Interviews de Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication et porte-parole du gouvernement, dans "Corse-matin" du 4 décembre 1997, sur l'identité culturelle corse et l'engagement de l'Etat en faveur de la culture corse.

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Média : Corse matin

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Corse-Matin : Pensez-vous qu’il est intéressant pour un pays comme la France de cultiver ses différences et de respecter toutes les identités fortes comme celle de la Corse ?

Catherine Trautmann : Il est absolument essentiel pour une nation de respecter la diversité de ceux qui la composent. L’identité culturelle de la Corse est évidemment une richesse pour la France qui n’a rien à gagner à l’uniformité de toutes ses composantes.

Corse-Matin : Les nationalistes ont eu tendance à s’emparer du combat identitaire. Quel est votre sentiment sur la notion de peuple corse : peut-on admettre son existence territoriale sans reconnaissance juridique ?

Catherine Trautmann : Attention à ne pas lever d’insurmontables barrières à partir de querelles de vocabulaire. Il n’y a aucune incompatibilité de principe entre l’unité de la nation et la pluralité de ses composantes. C’est le général de Gaulle lui-même, dont on ne saurait douter de l’attachement à la France, qui invoquait à la première page de ses mémoires, la diversité des peuples  c’est lui qui emploie le pluriel  qui la composent depuis des siècles.

Corse-Matin : Alors que la France a une attitude frileuse vis-à-vis de la charte sur les langues minoritaires, le président de la collectivité territoriale annonce des mesures en faveur de la langue corse. Quelles peuvent être les mesures d’accompagnement de l’État ? Peut-on aller jusqu’à son enseignement obligatoire ?

Catherine Trautmann : Il ne s’agit pas de frilosité. Le Conseil d’État a tranché : la Charte européenne est, dans sa rédaction, incompatible avec la Constitution de la République. Mais cela n’empêche nullement la reconnaissance et la défense des langues minoritaires de la France. Madame Pery a été chargée par le Premier ministre d’une mission sur les langues régionales. Elle fera des propositions dont le Gouvernement saura s’inspirer pour son action future dans ce domaine.

Corse-Matin : Comment expliquez-vous cette incompréhension entre les services de l’État et les acteurs culturels de l’île, qui a récemment poussé le DRAC vers la porte de sortie ?

Catherine Trautmann : Ne partons pas d’un problème humain pour conclure hâtivement sur une incompréhension. L’État prouve au contraire, par l’implication quotidienne de ses agents et par le volume financier de son intervention, tout l’intérêt qu’il porte aux acteurs culturels de l’île et à leurs initiatives. Cet engagement en faveur du développement culturel de la Corse doit se poursuivre. Il est cependant naturel  et habituel  afin de permettre un renouvellement permanent et fructueux des idées et des échanges, que l’État renouvelle sa représentation en région selon une périodicité compatible avec l’exigence d’efficacité. C’est dans ce cadre qu’un nouveau directeur régional vient d’être nommé en Corse. M. Berthier a une expérience d’administrateur et d’homme de culture. Je suis certaine qu’il saura mener une action dynamique avec l’ensemble des partenaires culturels de la région.

Corse-Matin : Quelles sont vos intentions, voire vos projets en faveur de la culture corse dans toutes ses composantes ?

Catherine Trautmann :  L’intention de l’État est d’agir fortement dans le domaine culturel et d’accompagner les efforts des collectivités territoriales. Elle est aujourd’hui matérialisée par les deux cadres contractuels majeurs et additionnels que constituent le contrat de Plan État-Collectivité territoriale de Corse et charte culturelle. Ceux-ci recouvrent en effet la totalité des domaines d’intervention de mon ministère et mobilisent des moyens significatifs. Ils doivent contribuer efficacement à l’épanouissement culturel de l’île et à la promotion des créations et des spectacles. Je souhaite que le ministère continue d’accomplir ses missions traditionnelles, scientifiques et de réglementation, dans les meilleures conditions et intervienne dans d’autres domaines, de manière significative et sur la base contractuelle, notamment avec la collectivité territoriale. Ce champ contractuel pourrait concerner des priorités fondamentales et partagées comme l’aménagement culturel du territoire, le développement local ou encore les échanges culturels.