Interview de M. Charles Pasqua, président du RPF, à RTL le 26 septembre 1999, sur le RPR et la cohabitation, les objectifs et les valeurs du RPF, et l'annonce par Michelin des bénéfices du groupe en même temps que 7500 suppressions d'emplois.

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Média : Emission L'Invité de RTL - Emission Le Grand Jury RTL Le Monde LCI - RTL

Texte intégral

Olivier Mazerolle : Bonsoir Monsieur Pasqua. Après avoir obtenu le deuxième score aux élections européennes derrière le parti socialiste, le RPF vient d'adopter sa charte et vous ambitionnez d'obtenir le ralliement d'une grosse cinquantaine de parlementaires dans les deux semaines qui viennent. Et pourtant de nombreuses interrogations demeurent, votre entente avec Philippe de Villiers est-elle si solide que vous le dites alors que vous désirez vous faire entendre aussi d'homme de gauche et votre mouvement va-t-il réellement s'enraciner dans la vie politique française ou alors les européennes n'auront-elles constituer qu'un feu de paille ? Et bien, nous allons voir cela au cours de ce grand jury.

Charles Pasqua : C'est de la rengaine.

Olivier Mazerolle : Mais vous allez j'espère chanter autre chose qu'une rengaine, Monsieur PASQUA, alors Pierre Luc SÉGUILLON et Patrick JARREAU participent à ce Grand Jury, retransmis en direct et simultanément sur RTL et sur LCI et Le Monde publiera demain, dans son édition de lundi, l'essentiel de vos déclarations. Alors Monsieur Pasqua, tout d'abord, comment vous situez-vous sur l'échiquier politique français, est-ce que vous constituez pour l'opposition une nouvelle épine de plus en constituant un motif de division supplémentaire ou bien au contraire, avez-vous pour objectif de permettre à l'opposition actuelle de reprendre le pouvoir aux socialistes ?

Charles Pasqua : Je crois que ça mérite quelques explications complémentaires parce que les choses sont à la fois plus simples et plus compliquées. Nous sommes dans le cadre de la cohabitation, et dans ce cadre de la cohabitation on a de plus en plus de mal à distinguer la majorité et l'opposition. C'est vrai pour le président de la République et le Premier ministre qui sont en quelque sorte scotcher et c'est vrai également pour les partis politiques. C'est vrai notamment pour celui que j'avais contribué à créer, en son temps avec Jacques Chirac, le RPR. Un des problèmes auxquels ce parti a été confronté, on en voit les conséquences, c'est l'impossibilité pour lui de disposer de la moindre marge de manoeuvre qui lui permette de s'opposer. Dans le cadre d'une cohabitation longue, je le disais il y a quelques minutes, il y a une sorte de confusion qui s'installe et c'est ce qui nous amène à dire que en ce qui nous concerne, nous combattons ce système, nous combattons à la fois cette fausse opposition et dans le même temps nous combattons également cette gauche, donc il s'agit pas pour nous de servir de substitut ou de roue de secours ou de canot de sauvetage à l'opposition, il s'agit de démontrer aux Français que nous sommes autre chose et je rappelle dans quelles conditions nous nous sommes constitués. Nous nous sommes constitués parce que lors d'un débat essentiel qui portait sur la souveraineté nationale, le président de la République a proposé aux Français une modification de la Constitution pour permettre de nouveaux abandons de la souveraineté nationale et que, à la fois le président de la République et les dirigeants de la formation gaulliste ont décidé pour l'un, accepté pour les autres que les Français ne soient pas consultés. J'ai donc considéré qu'il y avait là un véritable abandon des idéaux du gaullisme et dans le même temps une rupture avec sinon la lettre, du moins l'esprit des institutions de la cinquième république et c'est la raison pour laquelle, puisqu'il n'y avait pas eu de référendum, nous avons décidé avec Philippe de Villiers de faire une liste aux élections européennes et de faire en sorte que le débat qui n'avait pas pu avoir lieu à l'occasion d'un référendum ait lieu à l'occasion des élections européennes.

Pierre-Luc Séguillon : Mais ça fait deux racines à votre mouvement, d'une part.

Charles Pasqua : Je voudrais encore ajouter un mot, si vous permettez, pour dire simplement ceci c'est que la cinquième république a été caractérisée par la constitution d'une alliance privilégiée entre le mouvement gaulliste et les indépendants. C'est cette alliance qui a servi de, en quelque sorte de colonne vertébrale et qui a permis le fonctionnement harmonieux de la majorité qui a soutenu d'abord le général de Gaulle et puis les différents présidents successifs et vous constaterez comme moi que cette même alliance, c'est cette même alliance qui a fait moins de 13 % aux élections présidentielles, aux élections européennes et c'est la raison pour laquelle je pense que les dirigeants de ces formations politiques au lieu de passer leur temps à dire « nous sommes le parti du président, nous nous réclamons du président, nous soutenons le président » ce que finalement tout le monde a compris, à moins d'être totalement bouché, ferez mieux de s'interroger pour savoir comment en position majoritaire ils en sont arrivés à cette position réduite et étriquée, voilà le problème.

Pierre-Luc Séguillon : Mais on voit que les deux racines de votre mouvement, si je comprends bien, actuellement c'est d'une part une critique de cette cohabitation et d'autre part la défense d'une souveraineté qui est altérée ?

Charles Pasqua : Pas seulement la critique de la cohabitation, c'est notre opposition à ce système.

Pierre-Luc Séguillon : Alors quand vous dites votre opposition à ce système, alors premièrement vous avez-vous-mêmes participé à des gouvernements de cohabitation, donc par le passé vous avez ratifié cette cohabitation ?

Charles Pasqua : Une cohabitation courte.

Pierre-Luc Séguillon : Oui mais ça, qui décide de la cohabitation longue ou de la cohabitation courte, c'est les échéances électorales alors est-ce que ça signifie que pour vous, ce qu'il faudrait aujourd'hui, c'est mettre un terme à cette cohabitation du fait du président de la République ?

Charles Pasqua : Monsieur Séguillon, vous êtes trop fin politologue pour ne pas voir la différence. Dans les deux cohabitations précédentes il y avait à courte échéance, c'est-à-dire à deux ans des élections présidentielles. Là nous ne sommes pas du tout dans le même système. Oui mais c'est pas seulement cela, je veux dire que nous étions dans un autre cadre qui était l'organisation d'élections législatives à échéance normale. Là nous avons… Enfin Monsieur Mazerolle vous pouvez parfaitement faire les questions et les réponses, çà je connais, oui, mais c'est très important parce qu'il sait très bien à quoi s'en tenir. Ce que je regrette, ce que nous regrettons, c'est que le président de la République ayant pris la décision de dissoudre, ayant eu une majorité hostile, la logique eut voulu qu'il redevienne devant le corps électoral.

Patrick Jarreau : Il ne l'a pas fait il y a deux ans, alors que fait-on maintenant ?

Charles Pasqua : Que fait-on maintenant ? Et bien demandez au président de la République, si ce régime lui agréé nous nous le combattons,  parce que nous considérons qu'il est néfaste, qu'il ne permet pas de conduire.

Pierre-Luc Séguillon : C'est qu'il devrait démissionner, c'est qu'il devrait s'en aller ? Il faut être logique.

Charles Pasqua : Moi je suis tout à fait logique. Ah si ça ne dépendait que de moi, je dirais oui, il doit revenir devant les Français, voilà.

Patrick Jarreau : Ça veut dire qu'il aurait dû accepter la proposition de Valéry Giscard d'Estaing, instaurer le quinquennat et se présenter à une élection présidentielle dès l'an 2000 ?

