Déclaration de M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé, sur les travaux du Haut Comité médical de la Sécurité sociale, à l'occasion de la remise des prix 1996, Paris le 9 décembre 1997.

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Circonstance : Remise des prix 1996 du Haut Comité médical de la Sécurité sociale (HCMSS) à Paris le 9 décembre 1997

Texte intégral

Monsieur le président,
Mesdames,
Messieurs,

Il y a maintenant dix-sept ans, le Haut Comité médical de la sécurité sociale créait un prix annuel.

Je suis heureux d’honorer aujourd’hui les lauréats et de souligner l’intérêt de leurs travaux, et d’encourager le Haut Comité médical de la sécurité sociale, appelé au fil des années et en fonction de l’évolution de la réglementation à adapter son rôle de conseil auprès des ministres.

Je voudrais tout d’abord féliciter vivement les lauréats et leur dire combien j’apprécie l’intérêt qu’ils témoignent pour des questions qui se trouvent aujourd’hui au premier plan de nos préoccupations.

J’observe que les travaux que vous honorez aujourd’hui soulignent l’engagement des praticiens-conseils dans cette démarche de réflexion sur des sujets très variés, touchant à la fois aux pratiques des professionnels, au fonctionnement des structures et aux besoins des malades, tant sur des aspects économiques que médicaux. Je note également – pour m’en réjouir – le nombre des lauréats, que je mets au compte de la qualité des travaux primés ou distingués.

Le premier prix, fait singulier, récompense une œuvre collective : celle de l’échelon régional du service médical du régime général de la région de Normandie, pour une étude approfondie sur les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD), plus particulièrement sur l’évaluation de la charge en soins induite par le degré de dépendance des personnes âgées.

Nous savons l’importance de la prise en charge qualitative, et au-delà de cette question, du financement des soins aux personnes âgées dépendantes dans notre société. Recevez toutes mes félicitations.

Mes compliments s’adressent aussi, naturellement, aux attributaires du deuxième prix, que le jury n’a pu départager : le docteur Guillaud-Jullien pour son travail d’analyse de la consommation bucco-dentaire dans le régime des travailleurs indépendants, et le docteur Prieur pour un sujet plus juridique – mais ô combien sensible pour la profession médicale – sur le contentieux du contrôle technique entre les médecins et les caisses d’assurance maladie.

J’adresse enfin mes félicitations aux troisièmes prix ex aequo : le docteur Morfoisse pour son travail sur la mesure d’indépendance fonctionnelle en établissement de soins de longue durée et le docteur Vincke sur la prise en charge des insuffisants rénaux chroniques.

Je voudrais aussi dire quelques mots des sujets que vous avez abordés. Presque tous se rapportent à des questions de santé publique. Tous étudient des questions très actuelles.

Plusieurs d’entre elles portent, d’une manière ou d’une autre, sur le vieillissement, et plus particulièrement sur la dépendance des personnes âgées. Je ne vais pas m’étendre sur le rappel de la situation démographique française. Vous la connaissez aussi bien – voire mieux – que moi. Alors qu’au début de ce siècle, seuls quatre français sur dix atteignaient l’âge de 65 ans, ils sont aujourd’hui huit sur dix à pouvoir atteindre cet âge. Qui plus est, l’espérance de vie sans incapacité augmente aujourd’hui plus vite que l’espérance de vie. Cette observation doit nous inviter à l’optimisme, nous inciter à porter un autre regard sur le vieillissement de la population. On peut désormais espérer vieillir en bonne santé. On connaît de mieux en mieux les maladies liées au vieillissement – j’évoquerai les maladies cardio-vasculaires, l’ostéoporose ou la dénutrition. Pour peu qu’on en ait la volonté, une partie non négligeable d’entre elles peuvent être prévenues, ou mieux prises en charge. Et les progrès de la médecine prédictive, à condition bien sûr qu’ils soient sérieusement encadrés sur le plan éthique, devraient largement élargir nos possibilités dans ce domaine.

Il me paraît primordial d’insister à nouveau sur l’articulation des besoins de santé et la prise en charge de ces attentes, sur la nécessaire intégration d’un ambitieux volet de prévention dans notre politique de santé publique, le tout avec le souci affirmé d’une solidarité sans faille.

Vos travaux trouvent toute leur place dans cette perspective, et le jury de ce prix ne s’y est pas trompé.

En effet, les auteurs de l’étude sur la prise en charge des personnes âgées en services de soins infirmiers à domicile se sont particulièrement intéressés à l’évaluation de la charge des soins liés au vieillissement ; ce travail apporte sans nul doute des connaissances nouvelles qui permettront de mieux appréhender les besoins réels de ces structures alternatives à une prise en charge en institution. Vous avez aussi détecté des anomalies d’orientations dont on peut se demander si elles ne sont pas liées à un financement forfaitaire qui ne tient pas compte de l’état de la personne.

En tout cas, vous préconisez une tarification qui prenne mieux en compte l’état de dépendance constaté de la personne âgée. Votre contribution, à cet égard, est à verser aux travaux visant à donner plus d’équité et d’efficience à nos structures quelles qu’elles soient, et à mieux rémunérer le service effectivement rendu.

