Interview de M. Robert Hue, secrétaire national du PCF, à RTL le 27 juin 1999, sur les résultats des élections européennes du 13 juin 1999, le score du PCF, la place des Verts dans la majorité plurielle, l'Europe sociale et le projet de loi sur la réduction du temps de travail.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission L'Invité de RTL - Emission Le Grand Jury RTL Le Monde LCI - RTL

Texte intégral

Olivier MAZEROLLE :
Bonsoir Monsieur Hue.

Robert HUE :
Bonsoir.

Olivier MAZEROLLE :
Vous aviez rêvé d'un parti communiste fort, susceptible de pousser Lionel Jospin à mener une politique plus à gauche, les électeurs ont détruit le rêve en vous accordant moins de 7 % des suffrages, vous situant à un niveau équivalent à celui des chasseurs. Pour autant, vous avez annoncé ne pas vouloir changer de stratégie, vous avez noté que personne au Conseil national de votre parti n'avait réclamé votre démission et vous proposez toujours de bâtir un communisme pour le 21e siècle avec tout de même ce cri du coeur « pourquoi avons nous tant de mal à mettre au point ce projet ? » avez-vous dit vendredi. Alors le communisme est il encore un projet d'avenir, le rôle de votre parti au sein du gouvernement, votre capacité à influencer sa politique, tels sont les thèmes de ce soir que nous allons aborder avec Pierre Luc Seguillon et Patrick JARREAU, ce Grand jury retransmis en direct sur RTL et LCI, Le Monde publiera demain l'essentiel de vos déclarations.

Daniel Cohn Bendit avait commencé sa campagne européenne en disant vouloir réduire l'influence du parti communiste et aujourd'hui, lui même et les Verts agissent comme s'ils avaient atteint cet objectif, ils réclament, avec beaucoup d'énergie, beaucoup plus de place au sein de la majorité plurielle, ils ont raison ?

Robert HUE :
Écoutez je crois qu'il ne faut pas se tromper d'élections en même temps que les verts ont fait un score effectivement qui peut les conduire à se sentir en situation de réclamer d'avantage, je crois que le suffrage universel c'est le suffrage universel et on reviendra certainement sur ce qui a marqué ce scrutin, à.savoir l'abstention mais il reste qu'il y a un résultat et je regarde ce résultat. Je pense néanmoins que, sans vouloir donner de leçon, je ne suis pas vert, je souhaite effectivement que l'on, regarde avec tout le réalisme possible ce résultat et en l'occurrence il me semble que Daniel Cohn Bendit devrait peut être être un peu plus modeste par rapport à la réalité du résultat même si son résultat, je répète, est celui que... 9 %, c'est pas effectivement le résultat qu'avait fait Monsieur Waechter en 89 ou il avait fait 11 %, qu'on a oublié un peu d'ailleurs mais il reste que c'est un résultat qui est à prendre en compte, je crois que les élections européennes n'étaient pas des élections législatives, les choix que faisaient les français n'étaient pas de changer la majorité, de modifier les rapports de force dans la majorité, donc il faut tenir compte de cela sinon on a triché avec les français. Je crois que, y compris aujourd'hui, ce placer systématiquement en voulant à partir des résultats des européennes vouloir modifier par exemple le rapport des forces dans la majorité plurielle, me semble assez politicien comme démarche, ça ne correspond pas à ce qu'attendent les français, la crise de la politique est suffisamment forte pour ne pas en rajouter dans une démarche politicienne comme celle la.

Pierre-Luc.SEGUILLON :
Mais vous dite c'est un résultat qui est à prendre en compte, prendre en compte ça veut dire quoi et comment expliquez vous ce bon résultat à prendre en compte ?

Robert HUE :
Écoutez; je dis que c'est un résultat à prendre en compte parce que je dis que le résultat du parti communiste français est aussi à prendre en compte même si c'est pour le regarder avec toute la lucidité nécessaire et le sérieux nécessaire.
Je pense pas qu'il y ait d'épreuve entre guillemets du suffrage universel qu'il faille regarder avec mépris donc il y a un résultat, il y a à regarder ce qu'a exprimé le vote vert, ce qu'a exprimé le vote des chasseurs, ce qu'a exprimé le vote plus faible en faveur du parti communiste.

Pierre-Luc SEGUILLON :
Qu'est ce qu'il exprime, pourquoi est ce qu'il y a d'avantage de votes pour les verts que pour le parti communiste, comment vous l'expliquez ça ?

Robert HUE :
Je pense qu'il y a une... Les verts ont su certainement faire passer un message concernant des valeurs qui sont les leurs et qui ont marqué l'opinion, le parti communiste n'a peut être pas lui, je répète, dans une situation donc différente, su présenter une alternative suffisamment forte à la société telle qu'elle était, les verts par ailleurs, ont bénéficié incontestablement, je n'en rajoute pas, mais d'un effet lié à la conjoncture, la dioxine a certainement joué, un certain nombre de problèmes...

Pierre-Luc SEGUILLON :
L'interprétation du ministre de l'intérieur, l'effet Dioxine !

Robert HUE
Je ne reprends que ça de l'interprétation du ministre de l'intérieur mais il est évident que la Dioxine a joué un rôle, les problèmes liés à l'alimentation, enfin toutes ces questions qui touchent à la vie des gens ont joué un rôle.

Olivier MAZEROLLE :
Alors est ce que ça ne veut pas dire qu'ils sont plus modernes, plus contemporains que ne l'est le parti communiste ?

Robert HUE :
Je ne crois pas parce que en même temps, incontestablement ce discours sur des valeurs qui sont importantes et que je retiens, dissimule, pour Daniel Cohn Bendit c'est tout à fait évident, une démarche profondément libérale c'est-à-dire que sur les problèmes posés à la société, y compris les grands problèmes de civilisation, il apporte, il donne des éléments d'explication.

Il reste que pour y remédier il va se heurter à terme à une contradiction, je pense que la contradiction majeure à laquelle sera confronté Cohn Bendit enfin les verts en France, c'est cette contradiction entre démarche qui se veut prendre en compte une réalité et les conséquences d'une société libérale et le fait qu'il ne s'attaque pas au fond au libéralisme. Vous savez j'ai discuté longuement avec Daniel Cohn Bendit, par exemple on était en désaccord sur des questions fondamentales touchant au libéralisme. Lui par exemple, il ne veut pas toucher à un certain nombre de pouvoirs qu'exerce la banque centrale européenne, des institutions libérales très fortes, il ne souhaite pas, il ne s'en cache pas, je ne dis pas qu'il n'est pas honnête, il le dit mais je pense que la il y a une contradiction importante.

Patrick JARREAU :
Est ce que ça signifie que vous faites une distinction nette entre les verts et Daniel Cohn Bendit et est ce que ça signifie que vous redoutez une implantation éventuelle de Daniel Cohn Bendit dans la vie politique française ?

Robert HUE :
Je n'ai pas à m'immiscer à ce point dans les affaires des Verts mais qui ne voit pas qu'il y a une différence entre les Verts et Daniel Cohn Bendit sur toute une série de questions. Toute la campagne, même si elle a pu être bénéfique à la fin à Daniel Cohn Bendit, a été marquée par des contradictions qui apparaissaient entre les Verts, entre Dominique Voynet parfois et Daniel Cohn Bendit. Redouter Daniel Cohn Bandit, non, moi je ne crois pas, vous savez je pense qu'il y a là une campagne personnelle avec un effet singulier lié aux européennes, à chaque élection européenne c'est vrai qu'il y a, apparaissent comme ça des votes qui deviennent très forts, très massifs et qu'on ne retrouve pas, il y a eu le vote Tapis, il y a eu le vote Waechter qui n'a pas été, voyez, à la même hauteur, il a été plus haut même que Daniel Cohn Bendit. Il y a, je vois, on parle beaucoup du score Pasqua, là je passe à droite mais De Villiers avait fait combien, 13 % aux élections européennes, un an après il faisait 2.5 % aux élections présidentielles...

Patrick JARREAU :
Donc vous diriez Daniel Cohn Bendit c'est un épiphénomène, je parte de Daniel Cohn Bendit, je ne parle pas des Verts, dans la vie politique française !