Charles Pasqua : Non, moi je n'entre pas dans ce genre de raisonnement, je crois que les institutions dans la cinquième république avaient fait leur preuve, elles étaient basées sur un certain nombre de principes, le septennat en ait un, je reste favorable au septennat et deuxièmement la consultation régulière des Français par la voie du référendum. J'espérais d'ailleurs qu'on serait allé dans cette voie puisque dès son arrivée à l'Elysée le président de la République a fait modifier la Constitution pour élargir la saisine des Français par la voie du référendum.

Olivier Mazerolle : Donc revenir devant les Français, ça signifie que le Président devrait démissionner, c'est la seule solution ?

Charles Pasqua : Oui, mais vous savez très bien, aussi bien que moi qu'il ne démissionnera pas, là nous sommes dans un débat très théorique, il ne démissionnera pas, il ira jusqu'à son terme.

Patrick Jarreau : Vous avez l'air de ne pas exclure qu'il change d'avis ?

Charles Pasqua : Non, non j'ai dit, que, il pourrait peut-être changer d'avis sur le plan de la défense de la souveraineté nationale, c'est ça que je peux dire et pas autre chose, mais je n'y crois pas trop quand même.

Olivier Mazerolle : Alors vous-même, vous faite de l'élection présidentielle le centre de la vie politique française ?

Charles Pasqua : Je crois que les institutions, oui, parce que le président de la République c'est vraiment la clé de voûte des institutions. Mais nous sommes plus tout à fait dans le même système.

Olivier Mazerolle : Alors souhaitez-vous comme François Bayrou qu'au minimum les élections présidentielles prochaines aient lieu avant les élections législatives, c'est-à-dire le contraire de ce qui est prévu par le calendrier normal ?

Charles Pasqua : Ce serait probablement plus logique, ce serait probablement plus logique mais pour ça il faudrait une décision du président de la République et je n'imagine pas qu'il l'envisage…

Patrick Jarreau : Mais on peut aussi prolonger le mandat des députés par une loi organique, c'est ce que propose François Bayrou.

Charles Pasqua : Ça s'est rarement fait ça.

Patrick Jarreau : Certes.

Charles Pasqua : Et actuellement je ne suis pas certain que compte tenu, comment dirais-je, de la considération que les Français ont pour les hommes politiques, la perspective de leur voir proroger la durée de leur mandat suscite dans l'opinion un courant de sympathie supplémentaire.

Olivier Mazerolle : Alors vous-même, personnellement, je ne dis pas, vous avez dit à plusieurs reprises « le RPF aura un candidat à l'élection présidentielle », alors est-ce que ce candidat sera son président, c'est-à-dire vous ?

Charles Pasqua : Écoutez, Monsieur Mazerolle, moi je suis président d'une formation politique, j'ai un vice-président qui est Philippe de Villiers, nous avons des adhérents, le moment venu ils auront à se déterminer et puis chacun d'entre nous aura à se déterminer. Comment pouvons-nous dire aujourd'hui ce qui se passera dans trois ans. Si les choses sont, toutes choses étant égales par ailleurs, si nous sommes dans le même système, il y aura un candidat aux élections présidentielles de notre sensibilité.

Pierre-Luc Séguillon : Ça pose deux problèmes, si vous me permettez, c'est que toute formation aujourd'hui, si on donne beaucoup d'importance à la présidentielle n'existe que si elle a un candidat aux présidentielles, vous êtes d'accord, bon, quand on regarde la composition du RPF, il y en a un seul qui peut raisonnablement revendiquer cette position c'est vous, vous êtes d'accord, pour l'instant, à moins que Philippe Seguin vous rejoigne ?

Charles Pasqua : Ou d'autres, on verra bien. C'est pas limitatif.

Pierre-Luc Séguillon : C'est pas impossible ?

Charles Pasqua : Oh rien n'est impossible. Mais rien n'est garanti.

Pierre-Luc Séguillon : Si Philippe Seguin ne vous rejoint pas.

Olivier Mazerolle : Pour l'instant, attendez, pour l'instant, donc Philippe de Villiers n'a pas vocation lui à être candidat ?

Charles Pasqua : Pourquoi pas ?

Olivier Mazerolle : Parce que vous dites à Pierre-Luc Séguillon, effectivement pour l'instant, je suis le seul.

Charles Pasqua : Non c'est lui qui me dit…

Patrick Jarreau : Vous n'avez pas dit le contraire.

Pierre-Luc Séguillon : Et il y a un problème…

Charles Pasqua : Vous vous amusez beaucoup, je ne suis pas sûr que les auditeurs soient passionnés ?

Olivier Mazerolle : Ah si la question est importante de savoir si c'est vous qui serez candidat ou pas.

Pierre-Luc Séguillon : Et il y a un autre problème, pardonnez-moi vous êtes très en fort, vous êtes très vert, vous aurez 75 ans.

Charles Pasqua : Oui, c'est vrai.

Pierre-Luc Séguillon : C'est pas beaucoup pour un candidat à la présidence de la République.

Charles Pasqua : Mais le RPF en contrepartie est un mouvement très jeune.

Pierre-Luc Séguillon : Donc c'est possible.

Charles Pasqua : Il faudra qu'il soit encore plus jeune mais il faudra que ces cadres soient jeunes, il faudra surtout que ces idées soient novatrices parce que le problème est là, le problème c'est pas d'être jeune ou d'être vieux, c'est d'être capable d'imaginer ce que doit être l'avenir du pays et de cesser de jouer le jeu que jouent aujourd'hui les hommes politiques qui ne sont plus des acteurs mais des commentateurs de l'actualité. Je ne sais pas si vous vous rendez compte qu'ils vous ont pris votre boulot, soit dit en passant.

Pierre-Luc Séguillon : Alors, je continue à faire le mien, qu'est-ce qui vous importe le plus finalement en 2002, c'est de défendre vos idées ou de faire en sorte que quoi qu'il arrive la droite l'emporte ?

Charles Pasqua : Défendre nos idées, certainement, faire en sorte que ce à quoi nous croyons, c'est-à-dire d'une part le maintien d'une France, d'une nation qui existe, qui soit maîtresse de son destin, qui accepte la coopération avec les autres états mais qui ne se laisse pas imposer les décisions concernant son avenir et son destin par les autres, ça me parait indispensable. Que dans le même temps elle joue son rôle pour que l'Europe soit indépendante aussi, ce qui est loin d'être le cas, ça me parait au moins aussi important.

Pierre-Luc Séguillon : Et il est impensable que Jacques Chirac soit le champion de cette position, à vos yeux ?

Charles Pasqua : Ça me parait difficile à l'heure actuelle, ça me parait difficile, mais après tout rien n'est impossible, nous verrons bien.

Patrick Jarreau : Mais compte tenu des critiques que vous faites contre la cohabitation et contre une opposition qui selon vous si on comprend bien ne s'oppose pas suffisamment ?

Charles Pasqua : Parce que vous trouvez qu'elle s'oppose ?

Patrick Jarreau : C'est votre… proposition.

Charles Pasqua : Non, mais vous Monsieur qui êtes un observateur.

Patrick Jarreau : Mais ce n'est pas mon opinion qui intéresse les auditeurs et téléspectateurs. Est-ce que vous estimez que cette opposition pour s'opposer vraiment devrait prendre davantage de distances que ça n'est le cas avec le président de la République ?

Charles Pasqua : Ah mais ça me parait évident mais je note d'ailleurs que tous ceux qui n'ont pris aucune distance avec le président de la République, en commençant par le secrétaire général sortant disent, oui bien sûr c'est du RPR dont on parle.

