Texte intégral
Q - M. Aubry, mercredi Conseil des ministres. Elysée dans la zone réservée. Vous irez comment demain ?
- “Eh bien j'ai prévu d'y aller en tandem avec C. Bartolone, suivis en vélo par D. Gillot. Vous voyez nous sommes une équipe soudée et sportive.”
Q - Aller et retour ?
- “J'espère que nous reviendrons oui.”
Q - Sécurité sociale : déficit limité en 99 par rapport aux objectifs - un excédent de 2 milliards espéré l'an prochain. A quoi attribuez-vous cette situation : à vos mesures ou alors, comme on le dit, à la reprise économique ?
- “Je crois que le passage de 57 milliards de déficit à 4 milliards cette année, à un excédent de l'année prochaine, est dû à un ensemble d'éléments. Tout d'abord des recette complémentaires liées à la croissance, mais je rappelle d'ailleurs que la croissance a été aussi aidée par le transfert des cotisations salariales vers la CSG qui a donné 1 point - plus d'1 % - de pouvoir d'achat aux Français et donc leur a permis de consommer et de relancer cette croissance. Cette réforme de la CSG qui a apporté des revenus complémentaires à la Sécurité sociale, l'emploi qui s'améliore, qui a apposé des cotisations complémentaires. Ca, c'est pour la partie recettes. Et je crois qu'il faut dire clairement les choses : nous n'en serions pas à 4 milliards s'il n'y avait pas eu le début des résultats de la politique structurelle que nous avons menée, comme cela vient d'être dit, tout d'abord en faisant en sorte que des mesures correctrices soient prises quand certaines professions de santé dérapaient - rappelez-vous les radiologues, les cardiologues, les laboratoires de biologie, les cliniques, les dentistes. Nous avons discuté et souvent négocié avec eux. Et puis aussi le début des résultats de la politique que nous menons. Par exemple : le médicament. C'est vrai que le médicament continue à avoir une consommation trop importante mais beaucoup moins importante…”
Q - A qui la faute là ?
- “… que l'année dernière.”
Q - Aux patients, aux médecins ?
- “Je crois qu'il faut une éducation de tous. Je crois qu'il faut que les Français comprennent d'abord que nous avons une surconsommation dans notre pays, notamment d'antibiotiques, d'anxiolytiques. Je ne suis pas sûre pour cela que nous soyons en meilleure santé.”
Q - Mais comment le faire comprendre ça ?
- “Eh bien en expliquant, en expliquant toujours. C'est ce que fait aujourd'hui la CNAM en faisant des campagnes vis-à-vis des malades. Mais aussi les médecins, qui ont d'ailleurs moins prescrit cette année, puisque nous avons l'augmentation de consommation de médicaments la moins importante des pays industrialisés cette année et c'est une première – 5 % d'augmentation contre 8 l'année dernière.”
Q - Autre dérapage M. Aubry, ça concerne les indemnités journalières. Ca veut dire que les médecins prescrivent trop d'arrêts de travail ?
- “Non, je ne dis pas cela. Je dis simplement que dans ce domaine comme dans d'autres, nous devons vérifier qu'il n'y a pas d'abus. Je ne dis pas qu'il y a particulièrement…”
Q - Qui “nous devons vérifier” ?
- “Eh bien la CNAM doit vérifier et pour cela, il faut qu'il y ait dans le volet médical confidentiel qui lui est envoyé, qui est envoyé au contrôle médical, la raison de l'arrêt-maladie. Je crois que ça se passe dans la plupart des pays…”
Q - Vous direz qu'il y a abus ?
- “Non, je ne le dirais pas tant que ça ne sera pas vérifié. Vous savez quand nous avons lancé la politique du médicament, qui nous permet cette année, à la fois que les pharmaciens puissent transférer des médicaments vers des médicaments génériques, quand nous réévaluons actuellement les médicaments et surtout le prix des médicaments pour baisser le prix des médicaments qui ont un effet médical moins important que d'autres, nous engageons des politiques structurelles. Avant d'avoir analysé ces sujets, je n'étais pas capable de le dire. Sur les indemnités journalières nous faisons le même travail et nous allons regarder ce qui se passe. Je crois qu'il faut contrôler les abus, aussi bien des médecins qui revoient systématiquement un patient, qui prescrivent trop, ou des malades qui, là aussi, ne respecteraient pas des règles normales. Cela, ce ne sont que les abus. Les résultats que nous avons aujourd'hui, c'est d'abord dû aux professionnels de santé qui, je crois, ont bien compris que nous ne cherchons pas à les montrer du doigt mais que, en rendant pérenne la Sécurité sociale, c'était leur avenir aussi et la santé des Français qui étaient en cause. C'est pourquoi les résultats sont là.”