Robert HUE :
Je ne dis pas ça, vous savez j'en ai assez de devoir, pardonnez moi c'est pas à votre question mais, de porter des jugements un peu politiciens sur l'issue de ces élections et il me semble que...

Olivier MAZEROLLE :
Alors ne parlons pas des... attendez justement, après ces élections, le parti communiste par rapport aux Verts et par rapport à d'autres bénéficie en tout cas de l'appui très net du Premier ministre Lionel Jospin et du parti socialiste pour qu'il n'y ait pas disons de rééquilibrage au sein de la majorité plurielle.
Alors est ce que cet appui du parti socialiste, du Premier ministre vous satisfont, vous aide, est ce qu'il y a des arrières pensées dans cet appui ?

Robert HUE :
Écoutez je crois que le Premier ministre avait dit qu'en tout état de cause, ces élections ne changeraient pas la donne, il l'a dit il y a peu de temps mais il l'avait dit avant, ça on ne peut pas lui reprocher, pourquoi ? D'abord parce que Lionel Jospin me semble avoir fait des choix stratégiques concernant la gauche plurielle, je le sent fidèle à ses choix et puis parce que Lionel Jospin est tout sauf un homme qui ne serait pas réaliste. Lionel Jospin, il fait les comptes, il fait les comptes des élections européennes mais il sait que 9 % des Verts ça ne donne pas plus de députés pour faire une majorité plurielle à l'Assemblée nationale, ça veut donc dire que Lionel Jospin, il tient en compte et je crois que c'est tout a fait respectable, le fait que sans le parti communiste aujourd'hui en France, il n'y a pas de majorité plurielle, ça c'est le réalisme pur et je crois qu'on ne peut pas reprocher au Premier ministre de prendre cela en considération.

Olivier MAZEROLLE :
Est ce que ce n'est pas plus simple pour lui aussi d'avoir affaire par exemple à un parti communiste un peu affaibli qui finalement fait entendre sa voix mais c'est toujours un peu le même refrain, tandis qu'avec les Verts dont on ne sait pas vraiment ce qu'ils veulent, ce serait beaucoup plus dangereux ?

Robert HUE :
Écoutez, je crois que, je ne pense pas que ce soit l'esprit du Premier ministre sinon là aussi, ça participerait à une démarche politicienne qui ne me semble pas être aujourd'hui sa démarche. Il reste que le parti communiste est confronté à une vraie question concernant sa participation au gouvernement. À la fois le parti communiste à choisi d'être au gouvernement, il choisit d'y rester et les réunions du parti communiste qui ont eu lieu ces derniers temps à tous les niveaux et son comité national, ne semblent pas remettre en cause cette démarche, au contraire dirais je. Donc la question qui est posée au parti communiste effectivement c'est à l'intérieur du gouvernement de pouvoir exercer sa démarche critique, sa démarche d'opposition forte quand les propositions ne correspondent pas à ce qu'il souhaite mais en même temps d'être force de construction. Ce qu'il faut aussi prendre en compte, c'est la nécessité que dans le pays lui même il y ait le mouvement social qui se développe et la prise en compte d'un certain nombre de dispositions que peut relayer le parti communiste à son niveau.

Patrick JARREAU :
Alors est ce que ça veut dire qu'a vos yeux les raison du score pas tout à fait satisfaisant que vous avez fait le 13 juin, se situent dans la politique du gouvernement, est ce que vous estimez que c'est au fond la politique du gouvernement, voire Lionel Jospin qui est responsable du mauvais score de votre parti ?

Robert HUE :
Non, je ne dirais pas ça comme ça en tous les cas, ce serait trop facile, il y a, c'est beaucoup plus complexe que ça, il y a pour le parti communiste, à regarder pourquoi n'a pas pu convaincre mieux qu'il était utile de voter pour lui et pour la liste « bouge l'Europe » et que ça infléchirait la politique du gouvernement. Donc ça c'est une question à laquelle nous devons nous accrocher en quelque sorte, apporter des réponses, c'est l'objectif que nous avons dans une grande consultation, un grand débat que nous lançons avec le parti communiste. Mais, moi que ait fait Monsieur Jarreau, le tour de France avec beaucoup de meetings, beaucoup de rencontres avec les françaises et les français, incontestablement j'ai rencontré beaucoup d'hommes, de femmes, de salariés qui ne sont pas contents de la politique du gouvernement; j'en ai rencontré qui sont confiants mais j'en ai rencontré beaucoup aussi qui s'inquiètent que les mesures structurelles fortes permettant de faire reculer le chômage, la précarité, les inégalités, autant de choses promises effectivement par la gauche, ne voient pas encore la forme de réformes structurelles nécessaires. Et je dois dire que le fait que nous puissions ne pas assez apparaître comme élément pouvant pousser plus à gauche ce gouvernement est un des problèmes auxquels nous sommes confrontés. Voyez que mon langage est très clair, très honnête, i1 y a ce problème.

Patrick JARREAU :
Votre ami Alain Bocquet qui préside le groupe communiste à l'Assemblée Nationale, il a un langage assez clair lui aussi enfin sauf qu'il ne va peut être pas au bout de sa logique mais il a dit au comité national, au fond comment est ce que vous pouvez demander aux militants communistes de défendre la politique de ce gouvernement et de leur ministre dans ce gouvernement, puisque ce gouvernement agit dans le cadre de Maastricht, dans le cadre du pacte de stabilité financier passé entre les gouvernements européens, dans le cadre des directives de Bruxelles.

Robert HUE :
Je crois que vous interprétez mal ce qu'a dit-Alain Bocquet. Pardonnez-moi...

Patrick JARREAU :
II a bien dit ça !

Robert HUE :
Je ne l'interprète pas comme ça en ce qui me concerne et je pense que, sinon ça signifierait que le groupe parlementaire du parti communiste, les ministres communistes ne peuvent pas jouer un rôle ou jouer un rôle qu'à la marge. Je ne pense pas que ce soit la pensée d'Alain Bocquet, en tous les cas ce n'est pas la mienne. Il est bien clair que, au contraire, je pense effectivement que l'on peut obtenir un certain nombre de choses et accordez moi que quant on regarde le travail des ministres communistes par exemple, que ce soit celui de Madame Marie-Georges Buffet, de Madame Demessine ou de Jean-Claude Gayssot, on voit un apport peu contestable à la politique gouvernementale, un apport sensible lié à une identité communiste qui me semble prendre en compte.

De même que quand je vois ce que nous obtenons et ce que j'espère bien nous allons obtenir dans le débat budgétaire prochain pour arracher un certain nombre des dispositions visant à améliorer sensiblement les choix sociaux du gouvernement, il me semble que c'est positif. Ce que veut dire ou ce qu'a voulu dire Alain Bocquet et que je partage, c'est qu'il faut en même temps qu'il y ait cette bataille parlementaire, qu'il y ait dans le pays un mouvement social plus fort, plus puissant, qui permette effectivement de mieux faire avancer, dans les institutions, ses choix, voilà mon sentiment en tous les cas sur ce qu'a dit Alain Bocquet.

Patrick JARREAU :
Et pourquoi est ce qu'il n'y a pas selon vous un mouvement social plus puissant dans le pays aujourd'hui ?

Robert HUE :
Et bien, je crois que ça tient à la capacité, et du mouvement social lui même, et de forces politiques comme la nôtre, à stimuler ce mouvement social, à y contribuer, donc il y a là un travail effectivement de prise de conscience par rapport aux questions réelles. Il y a en même temps une certaine fatalité qui continue de peser, ces élections européennes par exemple ont continue de faire peser comme fatale, la démarche néolibérale en Europe, on voit bien, même des formations comme les Verts et Daniel Cohn Bendit, ont mené plus ou moins une campagne néolibérale dans certains domaines donc il est claire que ça ne facilite pas la prise de conscience mais il y a un mouvement à développer. Il me semble que par ailleurs l'idée de l'utilité du mouvement social lui même est parfois difficile à prendre en compte, on a du mal parfois à faire prendre conscience que, ce rassemblement peut être effectivement efficace.

