Texte intégral
Q - Déclarations intempestives, ultimatums envoyés à Lionel Jospin, menaces de quitter le Gouvernement… La rentrée est chaude chez les Verts.
Je suis arrivée à Lorient tranquille et sereine. Et les Verts ne sont pas à cran. Les ultimatums n'engagent que leurs auteurs. Ceci dit, nous venons de connaître un succès électoral réconfortant et mérité. Nous avons la volonté d'aller plus vite, d'être mieux reconnus.
Q - Lionel Jospin n'a pas profité du mini remaniement pour le faire.
Même si je dispose d'une liberté de parole, je ne trouve effectivement pas normal, ni confortable, d'être la seule Verte au Gouvernement. Il y a 25 socialistes et je suis seule pour porter les aspirations de 10 % de l'électorat. J'aurais trouvé bien que nous soyons mieux représentés. Pas tant pour des raisons d'arithmétique, mais pour donner le signal d'une meilleure prise en compte des thèmes portés par les Verts.
Q - Quel bilan tirez-vous aujourd'hui de votre participation au gouvernement ?
Il n'est pas facile à faire. Car sur bien des sujets, nous ne sommes pas dans une logique du tout ou rien. Sur de nombreux thèmes contenus dans les accords Verts-PS, le respect des engagements a été enclenché. Mais la loi sur les 35 heures, par exemple, sera-t-elle un outil de lutte contre le chômage et de développement du temps libre ou un cheval de Troie dont profitera le patronat pour précariser les salariés ? La parité, elle est là, mais, sans les modes de scrutin qui vont avec, elle reste un peu formelle. De toute façon, les Verts trouvent normal d'évaluer l'intérêt de leur participation au Gouvernement. Nous l'avons déjà fait, nous le referons à la fin de l'année. Les accords des Verts avec le PS, j'y tiens beaucoup, comme je tiens à la majorité plurielle. Nous devons même aller au-delà de ces accords, puisque la dissolution nous a empêchés d'aller au bout de notre travail.
Q - Mais Lionel Jospin a-t-il un comportement aussi pluriel que vous le souhaiteriez ?
Les débats ont lieu dans le Gouvernement. Ils sont tranchés après par Lionel Jospin d'une façon qui ne me convient pas toujours. Mais j'admets qu'il existe des rapports de force qui font que nos options ne sont pas toujours retenues. Même si parfois je trouve que le Premier ministre, par tactique, tient trop compte de l'arithmétique politique. Je vois aussi réémerger des tentations hégémoniques chez les socialistes. Ce n'est pas parce que l'on est gros que l'on est le mieux à même d'entendre les attentes de la société. Or, si je constate que ce Gouvernement continue de bénéficier d'un préjugé favorable, je crois aussi que l'attente se fait plus forte. Pour cette raison, je trouverais intéressant lors de cette rentrée que nous redébattions, devant les Français, de nos priorités.
Q - Pour les Verts, le réexamen de la politique nucléaire du Gouvernement est une priorité. Ce débat promettrait effectivement d'être pluriel…
Le nucléaire reste un grand interdit du débat démocratique. Il est impossible d'avoir sur ce sujet un dialogue adulte. Aucun secteur ne fonctionne de manière aussi opaque. Lionel Jospin n'est pas sourd à cet aspect des choses. Une étude est en cours. Mais le Premier ministre n'a jamais engagé de discussion sur l'efficacité économique, sociale du choix nucléaire. Et le Gouvernement, de fait, n'est pas un Gouvernement antinucléaire.
Q - Mais est-il raisonnable de faire du chantage sur le nucléaire comme vous l'avez fait mardi à Lorient ?
Faire savoir que le nucléaire est pour les Verts un point important, ce n'est pas du chantage. J'ai annoncé la couleur, rappelé que nos accords avec le PS prévoient des choses sur cette question. Je souhaite pour ma part que l'on ne se contente pas de constater le quasi-consensus de la classe politique sur cette question.
Q - Autre priorité verte, la proportionnelle. On vous entend assez peu là-dessus.
Je suis aussi attachée que n'importe quel Vert à la proportionnelle. Mais nous pouvons avoir des différences d'approche sur le rythme, le calage des décisions. Les accords Verts-PS évoquaient la proportionnelle dans un cadre plus large de rénovation des institutions et des pratiques démocratiques. C'est important, car, si je crois que les Français sont plutôt satisfaits de ce gouvernement, ils ne se sentent pas davantage concernés par la politique. C'est dommage.
Q - Là, vous noyez le poisson, alors que certains chez les Verts ont récemment menacé de quitter le Gouvernement si le mode de scrutin des législatives n'était pas modifié.
Avant d'interpeller nos partenaires sur cette question, précisons nos propositions ! Il était question dans nos accords d'introduire une dose de proportionnelle. Mais quelle dose ? Les Verts défendent la proportionnelle à l'allemande, où deux votes, pour une personne et pour un parti, se compensent. Un tel mode de scrutin suppose une réforme institutionnelle plus large. Je trouverais beaucoup plus séduisante l'idée d'un paquet-cadeau démocratique, comprenant le quinquennat, la réforme du Sénat, les réformes des modes de scrutin… Le mode de scrutin des cantonales par exemple est scandaleux. Je souhaite en tout cas que nous puissions nous revoir avec le PS et le PCF pour discuter d'un paquet institutionnel qui tienne la route.
Q - Pour les municipales, des listes autonomes ne sont-elles pas le meilleur moyen de se compter ?
Se compter n'est pas un objectif en soi. Dans le passé, nous avons souvent privilégié des listes autonomes au premier tour. Et nous avons eu de vraies difficultés à gérer la négociation entre les deux tours. Nous avons souvent été invités à apporter notre capital de voix au PS contre la promesse d'un poste d'adjoint à l'environnement ou à la petite enfance. Je souhaite que cela se passe autrement. Il faut explorer la voie d'un accord national. Ce qui ne veut pas dire des listes uniques dans toutes les communes. Là où la mayonnaise n'a pas pris, où les désaccords sont trop importants, cela n'aurait pas de sens. À Dole, par exemple, je souhaite mener une liste d'union. Mais ce débat commence à peine. Nous avons six mois pour arrêter une position.
Q - Le débat commence d'ailleurs sur un désaccord avec Daniel Cohn-Bendit…
Dany défend l'idée de listes autonomes. Elles permettent d'engager chez les Verts une dynamique. Elles ne permettent pas d'avoir beaucoup d'élus. Nous allons en débattre tous les deux.
Q - Entre vous et lui, la lutte sera sans merci ?
Nous avons appris à nous connaître pendant la campagne. Je ne suis pas inquiète quant à sa volonté de travailler avec les Verts et dans l'intérêt des Verts. Nous avons vécu l'étripage Lalonde-Waechter. Nous avons failli le payer de notre disparition. Ni moi, ni Dany n'avons l'intention d'exposer les Verts à ce danger.