Patrick Jarreau : Je parlais de l'opposition en général.

Charles Pasqua : Oui mais c'est d'abord le RPR, disent il faut davantage d'autonomie, il faut une certaine autonomie, ça me parait évident.

Patrick Jarreau : Alors c'est quoi une certaine autonomie d'après vous ? Comment on fait ? En régime de cohabitation, vous le regrettez mais c'est comme ça…

Charles Pasqua : On se détermine en fonction des projets du Gouvernement et lorsque ces projets ne nous paraissent pas correspondre à l'idée qu'on se fait de l'intérêt national, on les combat. Voilà, on les combat au Parlement et on fait son travail.

Patrick Jarreau : Sans se soucier des positions qui peuvent être celles du président de la République sur tel ou tel de ces sujets ?

Charles Pasqua : Absolument, l'idéal étant d'ailleurs que le président de la République ne soutiennent pas trop les projets des socialistes parce qu'autrement plus personne n'y comprend rien. Ce qui est le cas à l'heure actuelle.

Olivier Mazerolle : Alors croyez-vous que le RPR…

Charles Pasqua : Et que le président de la République ne dise pas qu'il a un excellent gouvernement.

Olivier Mazerolle : Croyez-vous que le RPR ait trouvé la…

Charles Pasqua : Que c'est le meilleur qu'il ait eu depuis longtemps, ce qui n'est pas gentil pour Juppé d'ailleurs.

Olivier Mazerolle : …la bonne solution en inventant un concept, tous les candidats à la présidence du RPR ont inventé, se sont ralliés à ce concept, la fidélité à Jacques Chirac dans l'autonomie. C'est possible ?

Charles Pasqua : ah ben l'autonomie on en parlait tout à l'heure.

Olivier Mazerolle : Oui mais la fidélité dans l'autonomie ?

Charles Pasqua : L'autonomie, nous avons bien vu qu'il n'y en a pas. C'est une des raisons pour lesquelles Seguin est parti quant à Sarkozy son autonomie a été très limitée puisqu'il voulait se représenter, on l'a convoqué, on lui a dit « il vaut mieux que vous ne présentiez plus ». À la suite de quoi, il s'est retiré.

Patrick Jarreau : Ça n'est pas votre analyse, vous vous disiez que c'était le meilleur candidat possible pour Jacques Chirac ?

Charles Pasqua : C'est une certaine forme d'autonomie qui est assez…

Patrick Jarreau : Vous avez dit que Nicolas Sarkozy était le meilleur président possible du RPR pour Jacques Chirac. Apparemment Jacques Chirac n'a pas le même avis que vous ?

Charles Pasqua : Pour nous aussi.

Olivier Mazerolle : Pour la bonne santé du RPF…

Patrick Jarreau : Donc c'est une mauvaise nouvelle qu'il se soit retiré pour vous.

Olivier Mazerolle : Pour la bonne santé du RPF, vous souhaitez quel président au RPR ?

Charles Pasqua : C'est un peu, c'est un peu, c'est un combat assez amusant, c'est un combat qui n'en est pas un d'ailleurs, c'est une pièce de théâtre, donc finalement celui qui gagnera, quelle position occupera-t-il réellement ? Il sera un président très théorique. J'ai dit hier qu'il serait une potiche, en réalité sa position sera relativement simple il sera l'adjoint de monsieur de Villepin, le secrétaire général de l'Elysée. Il lui transmettra les instructions du Président dans le cadre de l'autonomie tant désirée.

Olivier Mazerolle : Est-ce que vous redoutez pas tout de même la possible élection de Monsieur François Fillon qui est Séguiniste, qui pourrait vous conservez, vous combattre et obtenir de conserver une clientèle au RPR que vous ambitionnez de capter ?

Charles Pasqua : Mais qu'est-ce que vous racontez là Monsieur Mazerolle, vous dites il pourrait vous aider ou vous combattre…

Olivier Mazerolle : Est-ce que c'est un concurrent dangereux pour vous François Fillon si, il était président du RPR ?

Charles Pasqua : Non, pas du tout. J'aime beaucoup François Fillon, d'ailleurs comme la plupart des autres candidats, je les ai d'ailleurs tous eus au téléphone.

Olivier Mazerolle : Comme la plupart ?

Charles Pasqua : Comme la plupart des autres candidats.

Olivier Mazerolle : Quels sont ceux que vous n'aimez pas, la plupart ça veut dire que vous en excluez quelques un, qui n'aimez-vous pas ?

Patrick Jarreau : Qui ne vous a pas appelé ?

Charles Pasqua : Monsieur Chirac.

Patrick Jarreau : Mais il n'est pas candidat ou alors c'est un scoop.

Charles Pasqua : Monsieur de Villepin non plus d'ailleurs.

Pierre-Luc Séguillon : Mais attendez quand vous dites que vous les avez tous eus au téléphone, vous voulez dire que tous les candidats à la présidence du RPR ont pour ambition, à un moment donné, de renouer avec vous et voir de réunir une famille qui aujourd'hui semble casser, briser.

Charles Pasqua : De leur part, cette démarche ne me parait pas déraisonnable, elle ne me parait pas réaliste, mais de leur point de vue elle ne me parait pas déraisonnable, seulement ils n'ont pas compris qu'en réalité j'ai quitté cette formation après avoir mûrement réfléchi et que cela ne s'est pas fait tout seul. Que pour moi ça a été un moment difficile. Je l'ai fait parce que j'ai considéré qu'il y avait un réel abandon des idéaux, que le gaullisme a toujours incarné. J'ai quitté le RPR c'est pas pour y revenir, c'est clair.

Olivier Mazerolle : Alors il y a au moins un des candidats à la présidence qui trouve que vous êtes très bien en dehors du RPR, c'est Patrick Devedjian. Il dit « mais Charles Pasqua est beaucoup plus utile là où il est parce qu'il permet de recycler, dans le débat démocratique et la droite républicaine et démocratique, les électeurs qui s'étaient perdus au front national et à l'extrême droite ».

Charles Pasqua : Est-ce qu'il se rend compte, parce que j'ai écouté ce que disait Monsieur Devedjian tout à l'heure, tout en finissant de vous préparer pour venir vous voir j'ai écouté ce qu'il disait, mais il a dit autre chose. Il a dit que notamment le RPR avait perdu 50 % de ses adhérents, donc il devrait d'abord se préoccuper de ça. Est-ce qu'il sait où ils sont en grande partie ses adhérents ?

Olivier Mazerolle : Et vous, vous le savez ?

Charles Pasqua : Ils sont chez nous. En très grande partie ils sont chez nous et j'espère que d'autres viendront. Lorsqu'ils se rendront compte qu'en réalité rien n'a changé, que le RPF ne peut avoir aucune autonomie, le RPR, et qu'en réalité il y a un véritable abus de confiance par rapport aux militants, j'espère qu'ils le comprendront et qu'ils nous rejoindront.

Patrick Jarreau : Mais alors Monsieur Pasqua, au fond ce qu'on voudrait comprendre c'est ce que vous faites, ce que vous avez fait en étant candidat, en conduisant une liste aux européennes, ce que vous faites maintenant en créant le RPF, est-ce que c'est de préparer la réélection de Jacques Chirac à l'élection présidentielle prochaine ou bien c'est de la rendre plus difficile ?