Pierre-Luc SEGUILLON :
Alors dans votre explication, il y a deux choses, il y a d'une part ce que vous dites, le manque de stimulation ou la difficulté pour le parti communiste de stimuler, alors là je vous pose la question, est ce que la liste que vous avez faite aux européennes comme vous le reproche Monsieur Braouzec par exemple, n'a pas brouillé votre message, ça c'est un premier point et deuxièmement, par rapport à ce que vous disiez tout à l'heure, est ce que vous attendez de Lionel ,Jospin vous écoute d'avantage donc qu'il concède d'avantage à vos demandes ?

Robert HUE :
Premièrement, la liste que nous avons construite « bouge l'Europe » avec cette double parité, je l'ai dit, je l'ai même dit ici avec Monsieur Mazerolle n'avait pas une volonté, enfin ce n'était pas une démarche conjoncturelle, elle s'inscrivait dans le long terme, ça veut dire que aujourd'hui s'il fallait aller à nouveau à des élections européennes, je pense qu'avec mes amis nous proposerions la même démarche, une démarche visant à améliorer le rapport entre la représentation politique et le mouvement social, ça c'est absolument évident, donc nous proposerions la même chose. J'ai bien entendu ce qu'a dit Patrick Braouzec dans le journal Le Monde...

Patrick JARREAU :
Il disait au fond la liste des Verts, elle, elle avait un projet et on n'a pas vu le projet de la liste Robert HUE.

Robert HUE :
J'ai lu tout ça, je regrette cette agressivité parfois y compris de Patrick Braouzec à mon égard, je trouve cette façon là...

Patrick JARREAU :
Oui il vous accuse de gouverner tout seul aussi !

Robert HUE :
Tout ça est un peu super vexatoire, moi j'aime pas les petites phrases superficielles et Patrick Braouzec n'a pas trouvé bonne la liste « bouge l'Europe », il aurait certainement trouvé cette liste meilleure et plus sympathique s'il avait été avec d'autres dessus, en tous les cas...

Patrick JARREAU :
Ça c'est pas de la politique politicienne ça !

Robert HUE :
Mais je ne sais pas, j'essaie de comprendre. Il me semble qu'en tous les cas, le problème pour moi c'est de toujours savoir soutenir, enfin voir le contenu par rapport au superficiel et pour cette liste j'ai choisi le contenu donc il est bien évident, je dis sans ambiguïté que s'il fallait nous reconstruirions cette liste de cette façon c'est-à-dire ouverte au mouvement social alors certainement qu'il y a à mieux faire comprendre ce qui est cette démarche, ça a été certainement...

Pierre-Luc SEGUILLON :
Alors la demande par rapport à Lionel Jospin, ce que vous demandez aujourd'hui à Lionel Jospin, j'allais dire de vous aider c'est-à-dire de vous faire un certain nombre de concessions à vos demandes pour pouvoir mieux exister.

Robert HUE :
Mais je crois que ne posons pas les problèmes en ces termes, personne ne demande d'aide au Premier ministre, à quiconque, j'ai cru même tout à l'heure montrer que l'aide, en dernière instance, c'est nous qui l'apportons en étant un élément clé de la majorité gouvernementale, sans le parti communiste il n'y a pas de majorité donc...

Patrick JARREAU :
À l'Assemblée !

Robert HUE :
À l'assemblée oui mais où voulez vous que ça se fasse autrement Monsieur Jarreau. Donc il est bien évident qu'aujourd'hui nous sommes dans une situation ou il me semble le Premier ministre doit entendre d'avantage les propositions qui sont les nôtres non pas parce que ce sont nos propositions mais parce qu'elles correspondent aux réformes nécessaires à entreprendre pour réellement apporter des réponses de fond aux questions posées aux français et je pense ça notamment en matière d'emploi.

Olivier MAZEROLLE :
Bon alors attendez, on va en reparler dans un instant de vos propositions mais tout de même, vous l'avez noté tout à l'heure vous même, il y a une démarche néo-libérale en Europe qui semble être la voix d'une majorité d'électeurs, au sein même d'ailleurs des chefs de gouvernements socialistes il y a la voix Tony Blair, il y a la voix Schroeder, alors est ce que dans ce congloméra européen, le parti communiste ne détonne pas, est ce qu'il a vraiment sa place, est ce que véritablement dans le fond aujourd'hui il y a une majorité d'électeurs ou même de gens qui sont simplement intéressé par l'idée communiste à la fin du 20e siècle ?

Robert HUE :
Je crois. Je crois qu'il y a la place pour une alternative communiste, il y a la place pour un nouveau communisme de notre temps et que nous avons nous notre responsabilité dans la construction de cette alternative. Nous n'avons pas fait de ce point de vue suffisamment et ça va être une des tâches du prochain congrès du parti communiste, nous allons avoir d'abord un grand débat avec les communistes dans les mois qui viennent pour voir les conditions dans lesquelles nous allons...

Olivier MAZEROLLE :
Mais ça c'est la réponse habituelle, Georges Marchais en son temps aussi avait organisé ça !

Robert HUE :
D'accord mais cela dit je vous apporte une réponse qui me semble adaptée à la situation. Et cette réponse adaptée à la situation c'est de dire qu'il y a effectivement à construire cette alternative, nous allons y travailler, nous allons travailler aussi à rendre plus perceptible de grandes.propositions fortes liées à la vie quotidienne des gens, qui sont en même temps liées à ces valeurs, nous allons améliorer dans ce sens notre démarche. Et oui il y a la place pour un parti communiste et une influence communiste plus grande dans la société française et en Europe parce qu'il y a une société où le libéralisme se développe dans les conditions que l'on sait, où les marchés financiers font la loi et je crois que toute force participant d'une démarche, d'une voix nouvelle non capitaliste a un espace occupé Nous nous avons la volonté d'occuper cette voie nouvelle, cet espace nouveau non capitaliste en France et en Europe...

Olivier MAZEROLLE :
Monsieur Hue tout de même que répondez vous à ceux qui vous feraient observer que ont gardé le nom de communiste seulement les russes, les chinois, les cubains, les coréens du Nord et que c'est bien la preuve que dans un monde moderne contemporain, cette idéologie n'a plus sa place !

Robert HUE :
Mais je crois que si vous identifiez le communisme à un type d'idéologie qui en fait ne correspond pas à ce que nous voulons mettre dans cette démarche, dans notre démarche, évidemment vous aboutissez à votre raisonnement mais je crois qu'il y a la place vraiment pour une démarche neuve, d'un communisme nouveau, qui parte des racines parce que le communisme en France n'est pas quelque chose qui est né là dans la dernière période, il a toute une histoire, une histoire liée à une démarche de conquête sociale, une démarche d'émancipation humaine, il y a la place aujourd'hui alors qu'il y a ce poids écrasant de l'ultra libéralisme pour ce type de démarche et vous savez je ne reviendrais pas sur le nom, d'ailleurs je pense que en permanence on aborde cette question, est ce qu'il faut changer le nom du parti communiste avant de...

Patrick JARREAU :
Vous même puisque votre liste vous l'aviez appelé « bouge l'Europe » et que sur cette liste vous aviez mis moitié de communistes, moitié de non communistes c'est donc que dans votre esprit il ne suffisait pas de mettre des communistes pour convaincre les électeurs !

Robert HUE :
Non mais je pense que à nous seuls le parti communiste ne représente pas toute la société et donc il est bien évident que ce choix que nous avions fait participait de ce rapport à la société nouveau mais ça ne retire rien au fait que c'est parce qu'il y avait un parti communiste précisément que cette liste est née, cette invention, cette démarche est bien une démarche du parti communiste et rien que pour cela nous voyons la raison d'être d'un parti, d'une organisation communiste moderne aujourd'hui et c'est bien cette organisation moderne d'un communisme du 21e siècle que nous voulons construire.

