’on ne pourra pas gagner les élections sans le FN. Ce dernier effectue un travail de sape dans toute la région et dans le Var. Ce travail commence par la diffusion du discrédit.

Paris Match. – Comment se fait-il, justement, que le Var soit devenu un vrai champ de manœuvres : chaque semaine il y a un mort mystérieux ? On dit que votre département est pourri par la Mafia et le milieu.

François Léotard. – C’est faux et scandaleux. Il n’y a pas un mort par semaine ! Le Var est un département majoritairement rural. 900 000 Varois vivent tranquillement. Je peux vous dire qu’à Fréjus et dans l’arrière-pays la Mafia et le milieu sont totalement absents. Traditionnellement, c’est à Marseille et à Toulon que se concentrent les problèmes. Le plus souvent, ce sont des rivalités entre clans et c’est du droit commun. Les juges et les policiers font leur métier. Beaucoup de Varois, et notamment les policiers, se sont sentis insultés par le ministre de l’intérieur lorsqu’il a prétendu que le Var était une zone de non-droit. Que ce dernier réfléchisse : il y a des années que ça a commencé, avant 1995 notamment, avec les fraudes électorales de la gauche. Alors, on dit qu’il y avait des liens entre Maurice Arreckx et Jean-Louis Fargette. Qu’y puis-je ? Ce n’est pas à moi qu’il faut poser la question.

Paris Match. – On vous reproche de n’en faire pour enrayer le phénomène mafieux et d’être trop léger.

François Léotard. – Je ne vois pas pourquoi ce serait à chacun de faire la justice. L’État doit jouer son rôle. Il faut rendre plus efficaces les policiers et les magistrats, bref l’État, c’est-à-dire leur donner des moyens. Ce n’est tout de même pas la faute des élus si la situation de l’État se dégrade. Je crains que l’on ne transfère sur les hommes politiques les impuissances de l’État…

Paris Match. – Revenons à Yann Piat. Qui, selon vous, l’a tuée ?

François Léotard. – On connaît les assassins. Ils ont avoué leur crime. Y a-t-il des commanditaires ? Le procès devra permettre de le découvrir.

Paris Match. – La voyiez-vous souvent ? Vous avait-elle fait part de ses craintes ?

François Léotard. – Elle ne m’a jamais parlé de ses craintes, mais je sais qu’elle s’en est ouverte à d’autres.

Paris Match. – On dit qu’elle était excédée par la progression du milieu de la drogue dans sa ville, qu’elle aurait tenté de dresser les milieux marseillais et toulonnais l’un contre l’autre pour qu’ils règlent le problème. Est-ce exact ?

François Léotard. – C’est une piste. Que la police l’explore ! Il faut lui poser la question. Plus vite on saura, mieux on se portera.

Paris Match. – Certains prétendent que votre ancien suppléant, Jo Sercia, entretenait des relations suivies avec le milieu et en particulier avec Fargette. Est-ce vrai ?

François Léotard. – Je l’ignore. C’est aux policiers et aux juges de faire leur travail. Quant à moi, je n’ai pas revu Jo Sercia depuis onze ans. Il tenait à l’époque, une petite entreprise de café. Personne ne m’avait jamais dit du mal de lui. Comment je voulais un suppléant RPR je l’ai pris à mes côtés.

Paris Match. – Le soir du meurtre de Yann Piat, José Muertas est arrivé après 20 heures au bar le Macama. Il savait déjà que Yann Piat avait été assassinée alors que personne n’était au courant. Lorsqu’on l’a interrogé, il a dit l’avoir appris par une femme, qui nie de lui avoir confié. Or, depuis, on a appris que José Muertas est le frère de votre chauffeur. De là à penser que c’est votre chauffeur qu’en a averti son frère…

François Léotard. – Cette version est incroyable et vous contribuez à cette infamie ambiante. Moi aussi je connaissais très bien José Muertas, comme tout le monde à Hyère car, dans toute la presqu’île de Giens il est de salir. Rappelez-vous l’affaire Markovic, la fausse psychanalyse de Giscard et tant d’autres montages. Souvent, ce sont des gens à la marge du pouvoir.