Charles Pasqua : Non, ce n'est pas de préparer la réélection de Jacques Chirac à l'élection présidentielle prochaine. Ça c'est le rôle de Monsieur Jacques Chirac lui-même et je crois qu'il s'y emploie de son mieux, de son point de vue. Je crois d'ailleurs, à l'heure actuelle, enfin je ne sais pas mais je le connais suffisamment pour imaginer ce qu'il peut penser.

Patrick Jarreau : C'est-à-dire ?

Charles Pasqua : Je pense qu'il est satisfait de la cohabitation, qu'il pense que ça marche bien, à la fois pour lui et pour Jospin. Il s'intéresse davantage à son propre cas qu'à celui de Jospin, ça j'en suis intiment convaincu et je pense qu'il est également persuadé, que, il est désormais perçu par les Français comme étant au-dessus des partis. Alors il ne veut pas, naturellement qu'il y ait à la tête du RPR quelqu'un qui puisse éventuellement le gêner par des initiatives intempestives mais je crois qu'à la limite il considère que quoi qu'il arrive il sera réélu, même d'ailleurs si, il y avait une majorité socialiste aux élections législatives.

Patrick Jarreau : Alors vous-même, que faites-vous par rapport à ça ?  

Charles Pasqua : Ce que je, et en cela je crois qu'il se trompe et que de toute façon se serait mauvais pour le pays parce que…

Patrick Jarreau : Il se trompe parce que sa réélection n'est pas acquise et que vous souhaitez l'aider à réussir.

Charles Pasqua : Non, Monsieur. Écoutez, Monsieur, si j'avais souhaité aider, si ma principale motivation était d'aider Jacques Chirac alors que ma principale motivation n'est pas de le combattre mais de défendre les idées auxquelles je crois et pour lesquelles nous avons créé ce mouvement politique, on aurait pas créer ce mouvement politique, on serait toujours au RPR. Si j'en suis parti, je le redis une nouvelle fois afin que cette idée finisse par pénétrer les esprits les moins éclairés, ce qui n'est pas votre cas je vous rassure, je redirais donc une nouvelle fois que ce système de la cohabitation est un mauvais système, qu'il est contraire à l'esprit des institutions de la cinquième république.

Patrick Jarreau : D'accord, mais ça je crois que chacun l'a bien compris.

Charles Pasqua : Oui mais dans la mesure où on pense que ce système de la cohabitation est mauvais pour les Français, qu'il ne permet pas de prendre les initiatives nécessaires pour adapter la France aux grandes crises qui se présentent, etc., il est bien évident que ce qu'il y a de plus important pour l'avenir c'est l'élection du président de la République et c'est de rétablir le fonctionnement normal des institutions de la Ve République et pour cela il est bien évident que ça ne peut fonctionner que s'il y a une majorité, la même majorité, ou une majorité décidée à travailler dans le même sens qui élit un président de la République et qui élit une Assemblée nationale.

Olivier Mazerolle : Alors dites-nous un peu comment vous voyez le RPF ? Tout le monde constate qu'il manque dans la vie politique française et notamment pour la droite, pour l'opposition un bataillon d'électeurs parmi les jeunes, les jeunes ne s'intéressent plus à la politique et en particulier à droite. Alors vous, comment pouvez-vous convaincre un électorat plus jeune, en leur parlant de la nation à une époque où il n'y a plus de frontière, c'est devenu la vie commune, comment pouvez-vous les convaincre que vous êtes un parti adapté au monde contemporain alors que vous combattez la mondialisation qui s'est répandu partout ?

Charles Pasqua : Mais Monsieur Mazerolle, nous ne combattons pas la mondialisation, nous prenons acte de la mondialisation. Ce que nous constatons d'ailleurs c'est que la mondialisation va beaucoup plus vite que l'Europe. Lorsqu'on a constitué d'abord le marché commun puis on est passé à l'Union européenne, on pensait que la constitution d'un ensemble économique cohérent permettrait à l'Europe de s'affirmer comme une puissance économique de même taille que celle des États-Unis et de tenir dans cette compétition internationale sa place, voilà de quoi il était question. Et puis en réalité on s'aperçoit, peut-être aurons-nous l'occasion de parler tout à l'heure des négociations qui vont s'engager sur l'organisation mondiale du commerce, on s'aperçoit que d'une part la constitution de cet ensemble économique, la création d'une monnaie unique, tout ça pousse aux grandes concentrations, aux fusions, etc. et que dans le même temps la capacité de l'Europe à se défendre par rapport aux États-Unis s'affaiblit, la réalité elle est là, et on va le voir dans le cadre de l'organisation mondiale du commerce, j'ai eu l'occasion de le dire, ce qui serait intéressant c'est de savoir, ce qui serait intéressant, ce qu'il faut savoir, c'est quelles instructions le conseil européen, c'est-à-dire le conseil des chefs d'État et de gouvernements, comptent-ils donner à la commission de Bruxelles puisque c'est elle qui va conduire ces négociations commerciales, quelles instructions ce conseil européen compte-t-il donner. Je rappelle au passage que dans les précédentes négociations commerciales, il s'agissait de l'Uruguay et (...), c'est parce que le gouvernement auquel j'appartenais avait pesé de tout son poids pour que le principe d'accord partiel ne soit pas accepté et qu'il y ait un accord global que nous avons pu sauver la politique agricole commune. Or, la grande bataille qui s'engage elle va porter d'abord sur quoi, elle porte naturellement sur la politique agricole, puisque le groupe de Kerns qui réunit tous les pays, exportateur de produit agricole, se bat pour que le marché européen soit totalement ouvert, comme les Américains se battent pour que leur viande aux hormones puisse entrer sur le marché européen, etc., etc. Nous savons qu'un certain nombre de pays européens sont favorables à des accords partiels. Si nous entrons dans ce système, si nous entrons dans ce système, l'Europe sera perdante et la France en particulier. Alors quelles instructions le gouvernement français et le président de la République vont-ils donner ?

Olivier Mazerolle : Ils ont dit que ça serait ferme.

Charles Pasqua : Oui, ça j'ai entendu, je m'en suis réjouis d'ailleurs mais si le président de la République est très ferme, bravo. Je crois d'ailleurs que cette fermeté même si elle n'est pas liée directement à la création du RPF, je crois que l'existence du RPF qui souhaite que la souveraineté nationale soit mieux défendue n'est pas étrangère à cette fermeté renouvelée, retrouvée.

Patrick Jarreau : Mais pour en revenir à vos inquiétudes par rapport à l'Europe, est-ce que l'on n'est pas plus fort en étant ferme et en essayant d'imposer cette résistance au sein du conseil européen vis-à-vis des États-Unis qu'en étant seul ?

Charles Pasqua : Mais qui dit qu'il faut être seul ? Qui a dit ça ?

Patrick Jarreau : Ben quelquefois on a le sentiment que vous êtes plutôt sur…

Charles Pasqua : Mais vous pouvez avoir tous les sentiments que vous voulez, ça ne correspond en rien à la réalité. Le problème est d'une toute autre nature.

Olivier Mazerolle : Ben disons qu'au parlement européen, à Strasbourg, vous êtes un peu seul.

Charles Pasqua : Ça c'est un détail.

Olivier Mazerolle : Pour faire passer vos idées ?

Charles Pasqua : Oui mais écoutez, il y a quelquefois au Parlement européen des alliances qui permettent soit de faire adopter, soit de faire rejeter un certain nombre de textes, maintenant il serait intéressant, on le verra…

Patrick Jarreau : Mais sans revenir à ces alliances, on se souvient quand même que vous étiez opposé à Maastricht, opposé à la monnaie unique, qui sont quand même des instruments qui permettent de résister aux États-Unis, qui ne sont pas des instruments de soumission aux États-Unis, c'est ça qu'on comprend pas très bien dans votre position ?