Patrick JARREAU :
Alors cette liste « bouge l'Europe », est ce qu'elle reste le modèle à vos yeux pour faire évoluer le parti communiste parce qu'avant les élections du 13 juin, on avait l'impression que c'était un peu votre idée, c'était de dire au fond « bouge l'Europe », cette composition, cette double parité, ça donne un peu l'idée de ce que pourrait être le parti communiste dans les années à venir ! Et puis depuis on a l'impression que vous avez un peu changé de ton, d'ailleurs vos colistiers doublement paritaires ne sont pas là aujourd'hui alors est ce que c'est une page qui est tournée ?

Robert HUE :
Non, non pas du tout, la volonté qui est la nôtre ce n'est pas de tourner cette page, au contraire je pense que ce qui s'est passé avec la liste « bouge l'Europe » appelle un prolongement, vous savez que je viens de proposer effectivement qu'une association vienne prolonger cette liste « bouge l'Europe » une association qui sera dans l'esprit de la liste, qui pourrait s'appeler « bouge la gauche » donc il y a la volonté de participer de ce mouvement qui a été vraiment inédit, à mon avis qui est une réponse à la crise de la politique, en même temps, ça ne pose pas le problème de l'organisation communiste en soi, moi je n'ai jamais dit que cette liste identifiait ce que pouvait être à terme le parti communiste, je ne pense pas cela. Par contre, qu'il y ait avec le parti communiste profondément rénové tel que nous souhaitons qu'il se rénove avec la mutation qu'il va poursuivre au coeur d'un mouvement où se retrouvent des gens qui effectivement sont dans la force communiste, des gens qui ont été communiste ou qui se retrouvent aujourd'hui dans notre démarche, d'autres qui n'ont pas, qui sont progressistes mais qui veulent participer à cette démarche, il y a une place pour un mouvement important me semble t-il.

Pierre-Luc SEGU1LLON :
Alors Robert HUE, vous parlez d'un mouvement, vous parlez d'un communisme du 21e siècle, d'une démarche neuve, d'un nouveau communisme, d'un communisme à la française mais on a du mal à savoir ce que recouvrent les mots, vous disiez tout à l'heure, je crois que c'est en introduction, on disait, vous dites mais comment remplir ce projet, comment le faire passer. Alors ma question est-ce que vous avez même un projet derrière ces mots ? Je veux dire par rapport, vous disiez c'est toute une tradition, c'est toute une culture le parti communiste français, par exemple par rapport, pardonnez moi de revenir aux classiques, par rapport au manifeste de Marx et Engels, qu'est-ce que vous reprenez, qu'est-ce que vous ne reprenez plus ?

Robert HUE :
Ecoutez, la pire des choses, ce serait de faire ce que d'autres ont fait c'est-à-dire à partir de la pensée de Marx, des idées de Marx, dogmatiser pour aujourd'hui fixer un nouveau cadre…

Pierre-Luc SEGUILLON :
Non, non mais attendez sans dogmatiser, quand par exemple on dit le but des communistes c'est la constitution du prolétariat en classes, le renversement de la domination de la bourgeoisie, la conquête du pouvoir politique par le prolétariat, c'est périmé ça ?

Robert HUE :
Dans l'esprit de Marx à l'époque et dans les termes où il le posait, c'était d'actualité, ça reste d'actualité aujourd'hui à partir du mouvement que nous voulons définir une société de libération humaine se dégageant, s'émancipant de ce qui l'écrase actuellement et qui est constant par rapport à la période de Marx à savoir le capital, j'ai tout à l'heure dit sans embase que nous voulions participer d'un projet, d'une voie nouvelle vers une société non capitaliste, c'est-à-dire qui mette un terme, qui dépasse le capitalisme...

Pierre-Luc SEGUILLON :
Ce que ne font pas les sociaux-démocrates ?

Robert HUE :
Ce que ne font pas les sociaux-démocrates !

Pierre-Luc SEGUILLON :
C'est là la différence entre vous et les socialistes ?

Robert HUE :
Oui, c'est une différence majeure, nous, nous ne voulons pas, nous ne pensons pas qu'on puisse civiliser, améliorer jusqu'à le finaliser le capitalisme, il, faut dépasser ce système, donc en cela...

Pierre-Luc SEGUILLON :
Tandis que le PS peut l'aménager ?

Robert HUE :
Complèternent, le parti socialiste, d'ailleurs il le dit, je ne crois pas le trahir, la sociale démocratie ne souhait pas faire autre chose que d'aménager, que de civiliser, encadrer en quelque sorte la loi, limiter ses dégâts, moi je pense qu'on ne peut pas...

Olivier MAZEROLLE :
Mais c'est réaliste Monsieur Hue ?

Patrick JARREAU :
Renverser le capitalisme donc ?

Robert HUE :
Non je n'ai pas, cette formule fait appel à des schémas anciens que je ne souhaite pas retenir.

Patrick JARREAU :
Que vous évoquiez tout à l'heure puisque vous disiez que c'est une longue histoire !

Robert HUE :
Ça c'est le grand soir, je m'inscris d'avantage dans un processus effectivement où il y a le dépassement de cette société qui aujourd'hui conduit à ce que l'on sait, à ce que l'on voit, une société qui quand même écrase les hommes, écrase les citoyens.

Pierre-Luc SEGUILLON ;
Attendez, dépasser en aménageant et en corrigeant ou dépasser en renversant ?

Robert HUE :
J'ai le sentiment qu'en aménageant, on ne dépasse pas, c'est bien la différence qu'il y a entre les communistes et la sociale démocratie...

Olivier MAZEROLLE :
Donc vous les reniez progressivement ?

Pierre-Luc SEGUILLON :
C'est la révolution permanente !

Robert HUE :
Mais qu'il faille aujourd'hui aller à un changement profond de société qui participe d'une démarche révolutionnaire, je le crois, je continue de le penser et effectivement il faut dépasser, changer cette société, la transformer au point qu'elle ne soit plus la société capitaliste et c'est en cela que aujourd'hui je crois qu'il faut mettre en place des réformes de structures fortes, avoir dans le quotidien et ça c'est une question nouvelle, dans le quotidien des réponses en matière d'emploi, de formation, qui permettent effectivement d'aller à son dépassement.

Olivier MAZEROLLE :
Attendez Monsieur Hue, est-ce que tout de même années après années, quand vous voyez que cette position est réduite dans les autres pays à travers le monde et en Europe, vous dites pas mais je suis en train de ramer à contre courant ?

Robert HUE :
Non parce que je crois que cette démarche anti-libérale, elle grandit formidablement, regardez ce qui se passe avec les associations comme ATAC ou d'autres associations aujourd'hui qui sont franchement anti libérales et qui s'inscrivent dans une volonté de mettre un terme à cette démarche...

Patrick JARREAU :
Oui mais ces associations, elles ne se référent pas au parti communiste, elles se constituent à côté du parti communiste, en dehors du parti communiste !

Robert HUE :
La difference qu'il y a avec ces associations c'est que nous nous retrouvons sur effectivement ce qu'il faudrait faire contre le libéralisme mais nous, nous voulons aller à la transformation de la société et c'est bien la différence qu'il y a entre la démarche politique peut être d'ailleurs que ces associations verront le moment venu les limites de leurs démarches et devront donner une dimension politique plus nette, il faut bien participer du pouvoir donc il y a une démarche nouvelle à construire et je crois, vous me disiez Monsieur Mazerolle, en Europe, en France et en Europe, je vois grandir ce mouvement anti libéral, je me sens pleinement en phase avec ce mouvement et je crois donc  qu'il y a un espace important pour cette transformation, moi je l'appelle communiste, elle s'inscrit dans une démarche communiste, un communiste d'un autre temps, d'autres peuvent l'appeler autrement, ce qui est certain c'est qu'il faut une transformation sociale profonde de la société.

Olivier MAZEROLLE :
Nous allons marquer une pause pour les informations de 19 heures puis vous allez nous dire avec qui vous allez siéger à Strasbourg et puis quels sont les projets que vous essaierez de mettre dans la tête de Lionel Jospin !

Olivier MAZEROLLE :
Une question de Pierre-Luc SEGUILLON.

