Interview de M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement, à RTL le 5 octobre 1999, sur les réactions du patronat et du PCF à l'occasion de la discussion du projet de loi sur les 35 heures.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Q - Aujourd'hui le Gouvernement est-il plus préoccupé par l'attitude du patronat – qualifiant la loi de M. Aubry « d'erreur historique » – ou par les exigences de l'aide gauche de sa majorité ?

- « Le Gouvernement considère qu'avec cette loi de la réduction du temps de travail – pour l'emploi, pour la lutte contre le chômage, et pour le mieux-être des salariés et une meilleure organisation du travail de nos entreprises – je peux vous dire que le Gouvernement fait la différence entre ce que peut représenter M. Seillière et son discours d'hier, très conservateur, et les chefs d'entreprise. Et vous savez quand... »

Q - Oui mais ils étaient là les chefs d'entreprise hier...

- « Oui mais je ne suis pas sûr qu'ils se retrouvent tous dans le discours de M. Seillière, Quand 16 000 accords sont déjà signés, que 122 000 emplois sont créés ou protégés depuis un an, c'est bien le signe que cette réduction du temps de travail a une vocation : l'emploi et le mieux-être des salariés et une meilleure organisation du travail de l'entreprise. Quand j'entends M. Seillière dire que c'est eux, les patrons – au sens du patronat – qui font tout dans l'entreprise, au mépris de ce que peuvent être les cadres, les salariés, les ingénieurs, j'ai envie de dire : si c'est vraiment M. Seillière et les patrons qui créent l'emploi, cela veut dire que depuis un certain nombre d'années, ce sont eux qui ont créé le chômage avec les presque 4 millions de chômeurs que nous avons trouvé en 97 ! »

Q - Mais quand M. Seillière menace de renoncer à toute négociation avec les syndicats, cela constituerait un événement social grave quand même !

- « Oui ce serait irresponsable. Je ne crois pas à cette thèse car je pense que les chefs d'entreprise veulent que leur entreprise tourne, que les carnets de commandes fonctionnent, et que derrière il y ait la capacité pour l'entreprise en France – et c'est plutôt le cas – de participer à la croissance, à la dynamique, et je n'entends pas M. Seillière reconnaître que le Gouvernement va baisser le coût du travail avec la baisse des charges sociales, liée justement au passage des 35 heures. »

Q - Il demande simplement de respecter ce que sont les engagements précédents.

- « Mais les engagements sont tenus, le Gouvernement ne charge pas la barque. C'est parfois ce qu'on lui reproche un peu, je dirais "de l'autre côté". »

Q - Dans la majorité « les communistes ne sont pas seulement bons à faire une majorité pour une loi » disait M. Gremetz. Qu'allez-vous faire pour sortir de l'impasse avec le Parti communiste ?

- « Je ne crois pas qu'on soit dans "une impasse" avec le Parti communiste, avec les Verts, ni avec le Mouvement des citoyens. Il faut bien comprendre qu'on démarre aujourd'hui cette loi symbolique, forte, qui correspond à un engagement, une loi quasi-historique dans ce pays. Je constate que nous sommes le seul pays à s'engager sur cette voie car ça marche tout simplement Et je pense d'ailleurs que vous verrez que la France fera école de ce point de vue. Je suis obligé quand même de faire la différence entre le Medef qui s'oppose, qui manifeste, qui mobilise contre une loi de progrès et contre une loi qui favorise l'emploi et celles et ceux qui s'inscrivent dans la démarche de la réduction du temps de travail, et c'est le cas pour, aussi bien la grande partie des syndicats que pour les partis de la majorité. »

Q - Vous venez de dire « il faut que je fasse la différence » cela veut dire que le Gouvernement maintenant est en position d'arbitre entre le patronat et l'aile gauche de sa majorité. Peut-il faire des concessions à l'un et pas et l'autre ?

- « Je pense que, concernant la loi telle que nous l'avons conçue, telle que M. Aubry l'a conçue, après concertation, c'est une loi qui favorise l'emploi et qui ne pénalise pas les entreprises. Ce n'est pas une loi contre les entreprises. En même temps il est normal que chez les syndicalistes ou dans des partis de la majorité, chacun veuille donner une tonalité. Moi je suis confiant et je laisse chacun à sa responsabilité de participer à cette avancée sociale et en même temps à cette lutte contre le chômage. Et donc je suis confiant. Mais "il faut donner du temps au temps". On a une quinzaine de jours. »

Q - Côté calendrier vous voyez une évolution possible, un déblocage entre la manifestation du PC le 16 et le vote le 19 ?

- « Il est clair que le vote a lieu le 19 et que cette loi doit être adoptée le 19 avec la majorité qui soutient ce texte. Evidemment je n'attends rien de la droite et des députés de l'opposition qui, pour l'instant sont silencieux mais dont je sais qu'ils suivront M. Seillière. Mais bien évidemment il y a une manifestation et cela c'est de la responsabilité de ceux qui l'organisent de le faire. Mais le débat parlementaire s'engage dès aujourd'hui. Et il y aura donc une discussion, un débat, des amendements. Et je ne doute pas que, tout en respectant l'équilibre du texte, nous parvenions à un vote de la majorité. De toutes les façons cette loi va passer avec les voix de la majorité, et donc je suis confiant là-dessus. Et que chacun prenne sa responsabilité. Je ne veux pas en tant que ministre faire pression excessivement sur des partenaires avec lesquels je m'entends bien par ailleurs. »