Charles Pasqua : Non, parce qu'il y a plusieurs façons d'imaginer l'organisation de l'Europe. Et en réalité, vous savez aussi bien que moi qu'on a jamais tranché entre les trois Europe possibles. Celle souhaitée par les anglo-saxons c'est la zone de libre-échange, celle souhaitée, je caricature un peu mais à peine, par l'Allemagne, c'est l'Europe fédérale, ils ont un système fédéral, ils trouvent que ce qui est bon pour l'Allemagne est bon pour tout le monde, après tout pourquoi pas, et puis il y a ce que les Français avaient toujours proposé, c'est-à-dire l'Europe des états, l'Europe des nations alors en gros disons l'Europe fédérale, la zone de libre-échange et l'Europe confédérale. Aujourd'hui dans cette Europe telle qu'elle est, on en mélange les trois et tout ça ne fonctionne pas très bien, c'est le moins qu'on puisse dire. Alors moi je suis pas du tout contre l'Europe pas plus que Philippe de Villiers, d'ailleurs, pas plus que ceux qui sont avec nous, nous sommes pour l'Europe des nations, l'Europe des états, c'est-à-dire l'Europe qui est basé sur les réalités voilà. Le seul point de divergence est là.

Olivier Mazerolle : Et il est de taille.

Charles Pasqua : Oui, il est de taille, de même que naturellement comme Monsieur Balladur en son temps, même s'il a changé d'avis après, tout le monde a le droit de changer d'avis, tout le monde a le droit de se tromper, bon comme Monsieur Chirac d'ailleurs, je préférais la monnaie commune que la monnaie unique. Je pense d'ailleurs que les gens auront un choc dans deux ans quand on supprimera le franc, ils verront de quoi il s'agit. Et pour le moment on ne peut pas dire que tout ça soit un grand succès.

Olivier Mazerolle : Monsieur Pasqua, nous allons marquer une pause pour les informations de 19 heures puis on va parler de ce que vous souhaitez aussi pour l'organisation de la société française.

Olivier Mazerolle : On va parler de Michelin, maintenant M. Pasqua. Une question de Patrick Jarreau.

Patrick Jarreau : Vous étiez, M. Pasqua, l'un des piliers du gouvernement qui, en 1986, a supprimé l'autorisation administrative de licenciement. Vous avez appartenu ensuite à un gouvernement, celui de M. Balladur, qui ne l'a pas rétablie. Quand vous entendez la direction de Michelin annoncer 7 500 suppressions d'emplois alors que les résultats du groupe sont florissants, alors est-ce que vous regrettez d'avoir supprimé l'autorisation de licenciement ?

Charles Pasqua : Mais non, je ne regrette pas, parce que c'est une mesure absurde l'autorisation de licenciement. Ou bien on est dans une économie assistée, une économie socialiste, alors tout ça se comprend. Ou bien on admet que le principe de l'économie, c'est la liberté, c'est d'ailleurs le système dans lequel on est et que reconnaissent les socialistes eux-mêmes et par conséquent, il faut en tirer les leçons. Les choses sont un peu différentes. Imaginez-vous, cher M. Jarreau, que revenant de Russie, je me suis trouvé dans l'avion, à côté d'un directeur de Michelin.

Patrick Jarreau : En Russie, vous étiez allé rencontrer le Général Liebed.

Charles Pasqua : Oui. Ça n'a rien à voir avec Michelin, mais on en revient à Michelin. C'est grâce à ça que j'ai rencontré le directeur de Michelin.

Olivier Mazerolle : Et alors ?

Charles Pasqua : Et alors, naturellement, nous avons parlé de l'annonce qui venait d'être faite. Et j'ai dit au directeur de Michelin qu'il y a une certaine maladresse à annoncer en même temps la suppression de 7 500 postes de travail et non pas 7 500 licenciements et dans le même temps des bénéfices importants. Alors, c'est sûr que c'est choquant. C'est clair. Et cela ne dénote pas de la part de la direction générale de l'entreprise une très grande compétence dans la communication.

Patrick Jarreau : Ça les regarde. Vous en tant qu'homme politique, est-ce que vous estimez qu'il faut intervenir ?

Charles Pasqua : Intervenir dans quoi ?

Patrick Jarreau : Est-ce qu'il faut dans un cas pareil, que la puissance publique s'en mêle.

Charles Pasqua : Non, la seule chose que puisse faire la puissance publique et qu'elle doit faire, elle doit sortir du système de l'assistanat. Si Michelin fait des bénéfices et que, dans le même temps, les nécessités du marché, l'amènent à supprimer des postes de travail, je dis bien des postes de travail. Il ne s'agit pas de licenciement. Bon.
Mais si notamment, il doit y avoir un certain nombre de départs en préretraite, etc. alors que Michelin les finance lui-même. L'État n'a pas à les financer. Le contribuable n'a pas à les financer. Parce que le patronat ne peut pas à la fois avoir la liberté et dans le même temps, quand c'est nécessaire demander des subventions à l'État et ensuite, lorsqu'il a des bénéfices, ne pas assumer ses responsabilités.
Seulement, je voudrais revenir deux minutes sur l'affaire Michelin, parce que je crois aussi qu'on fait un mauvais procès à l'entreprise. J'essaie d'être objectif.
Quel est le problème auquel se trouve confronté Michelin à l'heure actuelle ? C'est celui de la concurrence internationale. Michelin, comme l'ensemble des entreprises qui produisent des pneumatiques, s'il veut rester présent sur le marché mondial, doit diminuer ses coûts de production, de 20 % dans les trois ans qui viennent.
Or, Michelin aura une façon très simple d'y parvenir. Michelin a inventé un système qui permettrait une automation pratiquement totale de la production de pneumatiques. Donc, je crois qu'il ne veut pas le mettre en pratique, mais dans la profession et dans l'industrie, on sait qu'il possède ce système.
Je ne peux pas laisser faire un procès à Michelin et l'accusant d'être antisocial, etc., parce que si Michelin ne faisait rien, il y aurait une autre conséquence. C'est qu'au lieu de la suppression de 7 500 postes de travail, on aurait peut-être, la suppression, la fermeture d'usines entières et de milliers de gens qui perdraient définitivement leur emploi.
Donc, il y a deux choses différentes : la gestion de l'entreprise. Alors, que ceux qui dirigent l'entreprise, assument leurs responsabilités. Ils sont confrontés à des difficultés. Ils les assument. Ils considèrent qu'ils doivent réorganiser d'une certaine manière, c'est donc à eux, en fonction de leur capacité d'autofinancement et des marges qu'ils ont dégagées, d'assumer ces responsabilités. Ce n'est pas à la puissance publique.

Pierre-Luc Séguillon : Alors comment, pour reprendre une expression de la charte, vous voyez que je suis un adepte de la charte du RPF, vous dites qu'il faut marier la liberté économique et la cohésion sociale.

Charles Pasqua : Un adepte, peut-être pas. Si tel était le cas, je m'en réjouirais, M. Séguillon. Vous seriez accueilli à bras ouverts.

Pierre-Luc Séguillon : Merci de cette proposition.

Olivier Mazerolle : Bon, c'est combien le montant de la cotisation ?

Charles Pasqua : Cent balles !

Pierre-Luc Séguillon : Je peux encore m'offrir ça. Mais alors, le mariage de la cohésion sociale et plus généralement au-delà du cas de Michelin, le mariage de la cohésion sociale et de la liberté économique. Ça veut dire par exemple qu'il faut renchérir le coût des débauchages et par exemple, alléger le coût des embauches ?