Pierre-Luc SEGUILLON :
Oui, on a beaucoup parlé dans la première partie de cette émission de la refondation du parti communiste, du nouveau parti communiste. Ça va être la traduction dans le 30e congrès, si j'ai bien compris, que vous préparez pour février 2000. Alors, simplement, une question de méthode. Vous allez lancer, je crois, une grande consultation auprès des communistes, mais en même temps, vous estimez qu'il faut qu'il y ait un seul texte le cas échéant, amendé. Et vous refusez qu'il y ait plusieurs textes sur lesquels se contraient vos camarades communistes. Pourquoi ?

Robert HUE :
Je n'ai pas dit cela.

Pierre-Luc SEGUILLON :
Alors, ce sont vos opposants qui vous ont mat compris au sein du parti communiste.

Robert HUE :
Je ne sais pas. En tout cas je n'ai pas entendu. Les communistes vont déterminer les conditions dans lesquelles ils vont préparer leur congrès et la façon dont ils vont organiser ce congrès. Voyez-vous, on lance là un grand débat sur le parti communiste sur la base des résultats électoraux, mais en même temps il y a 4 groupes de travail qui sont chargés tout de suite, dans les 15 jours qui viennent, de donner quelques pistes de réflexion qui ne sont pas du tout des textes qui seront ficelés d'avance. Il y aura certainement beaucoup de points d'interrogations dans tous ces textes et jusque, peut être fin octobre. Vous voyez on se donne vraiment le temps. Ce n'est pas une consultation rapide. Et on va se donner le temps de voir dans quelles conditions ensuite nous allons aller au congrès qui, lui, se tiendra en février 2000.

Donc, pour le moment, l'idée qu'il y ait ou plusieurs textes n'est pas une idée qui est l'ordre du jour. Je ne sais pas.

Pierre-Luc SEGUILLON :
Mais vous ne la récusez pas.

Robert HUE :
Je ne dis pas qu'il faut qu'un texte. Je ne dis pas cela. Ce sont les communistes qui détermineront ce choix. On a jusqu'à maintenant eu une démarche. D'ailleurs au dernier congrès, déjà des pas importants avaient été faits pour permettre une consultation, enfin un débat démocratique plus approfondi. Aujourd'hui, nous allons voir dans quelles conditions nous avançons pour aller au congrès avec la volonté d'une élaboration, par les communistes eux-mêmes de leur politique.

Vous savez, j'ai voulu dire d'ailleurs dans une lettre que j'adressais aux membres du comité national, l'esprit de la démarche, précisément par ce que j'avais vu, ça et là, des interprétations de ce que pouvait être, ou le futur parti communiste ou la préparation de son congrès. Pour que les choses soient bien claires, c'est aux communistes eux-mêmes de donner leur opinion.

Pierre-Luc SEGUILLON :
Les autres, ceux que vous voulez rassembler dans l'association « bouge la gauche », ils vont intervenir d'une manière ou d'une autre dans la préparation du congrès du parti communiste. Ils vont s'y exprimer, puisque vous souhaitez les associer au-delà du 13 juin.

Robert HUE :
On ne va pas commencer ce soir à définir des dispositions pour lesquelles nous allons discuter à terme. Ce que je pense, c'est que, ceux qui vont élaborer la politique du parti communiste, préparer les communistes, sont les communistes.

Pierre-Luc SEGUILLON :
Et uniquement eux ?

Robert HUE :
Oui, mais des communistes qui ne pourront pas être coupés de la société, qui ne veulent pas être coupés de la société. ça veut dire que l'enrichissement auprès d'autres dans la discussion, dans la réflexion, pour déterminer notre politique, pour que ce soit une politique qui rassemble, et bien me fait penser qu'on peut, effectivement, dans le cadre de cette préparation, avoir aussi des rapports nouveaux avec la société. Je crois que c'est extrêmement important. Nous avons commencé un travail fécond en la matière, nous allons le poursuivre.

Patrick JARREAU :
Alors, déjà avant de parler de la société peut être d'autres partis, comment est-ce que vous allez, dans quel groupe, comment allez vous constituer ou en tout cas, influer sur la constitution du groupe auquel vous allez siéger à l'assemblée européenne, à Strasbourg ?

Olivier MAZEROLLE :
Vous y allez à Strasbourg ?

Robert HUE :
Oui, bien sûr !

Patrick JARREAU
Vous y allez pour longtemps ?

Robert HUE :
Eh bien, écoutez, en tout cas, j'y vais ! On me posait la question. On n'imaginait certainement que j'allais démissionner le soir du 13 juin. Ecoutez, je suis pour mettre un terme au cumul des mandats, vous le savez. Je l'ai voté. Mais je ne suis pas contraint aujourd'hui de démissionner de mon mandat. Je suis maire d'une ville de moins de 20.000 habitants. Donc, la loi ne s'impose pas et je ne dois pas quitter le parlement européen.

Patrick JARREAU :
Vous pouvez être député français et député européen.

Robert HUE :
Absolument. Donc, ça ne signifie pas pour moi, de cumuler les mandats, soit une bonne chose. Donc, je peux être appelé à prendre mes responsabilités sur ces questions, mais ce n'est pas à l'ordre du jour. Voilà !

J'irai donc au parlement européen.

Patrick JARREAU :
Avec qui ?

Robert HUE :
Il y avait jusqu'à l'élection, un groupe de la gauche unie au niveau européen, ou se retrouvent des progressistes, des communistes, des Verts même des pays nordiques. Les éléments que j'ai aujourd'hui, je n'ai pas encore eu de réunions de groupes ou de pré-réunions permettant la constitution. Ce que je sais, c'est qu'il semble que ce groupe va se constituer. Il aura, d'après ce que je crois savoir, au moins 35 députes européens, donc ce qui est important et que dans ces conditions et bien, je siégerai dans ce groupe.

Patrick JARREAU :
Alors, est-ce qu'Alain KRIVINE et l'autre élu de la Ligue communiste révolutionnaire qui ont été élus tous les deux sur la liste que conduisait Arlette LAGUILLER et Alain KRIVINE, et qui souhaitent adhérer à ce groupe. Est-ce que vous souhaitez qu'ils y adhérent ?

Robert HUE :
Je ne sais s'ils souhaitent adhérer à ce groupe. Pour le moment, le groupe n'a pas été constitué. il n'a pas été saisi.

Patrick JARREAU :
S'ils souhaitaient adhérer à ce groupe ?

Robert HUE :
Le groupe examinera cette question.

Patrick JARREAU :
Quelle est votre position, là-dessus ?

Robert HUE :
Je me réserve d'en discuter avec les différents partenaires. Je ne suis pas dans un groupe où il n'y a que la composante française. Il y a une série de représentants d'autres forces politiques. C'est un minimum de courtoisie que je discute avec eux, avant d'imaginer quoi que ce soit.

Olivier MAZEROLLE :
Parlons de l'action du gouvernement français, maintenant. Vous critiquez beaucoup les privatisations... Sur les 35 heures, vous avez appris avec nous qu'il y aurait un an, voire deux ans de transition sur certains points.. Le SMIC, il n'y aura pas de coup de pouce au 1er juillet... Lionel JOSPIN n'est-il pas en train de se dire que, finalement, le parti communiste peut avaler toutes les pilules possibles, malgré ses réclamations ?

Robert HUE :
Écoutez. S'il ne s'agissait que du parti communiste, ça serait embêtant. Mais, je serai tenté de dire, ça ne serait pas le pire. Mais le problème, c'est que si nous ne prenons pas des mesures plus radicalement sociales, répondant aux urgences sociales, c'est l'ensemble de la société.

Olivier MAZEROLLE :
Attendez... Tout de même, pour le parti communiste, vous avec le cuir épais à ce point là ? Parce que je vous ai bien entendu, il n'y a pas si longtemps, vous étiez là en train de nous dire que les privatisations s'étaient le moulin à fabriquer du chômage.

Robert HUE :
Bien sûr !

Olivier MAZEROLLE :
Et bien, on privatise le Crédit Lyonnais.