Paris Match. – Il pourrait s’agir, dit-on d’anciens militaires…

François Léotard. – En tant qu’ex-ministre de la défense, je rends hommage aux officiers de la DRM (direction du renseignement militaire) et la DGSE. Les connaissant bien et ayant toujours apprécié leurs qualités, je ne les vois pas alimenter ce genre de journalistes. Les questions qu’il faut poser sont les suivantes : ces deux journalistes ont-ils été payés ? Par qui ? Ont-ils vraiment rencontré des gens qui leur ont parlé ? À qui obéissent-ils ? Dès les résultats de la décision de justice de mardi, j’ai entamé une procédure en diffamation au pénal. Cela prendra un an ou un an et demi, ça m’est égal. Je ne leur ferai aucun cadeau. Si ces journalistes sont des crapules, qu’on les châtie et que la justice passe !

Paris Match. – Connaissiez-vous Fargette ?

François Léotard. – Non, je ne l’ai jamais rencontré personnellement.

Paris Match. – Qu’en est-il de ce voyage en Sicile où vous auriez rencontré Toto Rina ? Une photo existerait même…

François Léotard. – Je n’ai pas à répondre à une question aussi blessante. Bien évidemment, cette photo ne peut pas exister.

Paris Match. – Pendant leur enquête, les journalistes Rougeot et Verne vous ont-ils téléphoné pour vous demander un rendez-vous et avoir votre opinion sur cette affaire ?

François Léotard. – Ils ne m’ont jamais téléphoné et encore moins vu.

Paris Match. – Quel était l’état de vos relations avec M. Marchiani, le préfet du Var ? Il aurait été chargé de remettre de l’ordre dans le département et ce n’est un secret pour personne qu’il devait aussi vous mettre au pas.

François Léotard. – Il y avait des difficultés sur l’affaire de Châteauvallon. Il voulait faire fermer le centre animé par Gérard Paquet et moi j’étais contre, ce qui a provoqué un différend politique et juridique. Le préfet Marchiani menait à sa façon sa vie de préfet. Et moi, maire de Fréjus, pour tout vous dire je ne me suis jamais occupé des préfets successifs. En réalité, chacun fait ce qu’il a à faire : le préfet représente l’État, moi la commune.

Paris Match. – Les rumeurs et les affaires alimentent un climat de suspicion généralisée. Qu’en est-il de celles qui vous concernent : Port-Fréjus, les dossiers immobiliers sur lesquels on vous attaque, les écoutes téléphoniques… ?

François Léotard. – Toutes ces affaires sont transparentes et je peux les reprendre point par point en justifiant chacune de mes positions. Port-Fréjus, c’est ma fierté : 30 hectares ont été bâtis en plein centre-ville, mais 400 autres en bord de mer ont été « gelés ». Je suis le seul à avoir osé « protéger » autant le littoral du Var.

Paris Match. – Et la vente des terrains militaires de la région lorsque vous étiez ministre de la défense ?

François Léotard. – Le liste est disponible pour qui veut la consulter. Tout y est clair, et si l’actuel ministre de la défense a le souci de la vérité, il devrait le dire lui-même.

Paris Match. – La dernière affaire – celle des terrains de la famille Duplessis – montre que vous être toujours sur la sellette.

François Léotard. – Il y a une plainte en diffamation déposée par moi. Est-ce que c’est vous qui aller la juger ? Cela demandera un an pour que la vérité éclate. En parlerez-vous à ce moment-là ?

Paris Match. – Malgré toute cette manipulation et ce climat délétère, présenterez-vous tout de même votre candidature à la tête de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur ?

François Léotard. – Le mode de scrutin fait que je suis candidat dans le Var.

Paris Match. – Si vous êtes candidats à la PACA, bénéficierez-vous des voix des socialistes ? Michel Vauzelle comme Jean-Louis Bianco ont chacun déclaré qu’ils vous soutiendraient pour barrer la route au Front national.

François Léotard. – Il existe une volonté, d’un côté et de l’autre, de ne pas laisser le Front national et Le Pen prendre la présidence de la région.

Paris Match. – Jusqu’en mars 1998, date des régionales, vous serez sûrement encore la cible du Front national. N’en avez-vous pas assez d’être le Saint-Sébastien de la PACA ?

François Léotard. – Je me suis toujours battu pour mes idées. On ne peut me faire le reproche d’être versatile.