Charles Pasqua : Alléger, alléger le coût des embauches, ça veut dire surtout qu'il faut alléger le poids de la fiscalité sur les salaires. Ça c'est une nécessité absolue. Une des raisons pour lesquelles Michelin se trouve confronté à ce problème, c'est bien l'écart qu'il y a entre les charges sociales dans notre pays et dans d'autres pays. Ça c'est clair. Bon, donc je crois qu'il faut diminuer les charges sociales qui pèsent sur les salaires, voire les supprimer.

Pierre-Luc Séguillon : En revanche ?

Charles Pasqua : Il y a un moyen très simple pour cela, nous l'avons déjà expliqué il y a quelques temps. De même que pour rétablir le libre jeu de la concurrence entre les différents producteurs, quelques soient les pays et les états, y compris ceux qui pratiquent le dumping général, c'est la TVA sociale. C'est-à-dire transférer les charges sociales sur la TVA, ce qui veut dire qu'au lieu de pénaliser le travail, on prélève le coût des charges sociales à la mise à la consommation, ce qui veut dire que quelque soit l'endroit où le produit a été réalisé, les charges qui pèsent sur lui sont les mêmes. Et l'on rétablit la concurrence. On rétablit le libre jeu de la concurrence. Vous voyez Monsieur Mazerolle, ça c'est très important.

Olivier Mazerolle : En quoi là, êtes-vous dans votre discours, partisan d'un état fort, qui joue un rôle important et en quoi vous différenciez vous de ceux dont on dit qu'ils défendent ce qu'on appelle « la pensée unique » ?

Charles Pasqua : Parce que vous avez le sentiment que ceux qui défendent la pensée unique sont pour un État fort ?

Olivier Mazerolle : Non, mais vous là, en quoi êtes-vous pour un État fort dans ce que vous êtes en train de dire.

Patrick Jarreau : Ce que vous venez de dire sur Michelin n'est pas très différent de ce que pourrait dire un Nicolas Sarkozy ou un Alain Madelin.

Charles Pasqua : Je ne sais pas ce qu'ils disent eux. Vous m'avez posé une question tout à l'heure. Vous m'avez dit : « Comment peut-on concilier le libéralisme en matière économique et la cohésion sociale » ?

Patrick Jarreau : J'ai vu le libéralisme, je n'ai pas vu la cohésion sociale.

Charles Pasqua : Ça c'est le vrai problème. Et je vous invite à notre congrès qui se tiendra le 20 et le 21 novembre.

Olivier Mazerolle : Vous n'avez pas la réponse alors ?

Charles Pasqua : Ne ricanez pas.

Olivier Mazerolle : Je ne ricane pas, mais vous n'avez pas la réponse aujourd'hui ?

Charles Pasqua : Monsieur Mazerolle, moi j'ai des idées sur la question. Nous sommes un certain nombre à les avoir ces idées. Mais il se trouve que nous avons changé un certain nombre de personnalités. Certaines d'entre elles sont extérieures à notre mouvement, d'autres en sont membres, de conduire une réflexion sur un certain nombre de sujets. Une de ces réflexions que conduit M. Rozat, qui un économiste distingué que vous connaissez bien, porte sur le point suivant.
Comment peut-on concilier nos idées, notamment la souveraineté nationale, l'importance de la nation, comment peut-on aujourd'hui concilier ces idées, avec la liberté économique et tout cela, dans le cas du grand combat de la mondialisation ? Alors, il est clair que dans notre esprit, la liberté ça reste le moteur de l'activité humaine et en matière économique, donc il est capital de favoriser tout ce qui peut conduire à la création d'entreprise, etc. Donc ça c'est indispensable.
Et dans ce domaine, Dieu sait que nous sommes très en retard. Je vous rappelle au passage d'ailleurs, que lorsque j'étais ministre de l'Aménagement du territoire, j'avais fait adopter un certain nombre de dispositions et notamment l'une d'entre elle qui prévoyait la création d'un fonds d'aide à ce qui souhaitent créer des entreprises, en même temps qu'un système de mutualisation. J'avais donc proposé tout cela au Parlement qui l'avait adopté et que ça n'a pas été suivi d'effet, parce que les gouvernements qui nous ont succédés, n'ont pas affecté les crédits nécessaires.
La liberté d'entreprendre ça ne dépend pas du gouvernement. Ça, c'est le rôle des entrepreneurs, etc. La cohésion sociale, ça c'est du ressort des pouvoirs publics. Ça c'est du ressort du gouvernement.

Pierre-Luc Séguillon : Mais comment vous allez réparer les dégâts de la mondialisation pendant que les entreprises licencient ou suppriment des postes ? Comment réparer ces dégâts ? Est-ce que c'est à l'État de les réparer ?

Charles Pasqua : Non. Quand des entreprises licencient, c'est qu'elles se trouvent à un certain nombre de difficultés.

Pierre-Luc Séguillon : Tout à fait.

Charles Pasqua : Bon. Si on veut que les entreprises soient concurrentielles, il faut alléger le poids des charges qui pèsent sur elles. Jusqu'en 1974, si j'ai bonne mémoire, le poids de l'État sur l'économie était inférieur à 37 %. Aujourd'hui, il est supérieur à 47 %. Et pourtant à cette époque et au temps du général de Gaulle, on a créé la force de dissuasion, on a conduit un certain nombre de grands projets, etc.

Patrick Jarreau : Et entre temps, il y a eu la crise, il y a eu le chômage… Deux millions de chômeurs, il a bien fallu assurer ce que vous n'aimez pas, puisque vous appelez ça l'assistanat. Enfin, quand même, la couverture sociale.

Charles Pasqua : Non, c'est vrai qu'entre temps il y a eu le choc pétrolier, la crise économique, etc. Tout cela est vrai. Mais il n'en reste pas moins que nous avons choisi la mauvaise voie et que la voie de l'assistanat dans laquelle nous nous sommes lancés, plutôt que de choisir la voie de la création d'entreprise et du développement de l'activité économique, a été un mauvais système.

Olivier Mazerolle : Cet automne, il y a deux projets de loi important qui viennent en débat à l'Assemblée nationale en vue d'adoption. Il y en a un qui concerne l'économie, c'est la deuxième loi sur les 35 heures. Qu'allez-vous faire ? Et puis, une autre loi qui concerne une évolution de la société, c'est le PACS. Qu'allez-vous faire ?

Charles Pasqua : Je voterai contre ces deux propositions, sans hésitation.

Olivier Mazerolle : Pourquoi ?

Charles Pasqua : Parce que je suis contre. Cela me paraît une raison suffisante.

Olivier Mazerolle : Pardon, M. Pasqua, on croirait les petits enfants qui disent : « Pourquoi ? Parce que ! ». Bon. Vous vous êtes un homme politique.

Charles Pasqua : Mais vous posez la question sous cette forme. Donc, je vous réponds sous cette forme.

Olivier Mazerolle : Mais vous avez bien un raisonnement de fond ?

Charles Pasqua : Les 35 heures, parce que la deuxième loi sur les 35 heures. Cette loi qui va s'appliquer à toutes les entreprises au-dessous de 20 salariés, c'est une aberration.

Patrick Jarreau : Au-dessus !