Robert HUE :
Je continue de le penser, je continue que c'est mauvais. Mais, pour le moment, accordez-moi qu'on nous a pas donné le rapport de force qui nous permet d'être plus influents pour faire avancer ces idées. Il reste que nous allons nous battre. Nous ne sommes pas d'accord, vous le savez et je le répète. Vous le souhaitiez, je vais le répéter et je vais même dire des choses complémentaires sur les 35 heures. Il est bien clair que cette politique visant à la fuite en avant en matière de privatisation, ne nous va pas du tout. D'abord, parce qu'elle n'est pas fidèle aux engagements. Deuxièmement, c'est une machine à fabriquer des licenciements.

Patrick JARREAU :
Vous avez vu le succès, que ce soient Aérospatiale, le Crédit Lyonnais.

Robert HUE :
Pardonnez-moi. Je me place davantage du côté des salariés que des actionnaires, d'une façon générale.

Patrick JARREAU :
Même quand ce sont des salariés actionnaires ?

Robert HUE :
Oui, mais je pense, vous savez, on sait très bien que ce type d'actionnariat correspond aussi a une réaction par rapport à une situation sociale donnée et je ne méprise pas ces gens qui prennent des actions. Je ne confonds pas ceux là avec les gros actionnaires qui détiennent le pouvoir dans l'entreprise. Malheureusement, eux n'ont pas le pouvoir dans l'entreprise, même avec leurs actions nombreuses. Donc, le problème est que ces privatisations participent, surtout ces privatisation, parce que ces privatisations, il y a mise en cause du service public. Et c'est ça qui me semble...

Olivier MAZEROLLE :
Y compris le Crédit Lyonnais ?

Robert HUE :
Du point de vue des finances, je pense que ce n'est pas bon qu'il n'y ait pas un grand pôle public de crédit et des banques qui permette d'orienter mieux, vers l'emploi, vers la formation, l'économie française.

Patrick JARREAU :
En l'occurrence, l'actionnaire de référence, ça va être le Crédit Agricole. Le Crédit Agricole, ça vous convient, ça ?

Robert HUE :
Moi, je suis de ceux qui pensent que, vite, il faudrait – et le gouvernement le peut – constituer ce pôle public indispensable pour rééquilibrer les choses par rapport au poids de la finance, aujourd'hui en France, qui est écrasant. Et ça ne va pas dans le sens, je répète, de l'emploi, de la formation. Moi, je suis pour une utilisation utile de l'argent, efficace de l'argent. Là, ça n'est pas le cas. Donc, pour être précis à propos des privatisations.

1. Je pense que ce n'est pas une bonne chose.
2. Quand, il s'agit du Crédit Lyonnais, je pense que là aussi, c'est dommage d'hypothéquer la possibilité de construire un pôle public efficace qui soit efficace pour l'emploi.

Moi,je n'ai qu'une obsession aujourd'hui, c'est l'emploi. C'est comment on va utiliser les richesses créés, les moyens financiers de la France vers l'emploi, vers la formation.

Alors, ensuite, je pense qu'il y a des dispositions à prendre du point de vue social.

Olivier MAZEROLLE :
Parlons des 35 heures, quand même. Comment avez-vous accueilli le projet de loi présenté par Martine AUBRY sur les 35 heures ?

Robert HUE :
Écoutez, d'abord c'est un avant projet. Ce qui signifie déjà que nous allons le discuter. Je crois qu'il faut beaucoup discuter.

Pierre-Luc SEGUILLON :
Alain BOCQUET a eu tort de ne pas aller au rendez-vous de Martine AUBRY cette semaine pour en discuter avec elle ?

Robert HUE :
Non, non. Écoutez. Là, il faut être clair. Alain BOCQUET n'était pas auprès de Martine AUBRY, il était excuse, parce qu'il était au comité national du parti. Il n'aurait pas pu dire, ce que vous lui avez prêté comme propos tout à l'heure. Et, donc, il y avait une présence des communistes auprès de Martine AUBRY, puisqu'il y avait mon ami, Maxime GRUMETZ, qui était.

Pierre-Luc SEGUILLON :
À propos des 35 heures, il faut qu'on soit très précis. D'abord, premièrement, est-ce que vous dites avec Maxime GRUMETZ : Martine AUBRY – dans l'avant projet qui va être discuté, tel qu'il est – a cédé au MEDEF ?

Robert HUE :
Mais, je crois que ce que dit Maxime GRUMETZ et ce que j'ai dit et ce que nous disons, ceux que disent un certain nombre de syndicats, c'est que oui, oui, il y a, a mon avis, actuellement une pression forte du MEDEF qui est sur cette discussion des 35 heures et qu'il ne faut pas céder. Je pense qu'il faut, dans l'avant projet, effectivement il y a des concessions majeures faites au MEDEF. D'ailleurs, avec une sorte de répartition des rôles qui ne peut pas continuer, à mon avis, à être une méthode.

Olivier MAZEROLLE :
C'est-à-dire ?

Robert HUE :
C'est-à-dire, que d'un côté, Martine AUBRY lance un projet, le MEDEF ne dit rien, puis ensuite hurle, ce qui fait un petit peu en arrière, mais on reste avec un projet mauvais.

Olivier MAZEROLLE :
II y a une complicité objective ?

Robert HUE :
Je ne dis pas ça. Je dis que la méthode n'est pas bonne et qu'on va pouvoir l'améliorer dans le cadre de la discussion à l'Assemblée nationale.

Olivier MAZEROLLE :
Attendez. Répartition des rôles, ça veut dire qu'ils sont d'accord ou pas ?

Robert HUE :
Je dis, je dis qu'aujourd'hui, quand je vois ce qui se fait, il y a une méthode semblable que j'ai pu moi-même percevoir au moment du débat sur l'ISF l'an dernier. Souvenez-vous. J'ai présenté cette proposition de loi visant à ce qu'il y ait un impôt sur les grandes fortunes qui pénalise davantage vraiment les grandes fortunes, avec notamment les biens professionnels. Il y a eu à nouveau une pression du patronat très forte et ensuite, dans un jeu d'équilibre, on n'a pas pris en compte les propositions que nous faisions.

Patrick JARREAU :
À l'époque, vous disiez quand même qu'il y avait une avancée. Vous en étiez très fier à l'époque.

Robert HUE :
Il y a toujours des avancées. Ce n'est pas pour ça que je vous disais tout à l'heure que ça sert, le combat parlementaire.

Pierre-Luc SEGUILLON :
Alors, justement, parlons du combat parlementaire.

Robert HUE :
Je dis que sur les 35 heures, nous allons pouvoir, j'espère, améliorer sensiblement ce texte. Il a besoin d'être amélioré.

Pierre-Luc SEGUILLON
Sons très précis. Vous allez l'améliorer. Il y a ce que vous pouvez accepter et ce que vous ne pouvez pas accepter. J'imagine. Délai d'application : un an. C'est non ?

Robert HUE :
C'est un an de perte.

Pierre Luc SEGUILLON :
Attendez. Ce que je vais vous demander, c'est de faire la distinction entre ce que vous estimez, vous jugez.

Robert HUE :
Je ne peux pas répondre à des questions comme celle-là, par oui ou par non. Je dis, un an. J'explique.

Pierre-Luc SEGUILLON :
Attendez, je vous explique pourquoi je me permets de vous poser cette question. Parce qu'on a le sentiment que vous critiquez toujours, mais qu il n'y a jamais au fond, d'ultimatum, vis-à-vis de la politique de Lionel JOSPIN. C'est ça la question ! Finalement, il vous fait toujours avaler tout ce qu'il veut.

Robert HUE :
Écoutez, mais ça, c'est terrible votre démarche. Pardonnez-moi, mais il ne pourrait il y avoir d'alternative que d'avaler des couleuvres ou de quitter le gouvernement. En gros, c'est ça. Il faut le dire. C'est ce que tout le monde a derrière la tête.

Pierre-Luc SEGUILLON :
Non, mais on a le sentiment que vous ne tapez jamais du poing sur la table.

Robert HUE :
Écoutez, ce n'est pas ce que pense Lionel JOSPIN et ce n'est pas ce que pense d'une façon générale le patronat. Donc, il est bien clair que je crois que nous allons nous battre mieux encore dans le gouvernement. C'est une vraie question. C'est d'autant moins une question taboue, que moi-même je l'ai posée dans la dernière réunion de notre comité national, à travers une lettre que j'ai faite aux membres, ou je dis le problème de l'équilibre entre notre façon d'être critiques dans le gouvernement et notre façon d'être constructifs, parce que nous voulons investir cette institution, est une question. Il va falloir améliorer encore. Oui, nous allons être plus critiques encore dans le gouvernement. C'est clair.

