Interview de M. Jean-Pierre Raffarin, vice-président de Force démocrate et président de la région Poitou Charentes, dans "Sud-Ouest" du 7 octobre 1997, sur la notion d'Europe "périphérique" et sur la politique régionale de l'Union européenne.

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Circonstance : Réunion de la Conférence des régions périphériques maritimes, à la Rochelle la semaine du 6 octobre 1997.

Média : Sud Ouest

Texte intégral

Sud-Ouest : Quelle force représentez-vous face à l’Union européenne ?

Jean-Pierre Raffarin : Elle compte. Dans un grand nombre de pays européens, le fait régional est très puissant. À plusieurs reprises, l’Europe a pris des décisions proposées par la CRPM. Je pense à plusieurs initiatives et programmes européens comme Atlantis, Poseidom, Life, Medplus, qui ont été retenus sur sa proposition. Tous les dirigeants régionaux qui pèsent en Europe sont membres de la CRPM. On n’a pas l’habitude en France que les dirigeants politiques de premier plan s’intéressent aux régions, mais c’est très différent ailleurs, en Espagne, en Italie ou en Allemagne.

Sud-Ouest : Il s’agit donc de peser sur la politique régionale européenne. Comment évaluez-vous celle-ci aujourd’hui ?

Jean-Pierre Raffarin : Sur les six dernières années, l’Europe a apporté quelque 80 milliards de francs au développement régional par le biais des fonds structurels. Les volumes sont très importants.

La Conférence de La Rochelle arrive à un moment très stratégique, et nous avons tenu à ce qu’elle se tienne dans notre région. Nous sommes à la veille de deux réformes fondamentales de l’Union européenne, celle de la politique agricole commune (PAC) et la réforme des fonds structurels qui doivent arriver avant l’an 2000.

Le principal enjeu de La Rochelle est de définir un projet européen de réforme des fonds structurels et de la politique régionale qui intègre, à côté du critère de fragilité déjà retenu, le nouveau critère de périphéricité.

Sud-Ouest : Ce critère a besoin d’une définition.

Jean-Pierre Raffarin : Actuellement, la politique régionale est réservée pour 80 % de ses crédits aux régions très pauvres. L’arrivée de nouveaux pays dans l’union va conduire à leur réduction. Nous pensons qu’ils vont contribuer à déplacer le centre de gravité de l’Europe vers l’Est.

Aujourd’hui, nous pouvons être inquiets sur la localisation d’investissements industriels au bord de l’Atlantique ou de la Méditerranée. Nous avons vu que le cœur de l’Europe, la Lorraine, l’avait emporté sur l’Ouest pour l’implantation de la « Swatchmobile ». Il faut trouver les moyens pour que les régions périphériques soient aidées, même si elles paraissent moins fragiles que d’autres régions plus centrales. L’investissement industriel y est de plus en plus rare, parce qu’elles sont loin des centres économiques et parce que le coût du transport va augmenter. Il faut compenser l’éloignement par le financement d’infrastructures nouvelles, ce que ne fait pas l’Europe aujourd’hui.

Sud-Ouest : Et le Gouvernement français ?

Jean-Pierre Raffarin : Cette conférence vient à point pour que la France porte un projet européen. Elle doit sortir de son isolement sur le sujet. Elle doit bâtir une majorité avec les pays de la Méditerranée et de l’Atlantique. Elle a souvent tendance à penser que l’aménagement du territoire est une compétence exclusive de l’État, ce que je regrette.

Sud-Ouest : Poitou-Charentes et l’Aquitaine ont-elles des intérêts communs dans cette affaire ?

Jean-Pierre Raffarin : Oui. Nous serons des régions fragiles quand le centre de gravité de l’Europe se sera déplacé vers l’Est. Il s’agit d’anticiper la nouvelle géographie européenne.

Il faut que Bordeaux regarde encore davantage vers son nord. Je verrai prochainement Alain Juppé pour lui en parler, et je rencontrerai Jacques Valade à La Rochelle avant le début de la conférence. Bordeaux et l’Aquitaine ne doivent pas se laisser obnubiler par la compétition à l’Est avec Toulouse. L’axe Nord-Sud est un axe clé où l’Aquitaine occupe une position charnière.