Docteur Guillaud Jullien, vous avez analysé la consommation des soins dentaires durant les années 1990 à 1993, au plan national, des ressortissants du régime CANAM, ainsi qu’au plan régional au niveau de la caisse maladie régionale des Alpes et au plan local sur les départements couverts par cette CMR. Vous avez mis en évidence des disparités de consommation mais surtout votre étude montre la nécessité pour les caisses de disposer d’un système d’information efficace, permettant de cibler des actions appropriées notamment en matière de prévention bucco-dentaire.

Docteur Prieur, vos travaux ont beau être plus austères, ils n’en sont pas moins intéressants : vous analysez en détail les juridictions ordinales, l’évolution de la jurisprudence, le rôle régulateur du conseil d’État sur leur fonctionnement. La question de la composition de la section des assurances sociales du conseil de l’ordre des médecins – et des autres ordres – est effectivement une question à suivre, même si, pour l’instant aucune de nos juridictions paritaires n’a été considérée à ce jour comme non conforme à la Convention européenne des droits de l’homme.

J’ai déjà dit l’intérêt qui s’attache à toujours mieux évaluer, tant au plan économique qu’au plan médical, les besoins des personnes âgées dépendantes. Vous vous êtes intéressé, docteur Morfoisse, aux personnes très dépendantes admises en service de soins de longue durée (ex-long séjour). Je ne peux donc que souligner encore combien ces travaux rejoignent les préoccupations des soignants et des gestionnaires de ces structures.

Docteur Vincke, votre étude relative à la prise en charge des insuffisants rénaux dans la région Nord Pas de Calais apporte une contribution à l’élaboration du volet hémodialyse du schéma régional d’organisation sanitaire de cette région. Elle permet notamment une meilleure connaissance des besoins réels de la population et montre l’intérêt de favoriser la prise en charge hors centre afin d’améliorer l’autonomie des insuffisants rénaux et également dans un souci de maîtrise de ces dépenses.

Je ne veux pas prolonger trop longtemps mon propos mais je souhaite saluer également les auteurs des travaux qui ont reçu les félicitations du jury.

    – Docteur Ogier-Peronnet, praticien-conseil de la région de Lyon, lauréate du prix 1995, distinguée cette année pour votre étude sur la prise en charge de la stérilité.

    – Docteurs Bourdy, Pepin, Cauchard et Degiorgis, médecins et pharmaciens-conseils de la région de Paris, pour votre étude sur la sérologie des hépatites virales.

    – Docteur Correze, et madame Chambe, en tant que directeurs de mémoire d’un travail collectif mené par le CNESS, sur « la MSA et l’évaluation des prescriptions médicales ».

    – Madame le docteur Marie-Hélène Metzger, médecin épidémiologiste à l’INSERM, pour son étude sur l’utilisation du dossier du suivi médical en médecine de ville à des fins de recherche en santé publique.

    – Madame le docteur Merle-Merlet, médecin au CHU de Nancy, pour votre travail sur l’évaluation de la surveillance prospective des infections post-opératoires dans un service de chirurgie générale.

    – Madame le docteur Véronique Fournier, médecin à l’AP de Paris, pour votre étude – peut-être un peu trop pessimiste, mais sans concession, sur les facteurs de blocages dans le fonctionnement hospitalier.

    – le docteur Bovrnazeau, chef de clinique à la maternité de l’Hôtel Dieu à Clermont-Ferrand, pour votre étude sur les accidents de prélèvement du sang frontal.

J’aimerais enfin profiter de cette remise des prix qui nous réunit aujourd’hui pour vous dire quelques mots, Monsieur le président, vous qui avez souhaité – pour des raisons que je comprends parfaitement et qui tiennent aux lourdes responsabilités que vous exercez par ailleurs en tant que président du Sou médical – être déchargé des fonctions de président du HCMSS.

Je veux tout d’abord vous remercier d’avoir exercé la présidence du HCMSS pendant ces quelques mois et d’avoir procédé aux avis nécessaires, à une période de fort renouvellement, aux postes de médecins conseils.

Je voudrais, également vous dire, ainsi qu’aux autres membres du Haut Comité médical – et j’aurai l’occasion de l’écrire dans la lettre de mission qui sera adressée à votre successeur – que nous attachons, Martine Aubry et moi-même, une réelle importance aux travaux de cette instance. Le Haut Comité doit bien sûr se recentrer dans ses missions, mais nous avons l’intention de le saisir de chantiers concrets et de le consulter chaque fois que des questions, notamment celles touchant au contrôle médical, seront soulevées.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, le Haut Comité médical de la sécurité sociale est une force de réflexion et de proposition auprès des ministres. Il a su montrer une réelle capacité à l’être au fil des années. Je vous encourage à poursuivre ces efforts. Vous contribuez de la sorte à éclairer les choix du gouvernement, dont le souci est bien d’offrir à tous nos concitoyens une réelle protection de leur santé, tant sur le plan de la qualité que de la sécurité.

Pour les missions que vous menez à bien, comme pour le prix que nous décernons aujourd’hui à l’origine duquel vous vous trouvez, je tenais à vous remercier.

Permettez-moi enfin de saluer l’ensemble des donateurs sans lesquels une telle initiative ne pourrait se concrétiser. Qu’ils en soient aussi très sincèrement remerciés.