Plus critique, ça ne signifie pas que nous allons être dans une opposition stérile.

Olivier MAZEROLLE :
Sans parler d'opposition stérile, M. HUE, imaginons que l'avant-projet sur les 35 heures continue son bonhomme de chemin et se termine comme ça à l'Assemblée nationale. Est-ce que vous pourriez, est-ce que le groupe communiste, pourrait aller jusqu'à voter contre ?

Robert HUE :
C'est le groupe communiste qui déterminera sa position le moment venu. Je n'écarte aucune hypothèse aujourd'hui.

Olivier MAZEROLLE :
Ah, vous pourriez voter contre ?

Robert HUE :
Je vous dis, c'est le groupe communiste qui déterminera. Ce n'est pas à moi.

Olivier MAZEROLLE :
Le cas échéant ?

Robert HUE :
Écoutez…

Olivier MAZEROLLE :
Le non n'est pas impossible ?

Robert HUE :
On est dans un avant-projet. Nous allons discuter et nous allons faire avancer les choses. Je suis certain qu'on nous entendra. Parce que contrairement à ce que vous dites, les Français savent que nous obtenons un certain nombre de recul, de position, d'avancées dans d'autres domaines, qui sont significatives dans toute une série de lois. Il y a des lois tout à fait importantes et significatives par rapport à l'exclusion, il y a des dispositions sur lesquelles nous allons revenir. Par exemple, les sans-papiers. Vous pensez qu'on va arrêter de parler des sans-papiers ?

Olivier MAZEROLLE :
Attendez. Restons sur les 35 heures tout de même.

Robert HUE :
Pardonnez-moi. On y reviendra aux 35 heures, mais je veux profiter de l'occasion qui m'est donnée pour vous dire qu'à propos des sans-papiers, je suis pour une régularisation des sans-papiers, disons dans les 6 mois qui viennent. Je pense, par exemple, le 1er janvier 2000 est une date symbolique. Pourquoi le gouvernement de la gauche plurielle ne mettrait pas à profit ces 6 mois pour régulariser tous les sans-papiers qui en ont fait la demande. Voilà une question sur laquelle – je vais en parler au Premier ministre – on va se bagarrer pour obtenir cette démarche.

Pierre-Luc SEGUILLON :
Alors, là au moins, vous êtes d'accord avec Daniel COHN BENDIT qui a rappelé cette demande dès le 13 au soir.

Olivier MAZEROLLE :
Sur les 35 heures, quelles sont dans l'avant-projet de loi, les dispositions qui vous paraissent inacceptables.

Robert HUE :
Écoutez, je pense que l'idée d'une augmentation des heures supplémentaires de 10 % qui seraient mises dans un fonds de réserve et qui pourraient parfois se traduire par des diminutions de salaires, en fait pour les gens qui vont bénéficier de cette réduction de temps de travail, me semblent absolument à remettre en cause. Il faut toucher à cela, c'est évident.

Olivier MAZEROLLE :
Remettre en cause ou inacceptable ?

Robert HUE :
Écoutez, mais la vie n'est pas faite comme ça, M. MAZEROLLE. On se bagarre. Il y a des choses qui sont inacceptables et nous savons dire non quand il faut dire non. Mais, accordez-moi que je ne vais pas faire un procès d'intention à Martine AUBRY et au gouvernement. On va discuter. On va avancer. Sinon, je ne serai pas dans le gouvernement. Nous ne serions pas dans la majorité. Je ne suis pas un partisan du tout ou rien.

Moi, ce que je veux, c'est arracher tout ce qui peut être arraché de positif pour les salariés et en tous les cas, ne pas céder à la pression libérale qui s'exerce incontestablement actuellement.

Pierre-Luc SEGUILLON :
Sur les délais d'application, vous n'êtes pas partisan donc du tout ou rien, et on pourrait imaginer un compromis ?

Robert HUE :
Je vous dis que tout cela se discutera et se débattra à l'Assemblée nationale, dans le cadre d'un débat démocratique. On peut ensemble avoir des tas de réflexions, mais accordez moi que c'est à l'Assemblée nationale que ça se discutera.

Pierre-Luc SEGUILLON :
J'imagine, Robert HUE, que sur les 35 heures, vous avez une certaine position que vous estimez par exemple.

Robert HUE :
Je viens de l'énoncer...

Pierre-Luc SEGUILLON :
Si je comprends bien, vous estimez que si on ne l'applique pas tout de suite, c'est en fait une perte en matière d'emplois, selon vous ?

Robert HUE :
Je pense que si ce délai est un délai supplémentaire qui ne va pas être mis au bénéfice de la création d'emploi. Par exemple, je pense qu'effectivement cette idée des 10 % est une idée qui ne doit pas effrayer après tout le patronat. Et d'ailleurs, c'est pratiquement dit comme cela dans les textes. C'est pour effectivement tenir compte de ce qu'il a demandé Je crois qu'il y a toute une série de dispositions. Les cadres, par exemple, il est inacceptable que les cadres ne puissent pas bénéficier de cette disposition dans les délais qui avaient été prévus. Les heures supplémentaires... On évoque maintenant un contingent d'heures supplémentaires supérieur à 100 heures. Vous voyez, je vois les choses très précises.

Je pense que ce n'est pas bon. Donc, il y a beaucoup de choses sur lesquelles il faut qu'on discute pour améliorer le texte. Mais je ne suis pas fermé. Je pense qu'on va faire avancer les choses. Moi, je ne dis pas qu'on est au début. La loi n'est pas au taquet. On ne va pas voter dans 3 jours. Il y a toute une série de mesures qui peuvent être prises et puis, il n'y a pas que les partis politiques et singulièrement le parti communiste. Il y a le mouvement social, je vous le disais tout à l'heure. J'ai lu, comme vous, je vous ai écouté. Vous voyez bien que les syndicats pensent, pour beaucoup d'entre eux, une grande partie d'entre eux, qu'il faut sensiblement améliorer le texte dans le sens.

Pierre-Luc SEGUILLON :
Est-ce que par exemple, le parti communiste, comme tel, vous parliez du mouvement social a côté des syndicats, va lancer une grande campagne. On prend un exemple, pour faire pression, pour soutenir les parlementaires qui, eux, discuteront de cette loi au mois d'octobre.

Robert HUE :
Oui, nous allons prendre une initiative importante, le parti communiste, dès les prochains jours, visant à définir un certain nombre de points forts d'urgences sociales sur lesquelles nous allons agir et fortement pendant les mois d'été et jusqu'au débat budgétaire et jusqu'au débat sur les 35 heures. Oui, ces textes sont actuellement en élaboration très très vite. Dans les jours qui viennent, ils seront au point. Et ça va être un socle avec lequel nous allons rencontrer les citoyennes, les citoyens, les salariés dans les entreprises, dans le pays pour faire avancer nos propositions. Nous allons en appeler aux citoyens et je crois que ça participe du débat démocratique.

Patrick JARREAU :
Mais avant le débat que vous annoncez pour l'automne...

Robert HUE :
Non, non, pour l'été...

Patrick JARREAU :
Il y a quelque chose qui est beaucoup plus rapide, c'est l'augmentation du SMIC qui va avoir lieu dans 3 jours, le 1er juillet. Alors, le gouvernement a décidé que, cette année, le SMIC serait augmenté du minimum légal, point final !

Robert HUE :
Écoutez, je pense que ce n'est pas une bonne chose. Je crois que ce n'est pas une bonne chose, pour la bonne raison, c'est que vous savez ce que ça va faire ? À peine 70 francs par mois pour un Smicard. Ce n'est pas suffisant. D'abord, ce n'est pas suffisant, parce que vous connaissez mon point de vue sur la relance intérieure. Je pense que toute augmentation du pouvoir d'achat participe une relance intérieure de consommation qui permet effectivement d'avancer au plan économique et en matière de croissance.