Charles Pasqua : Comment au-dessus. Comment est-ce que les petites et moyennes entreprises pourront faire face à ça ? Est-ce que c'est ça qui va nous mettre dans une meilleure situation sur le plan de la compétitivité internationale ? Nous sommes dans un système où on veut travailler de moins en moins, où on augmente des charges, où tous ceux qui veulent créer sont confrontés non seulement aux difficultés bureaucratiques mais à l'incapacité de trouver des fonds pour les aider à créer leur entreprise, ce qui fait que tous ceux qui ont la capacité de créer. Enfin, pas tous mais un grand nombre de ceux qui en ont la capacité de créer, s'expatrient. C'est ça le système que l'on préfère ?
Et les 35 heures, cela conduira à la même situation.

Olivier Mazerolle : Et le PACS ?

Charles Pasqua : Le PACS, je suis contre. Je ne conteste pas le fait qu'il y ait des problèmes et que ces problèmes, il faut essayer de les résoudre du mieux possible, mais je crois que la solution qui avait été préconisée par le Sénat, est bien meilleure que la solution qui a été envisagée par le Gouvernement. Tout ce qui peut donner le sentiment, à tort ou à raison, qu'on veut instituer une sorte de mariage entre personnes de même sexe, n'est pas acceptable.

Pierre-Luc Séguillon : Alors je reviens aux questions sociales et économiques. Une éventuelle taxation du travail précaire, vous seriez également contre ?

Charles Pasqua : Ah oui, tout à fait. Tout à fait.

Pierre-Luc Séguillon : Qu'est-ce qui dans votre discours, peut aujourd'hui séduire des hommes ou des femmes de gauche, vous qui voulez rassembler au-delà des clivages ?

Charles Pasqua : Et bien, il y a d'abord, je crois que ce que je peux dire aux hommes et aux femmes de gauche, c'est ce que j'ai fait moi-même. Vous parliez tout à l'heure de la cohésion sociale. Mais quand nous avons fait voter sur l'aménagement du territoire, quel était l'objectif de cette loi ? C'était une loi d'essence évidemment républicaine. Il s'agissait de rétablir l'égalité entre les hommes et les territoires. C'est pour cela que d'une part nous avions décidé de stopper l'immigration du monde rural vers les grands centres urbains, alors qu'on a déjà 80 % de la population sur 20 % du territoire. Que dans le même temps, nous souhaitons pouvoir apporter aux personnes qui vivent dans le monde rural la même qualité d'équipements collectifs pour qu'elles y restent et que dans une certaine mesure, on puisse même inverser les flux et que les gens du monde urbain aillent s'installer dans le monde rural et que dans le même temps, nous avions prévu un certain nombre de mesures, notamment pour les quartiers difficiles, pour ceux dans lesquels le taux de chômage est supérieur, très supérieur à la moyenne nationale. Et nous avions prévu un certain nombre de mesures financières d'exonération de charges ; etc. pour aider à la création d'entreprises, à l'implantation d'entreprises, dans ces secteurs, etc.
Et puis naturellement, si on s'adresse aux jeunes, on est bien obligé de dire qu'il y a un effort considérable dans le domaine de l'éducation et dans le domaine de la formation. Deux domaines qui me paraissent à l'heure actuelle, dans lesquels il me semble, il y a une adaptation extraordinaire. Mais là, je parle aussi de ce que je vois sur le terrain.
Et moi, je ne me contente pas de parler de la lutte contre la fracture sociale. C'est très beau les discours. Mais je le fais. Je m'attaque au problème de la fracture sociale. Depuis le plus jeune âge, j'essaye de rétablir l'égalité, de même que je m'attaque aux secteurs dans lesquels les problèmes d'urbanisation ont entraîné les défauts et les carences que vous savez.
Je peux non seulement en parler, mais dire voilà le type de solutions existent.

Olivier Mazerolle : Il nous reste dix minutes. Patrick Jarreau.

Patrick Jarreau : Monsieur Pasqua, vous parliez il y a un instant du rôle de l'État…

Charles Pasqua : Et j'ajouterai autre chose, c'est que contrairement à ce que vous croyez, aux yeux des jeunes, la nation n'est pas une idée périmée, parce qu'ils sentent très bien que la nation, c'est ce qui rassemble. C'est ça, c'est ce qui peut rassembler les gens et ils le sentent.

Patrick Jarreau : Monsieur Pasqua, il y a la nation, il y a la mondialisation aussi dont vous parliez tout à l'heure. Vous parliez de la liberté nécessaire des entreprises dans un contexte de concurrence accru. Est-ce qu'il vous paraît normal ou au contraire anormal comme le pensent un certain nombre des personnels de l'entreprise en question, que le président de l'agence France Presse, Éric July, ait présenté un plan qui prévoit une ouverture du capital de cette agence qui, jusqu'à maintenant, appartient à l'État.

Charles Pasqua : Ah vous savez M. July. Euh, excusez-moi.

Patrick Jarreau : Moi c'est Jarreau.

Charles Pasqua : Je vous faisais à la fois bénéficier d'une promotion, ce qui ne me coûtait rien et dans le même temps, ce qui vous aurez mis dans une situation difficile, compte tenu de ce que je vais vous répondre.

Charles Pasqua : Compte tenu de la culture qui est la mienne, je suis contre l'entrée de capitaux privés dans l'agence France Presse. Voilà !

Patrick Jarreau : Parce que ?

Charles Pasqua : Parce que l'agence France Presse est un des éléments de diffusion de la culture française et en tous les cas, de la pensée française. Et donc, je suis contre le fait qu'on mette cela en partie, entre les mains de gens représentant des capitaux privés. J'y suis hostile.
J'ajouterai autre chose concernant M. July. Je n'ai rien contre lui, ne serait-ce que compte tenu de sa formation. Il a – je le connais un peu – il a travaillé au ministère de l'Intérieur. Il en est parti peu après mon arrivée d'ailleurs, en 1987 je crois, quelque chose comme ça.

Patrick Jarreau : Il était un des artisans de la décentralisation.

Charles Pasqua : Oui, tout à fait. Mais ce que je ne comprends pas, c'est comment un homme qui a une sensibilité de gauche, s'est mis dans la situation qui est la sienne. C'est-à-dire qu'il n'a procédé à aucune concertation à l'intérieur de son entreprise et qu'il a annoncé tout à trac ce genre de mesure. Ça aussi ça dénote un certain mépris pour les travailleurs, ce que je ne saurais partager.

Olivier Mazerolle : Dans la charte fondatrice du RPF, vous avez parlé « des valeurs françaises », ce qui attire un certain nombre d'élus et d'électeurs de la droite extrême, comme du Front National ou du mouvement national de Bruno Mégret. Bruno Mégret qui semble craindre ou redouter que certains de ses élus aillent vers vous dit : « attendez ce n'est pas la même chose, nous nous sommes pour la préférence nationale ». Et vous, par rapport à la préférence nationale, qu'est-ce que vous dites ?

Charles Pasqua : Pas du tout pour la préférence nationale. Dans le monde tel qu'il est, dans la France telle qu'elle est, ça ne veut rien dire du tout. Tout ça, sont des mots qui ont permis à un certain moment, aux gens du Front National de faire croire qu'on pouvait résoudre les problèmes. J'ai encore dans l'oreille : « il y a 3 millions de chômeurs, il y a 3 millions d'étrangers, il y a qu'à foutre un million d'étrangers à la porte, on aura résolu le problème ». Tout cela n'est pas sérieux.

Olivier Mazerolle : Alors, les valeurs françaises pour vous ?