Paris Match. – Et Charles Pasqua, quel a été son rôle exact ? On dit qu’il aurait tiré certaines ficelles…

François Léotard. – J’espère qu’il est le plus éloigné possible de tout cela.

Paris Match. – La stratégie du RPR n’était-elle pas de reprendre doute la région aux élus UDF ?

François Léotard. – Je préfère parler de la stratégie du futur : nous allons faire, demain, des listes d’union dans le Var. D’ailleurs aussi. Au RPR, j’ai un interlocuteur, Philippe Séguin, qui, comme moi, souhaite l’union.

Paris Match. – Dans toute cette affaire, Jacques Chirac vous a-t-il apporté son soutien ?

François Léotard. – Le Président de la République n’a pas à le faire

Paris Match. – Balladur et Séguin ?

François Léotard. – Oui, j’y ai été sensible.

 

Extrait de « Pour l’honneur » « le dégoût fait vendre. Pas la vérité. La condamnation fait du papier. Pas la Réhabilitation »


Je sais trop bien ce qui va se passer : lorsque la vérité apparaîtra, l’indifférence l’entourera. Car ce n’est pas la vérité – je veux dire les faits eux-mêmes – qui est recherchée aujourd’hui dans les méandres de cette ignominie. Cela n’a même rien à voir avec elle. Peu à peu, les faites, les dates, les visages, les événements s’éloignent. Reste le dégoût. Le dégoût fait vendre. Pas la vérité. La condamnation fait du papier. Pas la réhabilitation. C’est dire qu’il faut d’abord accabler au maximum, sans mesure. Déverser la boue et l’ordure, en espérant que l’odeur en restera toujours attachée à vous. Et c’est ce qui se passe : le mécanisme fonctionne désormais quels que soient les tireurs de ficelles. Pinocchio finit toujours par marcher tout seul.

Le rôle du Front national

Car on en peut comprendre l’évolution du Front national dans notre région sans l’éclairer par les efforts désespérés que certains déployèrent pour s’en approcher, pour le séduire, pour l’utiliser et pour enfin s’y perdre.

L’assassinat de Yann Piat, les commentaires qui suivirent montrent à l’évidence que l’extrémisme et la violence qui l’environne ont déjà gagné, si l’on peut dire, droit de cité dans notre région. Comme ailleurs et comme jadis, l’intégrisme politique et la pègre ne vont pas tout à fait chacun de leur côté. C’est un vieux couple qui trouve dans ses déchirements et ses retrouvailles matière à poursuivre sa route, une sorte d’histoire commune où jouent, tout à la fois et successivement, l’admiration, le dépit, la jalousie et l’amour. Car la thèse la plus évidente, c’est que la violence politique, ses méthodes et ses hommes avaient déjà investi depuis longtemps, dans la région toulonnaise, quelques bastions de la droite traditionnelle, comme elle l’avait fait jadis pour la gauche à Draguignan, à Marseille ou dans la banlieue parisienne.

Pour Mégret d’ailleurs, aussitôt éparpillées aux quatre ventes les différentes ordures de la diffamation, la déclaration est venue comme un constat évident, presque rassurant pour les électeurs de ce mouvement : « C’est vraisemblable. » (sic) […]

La France vue par Léo

Pays désemparé comme un bateau démâté. Un président qui a d’immenses pouvoirs et qui ne peut plus les exercer. Une gauche qui gouverne et qui est minoritaire dans les esprits. Une droite faite de chapelles, de confessionnaux, de chefs de guerre sans batailles et de batailles sans victoires. Des syndicats cajolés qui ne représentent qu’un salarié français sur dix. Des journaux dits nationaux qui ont du mal à traverser le périphérique. Un pays qui fait la guerre de 40 au moment où d’autres commencent un nouveau siècle. Une société qui bat avec assurance le double record du niveau de l’impôt et du niveau du chômage. Une nation qui a fait du « tout exécutif » sa règle de conduite, comme on faisait jadis dans les maisons modernes, si vite vieillies, du « tout électriques ». Un pays qui a dans ses assemblées moins de femmes qu’à la Libération et moins,… qu’en Tunisie. Un pays… Je m’arrête. C’est mon pays. Celui de mes ancêtres. Celui que l’on m’avait décrit si beau, si courageux, si téméraire que j’en viens à me demander où il est passé…