Patrick JARREAU :
Donc, qu'est-ce que vous allez faire ?

Robert HUE ;
Donc, je pense que ça n'est pas bien. Je pense d'autant plus que ça n'est pas bien que simultanément à cette augmentation du SMIC, on vient de voir dans la presse ce matin, enfin depuis deux trois jours dans la presse étrangère, ce que sont les grandes fortunes françaises. Les dix premières grandes fortunes françaises totalisent je crois 364 milliards à elles seules, ce qui fait le quart du budget de l'État. Je crois quand on voit ces sommes faramineuses de profits faits sur le dos de ces Smicards, je pense qu'il est tant de prendre en compte une démarche différente et je regrette profondément, cette démarche.

Je pense que cette démarche ne peut pas, comment dirais-je, s'inscrire dans les choix de gauche. Il me semble que ça ne peut pas être toujours les mêmes. C'est un peu ça qui ressort.

Patrick JARREAU :
Vous allez demander un rendez-vous à Lionel JOSPIN pour lui dire çà : « Il est urgent... » ?

Robert HUE :
Je n'ai pas besoin d'un rendez-vous. Je le vois régulièrement.

Et je puis vous assurer. D'abord sur les questions d'urgences sociales, je peux vous dire, ce n'est pas une révélation, lors de ma rencontre avec Lionel JOSPIN, la dernière fois, c'était la veille du scrutin, je lui ai dit mon sentiment, je lui ai dit mon sentiment sur l'urgence sociale. Je lui ai dit : « Je viens de faire là le tour de France dans le cadre de l'élection, je vois bien que dans les sondages, etc., tu as la confiance et je le sens bien ça aussi. Mais je dis, il y a une urgence sociale très forte. Attention, je vois partout des milliers de licenciements économiques, je vois partout des gens qui sont en difficulté. Je vois la précarité augmenter, Je dis là, attention que malgré que, disons, le bon climat et le fait qu'il y ait une droite éclatée qui n'inquiète pas trop la gauche, attention qu'il n'y ait pas une bombe à retardement.

C'est en cela que je suis constructif et que je dis, pour la gauche plurielle. Attention, prenons bien en compte la réalité sociale. C'est pour cela que je réponds sans ambiguïté à votre question. Je ne suis pas satisfait du tout et je lui dirai, de la limitation de cette augmentation qui est de 70 francs par mois, à côté de ces milliards.

Olivier MAZEROLLE :
Il nous reste trois minutes.. Tout de même... Vous voyez, vous nous dites : « Voyez, j'ai raconté tout ça à Lionel JOSPIN. Attention, il y a peut-être une bombe à retardement ». Oui, il répond : « Pas de coup de pouce pour le SMIC ».

Robert HUE :
Vous ne savez pas ce qu'il répond. Mais tout à l'heure vous me disiez qu'en même temps, il écoutait beaucoup le parti communiste et il était prêt à prendre en compte un certain nombre d'éléments du parti communiste, ne serait ce que dans la conjoncture actuelle. C'est votre première question, M. MAZEROLLE. Il faut savoir.

Olivier MAZEROLLE :
Il a besoin de vos votes à l'Assemblée nationale.

Robert HUE :
Mais s'il a besoin de nos votes à l'Assemblée nationale, ce n'est pas aussi mécanique que ça, parce que nous ne faisons pas une comptabilité. Nous sommes dans la majorité plurielle. Et je suis certain qu'on sera entendu sur ces questions. Pourquoi on sera entendu ? Parce que si vous pensez, un seul instant, qu'il y a que les élus communistes, les militants communistes qui sentent ça dans l'opinion. Je connais des militants socialistes, je connais des élus socialistes qui ont les mêmes échos et qui seront porteurs très certainement aussi de ces idées là. Et il y a le mouvement social, il y a les syndicats. Il faut regarder ce que disent les syndicats.

Olivier MAZEROLLE :
Et il vous répond compétitivité des entreprises, il vous répond : « Regardons ce qui se passe à l'extérieur de nos frontières ». Voilà ce qu'il vous répond.

Robert HUE :
C'est en cela que je dis, voyez combien on est utile : « Attention de ne pas céder à cette pression générale qui est une pression libérale ». Je vois bien. Il pourrait aussi me citer le manifeste de Tony BLAIR et de Gehrard SCHROEDER comme élément d'indications...

Olivier MAZEROLLE :
Vous avez entendu ce qu'il a dit l'autre jour aux députés socialistes ? Il ne faut pas que les 35 heures créent un choc insupportable pour les entreprises.

Robert HUE :
Oui, mais vous avez noté que Lionel JOSPIN est socialiste et que je suis communiste. Il y a une différence singulière. Donc, moi je n'aurais pas dit ça et lui le dit. C'est son point, de vue. Je pense qu'il ne faut pas se laisser, effectivement, enfermer dans la pression libérale, dans la pression qui s'exerce, actuellement où le patronat, où SELLIERE effectivement, fait beaucoup. Il faut beaucoup écouter les gens, les citoyens, les salariés. Ça me semble important. Et en tous les cas, nous, nous allons porter l'écho de leurs problèmes, des questions qu'ils posent dans la société.

Pierre-Luc SEGUILLON :
Pardonnez-moi de terminer par l'intendance. 40 millions, c'est le coût de votre campagne. Pour faire 3 députés européens, ce n'est pas beaucoup ?

Robert HUE :
D'abord, c'est pour faire 6.

Patrick SEGUILLON :
Non, 3 députés communistes.

Robert HUE :
Oui, mais les autres alors. Vous ne les comptez pas. Ce n'est pas votre genre, M. SEGUILLON. Non, non, il y a effectivement une dépense importante qui a été faite, qui est à peu près celle des grandes formations politiques. Je crois que le parti socialiste en est à 38 millions. Pourquoi je dis ça ? Parce que là aussi, s'il fallait recommencer, nous ferions la même chose. Il y a l'argent, le financement public et puis il y a la souscription menée par les communistes, parce que je crois que la démocratie n'a pas de prix. Et je regrette, on aura peut-être le temps d'y revenir un autre jour, mais je regrette qu'on n'ait pas pris en compte cette question essentielle de la démocratie dans ce pays. Il faut des moyens pour la démocratie. C'est incontestable. Je pense qu'une élection européenne qui se termine par 53 % d'abstention et 6 % de blancs et nuls, c'est que chose de dramatique pour la démocratie et il faut mettre des moyens pour essayer de faire, effectivement, passer la politique, pour renouer des liens avec le social. C'est ce que nous avons voulu faire.

Olivier MAZEROLLE :
En 30 secondes, dernière question de Patrick JARREAU.

Patrick JARREAU :
La démocratie dans ce pays, est-ce que ça passe aussi par la reconnaissance des langues régionales ?

Robert HUE :
Oui, je pense que le Président de la République n'a pas tenu ses engagements. Je l'avais entendu à Rennes dire qu'il accordait une importance certaine aux langues régionales. Là, son attitude est une nouvelle fois, dans le cadre de la conjoncture, de céder à la pression de quelques souverainistes.

Patrick JARREAU :
Et de Jean-Pierre CHEVENEMENT, donc ?

Robert HUE :
Peut-être de Jean-Pierre CHEVENEMENT. Mais dans tous les cas, je ne pensais pas que Jean-Pierre CHEVENEMENT avait besoin du Président de la République. Mais il reste qu'en tout état de cause, c'est mauvais. C'est mauvais ! Je crois qu'il faut qu'on crée les conditions pour que... Il n'y a pas de danger pour l'unité de la France, il n'y a pas de danger pour l'unité de la République. Il faut que les langues régionales puissent prendre leur place dans ce pays, beaucoup mieux. Ça participe aussi d'une unité dans la diversité de la France. Je crois qu'il ne faut pas avoir peur de ces avancées. Je suis vraiment inquiet de ces replis frileux. Et je répète, une fois de plus, le Président de la République, ne tient pas ses engagements.

Olivier MAZEROLLE :
Merci, M. HUE. C'était votre grand jury d'après élections. Bonne soirée à tous !