Q - Il y a une nouveauté dans votre dispositif : la Cnam va maintenant gérer les médecins de villes et les hôpitaux ce sera pour vous ?
- “Voilà. Alors, d'abord je voudrais dire que nous sommes arrivés à ces 4 milliards de déficit et à un excédent l'année prochaine, parce que l'hôpital, les cliniques et les honoraires des médecins en 99 ont complètement tenu leur objectif. Et ça c'est une novation, même s'il y a encore des efforts à faire, comme vous l'avez dit, sur les médicaments. Nous souhaitons traiter les cliniques comme les hôpitaux, sur la tarification. C'est-à-dire que, lorsqu'on soigne les mêmes pathologies, on ait les mêmes tarifs. C'est l'objectif que nous mettons en place. Mais nous n'oublions pas non plus que l'hôpital public a des charges que n'ont pas les cliniques : ils doivent être ouverts à tous, ils ne choisissent pas leur clientèle, ils ne choisissent pas non plus les maladies qu'ils soignent. Ils doivent aussi réaliser de la recherche, de la formation. Donc nous le prendrons en compte mais nous ferons évoluer en même temps, l'hôpital public et l'hôpital privé, dont je me réjouis d'ailleurs de voir qu'actuellement il y a beaucoup de coopération, de mises en réseaux dans l'objectif de mieux soigner les malades et de limiter les inégalités, notamment régionales.”
Q - La Sécurité sociale va t-elle être mise à contribution et à quelle hauteur pour le fonds pour les 35 heures ? Il y a une petite discussion et les syndicats ne sont pas tout à fait d'accord…
- “Un mot d'abord pour vous dire que les 2 milliards d'excédents de l'année prochaine ce sont 2 milliards auxquels nous pourrions ajouter dans l'excédent, les 3 milliards que nous mettons sur le fonds de réserve des retraites, qui s'ajoutent aux 5 milliards de l'excédent de la Caisse de retraite de l'année dernière. Et les 5,5 milliards que nous mettons dans le fonds pour financer non pas la durée du travail mais la baisse de charges sociales .Baisse des charges sociales qui doit régler un des problèmes majeur de notre pays : c'est qu'aujourd'hui ce sont les salaires essentiellement sur lesquels sont assises les charges sociales et ces charges sociales pèsent fortement sur l'emploi et notamment sur les salariés à bas salaires et gênent la création d‘emplois dans le commerce, dans l'artisanat, dans les entreprises de main d'oeuvre. C'est donc cette réforme que nous souhaitons voir financée, pour une partir - 5,5 milliards en provision - cette année par la Sécurité sociale, par l'Etat, par la Sécurité sociale, car bien évidemment la création d'emplois qui va accompagner cette réduction de la durée du travail et la baisse des charges, va aider la Sécurité sociale par des entrées de cotisations complémentaires.”
Q - Une dernière question : vous avez entendu le reportage concernant Michelin à Clermont-Ferrand, Monsieur Jospin a demandé aux employés de se mobiliser. Et vous ?
- “Eh bien ils se sont mobilisés. Ils ont dû entendre le Premier ministre. Je crois que nous avons tous été choqués, les Français en général ont été choqués, que le jour où on annonce des résultats nous nous réjouissons tous - Michelin est une grande entreprise qui a d'ailleurs contribué à la notoriété de la France à l'étranger - on annonce devant les analystes financiers des suppressions massives d'emplois. Personne ne peut le comprendre. Je crois qu'il y a une espèce d'indignité et de mépris à traiter les hommes et les femmes de Michelin ainsi. Ils ont réagi aujourd'hui ; nous ne sommes pas encore saisis d'un plan social, donc pour moi…”
Q - Les pré-retraites vous aurez votre mot à dire ?
- “Pour l'instant le plan n'existe pas, donc je préfère ne pas en parler tant qu'il n'existe pas. Mais bien évidemment, croyez bien que s'il existait un jour, je serais excessivement attentive à ce que l'Etat n'apporte pas des crédits publics pour financer des réductions d'effectifs dans une entreprise qui se porte bien. Et que je serais aussi très attentive à ce que la réduction du temps de travail permette de limiter au maximum les licenciements, s'ils devaient avoir lieu.”