Charles Pasqua : Ah les valeurs françaises, il y en a un certain nombre. M. Mazerolle. La première de ces valeurs, il faut d'abord que la nation continue à exister. Pour que la nation continue à exister, il faut que la France ne s'imagine pas que pour continuer à peser, pour avoir un poids démographique suffisant, elle ne peut pas se satisfaire, la France, du système des mères porteuses ou des nations porteuses.
Je crois donc que la première des valeurs qui doit être soutenue, c'est la famille, parce que le premier objectif de la famille, le premier but de la famille, en tous les cas, c'est comme cela depuis le début de l'humanité, c'est la procréation. Et donc, c'est la préparation des générations futures. Et je crois que la famille est une des valeurs dans un monde troublé, dans un monde qui a perdu beaucoup de ses repères, etc., on voit bien que la famille retrouve ce qu'elle a finalement toujours été, c'est-à-dire le lieu où on peut se retrouver quand il y a des problèmes, etc. C'est une valeur refuge.
Donc, la première chose à faire, c'est à réhabiliter une politique familiale digne de ce nom et avoir une politique démographique. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'il faut garantir une réelle égalité aux femmes. Ça veut dire par là que les femmes qui travaillent doivent disposer de garanties qui leur permettent d'avoir le nombre d'enfants qu'elles veulent. Ça veut dire qu'il faut une politique immobilière adaptée.

Olivier Mazerolle : Et non pas les renvoyer à la maison avec le salaire parental ?

Charles Pasqua : Pourquoi pas ? Mais ça, il faut qu'elles aient le choix. Tout ça, est une question de choix. Ça repose sur le libre choix de la femme, mais pour ce libre choix existe, il faut qu'il y ait les moyens appropriés.

Patrick Jarreau : Alors, à Strasbourg, je change de sujet encore que c'est la même veine, puisque vous défendez la souveraineté nationale, j'imagine. À Strasbourg aussi vous avez siéger à toutes les sessions. Quelle attitude est-ce que vous avez à Strasbourg, sinon une attitude très négative. Par exemple, vous avez refusé l'investiture à la commission PRODI, si je ne me trompe.

Charles Pasqua : Comment, est-ce que j'aurai pu voter PRODI ? PRODI dit : « je suis le véritable gouvernement de l'Europe ». Il n'est pas le gouvernement de l'Europe. Il est une commission qui agit sous le contrôle du conseil européen. En tous les cas, ce n'est pas ma conception de l'Europe.

Patrick Jarreau : Enfin, il y a beaucoup de monde du groupe que vous présidez, qui ont voté l'investiture à Romano Prodi.

Charles Pasqua : Ah, bien je le regrette.

Patrick Jarreau : Ça veut dire aussi que quand vous entendez le Commissaire français Barnier dire qu'il faut aller plus loin qu'Amsterdam, que les corrections d'Amsterdam, évoquez une politique de la défense…

Charles Pasqua : Ça n'a rien à voir, ça. Il ne faut pas tout mélanger. Que l'Europe essaye de se doter d'une politique de défense…

Patrick Jarreau : Ça c'est oui ?

Charles Pasqua : Oui, à condition que ça ne consiste pas, comme d'habitude, à se mettre sous les ordres des États-Unis et à exécuter leur politique.

Patrick Jarreau : Qu'elle se dote d'une charte constitutionnelle ?

Charles Pasqua : Charte constitutionnelle, non !

Patrick Jarreau : Qu'on étende les décisions à la majorité qualifiée, c'est non.

Charles Pasqua : Niet.

Patrick Jarreau : Donc, il y a beaucoup de non.

Charles Pasqua : Eh oui, il y a beaucoup de non. Chaque fois que ça me parait contraire à mes convictions, c'est non.

Patrick Jarreau : Où sont les oui, à part la défense ?

Charles Pasqua : Que l'Europe s'organise. Que réellement elle aille dans le domaine de la défense par exemple, vers la constitution d'un ensemble cohérent qui lui permette de prendre les décisions conformes à ce qu'elle pense être…

Olivier Mazerolle : Il y a eu des propositions françaises, cet été, que vous appuyez ?

Charles Pasqua : Oh écoutez, les propositions françaises, ne me faites pas rigoler. Que le Conseil européen. D'abord, si on parle de l'Europe, il faut revenir à l'essentiel. On n'a pas tellement le temps.

Olivier Mazerolle : Il nous reste deux minutes.

Charles Pasqua : Deux minutes ! Ah oui, ça, ça n'est pas beaucoup. Alors, dans ce cas, je vais à l'essentiel et dire qu'à l'heure actuelle, je mène un combat en Europe, je mène un combat au Parlement européen, c'est pour la défense de la langue française. J'ai d'ailleurs écrit à Madame Fontaine pour lui dire que je considérerai comme inadmissible que dans les commissions nous soyons mis devant le fait accompli et qu'on reçoive les documents écrits en anglais.
Et à ce propos, je voudrai dire, ce qui serait extrêmement souhaitable, c'est que le président de la République et le Premier ministre quand ils se déplacent à l'étranger, s'expriment en français, dans leur propre langue et non pas dans la langue anglaise. Ce que je souhaiterais également, c'est que des instructions soient données aux entreprises publiques et aux administrations pour que leurs documents de travail et leurs documents de base soient rédigés en français. Qu'ensuite il soient traduits en anglais, c'est un autre problème. Et quand je suis allée en Russie et que je vois l'attrait pour la francophonie, pour la langue française etc., et que je vois le peu d'effort que nous faisons nous-mêmes et le fait que nous ne battons pas pour notre propre langue, ça me scandalise.
Dernier élément. Vous me dites : « qu'est-ce que vous allez faire au parlement européen ? » Écoutez, une délégation de nos élus se rendra à Seattle pour voir comment s'engagent ces négociations de l'OMC. Parce que ça, c'est plus important que le reste.

Olivier Mazerolle : C'est fin novembre.

Charles Pasqua : Et vous voyez le souverainisme, cette idée de défense de la souveraineté nationale, ça progresse à pas de géant. Regardez, M. Bové, il parle du souverainisme alimentaire, quand il parle de la « mal bouffe » etc. Oui, tout ça avance, ce qui veut dire que beaucoup de gens se rendent compte qu'il nous faut lutter contre cette tendance à l'américanisation, une société unique, à la pensée unique, etc. Rien que cela suffirait à justifier notre démarche.

Olivier Mazerolle : Juste un dernier mot, Monsieur Pasqua. Vous avez dit que finalement le RPF n'aurait pas de mal à présenter des candidats aux élections municipales, notamment dans les grandes villes, comme Paris et Marseille. Alors, vous ne voulez pas nous dire si vous serez candidat aux présidentielles. Paris ou Marseille, ça vous tente ?

Charles Pasqua : Qui, moi ?

Olivier Mazerolle : Oui.

Charles Pasqua : Alors, je serai candidat partout. Je serai une espèce d'homme-orchestre. Non, je crois qu'un mouvement politique doit avoir des candidats aux élections municipales et nous serons amenés à en avoir. Mais ce n'est pas le moment de parler de ça. Nous verrons bien le moment venu.

Pierre-Luc Séguillon : Ça pourrait être M. Tiberi ?

Charles Pasqua : Nous analyserons la situation et nous verrons bien dans le cadre de cette situation si nous devons avoir des alliances électorales.

Pierre-Luc Séguillon : À Paris, ça pourrait être M. Tiberi ? Vous vous entendez bien avec M. Tiberi.

Charles Pasqua : Je ne sais pas si M. Tiberi sera candidat.

Olivier Mazerolle : Il dit que oui.

Charles Pasqua : M. Tiberi est un ami. Et bien nous verrons bien le moment venu. Le RPF aura certainement ses candidats.

Olivier Mazerolle : Merci M. Pasqua. C'était votre grand jury. La semaine prochaine, nous recevrons le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault. Bonne soirée à tous.